La Fierté de l'Ordre Protecteur
Kéhor. Je me nommais Kéhor. J'avais à peine vingt ans, et pourtant, j'étais déjà considéré comme un adulte et j'étais passé du côté où j'avais plus de vécu que d'avenir.
Notre monde a été détruit, n'existait plus rien ayant de véritable sens, si ce n'était qu'une vaste étendue d'une terre morte et défraîchie, pratiquement vidée de toutes ressources... et désertée de pratiquement toutes espèces vivantes. Il ne restait plus que nous, dernière civilisation humaine. Fulguris, la Cité des Lumières, une ville plutôt grande, entourée par le Dôme, un bouclier de protection, remplie de petits bâtiments que l'on aurait pu qualifier de futuriste il y a quelque dizaine d'années aux allures circulaires, lumineuses, et surtout dorées et argentées, pour ne parler que des habitations qui se ressemblaient toutes.
Nos lieux de vie comme notre géant supermarché, notre immense centre hospitalier et pharmaceutique, ou notre grand centre socio-culturel, se démarquaient bien dans le décor avec leurs aspects en argent et de lumière bleu, évidemment accompagnés de leurs insignes respectifs pour les différencier. Ces équipements sociaux, sportifs, médicaux, et finalement vitaux pour notre survie, rythmaient notre vie civile, disposés équitablement sur le territoire de la Cité.
Ajoutés aux services publics proposés par le biais de ces infrastructures, trois bâtiments très, très, spéciaux, agencés en un schéma triangulaire avec l'un d'entre eux davantage mis en retrait comme si les deux autres le défendaient, se trouvaient en plein centre de Fulguris. Ils rythmaient entièrement la vie politique, contenant ceux et celles qui nous gouvernaient et qui régulaient le poids de notre existence dans ce monde en ruines. Cet ensemble se nommait l'Oradium, se constituant, en premier, de la « Tour Justice » qui représentait une grande tour de quartz bleu ou trois arcs aux pointes vers le haut étaient également disposés en ses derniers étages, respectivement en bronze, argent, et or vers le sommet. Une immense antenne émanait de son dit sommet pour capter ce qu'il y avait à capter. Ici se tenait Monsieur le Juge Suprême, Lishter, un grand homme soigné aux cheveux bouclés teintés de bleu marine et aux yeux bleu outremer, toujours impeccablement habillé. Cet homme de la quarantaine au teint métissé était le représentant de la Justice sur tout le territoire de Fulguris, un certain ministre de la Justice si vous préférez... S'il siégeait au sommet de la Tour Justice dans son bureau immense et emblématique ou au Tribunal de Fulguris, dans les autres étages, se trouvaient mille juristes et autres employés « ministériels » si je puis-dire encore.
Le second bâtiment, la « Tour Sagesse », légèrement plus en retrait, prenait la forme d'un cristal d'améthyste violet dessiné par des escaliers bâtis en tournicoti, contenant également un grand ascenseur doré. Plus petit alors, il devrait y avoir moins d'employés. Des ailes dorés étaient postés sur le haut du cristal et semblaient protéger la tour en se refermant presque sur elle (un peu comme dans un vieux jeu d'une ancienne incontournable multinationale de jeux vidéo de console portative ou de salons, vous savez, qui agissait comme un crossover regroupant toutes ses licences phares) et l'ascenseur menait à une sphère tout aussi brillante où se tenait le bureau de la Régente, celle qui avait le dernier mot si les députés ou les citoyens ne pouvaient se mettre d'accord, celle qui avait l'influence et la confiance de toute la société fulgurienne, Lumisthray. Elle était une femme au teint pâle, aux longs cheveux blond platine avec deux mèches vertes scintillantes lui entourant le visage, mettant en valeur ses yeux joliment roses. Puis, si on ajoutait son armure dorée avec ses diamants de puissance, wow, le style à l'état pur, véritable expression de l'étendue de sa force.
Pour terminer, la « Tour Courage » ressemblait à plusieurs sphères grillagées de fenêtres de différentes tailles, où la dernière ressemblait à Saturne avec plusieurs semblants de disques. Plus sobre et plus petit que les deux autres, il agissait comme le Ministre de la Défense, représenté par le Général Vonkyeir, qui s'occupait de protéger Fulguris et de l'approvisionner pour que chaque être en son sein ne manque jamais de rien.
Voici l'Oradium, ces trois instances étatiques dont chacune était responsable d'un pouvoir, l'équilibre dont se reposait entièrement la Cité des Lumières.
Par ailleurs, nous nous surnommions la « Cité des Lumières » mais nos modes de vie étaient assez primitifs à l'ère actuelle des choses, notre ville éclairait beaucoup moins bien que durant son apogée, depuis... cet enfer.
Autrement, repartons un peu sur moi, juste quelques mots. Dans la vie, j'étais soldat dans ce que l'on appelait « l'Ordre Protecteur », la force humaine de Fulguris. Notre but était de repousser les hordes de Bloodsters, des monstres humanoïdes aux grands yeux entièrement noirs et aux corps entièrement nus et dénués de couleur, s'ils s'accumulaient en trop grand nombre auprès du Dôme. Par période, en l'occurrence les pleines et nouvelles Lunes, leurs apparitions étaient nettement plus importantes. En outre, cela était peut-être cliché mais ils venaient toujours la nuit, comme s'ils avaient horreur de la lumière du jour - après tout, ils étaient si blafards que la lumière du Soleil serait sûrement capable de les tuer, même s'il éclairait avec nettement moins d'intensité depuis l'Apocalypse qui avait fait augmenter la brume dans l'atmosphère. A moins que ce ne soit la couche d'ozone qui s'était reformée ? Je n'étais pas très cultivé sur la question, je vous avouais.
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A l'instant actuel des choses, je me trouvais dans les casernes principales de l'Ordre Protecteur, celles où l'on n'allait jamais puisqu'elles étaient réservées aux élites de l'armée. Par déduction, les casernes secondaires nous étaient strictement réservées. Alors, évidemment revêtu de l'uniforme de l'Ordre, une armure près du corps d'argent avec, au milieu de chaque partie, des faisceaux lumineux bleus, nous étions tous alignés en ce jour si spécial. A mes côtés, se trouvaient mes frères et sœurs d'armes les plus proches : Walékair, l'Intelligent du groupe, un grand et fin, aux courts cheveux châtains avec des yeux vert foncé ; Stormérah, la Guerrière du groupe, aux cheveux rouges qui lui arrivait jusqu'au cou avec des yeux bleu polaire, petite mais élégante et agile ; et pour finir, Joy, l'élément fédérateur, notre optimiste idéaliste toujours prêt à détendre l'atmosphère ou nous rendre le sourire, aux longs cheveux bleu foncé, yeux bleu clair, aux morphologies petites et sèches.
En face de nous se tenaient une poignée de colosses en une armure encore plus conséquente que la nôtre reprenant le même style mais le blanc devenait noir et le bleu se voyait troquer par du rouge, et ils portaient des casques futuristes reprenant l'allure des chevaliers avec une longue plume qu'on croirait radioactive en vue de l'aspect du coloris.
Puis, de toute sa prestance, la double-porte s'ouvrit sur le majestueux Général Vonkyeir, grand et musclé, au teint cuivré, laissant librement ses longs cheveux violet sombre, avant de se positionner sur un piédestal et jauger l'assemblée de ses yeux bleu-gris acier.
Nous étions ainsi rassemblés pour les résultats des concours annuels pour espérer entrer dans l'ordre sacré de la Ligstraal, pour devenir un Straaler, comme les colosses en armure noir et rouge. Malgré notre rêve commun de gloire et de reconnaissance que ce titre pouvait nous apporter, que nous espérions pourtant tous obtenir un jour, nous semblions n'être qu'une petite trentaine à y avoir participé.
Pourquoi y avait-il autant de prestige ? Ces Forces spéciales étaient un véritable atout pour la Cité des Lumières. Les Fulguriens les considéraient comme leurs héros, en l'occurrence parce qu'elles partaient en exploration pour fournir l'Universalis à toute Fulguris et tous les Fulguriens. L'Universalis était l'énergie bleu radioactive que l'on drainait des minerais, métaux, et autres ressources afin de faire fonctionner la ville, que ça soit tant en électricité, gaz et tout autre énergie thermique, et le plus fabuleux : les denrées agroalimentaires, en particulier les fruits et légumes ainsi que les liquides, l'eau pour être plus exact. Bref, tout, on pouvait tout faire avec. Donc oui, on détruisait l'essence originelle des objets pour en créer d'autres. Et un de ces quatre, nous n'en aurions plus car cela ne se recyclait pas comme le plastique ou le carton, pour ça que l'on se rationnait très, très minutieusement - surtout que ça dépendait des récoltes des Straalers. En plus de la récolte d'objets à drainer pour la réserve de l'Universalis, ils partaient chasser les Animonstres - puisque à cause de tout ça, les espèces vivantes ayant survécu à l'Apocalypse ont été obligé de muter s'ils espéraient pouvoir continuer à perdurer - pour la nourriture primaire à fournir.
C'était un jour d'une grande importance et le Général Vonkyeir venait de s'éclaircir la gorge, prêt à débiter son discours de sa voix d'orateur exceptionnel.
— Bonjour chers protecteurs de la Nation, bonjour chers compatriotes, celles et ceux que les habitants de la grande Fulguris acclament ! Avant toute chose, je voulais toutes et tous vous remercier de vos loyaux services et pour vos actions d'utilité publique ! Lumisthray vous est profondément redevable, puisque sans vous, Fulguris ne serait plus du tout cette cité si prestigieuse. J'aimerais également ajouter, j'aimerais vous remercier personnellement pour être toujours plus ambitieux pour rejoindre la Ligstraal, nous obligeant à mettre la barre toujours plus haute. (Il instaura un suspense et effectua une posture stylée de dramaturge :) Sans plus attendre, je vous prie d'annoncer les heureuses élues et heureux élus ayant réussis les épreuves !
Puis, il énonça un à un les heureux participants aux formations pour devenir de nouveaux Straalers, pour renforcer les Forces Spéciales les plus prestigieuses, par ordre alphabétique, en invitant les candidats sélectionnés à s'avancer sur la scène.
Quelques noms furent énoncés, nous passions de B à G en deux secondes. Nous croisions les doigts quand des noms en J furent énoncés. Hélas, nous étions directement passé au « K ». Tout le monde autour de Joy, nous nous serrions pour le consoler. Mais, passant de la glace à la chaleur, et surtout contre toutes attentes, le nom auquel je n'aurais jamais pensé fut prononcé... « Kéhor ». Le mien. LE MIEN, vous vous rendez compte ?! Nous n'étions que cinq en liste !
Alors, à peine étaient-ils en train de consoler Joy, qu'ils me sautèrent dans les bras pour me féliciter de la prouesse.
La claque fut cependant beaucoup plus dure dès lors que je m'étais avancé aux côtés du Général Vonkyeir. En effet, nous étions très vite passé à la lettre V. Stormérah avait donc été recalée... et je ne vous la faisais pas, même l'excellent élément Walékair n'avait pas été appelé. Pourtant, il méritait ma place tellement plus que moi, vraiment. Je ne disais pas cela car il était mon meilleur ami.
A la fin de la cérémonie, nous n'étions que sept admis dans l'illustre Ligstraal. Celle-ci s'acheva sur un dernier discours qui était largement accès sur le succès des élus. Le Général Vonkyeir cita chacun de nos noms et nous félicita personnellement mais brièvement avant de nous convoquer incessamment sous peu pour commencer les formations pour devenir de vrais Straalers.
— Je vous prie d'applaudir nos sept heureux élus pour rejoindre la glorieuse Ligstraal pour leurs efforts et leur loyauté sans faille à l'Ordre Protecteur ! Ils pourront enfin atteindre le rang de Légende et ainsi prendre le flambeau de nos plus anciens Straalers ! Je suis heureux de vous voir gravir les échelons et ravi de pouvoir prochainement vous retrouver dans mes rangs les plus prestigieux et proches du pouvoir. Votre vie va changer du tout au tout ! Vos projets deviendront encore plus grands ! Et votre gloire personnelle retentira dans tout Fulguris !
Sous une pluie d'applaudissements, le Général Vonkyeir fit balayer sa cape dans le vide et tourna les talons, les portes se refermant sur lui et ses gardes-du-corps, emportant toute sa prestance avec lui.
Je ne le savais pas encore mais ce jour allait bouleverser toute ma vie. En effet, j'allais rejoindre l'élite qui nous faisait de l'œil depuis que nous étions tout petits.
***
Mon intégration se passa beaucoup plus facilement que je ne le pensais. Nous avons reçu des formations pour considérablement augmenter nos capacités combatives, principalement pour comprendre les mécanismes des équipements qui dépassaient nettement la puissance ainsi que le côté pratique et stratégique des militaires de l'Armée de l'Ordre Protecteur. Au commencement, c'était très laborieux mais en réalité, ces nouveaux équipements terriblement plus performants étaient un bijou sur le terrain et faisaient la nette différence. Forcément nous avions également reçu des modules pour nous expliquer nos nouvelles tâches, donc nos motifs d'intervention principalement en dehors des alentours du Dôme. Chaque membre de la Ligstraal possédait une grande et imposante armure de chevalier de type « SF » si j'osais dire, et nous étions principalement reconnaissables par la couleur de nos lumières et principalement celle de la plume de lumière, que je pensais holographique, sortant du casque. Les principaux membres avaient le luxe d'intégrer une couleur primaire, la deuxième génération de membres une couleur secondaire et nous, les nouveaux, devions choisir une teinte parmi les dernières existantes, des « entre deux teintes ». Alors j'ai choisi une espèce de bleu-violet insignifiant.
Le rouge unanime lors des cérémonies était une tenue solennelle qui visait à effacer la hiérarchie lors d'un événement où ils n'étaient plus des individus mais un groupe, les Straalers de l'Ordre Protecteur.
Pour débuter, nous avions toujours un ou deux référents parmi les plus performants de la Ligstraal et nous n'étions envoyés « que » pour extraire des matériaux au fond de certaines galeries qu'ils avaient déjà découvertes pour terminer l'extraction de matériaux ou chasser les Animonstres pour nourrir la population de Fulguris. Parfois, ils nous programmaient quelques sauvetages de renégats aux alentours du Dôme, comme pour nous tester de temps en autre - oui, les militaires ne se chargeaient jamais des sauvetages mais strictement de repousser les Bloodsters de l'intérieur et évitaient à tout prix de devoir y sortir. En effet, des personnes partaient de Fulguris car ils se sentaient soi-disant plus « libres » et plus « protégés » en dehors du Dôme, ces personnes étaient donc catégorisées et stigmatisées de « renégats ».
En outre, le Général Vonkyeir, notre supérieur presque direct et presque omniprésent dans l'organisation des Straalers au lieu de n'être qu'une image dans l'Armée entière, était fier de mes prouesses. Je ne savais pas si ce n'était qu'une impression mais j'avais le sentiment d'être l'un des seuls nouveaux à recevoir ses éloges privilégiés. Dans le sens où je fus rapidement lancé dans des raids pour détruire des colonies de Bloodsters avec les plus performants, soit les Secondaires ou les Transversaux. Mais pouvait-on dire que c'était une marque de confiance, d'intérêt ? Puisque peu de temps après, mes compères ont également intégré les missions de terrain disons « plus dangereuses » où là, les référents hiérarchiques n'étaient pas deux mais au moins quatre ou même cinq. J'étais devenu la fierté de mes trois amis, que je continuais à voir régulièrement... avant que mes fonctions deviennent trop chronophages et que mes engagements ne déterminent le reste de ma vie.
Avec le temps, nous étions envoyés de plus en plus loin de Fulguris et nous nous sentions parfaitement intégrés à l'équipe de la Ligstraal, en l'occurrence pour trouver de nouvelles mines pour y extraire des minerais et pour sauver des tribus de renégats.
Par ailleurs, je parlais de responsabilités précédemment, j'étais l'un des nouveaux référents des excursions pour trouver de nouvelles mines. A cet instant, j'étais convaincu que le Général me portait en haute estime par ce geste de générosité. Il comptait sur moi et je n'avais pas le droit de le décevoir... même si je ne comprenais pas toujours les conseils de mes aînés. En effet, nous pouvions sauver des tribus de renégats, mais ils trouvaient cela dérangeant que je vienne en aide à des renégats isolés. J'avais ainsi pu apprendre qu'ils existaient aussi de vrais survivants, nous n'étions pas les seuls à avoir survécu à l'Apocalypse, mais nous étions la dernière civilisation, la dernière ville encore debout.
Ce genre d'excursions me poussait à partir longtemps et revenir peu car le Général avait tendance à privilégier ma présence dans ces excursions. Je me sentais fier d'être l'un des « chouchous » du grand patron de l'Ordre Protecteur mais d'un autre côté, j'étais embêté de ne plus pouvoir voir mes amis aussi souvent et, j'avouais, j'avais peur d'y laisser ma peau : Vous vous rendez compte ? Mourir loin de Fulguris, donc laisser mes proches faire leur deuil sans mon corps ? Inconcevable ! Ou moins extrême : subir un drame, devoir se séparer et se perdre en route... et ne jamais pouvoir revenir sur le sol de la Cité des Lumières.
Autrement, j'avais été, paradoxalement, réprimandé par le Général en personne pour mes actes « beaucoup trop altruistes » selon lui et que je ne devais risquer mon existence uniquement pour servir mes missions. J'avais alors été contraint d'arrêter de sauver les renégats isolés trouvés sur notre route, être forcé de repousser - quelquefois avec violence - les groupes de survivants qui ne demandaient parfois que de l'eau et j'avais été obligé de faire des choix pouvant faire douter la Morale : Abandonner lâchement une famille dans le besoin ; laisser mourir un adolescent prétentieux et insouciant sous les serres des Bloodsters alors qu'on protégeait le camp en question car il avait décidé de traverser le mini-Dôme de fortune - un mini gadget ultra pratique ! - ; ou laisser une femme tombée dans un niveau inférieur dans une grotte et dévorée sous une meute de canidés Animonstres affamés... et j'en passe. Le groupe passait avant l'individu, et j'étais obligé de respecter ce genre de valeurs contestées.
***
À mon retour à Fulguris après quelques longues missions, mes amis me révélaient que je leur manquais, que ce n'était plus pareil depuis que je n'étais plus là. D'un autre côté, fut indiqué un indice douloureux : J'avais changé, je n'étais plus le même. J'avais, concrètement, intériorisé le comportement d'un Straaler. Et, tandis que je rentrais faire mon rapport au Général Vonkyeir, une vieille SDF vint m'interpeller. Elle paraissait âgée, cassée, rabougrie, ses yeux bleus presque blancs démontraient un passé douloureux et aguerri, ainsi que des longs cheveux auburn qui avaient l'air décoloré et asséché à cause de la venue d'une invasion de cheveux blancs ou, du moins, nettement plus clair.
Elle s'était agrippée à ce plastron qui me rendait si fier en le secouant de manière désespérée, même si la force semblait l'avoir quelque peu désertée. Mais plutôt bien conservée pour une mamie !
— Kéhor ! Ne te laisse pas embobiner par les belles illusions de Vonkyeir, c'est un piège où tu ne sortiras pas vivant ! Je t'en prie, ouvre les yeux ! Il va détruire Fulguris ! Notre havre de paix...
— Vous êtes qui ? Je suis un loyal Straaler. Vous devez savoir que ce genre de propos sont prohibés, à moins que vous ne vouliez être condamnée pour atteinte de folie ? demandais-je, dans le plus grand des calmes, sans bouger d'une semelle.
— Je suis Alitheia, rappelle-toi de moi. Regarde ce qu'ils ont fait de moi. Je ne suis plus que le reflet de moi-même !
Face à ces mots, mon regard insistant, j'eus un flash. L'image de la Straaler en armure rouge, l'une des couleurs primaires, une militaire spéciale du premier cercle. Mais, cette Alitheia était si impressionnante. Celle-ci n'avait rien d'exceptionnel tellement elle paraissait faible et brisée.
— Vous avez été remplacé par l'ancien Straaler Orange, qui lui-même a été remplacé par un Straaler ayant une couleur chaude s'y approchant, parce que vous avez été retirée de vos fonctions pour idéologies séparatistes et complotistes. Le Général voue une passion presque mortelle pour la protection de Fulguris, vous devriez avoir honte de vouloir le faire descendre !
Je commençais à m'énerver. A cause d'un désaccord, elle avait juste décidé d'utiliser les suspicions des renégats pour écarter le Général. J'étais sûr qu'elle convoitait juste sa place, la traîtresse. Même les hauts placés pouvaient être mauvais, même dans la Ligstraal alors que nos Représentants de la Sagesse, de la Justice et du Courage ainsi que tous leurs Associés œuvraient ensemble pour le bon fonctionnement de Fulguris, ultime civilisation humaine. Je commençais à la repousser pour m'éloigner, mais elle tenait bon, la folle à lier.
— Attends Kéhor... J'étais comme toi avant. Une militaire qui cherchait la reconnaissance, la gloire. Moi aussi, le Général m'a fait confiance et j'ai rejoint l'élite des élites. Il me portait aussi en grande estime. J'ai gravi les échelons car il avait confiance en mon potentiel, tu verras il fera pareil avec toi. Mais... depuis quelques temps, je trouvais qu'il avait changé et j'ai découvert des choses. On ne peut pas faire confiance à Vonkyeir.
— Tu devrais être mise sur le bûcher pour tenir de tels propos au sujet de notre Protecteur à tous, dis-je en relâchant ma colère, presque de manière triste pour elle.
Elle fut dans l'obligation de se résoudre d'arrêter sa dévotion pour m'imposer sa vision erronée des choses. Alors, elle relâcha son étreinte et laissa lourdement ses bras retomber le long de son corps et lâcha une dernière phrase :
— Je ne t'empêche pas de partir, de réaliser tes rêves, même s'ils peuvent changer en cours de route mais... Si les Straalers gradés ne partent pas forcément d'eux-mêmes avec la retraite ou en trouvant la mort sur le champ de bataille, comment l'Ordre Protecteur fait-il pour permettre aux jeunes recrues de passer d'un cercle à l'autre dans la Ligstraal ? Il n'y a pas une infinité de couleurs primaires ou secondaires.
Une fois qu'elle eut terminé, elle se retourna et elle disparut dans les rues de Fulguris. Pour vous dire, je ne l'avais jamais revu de toute mon existence. De toute façon, je n'avais pas vraiment le temps d'y penser, je partais dans peu de temps pour une nouvelle exploration. Une exploration qui déterminera malgré moi mon avenir.
***
Cette fois, ce fut le Cercle secondaire qui avait été convoqué pour cette exploration ainsi que le Cercle transversal. Ce dernier était composé de Straalers Blanc, Noir, Gris, Argent et Or ; ils faisaient plutôt bande à part, mais ils étaient au même niveau que le Violet, le Vert, et le Orange au sein de la hiérarchie de la Ligstraal. Je ne savais pas trop comment les décrire tellement ils ne me paraissaient pas humains. Personne parmi les Tertiaires, nous ne les avions vus sans leur armure, mais ça restait d'excellents combattants... nettement meilleurs que les Primaires qui, malgré leur possession du statut de Héros, s'affirmaient davantage par leur domination au Conseil de la Ligstraal ou dans toutes les affaires diplomatiques. Bref, autrement, ne me demandez pas pourquoi mais le Général Vonkyeir m'avait rajouté à la dernière minute sur cette exploration où il n'y avait aucun Tertiaire car elle était désignée comme trop dangereuse.
En effet, nous devions traverser les Marais de la Mort avec les ronces mortelles et les nuages toxiques pour libérer une importante colonie de renégats. Aussi, quelle idée d'aller là-bas... ça grouillait de partout. Les renégats n'étaient vraiment pas très brillants.
Nous nous étions rendus à la frontière avec les Marais de la Mort en quelques jours en prenant les véhicules les plus rapides de l'Ordre Protecteur pour l'occasion, autrement nous aurions pris trop de temps et la colonie aurait été décimée. Nous nous équipions d'une super-armure, dépassant celle que nous avions déjà, avec des masques à gaz ultra performants. Bref, du matériel dernier cri, presque neuf, utilisé que dans de grandes occasions comme celles-ci. Devrions-nous nous inquiéter ? La dangerosité de la mission semblait extrême, mais je trouvais notre nombre extrêmement peu, paradoxalement.
Et, le moins que l'on puisse dire, c'était que ce fut tout sauf une partie de plaisir. Nous avions d'abord dû braver le brouillard toxique, habitant et entourant les marais, et trouver un passage entre les ronces mortelles. Par chance, il y avait des ouvertures partielles dans l'ensemble du maillage, même si certains endroits étaient nettement plus déblayés que d'autres.
Hélas, même si le chemin n'avait pas l'air vraiment difficile à traverser si nous contrôlions minutieusement nos gestes pour ne pas toucher les épines empoisonnées, un élément vint nous compliquer la tâche. Comme si ce n'était pas suffisant, des silhouettes humanoïdes nous attaquèrent. De par leur posture presque bestiale et leur corps allongé, nous ne nous opposions à aucun doute : Il s'agissait de nos ennemis de toujours depuis l'Apocalypse.
Nous étions dans un espace circulaire entre les ronces, où trois chemins étaient possibles, deux vers notre direction, le brouillard envahissant l'espace et nous permettant de seulement d'identifier des formes.
Nous sortions nos grands pistolets lasers avec plusieurs calibres, prêts à faire feu tout autour de nous. Et, accessoirement, réveiller la faune, si toutefois il y en avait encore des êtres vivants ici avec cette odeur putride et cet environnement mortuaire. Même l'espace respirait la mort et son envie de tous nous mortifier.
C'était vraiment le territoire des Bloodsters. Dès que nous avons abattu la première vague, une seconde arrivait de manière décuplée. Seules nos bombes cosmiques parvenaient à rétablir l'écart. Jusqu'à ce qu'ils traversent les ronces et que nous nous disions que nous étions foutus... Mais au moment le plus crucial, in extremis, une silhouette apparut au milieu de nos rangs. Les bras tendus vers le ciel, tournoyant sur elle-même, de longs cheveux blancs aux reflets argentés, celle-ci lâcha une bombe rouge. Une fumée rougeâtre jaillit et les Bloodsters et les potentiels Animonstres des alentours agonisèrent avant de s'écarter abondamment. Elle cria avec assurance en pointant du doigt l'un des deux chemins :
— Straalers ! Par là-bas ! Il y a d'autres soldats là-bas et la colonie que vous comptez escorter ! Allez, les effets de la Roybomb se dissipent vite ! Et vous n'êtes pas habitués à ces radiations, il faut y aller !
Sans attendre, nous accourrions dans la direction énoncée par la jeune femme, véritablement impressionné par celle-ci rien que part son entrée en scène, pour nous mettre à l'abri.
Rapidement, nous fûmes accueillis dans la colonie protégée par de longues haies de ronces. Longues haies, imposantes, comme des murs qui entouraient leur civilisation de reclus et d'exclus. En vue des pôles correctement dessinés au sein de l'espace d'habitation, ces renégats semblaient être les plus préparés que j'avais jamais vu de ma vie. Ils n'avaient pas l'air si forts que cela pour les offensives, mais ils avaient inventé suffisamment d'appareils et d'armes pour largement pouvoir lutter contre les assauts des Bloodsters. A contrario, les hommes de main de la jeune femme qui était venue à notre secours semblaient être de véritables soldats prêts à faire face à n'importe quelle situation périlleuse.
Après s'être ressourcés durant quelques jours au sein de cette communauté des plus chaleureuses et cohésives, nous avions observé son habitat et rapidement, nous décelâmes des problèmes dans leur infrastructure de défense qui semblait pourtant totalement opérationnelle. Ce n'étaient pas des professionnels, ils avaient un véritable talent, et pourtant ce n'était pas suffisant pour retenir une menace d'aussi grande envergure que celle des Bloodsters. En effet, il y avait une seule faiblesse dans le maillage et ces bestioles inhumaines et sombrement intelligentes ne s'en privèrent pas. Nous éclairions leur lanterne quand ils nous demandèrent pourquoi ils attaquaient toujours du même côté depuis quelques temps. Vous le voyez venir mais... tôt ou tard, ce maillon allait céder, et ils envahiront cette communauté conséquente de renégats. Nos modifications avaient permis de retarder ce jour funeste, enfin nous l'espérions. Le Général Vonkyeir nous faisait confiance, nous ne pouvions perdre personne ici. Par chance, nous avions l'aide de cette jeune femme et sa troupe. Je devrais sûrement aller lui parler pour en savoir un peu plus sur tout cela.
Avec une assiette de vivres exquis bien entamée, je sortais de la grande tente rouge où nous avons élu notre salle de commandement et nos logements dans les petites tentes adjacentes pour rejoindre la tente blanche de taille moyenne. C'était la salle de commandement de la jeune femme et les hommes qui l'accompagnaient, mais de ce que je comprenais en vue des allers-retours répétitifs, cette tente prenait plutôt la fonction d'un refuge autant pour se nourrir, boire, et se soigner puisque tout le monde pouvait bénéficier de ces services. Ces renégats étaient parfaitement équipés pour des personnes du dehors, là où il n'y avait presque plus rien si ce n'était la désolation et la menace des Bloodsters et des géants Animonstres.
Je me permis alors de rentrer et je vis la jeune femme aux longs cheveux violet très pâle qu'on aurait pu croire qu'ils étaient blancs, aux reflets argentés pour donner un côté brillant, équipée d'une tenue fortifiée tout de même mais elle avait sûrement délaissé son armure bleu azur pour paraître plus accueillante. Elle était aux petits soins d'une vieille dame qui vraisemblablement était malade. En m'approchant vers elle, moi aussi déséquipé de mon armure mais possédant tout de même mes protections qui se trouvaient toujours en dessous, à visage découvert, elle tourna subitement la tête en m'ayant repéré de loin. Je parus sentir une certaine suspicion, presque un certain dérangement, avant que cette impression ne se dissolve complètement. Elle restait méfiante, et cela ne m'étonnait guère pour quelqu'un de sa trempe.
— Bonjour, excusez-moi, pourrait-on échanger quelques mots ?
Elle sembla broncher en se retournant avec la vieille dame qui semblait adorable, que ce soit avec elle comme avec moi. Son air réfléchi disparut et elle appela, accompagné d'un geste de la main l'un de ses collègues aux cheveux bleu électrique aux yeux d'un rose précieux.
— Jayko Soréo, tu veux bien t'occuper de la petite Fynettel, s'il-te-plaît ? Tu serais parfait ! Merci beaucoup.
Ils parlaient et regardaient sérieusement, mais leurs mots employés et leurs gestes exprimaient une véritable affection. Je me trouvais presque offusqué de voir autant d'affection démontrée en public. Cela appartenait à l'ordre de l'intimité à Fulguris, mais nous savions déjà que les renégats avaient des normes beaucoup plus délurées que les vraies normes de la Lumière. Et elle avait cité deux noms, non ? Pourquoi n'y avait-il qu'une seule personne qui se ramenait ? Bien étrange ces codes chez les renégats.
Le jeune homme serviable la remplaça et elle me fit entrer dans une petite tente derrière. La seule qu'ils avaient, leur seul endroit d'intimité ici. Et, à ce que je voyais, ils dormaient aussi chez les habitants puisqu'il n'y avait pas un seul lit de fortune ici. Décidément, nous n'avions pas du tout les mêmes manières de vivre, les mêmes coutumes. Nous mettions de la distance avec le public à sauver tandis qu'eux, au contraire, semblaient limiter cette distance le plus possible. Pour le coup, je ne pensais pas qu'une des deux méthodes était meilleure.
Elle me regardait toujours avec cet air ennuyé. Ce moment me permit de mieux voir les détails physiologiques qui la composaient, comme ses yeux jaunes en amande ou son teint pâle aussi blafard. Elle allait répondre quelque chose de bien sec si je ne commençais pas... et nos rapports seront alors sérieusement emmêlés au lieu d'être seulement tendus.
— Alors, comme ça, vous êtes leur cheffe ? demandais-je d'un air que je voulais léger.
— Te fatigue pas. T'es pas à Fulguris, tu peux retirer le balai que tu as là où je pense. Ici, le vouvoiement est mal vu, et mal placé, pour quelqu'un qui t'as sauvé la vie, répliqua-t-elle immédiatement une fois m'avoir laissé terminer, vivace.
— D'accord... je vous... je suis sincèrement reconnaissant pour votre aide, avec tes compagnons.
— Ce sont pas mes compagnons. Je suis pas leur cheffe. Ce sont des compagnons de route. Je suis une solitaire, mais pas une suicidaire, j'apprécie la compagnie de vrais humains quand même, répondit-elle, toujours aussi froide.
« Les vrais humains » était une expression de renégats pour les surnommer. A leurs yeux, les membres de l'Ordre Protecteur ne protégeaient que des Inhumains et les humains sous leur coupe, les Fulguriens, étaient si écrasés sous son joug qu'ils ne pouvaient exprimer leur humanité. Des foutaises, Fulguris, la Cité des Lumières, était la civilisation la plus saine qui n'avait jamais existé depuis longtemps.
— D'accord, d'accord... Et je t'avoue que c'est bizarre de tutoyer une personne que j'estime puisque j'ai une dette envers elle, avouais-je timidement.
— Te fatigue pas avec tes louanges. C'est tes chefs qui t'envoient, je suis sûr, rien qu'à voir ta couleur de bleu. Qu'est-ce qu'ils veulent ? questionna-t-elle, droit au but.
J'accusais le coup, même s'il faisait mal et resterait longtemps en travers de ma gorge. Mais je devais rester digne, ne pas réduire à néant mon initiation de glaner des informations hautement confidentielles... Aucun membre de l'Ordre Protecteur n'avait réussi à tisser des liens dans une communauté de renégats pour y connaître leur organisation interne.
— Ce ne sont pas mes supérieurs qui m'envoient, j'y vais de mon propre chef, répondis-je avec une assurance franche, ce qui ne semblait point lui déplaire, au contraire, alors je poursuivis avec aisance. Je voulais en apprendre plus sur mes alliés, nos sauveurs, sans qui nous n'aurions rien pu faire dans ces marais nécrotiques. Surtout toi, comme tu nous as sauvé avec cette espèce de bombe lacrymo au gaz rouge. C'était stupéfiant.
Une lueur traversait son regard, comme si je parvenais à désenclencher quelque chose. Elle ne souriait pas, mais elle semblait intéressée par la conversation.
— C'est du Smogomax. Il y en avait déjà avant, du Smog, mais depuis l'Apocalypse, il est devenu plus puissant et des nuages de Smogomax passent beaucoup plus régulièrement dans le paysage. Il est capable de nous tuer au début de son exposition car notre corps ne le connaît pas et il agit par surprise... une surprise mortelle. Mais, on s'y habitue très vite après en avoir traversé plusieurs, d'avoir lutté pour sa survie. Et, toujours, cela reste plus facile pour les corps résistants. Pour ça aussi que les animaux ont dû muter pour résister, la vie s'est adaptée.
— Je te remercie pour ce petit cours. Je ne savais pas que le Smog avait muté, même si cela paraissait logique... Notre ancien Dôme n'était plus assez résistant pour lutter contre la menace bloodster, à ce qu'il paraît.
Elle paraissait alors troublée par ma réponse. Je sentis presque un sentiment désolé et sincèrement compatissant à mon encontre... même si je ne comprenais pas exactement pourquoi à l'instant T. J'étais bien trop bloqué dans mes idéologies pour pouvoir les questionner.
— A l'écoute du choix de tes mots, je sens l'hésitation. Alors, les choses ont pas changé à Fulguris... L'information est toujours aussi subtile, pas toujours très bien définie... La menace des Bloodsters était une excuse, même si le renforcement du Dôme n'a pas fait de mal. Vos dômes portatifs le démontrent bien, il serait temps qu'ils vous procurent une mise-à-jour... si c'est dans leur plan.
— Quoi ? Mais l'Oradium ne veut que notre bien ! défendis-je, vaillamment, complètement patriote. Vous pourriez être accusé de traîtrise !
Elle soupira, sûrement face à la distance que je venais de réinstaurer, mais je ne pouvais empêcher ces rebelles de salir l'image de notre si belle Nation des Lumières.
— La Sagesse veut que notre bien. La Justice impose les règles pour éviter l'anarchie. Mais l'Ordre Manipulateur, n'essaye pas de me faire croire que vous œuvrez uniquement pour de loyaux desseins !
Mais quel était ce nouveau nom ridicule ? Je ne pouvais m'empêcher de m'énerver, tapant du poing sur la table où elle était précédemment posée.
— L'Ordre Protecteur n'est là que pour protéger l'être humain, permettre sa survie. Tout le monde ne veut ou ne peut pas prendre les armes. Des personnes doivent prendre ce fardeau, cette destinée en main. Je ne vous laisserai pas salir le nom de mon armée, et dans la continuité, salir mon nom.
Plus je parlais, plus je prouvais ma détermination, plus son esprit semblait s'éclairer, et moins elle ne s'énervait. Il n'y avait rien à faire contre un conditionnement, lutter contre n'aidait généralement à rien.
— Tu trouves ça normal que le Courage choisisse les personnes qu'il faut sauver, toi ?! Tu trouves ça normal que les Straalers soient si conditionnés qu'ils laissent des familles mourir de faim ou déchiquetées par des monstres ?! Tu trouves ça normal que les Straalers tabassent des groupes de survivants expérimentés ? Tu trouves ça normal qu'il y ait un clivage entre les survivants, les vrais humains ou renégats comme vous nous nommez, seulement une élite qui soit sauvée et réincorporée à Fulguris ?!
Je... raaagh. Je me prenais les mains dans les cheveux, tirant avec violence. Je ne savais pas quoi faire, que dire. Mes pensées se bousculaient dans mon esprit, s'entremêlant avec les siennes. Tout ceci n'avait aucun sens ! Et je ne pouvais lâcher mes idéologies, car cela serait lâcher l'éducation que j'avais reçu depuis que j'étais tout petit !
— Sais-tu pourquoi les vrais humains partent de Fulguris ? Pourquoi ils fondent de nouvelles civilisations avec rien pour se créer des petits paradis comme celui-ci ? Et... pourquoi leurs chefs cèdent face à la pression du Général ?! C'est un bras de fer entre la Liberté ou la Tranquillité ! Mais hum, ouvre les yeux, bon sang !
Je n'en pouvais plus de l'entendre déblatérer ces bêtises si logiques entre elles. Ou entendre les bêtises de cette Alitheia... Mais elles n'allaient pas dans le sens de tout ce que j'avais appris, cela ne pouvait être que des erreurs, du codage erroné dans les programmes annexes... il fallait se référer au programme mère et reformater tous les autres... ou Fulguris tombera.
J'allais sortir la phrase la plus audacieuse de toute ma vie, mais un cri d'horreur m'en empêcha. Nous nous regardions avec appréhension, prêts à dégainer nos armes. L'instant suivant, un hurlement monstrueux accompagna d'autres cris de terreur. Et malheureusement, ce ne fut pas le dernier.
— Bon, j'aurais essayé. Mais j'ai espoir de te faire comprendre la vérité. Pour le moment, on va devoir s'entraider. Ce village doit être sauvé, sourit-elle avec détermination.
— Oui, peut-être que des idéos nous éloignent, mais nous avons un but commun ici même, dis-je en souriant moi aussi, paisiblement.
J'appuyais sur le cristal lumineux au creux de mes pectoraux et mon armure apparut presque illico presto. La jeune femme enfila son armure bleu azur pratiquement en même temps. Wow ! Ensuite, nous soulevions la bâche blanche et entrions dans la bataille.
Au sein de cette communauté de renégats si chaleureuse régnait désormais le chaos. Les enfants criaient, les femmes et les hommes tentaient de se cacher pour préserver leur progéniture, les guerriers de la base tentaient d'utiliser leur arsenal de pointe pour limiter l'invasion des Bloodsters, et nos corps armés étaient déjà sur le front pour préserver le plus de civiles possibles. Les Transversaux assignaient une importance particulière sur ce point. D'ailleurs, Argent venait de secourir Rouge d'une embuscade de ces monstres humanoïdes. En revanche, avouons-le, les guerriers n'avaient aucune chance... leur arsenal était inefficace au sein de la base. Nos lames transpercèrent les quelques êtres qui nous faisaient face et ce fut dans ce genre de cadre que nous reprenions contact avec la réalité.
Ma foi, cela ne me dérangeait absolument pas de faire équipe avec une renégate. Elle se battait avec excellence, autant mettre toute force humaine à profit, après tout.
Nous parvînmes à nous ouvrir une brèche jusqu'au camp de refuge qu'ils avaient réussi à organiser au sein de la base. Les Transversaux attaquaient les Bloodsters seuls en plein milieu de la base, tâchant de sauver les guerriers bloqués dans les remparts ; les hommes de la jeune femme assuraient la défense d'un cercle autour du camp d'infortune et les Primaires protégeaient le camp en lui-même avec notre aide si jamais quelques malencontreux auraient réussi à traverser.
Nous nous tenions au courant de la situation. Mes supérieurs colorés tentaient de trouver une solution avec le fameux Jayko. Je ne pus m'empêcher de glisser à la jeune femme « Eh, pourquoi t'y vas pas ? » et elle me répondit avec malice : « Parce que c'est lui le Leader. J'suis une pièce rapportée prête à reprendre le large. »
Un plan d'évacuation d'urgence fut alors élaboré et lancé. Il aurait été impossible de repousser cette vague, bien trop nombreuse. Les hommes de Jayko avec notre aide devaient libérer la voie dans la horde de monstres défraîchis. Par la suite, les réfugiés seraient préservés des Bloodsters grâce à l'arsenal explosif des guerriers dans les remparts, ou plutôt de ce qu'ils en restaient après leur sauvetage, et ils retrouveront les Transversaux pour les mener en dehors de la base entourée de ronces mortelles.
Le plan se déroulait sans trop d'accrochage même si les Bloodsters restaient bien trop nombreux et ce n'était pas sûr que le passage assuré par les guerriers ne soit une franche réussite. C'était même la partie vacillante du plan, surtout avec autant de monstres, les Primaires n'étaient que trois pour compenser si une grande vague surgissait. Et c'était sûrement ce qui allait arriver.
Alors, la jeune femme me montra l'entrée principale avec attention. Des Animonstres géants bousculaient l'entrée, intéressés par ce qu'ils se passaient à l'intérieur. Je compris de suite son idée, c'était notre seule chance pour liquider une grande partie des Bloodsters. L'ouverture qu'ils avaient causée ne permettaient qu'aux petits organismes de rentrer, pas les géants. Nous prévenions Jayko et ses hommes et nous bondissions, carrément, jusqu'à la double-porte de ronces. Nous tirions sur les leviers pour actionner leurs ouvertures et... oups. Le mien fut coincé à cause de la végétation torrentielle qui vivait ici et, évidemment, un levier actionné ne pouvait ouvrir l'ouverture sans l'autre. La jeune femme m'aida ensuite à abaisser le manche et, étrangement, tout se passa beaucoup mieux. Les portes s'ouvrirent en grand et les Animonstres géants jaillirent dans toute leur furie dans l'arène... enfin, dans la base. Ils se déchaînèrent sur les Bloodsters, vraisemblablement affamés.
Hélas, cette victoire nous causa un moment d'inattention et un monstre blanc me sauta dessus. La jeune femme poignarda le Bloodster et lâcha son corps plus loin avant de se charger des quelques derniers qui restaient dans les parages.
Puis, sur le chemin inverse, il nous fallait bien nous rendre à l'évidence. Si les Animonstres dispersaient les Bloodsters en ne touchant pas trop les humains - question de priorité, il était préférable de se jeter sur une chair prête, disponible, visible, plutôt qu'une chair énervée, cachée, et armée. Si les Bloodsters venaient de passer du rôle de prédateur à proie, ils fuyaient vers nous. Puis, n'ayant pas de cerveau, fuser là où il y avait de la nourriture... et nous étions de la nourriture !
Nous fûmes bien trop vite encerclés et nos alliés étaient trop loin pour réagir... et il y avait un ordre formel pour tous : priorité au groupe. Nous les écartâmes mais il semblait trop tard. Alors, in extremis, un jaguar géant à dents de sabre au pelage bleu polaire fondit vers nous et écarta la menace bloodster... avant de revenir se charger de notre cas. Encore une fois, au moment où je pensais qu'il allait nous dévorer, il donna un coup de patte pour écarter les survivants et baissa la tête... et la jeune femme plongea sa main dans sa fourrure et l'animal semblait ronronner.
— C'est Blue, une amie. Tu vois, c'est utile d'être dehors plutôt que dedans !
Sans, ne serait-ce, me laisser dire un mot, il nous fit monter sur son dos, nous faisant glisser sur sa tête et son cou. Il foula le sol à une vitesse vertigineuse et nous retrouvions les autres. Blue facilita les passages pour les réfugiés et nos corps armés tout en écartant les Animonstres trop curieux de viande humaine. Et ainsi, grâce à tous ces efforts combinés, nous avons réussi à braver les Bloodsters et les Marais de la Mort.
Pour le moment, nous restions tous ensemble et je restais principalement sur le dos de Blue avec la jeune soldate d'élite, même s'il était déjà prévu de se séparer incessamment sous peu. Seule la moitié du petit groupe de Jayko rentrerait avec les Straalers car ils voulaient retrouver leur famille pour la plupart ou d'autres quémandaient seulement la vie paisible et tranquille au lieu de cette vie stressante.
J'allais une nouvelle fois vouvoyer la jeune femme quand celle-ci me reprit en gloussant.
— Je t'ai encore sauvé la vie comme tu as pu sauver la mienne, alors s'il-te-plaît, arrête ce « vous ».
Nos rapports étaient si faciles désormais. Je crois... que nous nous entendions bien. Mais je n'arrivais pas encore à abaisser les distances pour la simple et bonne raison que je n'avais pas l'impression de véritablement la connaître. Je devais lui poser la question à ce propos pour dépasser ce blocage.
— Dites... dis-moi, quel est ton nom ? Nous nous entendions bien mais je crois que mon principal blocage est que je ne connais pas votre appellation, avouais-je, d'un air bien trop gentleman. Enchanté, je m'appelle Kéhor.
— Enchanté aussi, hihi. Je m'appelle Lyka, Lyka Spotdium.
J'aurais dû être heureux à la révélation de son nom, mais mes dogmes me l'interdisaient. Lyka avait un nom de famille et nous n'avions pas le droit d'avoir d'autres noms ou prénoms derrière celui qui nous avait été assigné à la naissance.
— Mais... les noms de famille ont été abolis ! Tu ne peux en avoir ! m'écriais-je, surpris.
— Je sais. J'ai beau appartenir à la deuxième génération de renégats, mon nom de famille avait déjà été effacé. Alors j'ai choisi le prénom de ma grand-mère. Spotdium s'est battue pour la liberté de mouvement, pour que Lumisthray autorise les personnes qui ne veulent pas rester à Fulguris à partir... légalement. Une héroïne, elle a libéré la parole de tout un peuple damné.
— Elle a fait de grandes choses pour le bien-être des Fulguriens mais certaines prises de positions comme celle-ci restent controversées. Donc... ce que j'avais pris pour un deuxième prénom... Jayko Soréo, c'est son nom auto-désigné ? Pourquoi ? Pourquoi bravez-vous l'interdit ? demandais-je, parfaitement dans l'incompréhension. Vous souillez les nobles codes établis par l'Oradium... pourquoi...?
Alors que nos avis divergeaient, que nos mondes s'entrecroisaient, voire s'entrechoquaient, elle ne s'énervait pas et au contraire, elle restait compréhensive et bienveillante dans sa démarche, même si son ton n'était pas toujours tendre, même si elle s'emportait.
— Quand est-ce que tu vas commencer à comprendre, Kéhor ? La suppression du nom de famille et des autres prénoms est une forme d'invisibilisation ! Ils veulent nous unifier ! Qu'on se ressemble tous !
— Arrête avec tes théories du complot ! T'es folle, comme tous les pro-renégats, dis-je, alors que je sentais ma colère remonter, tout en descendant du jaguar bleu géant.
— Nous donner les mêmes prénoms, pour qu'on soit tous pareil. Réfléchis, bon Dieu, mais réfléchis. Sors de cette utopie du mensonge ! Kéhor, je t'en supplie, réfléchis !
— C'est au croisement de l'Arche que nous devons nous quitter, n'est-ce pas ? Chère Lyka, je te souhaite bonne route en solitaire. Tu es une renégate très particulière, ces moments ont été intéressants. Je te prie de ne pas trop ébruiter ce genre d'informations, et en gage de ma gratitude, de ma reconnaissance et ainsi payer ma dette, je ne te condamnerai pas pour tes motifs de traîtrise.
— C'est ça, gros malin. Fuis le navire. C'était sympa aussi, et peut-être que le destin rejoindra de nouveau nos chemins, qui c'est. Et vraiment trop, trop d'honneur de m'éviter la prison mais... bon, j'espère que tu ne comprendras pas trop tard.
Avec Lyka Spotdium, nos chemins se séparaient, mais peut-être que ce n'était pas de manière définitive. Puis, ce fut autour de Jayko Séréo et sa moitié de bande. Ensuite, nous rentrions à Fulguris avec la grande communauté de réfugiés, même si nous avions essuyé des pertes significatives. Par exemple, nous avions Orange au cours de cette quête et Bronze paraissait sérieusement blessé... même s'il marchait toujours aussi normalement. Il était temps de revenir chez soi, à la Cité des Lumières, retrouver son confort, sa vie tranquille, ses amis et sa famille. Mais, la coupole de l'Ordre Protecteur était-elle toujours aussi rassurante ? Les êtres qui avaient voulu perturber ma pensée avaient échoué, du moins j'en restais persuadé.
***
Nous étions de retour à Fulguris après cette mission suicide. Les renégats de la colonie et la moitié de l'équipe de guerriers étaient revenus avec nous, désormais parfaitement réintégrés au corps fulgurien. Le Général Vonkyeir nous avait félicité et nous eûmes l'immense privilège de prendre congé. Seuls quelques Transversaux continuaient à guider les Tertiaires dans les missions de minage ou de chasse. Les disparitions n'avaient été que très peu commémorées. Je savais que ce n'était pas coutume de donner importance à la mort mais il s'agissait quand même d'un Straaler, un Secondaire qui plus était et Bronze n'avait eu besoin que de quelques jours pour être parfaitement guéri. Du moins, c'était ce qui m'avait semblé, puisque je voyais les actualités de l'Ordre Protecteur de loin depuis que l'on m'avait offert des vacances bien méritées auprès de mes proches. Ma famille me manquait et était heureuse de me retrouver, même si elle était reconnaissante de ne plus avoir à vivre dans le besoin depuis que j'avais signé mon engagement au sein de l'Ordre Protecteur, plus particulièrement depuis que j'étais un Straaler.
J'avais retrouvé mes amis aussi, même si nos rapports avaient changé. Nous semblions moins proches, moins équilibrés, moins, moins... nous ne semblions plus sur la même longueur d'onde. J'avais fini par leur demander ce qui se passait, obligé de crever l'abcès afin d'éviter de me crever moi-même, alors qu'ils s'apprêtaient à entrer chez eux, cet après-midi-là.
— Walékair, Stormérah, Joy... Qu'est-ce qui se passe ? On rigolait bien avant, et même si nous étions séparés longtemps, nos rapports n'en étaient pas altérés...
Ils s'étaient alors tous arrêtés. Joy restait interdit, l'air maussade, un air qu'on n'avait guère l'habitude de voir sur son visage ; Stormérah tentait de rester fermée même si elle bouillonnait ; et Walékair semblait le plus serein, comme toujours.
— T'es plus comme avant... murmura le plus timide et joviale d'entre eux.
— T'as changé, Kéhor... Nous sommes amis avec l'ancien Kéhor, pas Kéhor le Straaler, explicita la tornade rougeoyante, avec nettement moins de tact.
— Mais... mais comment ça ? questionnais-je, d'une voix pleine d'hésitation.
— Tes rêves de reconnaissance ont été dépassés par les rêves de grandeur de la Ligstraal, renchérit Joy, du même ton.
— Mais, c'était nos rêves à tous de devenir un Straaler, de rejoindre l'élite, répondis-je, sans comprendre.
— T'es devenu froid, hautain, et certaines de tes phrases nous font comprendre que la Ligstraal a transformé ta morale. On te reconnaît plus, expliqua Stormérah avec la passion fulgurante qu'elle avait en elle.
— Quoi ?! J'ai pas changé. Je suis resté fidèle à mes valeurs. Vous êtes juste jaloux parce moi, j'ai réussi ! Vous n'aviez qu'à être meilleurs et vous serez à mes côtés ! Je suis sûr que vous n'aurez pas le même discours si vous étiez à ma place, m'énervais-je, l'ego piqué au vif.
Joy se mit alors à pleurer et Stormérah lâcha un râle colérique. Le premier tourna les talons sans dire un mot, l'air profondément déçu et attristé, tandis que l'autre soupira sa désolation face à mon cas et prendre le même chemin, lâchant un dernier : « T'as vu, t'as fait pleurer notre nounours, t'es un monstre. »
Je ne pouvais être insensible à cet acte abominable, mes yeux se mirent à briller immédiatement. Joy n'était pas méchant, il avait même toujours été bienveillant et arrangeant... Personne ne pouvait le détester ou s'en prendre à lui sans risquer de se retrouver face à un Armada de frères et sœurs d'armes prête à le défendre.
— Ne leur en veux pas, ce qu'ils essayent de te dire, Kéhor, c'est qu'ils aimeraient retrouver le Kéhor d'avant. Tu es monté en échelon et tu es fier du chemin parcouru, et c'est bien normal. Mais n'oublie pas d'où tu viens et surtout n'oublie pas tes rêves d'humaniste. Tu es monté parce que tu voulais sauver tout le monde, pas seulement intégrer des élites.
Une fois qu'il eut terminé, le sage du groupe se retira à son tour. Ses paroles me firent l'effet d'une claque. Si les passions de mes amis ne pouvaient m'atteindre, la sagesse de Walékair savait me toucher droit au cœur, et ça depuis que j'avais posé les yeux sur lui.
Hélas, comment aurais-je pu lui dire que je ne pourrais pas changer ? Au contraire, que j'allais être poussé dans cette voie, le Général Vonkyeir comptait bien trop sur moi.
***
Peu de temps après, je fus convoqué par le représentant du Courage pour m'entretenir dans ses bureaux privés. Je ne m'attendais point à avoir l'honneur de fouler le sol de l'Oradium une seule fois dans ma vie. Le Général Vonkyeir m'avait reçu dans son beau costume avec son oration la plus irréprochable et exquise, sans erreur... jamais aucune. Il avait tenu à me féliciter personnellement au sein du Courage de mes exploits durant la mission de sauvetage aux Marais de la Mort. Il fut même très intéressé de savoir que j'avais eu une opportunité d'infiltrer un regroupement de guerriers. Et, malgré ma réticence, face à ses louanges si délicates et intenses, mes lèvres n'eurent qu'une option : se délier.
Grâce à ces informations que je lui avais fournies, le chef militaire avait réaffirmé sa confiance en moi et il m'annonça l'une des nouvelles les plus inattendues de mon existence : « Je savais que je pouvais miser sur toi. Le potentiel que j'ai senti chez toi est plus qu'en train de se concrétiser. J'avais besoin d'un remplaçant chez les Secondaires, alors pour te récompenser de tes exploits et de ta loyauté envers... l'Ordre Protecteur et la Ligstraal en particulier, je te promeus Secondaire Orange. »
Un sentiment de valorisation et de puissance m'envahit. Peu importe ce que mes amis pouvaient penser, peu importe ce qu'Alitheia et cette Lyka pouvaient également penser sur l'Ordre Protecteur, au moins une personne croyait en moi comme personne n'y avait jamais cru, alors j'étais et resterai digne de cette confiance.
Je faisais la fierté de mon Général et c'était la plus belle des reconnaissances. On ne m'avait jamais autant donné l'impression de bien faire pour ma patrie, pour la gloire de Fulguris !
Nos journées étaient banales si ce n'était que je découvrais les nouvelles responsabilités des Secondaires depuis que j'avais été promu Orange. En réalité, nous soutenions les tâches de Rouge, Bleu et Jaune, qui déléguaient ce qui pouvaient être délégués dans les tâches administratives, principalement diplomatiques et combatives. Dès qu'il fallait avoir un représentant, un Secondaire était privilégié, que ce soit pour accompagner les Tertiaires en mission ou pour agir en tant qu'Ambassadeur du Courage sur le plan politique, en s'adressant au peuple fulgurien en l'occurrence. Violet rentrait davantage dans le rôle de l'Ambassadeur, Vert se chargeait davantage des tâches administratives et moi j'accompagnais plutôt les Tertiaires - mais nous travaillions toujours ensemble, n'hésitant point à soulager l'autre s'il ou elle avait trop de travail. Au début, ils avaient douté de ma légitimité, mais au final, ils appréciaient le fait que leur référent hiérarchique soit une tête connue et appréciée plutôt que tout le contraire.
***
Notre quotidien se déroulait bien, et au bout de quelques semaines, j'avais enfin acquis la légitimité de mon rôle de Secondaire... mais un phénomène extrêmement étrange allait bouleverser ma situation prestigieuse - et accessoirement me remettre les idées en place, j'avais déjà un ego donc imaginez si j'étais devenu un Primaire. Un immense signal avait été détecté à quelques lieues de là... si puissant qu'il devait forcément contenir des choses très intéressantes. Si intéressantes que nous pourrions avoir du liquide Universel jusqu'à la fin de notre existence, ce monde étant déjà bien expiré.
Effectivement, les Bloodsters semblaient bien moins nombreux que d'habitude pour attaquer le Dôme même s'ils paraissaient plus hargneux et résistants. Les escadrons de l'Ordre Protecteur devaient veiller davantage, ne plus permettre de repos, puisque ces Bloodsters ne connaissaient plus la différence entre le jour et la nuit. Ils étaient moins nombreux et la majorité de ces monstres semblaient se diriger vers un point précis de l'espace. Ce que nous appelions « signal » était quelque chose qui semblait les attirer, détournant leur attention primaire du Dôme de protection.
Le Général Vonkyeir engagea alors l'intégralité de la Ligstraal, mettant en lumière les Transversaux, les Primaires et les Secondaires avec une touche particulière à mon encontre, et contre toute attente une bonne moitié de l'armée de l'Ordre Protecteur. Cela devait être une grande mission, en vue de ce que ces espions de terrain lui avaient apporté comme informations sur le lieu de rassemblement des Bloodsters.
Une fois que l'armée fut prête, extrêmement et minutieusement prête, et seulement dans ce cas-ci, nous avions quitté Fulguris, notre famille, nos amis. Dans mon cas, ce fut plutôt un au revoir à Walékair puisque Stormérah et Joy avaient été engagés.
Nos rapports étaient froids, glaciaux, je dirais même inexistants. Toutefois, je regrettais la tournure des événements, alors je tenais une attention particulière à leur égard. En tant que Straaler, Orange qui plus était, ce n'était que mon devoir de les protéger.
Surtout si l'endroit où nous nous dirigions était infesté de Bloodsters. Plus nous nous rapprochions, plus des troupeaux de plus en plus denses de ces monstres approchaient de l'endroit.
Notre périple nous emmena jusqu'à un cratère d'un volcan présentement éteint, même si, de l'ébullition, certains chemins de lave fumaient encore. Ce cratère nous ouvrait les bras vers... l'antre des Enfers. Nous veillions à être parfaitement préparés avant de descendre pour cette croisade souterraine - qui pourrait très bien être la dernière -, j'avais tenté de mon côté de recoller les morceaux avec Stormérah et Joy. Même si ce fut la jeune femme impulsive qui répondit, rythmée par les sanglots du petit ange, je sentais que même sans un mot, il était derrière elle. Hélas, ils ne s'étaient pas démontés, alors que j'avais ouvert mon cœur pour cette éventuelle dernière discussion - si jamais on ne s'en sortait pas. Au moins, on ne pourra pas dire que je n'aurais pas essayé. Puis, nous avons sauté dans la cage aux lions.
Nos éclaireuses nous avaient déjà averti sur quoi s'attendre en bas. Alors, nous étions descendus dans la plus grande discrétion, débarquant sur une corniche rocheuse où en bas, se tenait une fosse remplie de Bloodsters qui hurlaient à la mort, terriblement énervés. Les plus proches du signal, vers un étrange bâtiment à l'horizon, semblaient taper dans le vide, comme s'ils tâchaient d'attendre une corniche similaire à la nôtre. C'était là-bas que nous devions allés. Une fois les ordres donnés, les militaires de l'Ordre Protecteur, autant de l'Armée que les Straalers, sautèrent dans la fosse en déployant tout leur arsenal et compétences combatives.
Nous réveillions les héros et guerriers qui étaient en nous, repoussant les Bloodsters pour ainsi se faire une place au sein de la masse dévorante et sanguinaire. Les militaires étant conditionnés, ils se vouaient à se sacrifier pour ne pas risquer qu'un Straaler ne soit touché... même si, paradoxalement, nous étions voués à les protéger par notre arsenal plus conséquent et des entraînements nous rendant plus performants. J'avais toujours eu horreur de cette hiérarchie. Ma foi, nous restions les plus impressionnants, et même si les Primaires étaient grandioses par leur grâce et dextérité, les Transversaux restaient les plus explosifs sur le champ de bataille. S'ils n'avaient pas la beauté du duel, ils possédaient une force et une rage de vaincre nettement supérieure.
Dans mon cas, je n'étais pas aussi impressionnant que mes coéquipiers, préférant rester en retrait, privilégiant la coopération avec les militaires autour de moi. Je préférais sauver ceux et celles qui pouvaient être sauver ou protéger plutôt que démontrer mes atouts au combat pour « faire le beau ». Par ailleurs, j'étais même venu secourir in extremis Stormérah qui s'était retrouvée seule justement après avoir permis une échappée à son Straaler et ses militaires. C'était mon amie, et je ne pouvais la laisser pourrir entre les griffes des Bloodsters qui auraient fondu sur elle si je n'avais pas été là. L'attitude supérieure des Straalers me dégoûtait étrangement en ce jour, n'hésitant même pas à sacrifier les militaires. Rappelons tout de même que les militaires étaient uniquement chargés de protéger Fulguris, ils n'étaient pas préparés à vivre ce genre de choses. On aurait dit qu'ils étaient devenus... de la chair à canon.
Bref, grâce à une cohésion d'équipe approximative, nous étions parvenus à proximité de l'autre corniche menant à l'étrange infrastructure où les bestioles semblaient être attirées comme de vulgaires insectes avec la lumière des lampadaires. Et toujours grâce à notre solidarité et force de frappe, une majeure partie des troupes parvint à monter sur la corniche. Violet s'était même jetée dans la foule de fans en délire pour sauver un militaire qui avait loupé son escalade.
Désormais, nous faisions face à une immense caverne de calcaire blanche aux formes particulières, touchant le plafond de cette grotte rocheuse. Cette grotte ressemblait à une espèce de coquille d'escargot géante, difforme, avec de longs piques de défenses toujours en calcaire poussant de toutes parts comme si elles ressemblaient à des lames. Cette carapace semblait véritablement immense face à nous, mais si minuscule dans l'étendue de cette fosse souterraine et ténébreuse. Nous nous approchions vers la seule entrée possible à cet étage, c'est-à-dire, une embouchure en dessous de la carapace, à un endroit légèrement surélevé.
Les militaires ouvrirent la marche, comme il était coutume puisqu'ils « ne valent pas autant qu'un Straaler ». Si l'obscurité nous engloba en premier lieu, nous fûmes rapidement éblouis par une étrange lumière. En effet, après avoir monté une butte bien trop rectangulaire et dépassé un rideau de verdure sombre, nous foulions un sol de poussière rouge et voyions un... un immense cristal en lévitation. Oui, il était en plein milieu de cet espace circulaire et restreint, où tout le monde ne pouvait pas monter. La lévitation de cet immense cristal de lumière, où nous pouvions déceler une aura mauve, semblait se réaliser par le biais de ce piédestal de marbre et d'écailles, où des cornes noires dans les quatre coins et tournés vers le centre permettaient ce champ d'attraction - enfin je l'imaginais, je n'étais pas scientifique ou inventeur pour autant. Quelque chose de puissant émanait de cette chose que nous n'osions guère approcher. Du moins, sauf certains Straalers et quelques militaires courageux.
Le corps armé se demandait quoi faire, même si c'était une évidence que c'était bien par cette chose que les Bloodsters étaient attirés. Pour une fois, nous discutions à la même échelle, aucune hiérarchie.
— C'est si puissant... même l'Universalis, énergie pourtant éminente parmi les énergies, ne dégage pas autant de choses en sa présence... commença, inéluctablement, la Primaire Jaune.
— Vous pensez que cela serait une bonne chose de se l'approprier ? demanda une militaire aux cheveux roses presque rasés, lucide.
— Evidemment, nous ne manquerons plus le moins du monde d'énergie. Et comme ça, nous n'irons plus risquer la vie des Straalers pour récupérer des matériaux à extraire, répondit avec aisance un militaire aux courts cheveux violets, fixant d'un air droit de ses yeux bleu acier.
— Et si ça attirait les Bloodsters à la Cité des Lumières ? s'enquit un militaire, l'air soucieux.
— Et pourquoi pas ? Si l'énergie du Cristal dépasse considérablement celle de l'Universalis, on pourrait clairement se défendre des menaces extérieures et faire bénéficier à tout le monde une vie de rêve, sans restriction et ça... c'est plus que notre nécessité actuellement, apporta la Secondaire Violette, magnanime.
— C'est une immense prise de risque, va falloir trouver vite un moyen de l'extraire et de l'exploiter... C'est impensable dans l'immédiat, contra un Tertiaire Indigo.
— Mais comme ça, nous pourrions arrêter de lutter pour survivre et recommencer à vivre, cela fait depuis cinq générations que cela dure, riposta un militaire de petite taille, mais pas moins menaçant puisqu'il faisait la différence sur le terrain.
Un bras de fer entre toutes les personnes étant parvenues à monter venait de se déclarer. Les discours occupaient l'espace, les réponses et insultes volaient de part en part, c'était un véritable bazar démocratique... jusqu'à ce qu'un consensus forcé fut décidé : Par souci de nécessité, nous allions tenter d'extraire des fragments du Cristal. Une certaine majorité avait été conquis par les promesses de cette découverte pour sortir de cette logique de survie. Nous tentions alors quelques trucs, décidant d'entraver cette règle inconsciente de laisser une distance significative entre les personnes et le Cristal au cas où il voudrait se défendre. Quoi ? On ne savait jamais.
Dès que nous nous approchions, les volontaires sentirent tous une aura l'attirer vers celui-ci. Et, à certaines initiatives de rentrer en contact avec, même à travers d'un gant de protection, tout à coup, le militaire aux courts cheveux violets s'écria :
— Ne faites pas ça, imaginez si vous restez brûler à vie !
Les volontaires rirent et si certains rangèrent leur main, d'autres se frottèrent tout de même à l'expérience. Une fois en contact, ils semblèrent comme animés d'une puissance telle un Super Sayen et ils hurlèrent de douleur, obligés de retirer leur main. Leur réaction est sans appel : L'intensité et la puissance ressenties étaient sensationnelles mais leurs corps étaient obligés de se retirer car trop faibles pour les stocker ou, ne-serait-ce, l'emmagasiner. Et, une autre triste nouvelle apparut. Leur main avait entièrement brûlé : Elle apparaissait embrunie, leurs veines venaient de ressortir et de s'épaissir d'un orange vif et les ongles venaient de passer de leur couleur d'origine au bleu polaire.
J'entendis alors, au même moment derrière moi, Stormérah murmurer :
— Comment est-ce qu'il pouvait savoir ? Et pis... il ressemble beaucoup à...
Mais oui ! Révélations communes, au même instant, ce militaire se mit en évidence et détacha ses cheveux avant de les secouer avec élégance. Ce militaire n'était pas qu'une simple recrue mais bien le Général Vonkyeir en personne ! Il avait infiltré sa propre armée !
Cette révélation apporta son lot de réactions et de questionnements que cet illustre personnage balaya en une explication, imposant son charisme pour faire taire l'assemblée de par sa présence.
— Oui, oui, je sais ce que vous vous dites : Que c'est insensé, imprudent, mais n'ayez crainte. La Ligstraal et les meilleurs éléments de l'Ordre Protecteur sont parmi nous, je n'ai rien à craindre. Puis, ce phénomène était bien trop curieux pour que je puisse rester sagement dans ma tour, expliqua-t-il en premier temps avant de se permettre une réflexion condescendante vis-à-vis de ses subalternes. Les armures des Straalers sont plus résistantes que celles des militaires. Peut-être valait-il mieux commencer par nos soldats d'élite avant de risquer vos vies ? Rouge, Bleu et Jaune, avancez vers le Cristal, je vous prie.
Désormais que la figure était arrivée, la fragile organisation collégiale s'effondra. Ils s'exécutèrent et... je vous le donnais en mille, leur résistance à l'intense énergie du Cristal était nettement plus importante que celle des militaires « classiques ». Certes, leur main prenait les mêmes couleurs que leurs prédécesseurs mais en beaucoup moins marquant et celles-ci finissaient par disparaître lorsqu'elle n'était plus en contact avec l'énergie de l'artefact légendaire. Stormérah semblait trouver cela de plus en plus louche.
Ensuite, il y eut quelques mouvements, les Primaires se déplaçaient avec de l'énergie pour la montrer aux autres en faisant des allers-retours avec le Cristal en veillant à ce qu'ils récupèrent toujours leur main. Le militaire inquiet de tout à l'heure s'approcha vers l'intérieur du cercle pour en avoir le cœur net sur cette énergie, désarmé. Mais, avec les différents mouvements, il y eut du grabuge et, par inadvertance, pour atteindre Rouge et Bleu, il bouscula le Général et ses deux compères non loin. Ce dernier s'enflamma après l'avoir repoussé avec violence du côté du Cristal pour ne pas gêner les autres, la circulation cessa alors pour laisser l'illustre personnage livrer son procès.
— Qu'est-ce que cette tentative ? Qu'est-ce que ce couteau presque dégainé ? Alors comme ça on profite d'une opération pour attenter la vie de son propre chef ? s'exclamma-t-il en élevant la voix.
— Mais Monsieur le Général, je voulais juste regarder l'énergie de plus près... expliqua le pauvre homme, d'une voix brisée, écorchée par quelques sanglots.
— C'est ça, c'est ça ! Paie-moi ta justification, traître !
Il commença par le prendre par le col de son uniforme et l'élever bien au-delà du sol et à le serrer bien trop fort. Sa peau devenait rouge et ses yeux n'arrivaient plus à rester droit, le Général allait le tuer sans vergogne... Mais, c'était impossible !
Par chance, face à l'absence de toute réaction en provenance de la foule, le plus grand des héros se dressa à travers de sa route : Joy, un justicier dans l'âme qui ne tolérait guère la méchanceté gratuite... et accessoirement l'un de mes meilleurs amis.
— Mais, Monsieur le Général, vous ne pouvez pas punir un innocent ! Vous ne pouvez pas tuer quelqu'un, même si c'est un criminel. Nous devons respecter les Codes de l'Oradium ! Les meurtres sont prohibés ! Tout comme l'accusation à tort d'innocents ! Et c'est flagrant que cet homme n'a pas osé mettre la main sur vous mon Général !
Il avait su se montrer fort et se radoucir sur la fin pour ramener notre chef à la raison, exprimer son avis sans risquer de perdre sa place.
Alors, le Général Vonkyeir desserra son étreinte pour permettre à l'innocent de respirer et le ramena au sol. Il s'adressa à la foule avec un rire carnassier :
— Je ne suis pas seul à décider. Mes Straalers Primaires, Secondaires et Transversaux, détenteurs de l'autorité vous-aussi, dites-moi ce que vous pensez. A-t-il tenté une atteinte sur moi, votre merveilleux Général ? Ou n'était-ce qu'une erreur ? Dites-nous ! Nous voulons savoir !
— Il est coupable, Monsieur le Général, répondit la Primaire Jaune, s'ensuivit rapidement par le Primaire Rouge, d'une voix solennelle, sans la moindre hésitation.
Si le Primaire Bleu paraît hésitant, ce ne fut pas le cas pour les Transversaux qui approuvèrent les décisions d'un simple « oui » en se plaçant tout autour du Cristal. Les Secondaires Vert et Violet parurent hésiter... comme s'ils attendaient que je réponde. En réalité, tous les regards étaient portés sur moi alors que la majorité avait déjà parlé, mais peut-être que le Général Vonkyeir attendait un consensus, une majorité absolue.
Alors que tous ces regards me tressaillaient, torturé par les doutes entre suivre le groupe et dénoncer l'évidence... j'entendis mon nom derrière moi. C'était Stormérah, elle avait détaché chaque syllabe, exprimant dans chacune d'elle son désespoir et surtout sa foi en moi : « Ké-hor. »
Mon regard effacé retrouva sa lueur enflammée et je me dressais contre l'autorité du Général de l'Ordre Protecteur. Je savais ce qui me restait à faire. Je n'oublierais jamais mes serments.
— Général Vonkyeir, vous ne pouvez pas accuser un innocent à tort. Si les Straalers n'ont pas la foi de se rebeller contre vous et nier la vérité, ce n'est pas mon cas. J'ai signé mon arrivée dans l'Ordre Protecteur pour préserver les êtres humains et pour que Justice soit rendue. Je suis désolé, Messire, mais je ne causerais pas une injustice supplémentaire, ce n'est pas pour ça que j'ai voulu être un Straaler.
Le Général se mit alors à rire, un rire mauvais, avant de s'arrêter brusquement en mettant une main devant le visage, l'air tristement déçu, voire dépité.
— Kéhor, je suis si... déçu de toi. Toi qui avais si grand potentiel, toi qui avais l'étoffe d'un grand chef, toi qui aurais pu être mon bras droit pour l'Ordre...
— Vous... vous le pensiez ? Mais... je ne fais que ce qui me semblait juste... et vous voir vous obstinez comme ça contre un innocent, je ne pouvais laisser faire ça... dis-je, faiblement, d'une voix plus émotive que je ne l'aurais voulu.
Son air mêlant déception et compassion s'évapora pour prendre un air diabolique en étendant ses bras.
— Haha, mais qui a dit qu'être un Straaler était synonyme de justice ? Les êtres humains doivent nous respecter. Mais... il est trop tard Kéhor, je m'étais visiblement trompé sur ton compte...
Son sourire était maléfique. Il étendit de nouveau les bras et une onde de choc jaillit du Cristal et nous fûmes tous repousser, en partie les plus proches, soit Joy, l'innocent, et moi. En effet, les Straalers n'avaient presque pas été repoussés, sauf Violet, et les Transversaux n'avaient pas bougé d'un pouce d'autour du Cristal.
— Que les choses sérieuses commencent ! s'exclama le Général Vonkyeir, tandis que ses yeux devinrent entièrement mauves avant de se mettre à briller, en même temps qu'une faible lumière pourpre se mit à battre au sein du Cristal. Il est grand temps de finir ce que l'on a commencé !
Il lança un bras de nouveau vers moi et je tombais dans la foule qui se retrouvait compressée contre la paroi rocheuse, pile dans les bras de Stormérah qui retint ma chute. Tandis qu'il parlait, le Cristal devenait de plus en plus lumineux et se teintait d'une couleur violette, et une sphère lumineuse de la même couleur apparaissait dans sa main.
— Voici : le Cristal de Jouvence. Le Cristal du Pouvoir, celui qui me livrera le monde mouahahahahahahah !
Il se mit à faire tourner son poignet où la source lumineuse se dégageait et un courant d'air apparut autour du Cristal. Ce courant d'air devint rapidement une tornade, un cyclone, même si aucun champ d'attraction ne nous écartait ou nous rapprochait de lui.
— Toi, tu es bien téméraire et valeureux en ce qui concerne de te battre pour tes idéaux. Dommage que tu ne sois si faible en combat, tu aurais été un parfait Straaler... soupira le Général à l'encontre de Joy alors toujours au sol, avant de se mettre à l'éviter au rythme progressif de la tornade.
Une fois suffisamment chargé en énergie, il se plaça au-dessus du Cristal du Pouvoir, sa pointe touchant les siennes, les mains chargées de cette lumière. Derechef, il hurla, démoniaque.
— C'EST ICI QUE TOUT A COMMENCÉ ET QUE TOUT VA FINIR !
Il s'arrêta de tourner et s'avança délicatement vers l'innocent. Son cri strident accompagna son rayon de lumière qui enveloppa l'innocent qui hurla de douleur. Sa peau se mit à blanchir et ses yeux devinrent entièrement noirs. Il semblait être devenu un Bloodster et une partie de lui semblait avoir été absorbée par le Général Vonkyeir... qui ne ressemblait bientôt plus à un humain. Il se replaça sur son pied d'estale et il mitrailla les militaires avec de petites, vives et furtives sphères violettes jaillissant de ses mains. C'était le début de l'Apocalypse, ou alors la deuxième vague de celui-ci.
A chaque militaire touché, il se transformait progressivement en Bloodster et plus le Général devenait sombre et le blanc de ses yeux devenait rouge... On aurait dit qu'il se transformait en ptérodactyle démoniaque et les yeux des Straalers devinrent tous comme ceux du Général mais en rouge. Ah, et les Transversaux grandirent et laissèrent deviner leur forme spectrale avant de se jeter sur... ce qui devait être moi. Cependant, Violet s'était sacrifiée pour me permettre de fuir.
— Je suis désolé, Violet ! m'écriais-je, d'une voix écorchée en la voyant se faire déchiqueter par ce qui étaient devenus nos ennemis.
L'organisation des militaires avait été détruite dès lors que la chasse à l'âme avait débuté. Et avouons-le, l'ordre des militaires avait pratiquement été détruit en même temps. Nous devions fuir... ce pouvoir était bien trop puissant ! Stormérah prit les devants pour nous libérer un passage dans la foule, cloîtrée dans un petit espace, tandis que je ramassais Joy pour courir vers une potentielle sortie.
Puis, tout à coup, des explosions jaillirent de toute part et ainsi fragiliser la coquille d'escargot de marbre blanc. Typiquement, un trou donnait sur une pointe qui entourait cette fameuse coquille, et de cette pointe semblait s'y nicher un tunnel pour remonter à la surface, c'était alors notre moment de chance. C'était notre porte de sortie, nous devions partir.
Il y avait un détail à prendre en compte : Vonkyeir et les autres semblaient perturber par cet événement. Leurs tirs et leurs attaques se concentrèrent vers cette d'accès où nous fuyions tous. Autant préciser que le « tous » n'était pas très glorieux. Immanquablement, les derniers en course furent les premiers touchés et les premiers à se faire abattre, tandis que les deuxièmes essuyaient le reste des attaques mortelles de Vonkyeir qui se gorgeait toujours plus de puissance. La prochaine attaque allait tous nous avoir et la pointe s'écroulerait.
Et, comme si la chance était avec nous, une bombe rouge explosa en plein milieu de la salle et de l'espace de la grotte. Des femmes ninjas sautèrent du haut de la coquille, dont une aux longs cheveux blancs que je reconnaitrais entre mille : Lyka Spotidum.
Les secousses de la bombe nous avaient couchés au sol, celle-ci me ramassa et Stormérah attrapa Joy qui peinait derrière. Nous devions partir avant d'être anéanti, ou ensevelis sous la grotte.
— Mais... c'est qui elle ? demanda alors la jeune femme aux cheveux rouges, surprise.
— Euh... une alliée renégate rencontrée en route, répondis-je, brièvement.
— Mouais, mouais, rétorqua-t-elle, presque malicieuse, en me voyant sourire avec cet air béat.
L'équipe de Lyka nous emmena en dehors de la grotte, sous les cris étouffés et souffrants de Vonkyeir l'Incube et de ses disciples, nous dissimulant de leurs vues et de leurs sens aiguisés par je ne savais quel moyen.
Alors que nous repartions en direction de Fulguris pour prévenir la Régente et le Juge Suprême de cette haute trahison sur le dos de Blue, la jaguar bleu polaire, Lyka s'approcha de moi, plutôt joviale, malgré la situation aussi sombre auquel nous faisions face :
— Alors, Kéhor, tu as enfin trouvé la lumière, compris la vérité ? Il en aura fallu du temps. Mais, je suis désolée que cela soit fait dans ce genre de situation...
— Oui, et elle fait mal. Que des désillusions... Mais toi, comment as-tu su qu'on était là-bas ? demandais-je alors curieusement.
— Y'a pas que l'Ordre Protecteur et la Ligstraal qui observent et « protègent ». Nous aussi, les survivants protecteurs. Nous aussi, on avait repéré cet attroupement étrange de Bloodsters. Puis, j'avoue que je voulais te revoir, m'assurer que tu aille bien, m'avouait-elle en m'expliquant leur venue in extremis, me mettant du baume au cœur.
— Oui... ce guet-apens, cette boucherie... soupirais-je, exaspéré en regardant l'horizon. J'ai été si nul, si faible... Il n'y a presque plus de survivants...
Stormérah s'avança vers moi en soutenant Joy et Lyka termina de m'entourer.
— Nous sommes là pour toi Kéhor. Nous sommes désolés de nous être emportés comme ça, nous aurions pas dû nous disputer de la sorte... Imagine que ça aurait été notre dernière conversation, notre dernier souvenir... bwaah vaut mieux pas imaginer ça.
— Oui, nous sommes amis et nous le resterons jusqu'à la fin, renchérit Joy à la suite des propos de Stormérah.
Les larmes aux yeux, j'enlaçais mes amis, profitant de chaque instant de ce moment passionnel qui n'allait évidemment pas durer. Comme pour m'indiquer que j'avais raison, Joy se mit à hoqueter et à cracher du sang.
— Qu'est... Qu'est-ce qu'il y a Joy... ? Tu te sens bien ? questionnais-je, terriblement inquiet.
Stormérah me lança un regard embrumé, comme je n'avais guère l'habitude de voir, et m'expliqua en me montrant la triste évidence.
— Joy a été touché par l'une des attaques de Vonkyeir. Le pouvoir du Cristal consume son âme et il sera bientôt des leurs, dit-elle en me montrant l'évidence, une majeure partie de sa jambe venant de se blanchir et les veines de son corps venant de s'agrandir et de s'assombrir.
— Mais... mais Joy, tu ne le mérites pas. Tu es bien trop gentil et déterminé à partager le bien autour de toi pour devenir l'une de ces choses... POURQUOIIII ??? m'écriais-je, épris par l'émotion, fataliste.
Ce dernier m'arrêta, toujours aussi souriant et apaisé, ses mains me tenant les joues.
— Kéhor, sois pas désolé. Ce qui est fait est fait. On peut pas me sauver mais je ferais tout pour conserver une utilité jusqu'à ma propre finalité. Par contre, je t'en conjure, me laisse pas errer comme une bête à la recherche de chair humaine, c'est la dernière et seule chose que je te demande. Promets-le moi.
— Je... je te le promets, Joy. Je ne te laisserais pas aux mains de ces choses. Ton âme sera libérée, je t'en fais le serment, jurais-je sans vraiment me donner le temps de réfléchir, des larmes coulant sur mes joues.
Puisqu'il ne voulait pas que l'on ne pleure et que l'on regarde notre ennemi avec ardeur, nous ravalions nos larmes et nous accentuions l'allure pour parvenir aux portes de Fulguris, la Cité des Lumières. Nous devions empêcher le drame de se produire.
***
Le drame était déjà en train de se produire. Des hordes et des hordes de Bloodsters tapaient sur le Dôme de protection. De l'autre côté de celui-ci, des militaires de l'Ordre Protecteur tentaient de repousser la horde. Hélas, dès qu'une vague était écartée, une autre la remplaçait dans l'instant. Et pour vous dire, tous les régiments étaient engagés pour faire face à la menace qui n'avait jamais été aussi écrasante : Les Bloodsters étaient sur tous les fronts, chaque surface basse du dôme était recouverte de corps qui se grimpait dessus en espérant détruire le Dôme réputé comme indestructible. Lyka envoya Blue à la conquête du Dôme et ainsi écarter le banc de monstres pour permettre un passage, après que celle-ci avait crié aux militaires que cet Animonstre était un allié et qu'il ne fallait surtout pas l'abattre - évidemment après que quelques tirs soient lancés et encaissés par la bête gigantesque.
A notre vue, et enfin parfaitement reconnus par les nôtres, il y eut une période de latence avant qu'une procédure de réincorporation ne soit activée. Ainsi, durant moins d'une dizaine de secondes le pan de Dôme où nous étions subira des bugs jusqu'à nous permettre de passer. Si la réincorporation fut un succès, Lyka préféra rester en extérieur avec Blue pour ne pas la laisser livrer bataille seule avec la horde. Nous fûmes acclamés comme des héros et même le Général Vonkyeir annonça avec un enthousiasme qui ne pouvait être qu'hypocrite notre venue, par le biais des enceintes disposées aux quatre coins de la ville.
Par la suite, nous renforcions l'escadron qui se chargeait de protéger ce côté du Dôme, ce Dôme réputé comme indestructible mais qui subissait une puissance considérable sur chacun de ses pans. La réalité était plus sombre : Le Dôme fonctionnait encore seulement grâce à l'assiduité et la puissante armée de l'Ordre Protecteur. Stormérah et Joy ont ensuite été chargés de retrouver Walékair parmi les Fulguriens. Ce qui était drôle - et considérablement inconscient, maintenant je le reconnais - c'est que les habitants de la Cité des Lumières avaient tellement confiance en l'Ordre Protecteur qu'ils restaient bien au chaud dans leur habitation car « L'Ordre Protecteur réussit toujours à repousser la menace ». Et si, en ce jour, nous étions l'exception qui confirmait la règle ? Après tout, il n'avait jamais été aussi nombreux à s'agglutiner face au Dôme et tenter de passer au travers.
Toutefois, malgré nos deux éclaireurs, ce fut Walékair qui me trouva dans la foule. J'aurais dû y penser : Nous étions venus à dos d'Animonstre géant, il était évident que notre localisation était précise et que ce serait lui qui nous retrouverait.
Je ne pus m'empêcher de lui faire une accolade tellement j'étais heureux de le revoir. Par ailleurs, le sage de notre groupe semblait avoir des révélations à me faire et il ne me laissa même pas le temps de profiter de l'accolade qu'il déballait déjà.
— Kéhor, ça fait du bien de te revoir. Même si j'avais préféré en d'autres circonstances. Cependant, je dois te prévenir que le Général a essayé de vous donner une mauvaise réputation en vous faisant passer pour des criminels, une troupe dont tu serais à la tête. Il a voulu vous faire porter le chapeau des Straalers et des régiments de militaires qui sont décédés durant votre expédition, m'avoua-t-il, la respiration saccadée par la tension du moment.
— Walékair, moi aussi, moi aussi, mon plus fidèle ami. Et, oh le bougre ! Il a vraiment osé ? Alors qu'il est l'unique responsable de ce qui s'est passé là-bas et... et... c'est le responsable de ce deuxième Apocalypse, répondis-je, interloqué, les yeux exorbités.
— Mais t'inquiète pas, il a très vite vu qu'il était impossible de te rendre coupable de quoi que ce soit. Tu es une figure de courage et d'humanisme pour les Fulguriens. Tu nous avais avoué que tu ne comprenais pas les comportements des Straalers et que tu continuais à suivre ton cœur. Les échos ont parlé, et tu symbolises le héros de Fulguris parmi cet ordre de supers-guerriers inaccessibles et élitistes, me rassura l'homme empli de sagesse en souriant.
— Tu auras au moins le mérite de me rassurer là-dessus. Je trouvais ça bizarre qu'on nous laisse entrer sans souci dans la Cité. Mais tu sais, ne lui fais pas confiance, ni à lui, ni aux Straalers, et évite à tout prix les Transversaux. Vonkyeir est le responsable des Bloodsters, il manie une essence qui nous dépasse et... qui causera notre perte, lui racontais-je, perturbé.
— Te rassure pas trop vite. Il ne devrait pas tarder à frapper. D'ailleurs, heureusement que je te connais pour ton honnêteté... car sinon cela serait difficile à croire. Venant de toi, l'entendre me terrifie. Mais ça reste cohérent avec le personnage qu'il se donne. J'avais déjà compris que quelque chose ne tournait pas rond dès lors que Joy et Stormérah ont été engagés dans l'expédition et qu'il a exclu la tête pensante, sans prétention évidemment. AH et comme il sait que tu sais, il fera tout pour t'éliminer en secret pour ne pas perdre sa crédibilité au nom du peuple... mais il t'éliminera...
Je n'avais pas le droit d'avoir peur mais qu'il exprime ce que mes proches pensaient tout bas me terrifiait. Je tressaillis à la suite des images qui me vinrent à l'esprit et, par chance, je fus sauvé par le gong : Stormérah et Joy coururent vers nous.
Walékair les prit tous les deux dans les bras, très content de se revoir mutuellement.
— On doit empêcher le pire de se produire !
— Il faut arrêter Vonkyeir avant qu'il soit trop tard ! explicita le plus gentil des humains, paniqué.
— Non, Joy calme toi. L'excitation accélère le processus de transformation. Et on a encore besoin de toi parmi nous, rappela la jeune femme aux cheveux rouges, d'une voix acerbe mais qui exprimait à sa manière l'affection qu'elle lui portait.
Nous lui expliquions alors la « morsure » de Joy et de quelques autres de nos alliés. Il s'en trouva forcément offusqué, réalisant le monstre qui gouvernait Fulguris.
— Je suis au courant au sujet du Général... Et je suis terriblement désolé pour toi Joy...
— Vous en faites pas pour moi. Il faut empêcher ce monstre de tous nous transformer nous tuer, s'efforça de s'exprimer le concerné, alors qu'il avait manqué de vider ses tripes ensanglantées juste avant. Mais promettez-moi encore de m'achever avant qu'il soit trop tard, je veux pas finir comme eux...
La seconde partie de sa phrase contrastait avec son assurance parfaite, laissant entrevoir ses failles et en l'occurrence sa peur à en déduire le mouvement de sa pomme d'Adam. Nous le serions dans les bras et nous lui promîmes.
Nous allions notre force d'attaque contre les Bloodsters qui se rassemblaient toujours plus nombreux sur le Dôme. Désormais, ils faisaient presque une pyramide sur le Dôme et ils puisaient l'énergie de celui-ci jusqu'à ce qu'ils meurent pour laisser de nouveaux êtres prendre la relève à cette extraction de puissance. Et de fil en aiguille, durant une fraction de seconde... le Dôme a disparu. Ces coupures devinrent de plus en plus fréquentes, ce qui laissaient la possibilité aux Bloodsters les mieux placés de pénétrer dans l'enceinte de la Cité Imprenable. Les habitants, figés à leur fenêtre, furent dans l'obligation de fuir vers l'Oradium, du moins en ce qui concerne ceux qui habitaient le plus proche du Dôme. Puis, lorsque les coupures furent trop intenses, la Régente daigna enfin l'annonce d'une information :
— Nous allons utiliser le Générateur de secours le temps de la transition. Je vous prie de tous vous diriger sous la coupole du Dôme de l'Oradium qui apparaîtra au même moment. Il n'aurait jamais dû être découvert... alors catégorisez cela comme une extrême urgence. Je vous en prie, Fulguriens, Fulguriennes, courez pour votre vie. La Sagesse sera votre refuge sous les ailes de la Justice et la force du Courage. Nous ne faiblirons pas, la Cité des Lumières n'est pas prête de tomber. Pas aujourd'hui, pas demain.
Maintenant que j'y pensais, c'était vrai que le Général avait disparu depuis un certain temps déjà...
Au même instant, le Dôme de Fulguris s'amplifia pour se revêtir d'un jaune beaucoup plus intense qu'à l'accoutumé qui tournait plutôt vers l'orange. Lui, il semblait vraiment indestructible mais il n'allait durer que quelques secondes.
Dans un élan de panique, une foule de gens de toutes horizons fusèrent de toutes les directions vers le nouveau Dôme illuminé d'une couleur verte qui venait de s'ériger au-dessus et autour des trois bâtiments primordiaux. Les militaires commençaient à se replier aussi tout en achevant les poignées assez conséquentes pour un Dôme réputé « imprenable », ce qui ralentissaient leur avancée. Grâce au retour de Blue et Lyka, notre passage fut facilité, j'avouais. Pour les autres, la plupart, ce fut un carnage sans nom... les Fulguriens n'étaient pas formés au combat, c'était peine perdue. Malgré l'effort de certains escadrons valeureux qui restaient pour protéger et escorter les habitants, c'était sans espoir. Ils finirent tous sous les griffes des Bloodsters et ce, jusqu'au dernier.
Certes, nous étions chanceux d'être face au Dôme mais hélas, ils n'avaient pas mentionné de passages où le Dôme serait désactivé. Nous étions face à une impasse... Joy et les autres infectés ne pourraient pas passer puisque la barrière de puissance ne laissait traverser que les cellules humaines et ressemblances ou nécrosées - par ailleurs, certains primates nous rendaient visite de temps en temps pour faire du commerce. Que faire ? Nous ne voulions pas abandonner notre ami...
Une terrible décision fut prise : Joy resterait de l'autre côté et il combattra sur le dos de Blue avec les autres infectés. La jaguar bleu polaire empêchait les attroupements de Bloodsters autour d'elle et permit, je l'espérais, à d'autres personnes de rejoindre l'ultime refuge ; et les infectés tiraient sur les oubliés - ou chanceux, selon le point de vue - de cette dernière.
Stormérah, Walékair et moi-même furent obligés d'abandonner Joy et Lyka à l'extérieur de l'enceinte de l'Oradium.
— Cela ne sert à rien de combattre, affirma l'intelligent du groupe, il faut savoir où se cache le Général. On doit découvrir ses plans avant qu'il ne condamne notre havre de paix. Chacun dans une tour comme il n'est pas dans le champ de bataille ?
— Il doit être chez lui, je vais à la Tour Courage, prévins-je, immédiatement.
— Je privilégie plutôt la Tour Sagesse, pour atteindre Lumisthray, répliqua Stormérah à ma suite.
Les dés étaient lancés. Ni une, ni deux, nous courions à notre tour respective. Si les Juges travaillaient presque normalement, les Sages couraient dans tous les sens pour s'occuper des réfugiés dans l'immense hall d'entrée du rez-de-chaussée, les administrateurs du Courage semblaient avoir disparus. Ils étaient étranges à se faufiler plus ou moins discrètement entre les pièces dans les couloirs, marcher presque accroupi pour aller d'un bureau à un autre, à simplement murmurer de courtes phrases au lieu de parler... Par chance, je tombais sur l'une d'entre elles, sur le fait. Pour elle, je devrais marcher presque normalement et cela devait être une abomination puisqu'elle était surprise... avant de paraître l'instant suivant extrêmement paniquée en ayant remarquée mon insigne de Straaler.
— Pitié, pitié... Ne me faites pas de mal Straaler Orange... se plaignit-t-elle, toujours en murmurant, et presque en train de se mettre à mes pieds.
Je l'arrêtais directement pour la relever.
— Mais vous faites quoi là ? Pourquoi avez-vous peur de moi ? Je croyais que j'étais bien perçu aux yeux des habitants. Les Bloodsters vous font paniquer ? Et pourquoi est-ce que vous êtes obligés de travailler dans ces conditions ? demandais-je, étrangement surpris.
— Vous... c'est vrai que je ne vous ai jamais vu ici dans ces procédures. Vous n'y avez sûrement pas participé... Et je n'ai pas peur des Bloodsters, enfin si... mais j'ai plus peur des Straalers... Ils guettent le moindre faux pas pour nous anéantir... Ils ont tous une marque de cristal violet sur le front et les yeux rouges... Ils font peur... Mais pas vous...
— Mais, qu'est-ce que vous faites alors que c'est la guerre dehors ?
— On devrait coordonner les troupes en fonction de nos analyses instantanées, mais ils nous disent de faire le contraire de nos pronostics. Et et... on doit charger en énergie leur chose... Ils n'hésitent pas à nous utiliser pour la recharger pour entrer dans les temps de leur plan, même s'ils préfèrent utiliser directement les habitants sans qualifications « utiles » comme dirait le Général...
— Leur plan, c'est quoi ? A quoi ça va servir ?! m'exclamais-je d'une voix un peu trop forte.
Dehors, le sol se mit alors à trembler dangereusement.
— A nous anéantir. Seules une poignée de personnes dites « utiles » seront conservées par... le Grand Seigneur du Mal.
Sa révélation me fit froid dans le dos. Les secousses se faisaient plus fortes, notre curiosité nous poussa à rejoindre une fenêtre qui donnait sur les deux autres bâtiments. L'horreur me saisit : La Tour Justice était en train de s'effondrer, coupée en deux, ne laissant guère que ses deux premiers niveaux accrochés au sol.
— Bon, Vonkyeir n'est pas ici alors ?
— Non, il est en train de détruire les ailes de la Justice avant de s'en prendre à sa dernière opposante et... débuter son règne d'horreur.
A ses mots recouverts de tristesse et de peur, ses yeux s'écarquillèrent et des filets de rouge coulèrent aux commissures de ses lèvres... avant que je ne comprenne qu'elle venait de se faire transpercer par une lance de champs de force en plein dans son abdomen.
A l'autre bout du couloir, Jaune m'attendait, déterminée à ne pas me laisser sortir.
— Bah alors Orange, on veut nous fausser compagnie ? Je suis sûr que le Maître serait ravi d'extraire ton essence qui doit être si dense...
— Désolé Jaune, mais je n'ai absolument pas le temps. J'ai un ami à sauver et une Cité à préserver !
Elle avança vers moi et j'ouvris la fenêtre avant de m'élancer dans le vide. Je l'entendis rager à l'intérieur. Je resterais mieux mort que vivant entre leurs griffes.
Par le plus grand des miracles et ce que j'imaginais leurs entraînements général et d'escalade, je réussis à me raccrocher aux fenêtres et bordures du premier étage et du rez-de-chaussée et ainsi échapper à une mort certaine.
Je retrouvais rapidement Stormérah après avoir joué au cascadeur, elle aussi alertée par le bruit, et nous nous ramenions vers la tour en train de s'effondrer pour retrouver notre ami. Là encore, nous fûmes chanceux car il était parvenu à rejoindre les étages intacts et, ce qui aurait pu être pire, nous l'avions retrouvé en train d'hurler tandis qu'un bureau lui était tombé sur le corps, l'empêchant de bouger et respirer.
— Merci de m'avoir aidé, mais là, il faut qu'on aille chercher le Juge Suprême sinon un de tes copains, Kéhor va le lâcher dans le vide, nous avertit alors Walékair, n'ayant vraiment pas le temps de se reposer de sa presque mort.
Nous déambulions dans la tour avec un tout autre angle de vue puisque désormais les étages étaient tombés sur le côté. Nous marchions sur des murs ou sur un côté de bureau qui n'était pas commun. Étant tombée en U inversé, nous retrouvions l'autre bout très rapidement. Nous remarquions alors Bleu qui tenait le pauvre chargé ministériel de la Justice, un homme charmant et élégant en temps normal, aux cheveux bouclés et coiffés à la manière d'un bulbe bleu marine, aux yeux bleu outremer, et au teint métissé.
A la manière d'une héroïne, Stormérah s'approcha d'eux et s'exclama :
— Lâchez le Juge Suprême tout de suite !
Je me permis alors de rajouter pour être encore plus cliché :
— Nous sommes plus nombreux, tu ne feras pas le poids, Bleu.
Il tourna la tête vers nous, sans pour autant lâcher le pauvre homme d'influence.
— Justement, je vous attendais. C'est tellement mieux d'avoir du public lorsque l'on commet... la meilleure diversion de tous les temps, répondit-il en esquissant un sourire énigmatique, plein de malice.
Il lâcha le Juge dans le vide en veillant à le jeter suffisamment loin pour qu'il ne puisse pas s'attraper à un potentiel rebord. Pour ce faire, il n'hésita même pas à utiliser une balle de son pistolet futuriste.
— LISHTER ! s'écria Stormérah en s'élançant vers lui.
— NOOOOOON ! ajoutions en même temps, désarmés.
Bleu profita de notre moment d'inattention pour sortir son couteau à la lame bleu translucide et faucha Stormérah. Sans attendre, nous nous défendions et en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, Bleu fut mis hors d'état de nuire. Toutefois, c'était comme s'il s'était laissé faire et, ce qui se confirmait, puisqu'il avait à peine effleurer la jeune femme aux cheveux rouges alors qu'il aurait pu lui infliger un coup fatal.
Plus de peur que de mal. Du moins pour nous, car la Cité était prête à livrer son dernier souffle.
Une autre secousse ébranla l'Oradium et une onde de choc violacé se propagea de manière circulaire jusqu'au dôme. L'un des étages sphériques du Courage s'était mis à luire d'une teinte violacée tristement célèbre désormais et même si cette lumière était faible elle battait comme un battement de cœur, prenant la forme d'un petit élément.
— C'est... c'est un morceau du cristal, révélais-je, dépité, en ne me doutais guère que ce dépit allait s'accroître de seconde en seconde.
En parallèle, cinq formes en dehors du Dôme se mirent à hurler de souffrance puis de haine. Ces formes sombres grossirent jusqu'à devenir de véritables démons. Ils guidaient les foules Bloodsters pour qu'elles s'accumulent sur le Dôme pour le détruire. Mais avec les Transversaux dans leurs rangs, le Dôme n'allait sûrement pas pouvoir résister bien longtemps. A leur contact, un filet violacé de plus en plus imposant et prenant l'apparence de racines se propageaient sur les parties supérieures du Dôme. Une tempête sombre commençait à apparaître au-dessus de l'Oradium.
Notre désarroi se fit plus grand lorsque nous vîmes l'ascenseur de la Sagesse monter à la vitesse de la lumière jusqu'à la sphère mère. Les seuls imprudents ayant osés stopper l'avancée de l'ascenseur contribuèrent à recouvrir l'or en un rouge que je ne voulais plus voir.
L'heure était grave. Même si Lumisthray était une grande guerrière, elle ne ferait jamais le poids face à l'Incube. Nous devions tout faire pour tenter d'empêcher le pire des scénarii de se produire !
C'était une véritable course contre la montre. Stormérah, avec une petite troupe, tentait de rejoindre le morceau de cristal en espérant pouvoir le détruire avant qu'il ne soit utilisé à pleine puissance une fois le chargement terminé. D'un autre côté, Walékair et moi-même montions, quatre à quatre, les marches de l'escalier de la Sagesse. Tandis que la majorité des membres descendaient, une légère poignée de valeureux montait également. J'entendis ainsi mon nom quelques marches derrière nous. Je reconnaissais cette voix, tandis que je ne l'avais entendue qu'une seule fois dans ma vie.
— Kéhor ! Je t'en supplie, attends-moi !
Je me retournais alors avec stupéfaction. Une vieille femme aux cheveux blancs, au regard autant aguerri qu'il s'avérait blessé, vêtue de l'ancien modèle d'armure de l'Ordre Protecteur mais également armée d'armes dernier cri, majoritairement teintée de rouge, se tenait face à moi.
— Alitheia, c'est toi ? Que me veux-tu ? demandais-je, sceptique, comme si nous avions parfaitement le temps de discuter tandis qu'un regard de Walékair me poussa à poursuivre. L'ancienne rouge... Elle m'est tombée dessus un jour que je rentrais d'expéditions. Elle a voulu me faire comprendre qui étaient vraiment les Straalers et... en particulier le Général.
— Ah, et évidemment, tu ne l'as pas crue ? Comme tu n'as pas cru à la base tes deux meilleurs amis, eheh ? me lança-t-il, amical, malgré la tension de l'instant.
— Oui... c'est bien moi. J'espérais alors que tu découvres la vérité pour pouvoir ouvrir les yeux sur cette admiration. Bref, je suis là pour me faire pardonner. J'aimerais pouvoir t'aider à sauver la Régente, pour purger ma peine d'avoir été Straaler et d'avoir permis la réalisation des sinistres desseins de Vonkyeir.
Walékair me regardait, comme pour attendre ma décision. Je gardais une certaine fierté et frustration à son encontre même si je savais désormais que ce n'était pas elle la fautive... mais moi-même. Appuyant simultanément sur le bouton pour faire venir l'ascenseur une fois qu'il sera libre, je l'entendis enfin descendre au même moment. La porte s'ouvrit.
— Mieux vaut être le plus nombreux possible pour lui faire face. Monte Alitheia.
Elle sourit et entra à notre suite. Nous avions récupéré l'ascenseur. Cependant, cela restait un signe qu'il ne fallait absolument pas traîner. A la vitesse de la lumière, nous montions jusqu'à l'avant-dernier étage. Walékair et moi-même montions chacun à une échelle diamétralement opposée jusqu'au bureau de la Régente, Alitheia me suivant. Rappelez-vous que nous étions dans une tour de verre entouré par des ailes d'or dont le dernier étage était une immense sphère, et l'écart entre l'étage précédent et celle-ci était espacé par la continuité du tube de l'ascenseur. Nous perdions sûrement du temps à faire cela mais nous ne voulions pas saccager notre effet de surprise. Sans cet effet, nous perdrons car nous ne faisions pas le poids face à la véritable nature de Vonkyeir.
Une fois que nous ayons terminé de monter en effectuant le moins de bruits possibles, nous osions regarder au-dessus des rebords positionnés à quelques centimètres de l'embouchure des deux échelles, arborant des attraits de blocs de glace bleutés, pour ainsi découvrir la moitié de la pièce. En effet, à ma gauche et à sa droite par déduction, un grand rideau pourpre était descendu jusqu'au tapis rouge, dont les extrémités étaient décorées d'or, en plein milieu de la pièce, recouvrant ainsi partiellement un sol de marbre blanc éclatant au sein de cette sphère de verre. Au plafond se trouvait un lustre de différents cristaux gigantesques et sublime, éclairant l'ensemble de l'endroit d'une lumière pure. A notre gauche, deux gros bras de Vonkyeir gardaient l'entrée. Pourquoi ce n'étaient pas des gardes de la Régente ? Tout simplement parce que leurs armures étaient noires et rouges tandis que celles des gardes de la Lumisthray étaient blanches et bleues. Ah et qu'accessoirement lesdits gardes étaient à leurs côtés, et plus très en vie, comme la petite colline de corps de personnes ayant osées prendre l'ascenseur. Encore une fois, nous nous saluions - littéralement - pour avoir eu cette idée. Pendant ce temps, nous tendions l'oreille du côté de la pièce inconnue où le pire était sur le point de se produire. Vonkyeir se donnait en spectacle alors que Lumisthray subissait à distance le désastre de sa propre ville et surtout de ses habitants.
— Votre Grâce, comment vivez-vous le fait que Fulguris, la Cité des Lumières, celle que vous chérissez tant et qui vous rendait si fière soit en train de sombrer ? Comment vivez-vous le fait que votre peuple est en train de se faire décimer par une menace qui les dépasse ?
— Arrêtez ça. Je vous en supplie. Epargnez ces innocents. SI vous voulez le pouvoir, je peux vous le donner... mais ne vous en prenez pas à des gens, des amis, des familles, qui ne vous ont rien demandé. Ce n'est pas... un ordre... mais bien une requête, un souhait, que je vous demande...
Je le sentais jouir lui-même de ses paroles et de voir notre si courageuse Régente tressaillir, c'était répugnant. Je craignais ce que je verrais derrière ce rideau.
— Le pouvoir ? Mais n'avez-vous pas remarqué que je l'ai déjà et qu'il ne me serait d'aucune difficulté à retirer celui que vous possédez ? Non, vous voir souffrir est beaucoup plus excitant que de vouloir du pouvoir. Mais il est vrai, je ferais mieux de me dépêcher de finir ce que j'ai commencé avant que le Dôme ne soit détruit, au risque de voir mon poulailler détruit et gâché.
— Mais... de quoi parlez-vous, bon sang ? Arrêtez de tuer mes pauvres loyaux sujets qui tentent de venir m'aider... c'est atroce.
Je l'entendis ensuite hurler de douleur. Notre regard s'était croisé, il était temps que l'on agisse, afin d'avoir au moins un meilleur angle de vue. Sans un bruit, nous étions sortis de notre cachette et, au moment où mon ami militaire fit malencontreusement un petit bruit qui attira leur attention - impossible de lui en vouloir, il n'était pas aussi durement entraîné que les Straalers -, je bondis sur le premier et lui tranchais la gorge avant qu'Alitheia ne s'occupe du deuxième que nous étions mutuellement déconcentré par nos diverses diversions.
La scène que nous voyions était stupéfiante : Il y avait deux gardes blancs recroquevillés dans un coin et notre Régente, revêtue de son armure céleste, était plaquée contre un mur derrière son immense bureau de marbre violet pâle, une main sur la gorge par Vonkyeir qui avait déjà commencé à se métamorphoser en cette chose qui composait sa véritable nature. Je l'avais déjà plus ou moins senti lorsque j'entendais sa voix sifflante revenir. Ah et évidemment, la scène était un carnage avec le bureau et pots de plantes renversés, des feuilles volantes... Il semblait que seul l'espace incurvé dans le mur derrière le bureau n'avait pas été touché, recouvert de végétation.
L'épée mystique de la Régente gisait sur le sol, parfaitement à l'opposé.
— Arrêtez de me demander quoi que ce soit. Vous n'êtes pas en état de disposer de quoi que ce soit. Puis, regardez l'effet de l'adoration, celle que les gens vous portent les poussent à se sacrifier inutilement pour vous. Oui, c'est vous-même qui les condamnez, finalement. Et autrement, je ne fais que mon travail, je sécurise la zone pour... que l'on soit tranquilles pour parlementer de Fulguris, la nouvelle Cité... des Ténèbres.
Son ton était si sinistre que si je n'avais pas été préparé, mon sang se serait sûrement autant glacé que la voix de notre pauvre Régente.
— Mais... vous êtes un monstre ! s'écria-t-elle, avant qu'il ne sert plus fort et qu'il ne se mette à léviter, laissant le pouvoir maléfique l'imprégner.
Notre regard s'était croisé, il était temps de réagir... maintenant ! Nous nous élancions discrètement avant de sauter véritablement dans l'arène avec nos armes blanches. Autrement dit, nous venions de tenter de percuter Vonkyeir. Cela ne marcha qu'à moitié, son sixième sens avait dû l'avertir de la venue des intrus que nous étions. Il élança son bras libre vers nous et un souffle sombre s'abattit sur nous et nous envoya dans le rideau qui dégringola face à notre poids - surtout des armures, en vrai.
— Vous pensiez pouvoir me surprendre, moi, l'expert de la surprise ? Non mais, vous êtes pitoyables ! Surtout toi Kéhor, je ne me remets toujours pas de ces choix désespérants, quelle déception, quel gâchis de potentiel ! se plaignit-t-il, presque larmoyant en étant toujours tourné vers nous, sa main libre vers le ciel.
Durant ce temps, j'encaissais ses mots tout en nous relevant et la Régente vint à mettre la main sur une petite dague. Elle poignarda le Némésis de la Lumière au niveau du haut des pectoraux et, en supplément d'un coup de pied bien placé, elle réussit à se libérer de son emprise. Ensuite, Walékair et moi-même nous dressions devant elle pour la protéger tandis qu'elle retrouvait son souffle et ses moyens, reposée contre le mur de verre. Alitheia restait alors toujours pleinement dissimulée derrière le rideau - ou ce qu'il en restait.
— Nous sommes venus vous arrêter de nuire !
Il commençait à garnir ses mains d'une puissance diabolique, teintée d'un sombre violet. Il riait de manière tout aussi diabolique que son pouvoir et se moqua ouvertement de nous.
— Quoi ? Mais vous êtes tellement clichés. Pensez-vous vraiment pouvoir m'arrêter ? Ma puissance dépasse l'entendement, et de loin, celle de la nature humaine.
Il nous lança quelques sphères d'ombre que nous évitions sans trop de difficultés, même certains dont il contrôlait le chemin en dépassant la logique des lois physiques. Ensuite, il fit apparaître deux grosses épées d'ombre ténébreuse devant lui contre qui nous livrions une bataille acharnée. Nous comprîmes bien tardivement que ce n'était qu'une manière de nous occuper quand celui-ci s'approchait lentement, toujours en lévitation, vers Lumisthray. Arrivant à sa hauteur, il la noya au sein des flammes violettes de l'Enfer.
Nous nous tournions immédiatement vers lui et les balles lumineuses de nos engins fusèrent sur lui. Notre attention ne pouvait être portée de manière optimale autant sur Vonkyeir que sur les épées alors... les épées fondirent sur nous pour nous trancher et nous brûler d'un feu que l'humain n'avait jamais approché. Nous hurlions de douleur, mais au moins la Régente ne brûlait plus sous les flammes de l'Enfer. Son corps était sanguinolent et fumait encore. Ces flammes semblaient avoir choisi les endroits qu'elles dévoraient en vue des impacts changeant en fonction de la partie du corps. Je parlais de leurs corps mais nos corps n'allaient pas tarder à lui ressembler, tailladé de toutes parts, avec Walékair.
Par chance, ou par pitié, il retira ses épées, sans pour autant arrêter de nous mépriser. Vous vous demandiez pourquoi Alitheia n'était pas intervenue ? Eh bien pour respecter son désir et nos envies, nous avions pris la décision d'être des appâts afin de détourner son attention. Alitheia ne sortira si seulement et seulement si elle a la possibilité certaine de lui infliger un coup fatal.
— Lamentable. Et dire que je fais face aux soldats les plus puissants de la Cité ? Pfff décidément, les humains ne m'arrivent pas à la cheville. Si faibles, si faciles... soupira-t-il, presque de déception, sans que sa folie ne disparaisse une seule fois avant de reprendre avec ambition. Il est temps, désormais, de passer aux choses sérieuses. Ouiii il est temps de réduire à néant ce qu'il reste de la Cité des Lumières ! Ouiiii Fragment cristallisé de Pouvoir, je fais appel à toi ! Donne-moi la force et réduis les esprits les plus faibles sous mon commandement !
La tempête - qui n'avait rien de naturelle - devint encore plus forte, plus grande et si noire comme elle ne l'avait jamais été sous Fulguris. La foudre et les éclairs crépitèrent et explosèrent. Le Cristal se mit à briller au sein de la Tour Courage, Vonkyeir reprit sa véritable forme d'Incube démoniaque, et il fit tourner ses mains vers le ciel. Provenant de ladite tempête, une traînée violette prenant la forme d'un ouragan ou d'un cyclone arriva jusqu'à la pointe de la Tour Sagesse, la recouvrant d'une aura violette immédiatement et plusieurs ondes lumineuses circulaires furent propagés à partir de l'épicentre qu'y était notre plus humble fierté à l'origine.
Vonkyeir criait avec fierté et machiavélisme, la tête et les bras tendus vers le ciel. Tandis que nous essayions de nous relever, le moment le plus opportun semblait être arrivé. Alitheia se glissa au sol jusqu'à ce qu'elle fut suffisamment près, elle sortit son gros fusil et tira sur lui. Immédiatement, il tourna ses mains pour contrer le rayon lumineux avec un rayon de pouvoir démoniaque. Alitheia sortit son couteau et sauta sur lui pour le lui planter dans le pectoral droit. Elle se laissa glisser et ainsi agrandir l'entaille.
Vonkyeir fusa vers le mur de verre qu'il brisa avec fracas en l'emmenant avec elle. Il la plaquait au sol, dans les débris de verre. Elle était au sol et... elle allait sûrement y rester. En effet, la partie basse du mur, tranchante nécessairement, lui perçait l'abdomen. Sa tête volait dans le vide avec le haut de son corps. Cependant, elle maintenait sa prise sur le couteau.
— Alitheia ! Nooon ! m'écriais-je, sous le coup de l'émotion.
— Je n'ai pas été à la hauteur de lutter quand il le fallait. Il m'a brisé, autant que mon restant de vie soit utile, répliqua-t-elle avec confiance avant d'offrir une étreinte à Vonkyeir pour l'entraîner dans sa disparition. Préservez-vous, on a besoin de vous, les garçons.
Sa dernière phrase était sortie au bord des lèvres. Entre-temps, Lumisthray avait glissé son corps jusqu'à son bureau où elle avait appuyé sur quelque chose. Un bruit assourdissant retentit.
— Je suis finie... Kéhor, n'oublie jamais que les tyrans ont toujours tort. Tu es un protecteur de la Cité. Les Lumières te seront éternellement reconnaissantes... soupira-t-elle avant de s'effondrer et d'expirer dans son dernier souffle. Messieurs, restez en vie. Je vous en prie...
Les ailes de la Tour s'étendirent avant de se rapprocher de nouveau, une sphère rouge se forma et un laser percuta le lustre qui tomba et tout trembla. Subséquemment, l'ultime étage de la Tour Sagesse débuta son effondrement. Nous prîmes l'ascenseur et commencions la descente, tandis que tout se faisait ensevelir et j'espérais que Vonkyeir en faisait partie. Je ne savais pas encore que le pire restait à venir et que nous allions découvrir l'Enfer.
En bas, régnait le chaos. Les ondes avaient transformé les esprits les plus faibles en Bloodsters et ces derniers se retournaient contre les réfugiés. S'ils étaient d'abord constitués en groupe, ils finirent rapidement par devoir survivre en trio pour les plus chanceux mais en solo pour la plus large majorité... C'était une véritable boucherie, pire encore que les idioties des apocalypses zombies que les réalisateurs et scénaristes ont voulu nous droguer durant toute notre vie. Stormérah ressortit peu de temps après nous de la Tour Courage, avec un groupe grandement restreint par rapport à celui d'origine. Et... le Fragment du Cristal s'extirpa de l'étage, comme attiré par une force qui nous dépasse, et, en même temps, les derniers étages de la Tour Sagesse qui s'effondraient arrêtèrent subitement leur chute.
Une silhouette se dessinait dans le ciel, le Fragment cristallisé tournoyant autour de lui. Les étages de la Tour Sagesse revinrent à leur place, la Tour Justice effondrée retrouvait sa prestance à quelques centimètres de la Tour principale, le haut de la Tour Courage vint s'imbriquer comme un bras supplémentaire ou une autre branche d'un candélabre. Pour clôturer le tout, les ailes se mirent à entourer le nouvel ensemble si blanc et éclatant qui venait alors de se noircir et débuter son avènement au sein des ténèbres. Vonkyeir n'avait plus rien d'humain, il avait vraiment tout d'un Incube ou d'un démon. Il continuait à façonner son nouveau lieu de vie, tout en lévitant autour des tours. Il semblait bâtir une forteresse pour assurer sa souveraineté.
Tandis que les Transversaux démoniaques et les Bloodsters, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur, se collaient au Dôme. Avec une attaque simultanée, de toutes parts, autant sur la face extérieure et intérieure, il n'allait malheureusement pas pouvoir tenir. Durant ce temps, Stormérah nous tint au courant de l'opération « Mitraille le Cristal », mais a contrario de son habitude, elle n'était pas sûre d'elle mais inquiète et déçue :
— Je suis désolée... on a réussi à éliminer une bonne partie des Tertiaires du côté de Vonkyeir mais dès que les Primaires se sont ramenés, nous avons été décimés. Certains se sont sacrifiés juste pour moi, Kéhor... Tu te rends compte ? Je pensais qu'il n'y avait que toi, des amis qui pouvaient faire ça... expliqua la jeune femme aux cheveux rouges, éprise par l'émotion.
— C'est pas grave Stormérah... mais là, il va falloir partir d'ici. Il est trop tard pour sauver Fulguris, répondit Walékair, pragmatique. Mais je vois que tu as ramené des administrateurs, tu as permis de les sauver au moins...
— Quand tu donnes du courage aux gens, ceux-ci ne veulent pas perdre leurs modèles... Et l'important, c'est d'essayer. Alitheia s'est sacrifiée, mais elle a permis de blesser grandement Vonkyeir, pendant que vous occupiez les Straalers. Je pense qu'on a fait du bon travail, fis-je en soupirant.
Je n'arrivais pas à positiver pour nos petites victoires. J'étais bien trop impliqué dans la pression de l'instant pour ça. Je n'allais qu'en objectif accompli en objectif accompli, tout en tâchant de conserver le plus de vies. J'ajoutais alors, un léger sourire d'espoir apparant sur mes lèvres :
— Nous devons sortir d'ici. Le Dôme va éclater d'une minute à l'autre. Si Fulguris est perdue, ce n'est pas le cas de ses habitants. Nous devons préserver le plus possible de gens. Stormérah, Walékair, nous devons évacuer Fulguris, enfin ce qu'il en reste.
— C'est toi qui es formé aux évacuations, on te suit !
Mon sourire revint complètement et le regard de mes alliés se ranima immédiatement. Je leur expliquais brièvement quelques précautions et règles de sécurité de base, avant de débuter sur un plan imaginé dans l'instant : Rester groupé, permettre un cheminement sécurisé pour faire sortir les habitants qui ne savent pas se battre. Nous avions besoin de toutes personnes sachant manier les armes, en particulier celles à distance. Nous ne pouvions nous permettre d'écarter des talents et les Fulguriens comprenaient l'urgence. De toute façon, la nature humaine stimulait notre instinct de survie et peu de personnes capables de manier les armes refusèrent de nous aider à sécuriser le cheminement ou de partir en expédition pour chercher des survivants. Dès que les positionnements et rôles furent donnés et appliqués, le Dôme explosa et la tempête se déclencha complètement, mais seulement au-dessus de la Forteresse.
— Fulguriennes, Fulguriens, venez au sein de ma future Forteresse des Ténèbres. Sous le Sanctuaire de la Tour Hantise, la nouvelle appellation de la Tour Sagesse, je vous promets de vous maintenir en vie et ainsi former notre nouvelle communauté. Si vous êtes suffisamment sages, de petits privilèges de vie pourront vous être offerts. Autrement, vous pouvez partir, mais en dehors de la Forteresse, mes Bloodsters vous dévoreront, annonça alors Vonkyeir l'Incube à la chute de la deuxième barrière de protection.
Il fallait faire vite, très vite car il n'y aurait aucun survivant autrement. Du moins, des survivants pour sauver les prisonniers de volonté de Vonkyeir. Cette période fut courte mais intense. En effet, nous ne pouvions pas traîner, impossible de se permettre de faire deux passages au même endroit. Nous nous dirigions vers une seule et même direction : la voie du jaguar polaire. Alors nos sauvetages express ne se déroulaient qu'autour de cette route et uniquement celle-ci.
Une fois sous la coupe de Blue, nous fûmes sans danger... ou presque. Cela rimait plutôt à une pause de quelques secondes puisque l'Animonstre géant était désormais la cible prioritaire des Bloodsters. La pauvre se démenait pour écarter la menace, tandis qu'ils étaient des dizaines sur ses pattes à la mordre et déchirer son soyeux pelage.
Par ailleurs, nous avons dû faire face à la terrible réalité : Joy était mort, vraiment mort. Toutefois, Lyka nous avait raconté qu'ils étaient morts en héros. Joy avait mené une opération sur un Transversal et les infectés avaient gagné... même si cela leur avait coûté la vie. Ce fut lorsqu'il avait tenté de griffer Lyka qu'il s'était rendu-compte que son heure était venue et qu'il devait enfin « faire quelque chose de sa vie ». Nonobstant, cela ne soulageait pas notre immense tristesse et cette culpabilité de ne pas avoir été là lors de son dernier souffle.
Tout en continuant de courir sous les pattes de Blue, nous essayions d'en monter la plupart dessus. Une troupe suffisamment conséquente de Bloodsters suivaient l'Animonstre géant, tandis que d'autres persistaient à vouloir lui dévorer les pattes arrières. Ce schéma se perdura longuement avant que la troupe de Bloodsters ne se réduise quelque peu mais... que le nombre de survivants aussi. En effet, il arrivait que les Fulguriens se fassent happer par ces horreurs et du fait de leur morsure, certains finirent infectés malgré eux.
***
Désormais suffisamment loin de l'ancienne Cité des Lumières, nous décidâmes d'orchestrer un ultime assaut pour réduire à néant le groupe de Bloodsters. Notre meilleur élément fut évidemment Blue, la jaguar polaire géante. Hélas, épuisée par les efforts continus depuis ses derniers jours et son envie de sauver le plus de monde possible, en particulier son âme jumelle qui la guidait, Lyka, celle-ci s'était sacrifiée en offrant ses dernières forces pour détruire une majeure partie des Bloodsters des environs. Avec l'effort combiné des survivants, nous parvînmes à écarter nos ultimes ennemis.
Lyka venait de se pencher vers Blue, son corps bleu alors recouvert d'un rouge peu appréciable à l'œil. Toutes les deux pleuraient.
— Je suis désolée de pas avoir été suffisamment là.... Blue, je m'en veux tellement. Je pourrais jamais te rendre tout ce que tu m'as donné... Sans toi, je serais plus de ce monde... Je pourrais jamais te rendre la chandelle de tout ce que t'as fait...
Elles s'étaient tues. Tandis que j'assistais à ce moment émouvant, debout derrière elle, tandis que les survivants offraient un grand cercle de protection, elles semblaient discuter par leur regard larmoyant. Blue approcha son front contre celui de Lyka avant de s'éteindre. La jeune femme se remit à sourire, recouvrant son être de cette détermination qu'elle n'avait pas longtemps perdu.
— Blue, tu peux partir en paix. Je retrouverais tes petits et je les élèverais encore mieux que tu aurais pu le faire si tu avais été une mère à temps plein... pour tout ce que tu as fait pour ma propre survie. Je t'aimerais toujours.
Puis, elle éclata en sanglot en fondant dans mes bras.
Epilogue :
Les jours qui suivirent furent utilisés pour l'apprentissage des capacités fondamentales de la survie, en particulier de la chasse. Si nous aurions bien voulu nous reposer, ce ne fut que lorsque nous avions retrouvé la grotte où ses petits se développaient sous la tutelle d'un ours polaire aux oreilles de lapin, lui rendant un visage beaucoup plus affectueux qu'un ours classique. Grâce à Lyka majoritairement, nous ne fûmes pas dévorés par ce dernier comme nous conservions l'odeur de Blue. La jaguar polaire avait mis au monde deux petits, qui faisaient notre taille, l'une était jaune au pelage tâché de noir et l'autre mâle était violet et bleuté. La première fut renommée Voldera et l'autre Hooper, sous l'approbation de leur ancien parent de substitution et la nouvelle mère, l'ours et Lyka.
La cinquantaine de survivants furent installés à l'entrée de la grotte, tandis que Lyka, Stormérah, Walékair, quelques autres réputés survivants, et moi-même furent installés plus au fond de la grotte avec les deux petits et leur figure parentale de substitution. Nous y étions restés plusieurs jours pour former les survivants à la survie, finalement apprendre à vivre et se défendre avec rien, et une fois que la patience de l'ours fut atteinte désormais que ses fonctions venaient d'être relevées, nous étions partis à la découverte de l'inconnu.
Notre route nous emmena sur des terres désertiques, presque sans vie. Les vivres finiraient par être tout juste et notre réserve d'Universalis manquait considérablement. Nous commencions à tous plus ou moins désespérer. Malgré tout, les Astres semblaient être avec nous puisqu'au moment le plus critique, nous fîmes la rencontre d'un groupuscule masculin qui nous était bien familier. Lyka sauta dans les bras de leur représentant et j'en ressentis une pointe de jalousie nette.
— Jayko Soréo ! Les gars ! Qu'est-ce que ça me fait un bien fou de vous voir !
Nous leur expliquions les dernières nouvelles. Leur retour n'exprima rien de bon non plus.
— Lyka, Kéhor, les Bloodsters sont devenus bien trop nombreux. Les villages de renégats sont démantelés par ceux-ci. Et on a vu une autre espèce de Bloodsters apparaître. Ceux-là, on dirait qu'ils sont programmés, contrôlés, tellement ils ont une démarche presque militaire. Ils attirent les sauvages. Ils détruisent des villages entiers. Ils provoquent l'Exode renégate vers l'Est. Les terres sont plus sûres, mais plus désertiques.
— On est aussi à la recherche d'une Cité perdue, au-delà du désert flamboyant. Une Diseuse de bonnes aventures nous a parlé de cette Cité et elle agit comme un certain espoir parmi les renégats, ajouta un autre homme aux cheveux rose acajou, nettement plus jeune à ses côtés.
— Arrête Philask Krieg, c'est peut-être faux... on peut pas croire les récits d'une Diseuse, aussi ancienne qu'elle pouvait être...
— Cette Diseuse, Jayko... Peut-être qu'elle ment, peut-être pas, mais elle donne une mission, un objectif de vie à celles et ceux qui n'en ont plus depuis que la Vie leur a tout pris. Alors, pourquoi ne pas essayer ? tentais-je, plein d'optimisme. Cela ne coûte rien.
Ce fut ainsi que nous annexions le groupe de Jayko Séréo aux survivants de la Chute de Fulguris. Ils partagèrent volontiers leurs provisions et leur maigre réserve d'Universalis. Ils gagnèrent vivement en popularité et en influence au sein du groupe survivant. Je m'étais promis de les former à l'extraction et transformation de minerais en Universalis dès que la situation se présenterait, signe de reconnaissance pour leur aide précieuse. Et aussi, ils nous avaient donné un nouvel objectif, de quoi mobiliser de nouveau les troupes : trouver la cité perdue au-delà du désert flamboyant.
***
Nous avions marché des jours et des jours, en redoublant d'efforts, quitte à perdre haleine, risquant même des nuits sans manger pour permettre la conservation des ressources vitales le plus longtemps possible. Nous jouions même terriblement avec l'espoir des survivants de Fulguris qui tenaient plus qu'à un fil sur la fin de notre épopée. Mais, nous y avons cru, comme un appel à travers les âges et l'espace, nous n'avions jamais abandonné, jamais reculé, toujours continué d'avancer, et nous avions réussi. A l'horizon, des bâtiments d'or apparurent, offrant un regain d'énergie à toute la troupe. Jayko et Lyka, soutenus par mes amis et moi-même, menions le groupe jusqu'à la fameuse Cité perdue... qui n'était pas qu'un simple mythe pour redonner de l'espoir aux survivants de ce monde à la dérive, vraisemblablement.
Enfin... c'était ce que nous croyions. Peut-être que nous étions arrivés trop tard. Nous foulions le sol d'une ancienne ville en ruines. Les bâtiments fabriqués en métaux précieux comme nous n'en avions jamais vu n'étaient en réalité que des tas d'or ou d'autres composants luxueux désormais. Les survivants commencèrent à crisser, à se plaindre d'avoir donné autant d'efforts et d'espoir en quelque chose de vain, et qu'ils allaient tous finir par dépérir au beau milieu d'un lieu aussi désertique, démuni de toutes ressources vitales.
Nous avions alors décidé de s'arrêter ici malgré tout et de commencer à établir un campement aux portes de la Cité perdue. Durant ce temps, quelques trios partaient en exploration pour voir s'il n'y avait rien d'intéressant dans les alentours. Nous aimerions tout de même comprendre ce qui s'était passé ici et, j'avouais, j'espérais trouver des survivants ou des éléments comestibles autour de ces montagnes d'or. Parce que, dans l'immédiat, il n'était pas spécialement utile d'extraire l'Universalis de ce métal abondant quand nous ne voulions que manger et boire. Également dans l'immédiat, nous ne nous considérerions pas encore comme les propriétaires de cette mine d'or.
Avec Lyka, quelque chose nous avait attiré ici. Nous restions persuadés que quelque chose ou quelqu'un nous attendait, c'était très étrange comme sensation, comme un lien imperceptible. Malheureusement, nos rondes n'avaient rien donné mais... nous avions entendu crier.
Lors du compte-rendu du soir au coin du feu, nous apprîmes que deux de nos explorateurs ont été griffés par quelque chose au niveau du secteur Nord-Ouest de la Cité. Nous décidions que nous ferions plus attention pour découvrir quel prédateur pouvait avoir élu domicile au sein de la Cité.
Les soirées qui ont suivi furent aussi tumultueuses que la première. Nous avions découvert que nous n'étions pas seuls. Un fauve se tenait dans les parages et il semblait effrayer Voldera et Hooper, la progéniture de Blue, mais pas uniquement. Une petite fille vivait également au sein des tas d'or. Ils mettaient des pièges pour nous mener la vie dure. Nous devions tenter de les approcher coûte que coûte, plutôt l'humaine si nous espérions trouver un terrain d'entente. Elle était peut-être effrayée, ainsi toute seule, et tout comme Lyka qui ne pouvait que la comprendre, elle semblait avoir réussi à se lier d'affection avec un animal pour survivre. Ce qui expliquait pourquoi elle ne tolérait sûrement pas les intrus sur son territoire, en particulier la présence des deux petits jaguars. Elle manquait sûrement de ressources, elle aussi.
Par ailleurs, nous vivions principalement au crochet des deux jaguars géants qui avaient un instinct de chasseur pour nous débusquer des proies, mais, histoire de les récompenser, ils conservaient la majeure partie de leur butin. Nous savions que le mystérieux fauve rôdait dans un secteur de la Cité lorsque les jaguars n'osaient plus s'approcher d'une certaine zone. Notre priorité était donc de déterminer l'endroit où ils créchaient lorsqu'ils ne partaient pas faire leurs activités.
***
Grâce à un travail de recherche de longue haleine, nous parvînmes à déterminer leur lieu d'habitation : une caverne d'or au centre de la Cité. Disons que lorsque les bâtiments se sont effondrés, ils ont permis un espace clos à l'intérieur, même s'il n'était pas entièrement optimal, comme des trous restaient encore. Mais certaines plaques ajoutées après coup prouvaient qu'il y avait une volonté de les boucher. Nous avions également retenu les temps de chasse des deux autochtones, la fillette sortant bien davantage que le fauve désormais. Nos deux jaguars qui seront bientôt aussi gigantesques que leur mère avaient-ils peur d'une humaine ? Bien étrange tout ça... cela amplifiait le désir de Lyka Spotdium de la rencontrer.
Ayant analysé leurs rythmes de vie, une petite équipe de quatre soldats, menée par le Stratège Walékair, tenta une approche vers la grotte dorée. Mon ami entra avec un autre homme tandis que les trois autres gardaient les environs de l'entrée, aux aguets. Il fut le premier à mettre les pieds dans cette grotte dorée plutôt sombre, éclairée seulement par les rayons du soleil parvenant à passer par les ouvertures de la voûte céleste. Il semblait analyser dans l'ombre un semblant de dinette avec des éléments rudimentaires en taille miniature, des petits jouets de bois ornés de pierres précieuses reluisantes, avec un four qui semblait éclairer comme les armures des Straalers, orange qui plus était et une fontaine d'eau de même envergure reluisant de bleu azur dont un tuyau menait jusqu'à l'extérieur de la bâtisse. On aurait dit un récupérateur d'eau de pluie. Ah, et évidemment, il ne put passer à côté de l'élément le plus lumineux de la pièce : Un minuscule petit fauve à tête de lion dont le pelage rouge vif semblait frapper de tracés orangés scintillants qui semblaient avoir un grand symbolisme, aux yeux de saphir azuré et munis de petites ailes d'or dans son dos et une queue moutonneuse touchée par cette même pluie scintillante. Il ressemblait vraisemblablement à un griffon.
Walékair eut l'envie subite de l'approcher tellement il le trouvait mignon. Grossière erreur. Une mère ne laissait jamais son petit sans surveillance, aussi unique qu'il était. La fillette jaillit de nulle part et lui sauta dessus après avoir écarté son allié, le faisant tomber à la renverse.
— Sortez de chez nous. Helixydo ne veut pas de vos sales pattes sur son somptueux pelage. Laissez-nous tranquilles, Etranger.
Sa voix était d'une agressivité naturelle face aux dangers inconnus. Sa peau métissée était recouverte de peinture aux symbolismes sûrement très important dans sa culture, autant rouge, bleu, noir, ou encore jaune et violet. Ses cheveux corbeau et ses yeux verdoyants augmentaient sa sévérité, lui offrant nettement plus de maturité et un air plus âgé, même si elle ne semblait avoir qu'une morphologie d'une fillette. Elle portait une espèce de kimono rouge orné de motifs en feuilles d'or, dont les extrémités semblaient cousues en un tissu en argent, cachant une tenue complète en toile de couleur peau et des chaussons bruns qui semblaient très doux. Son kimono était conçu en soie, et la soie des araignées de notre temps, géantes évidemment, parvenait à être extraite et utilisée seulement par quelques grandes familles qui conservaient cet art au sein du monde oriental. Son effet était doublement voire triplement résistant à la soie de l'ancien temps, et sûrement supérieure à la résistance de nos armures.
Elle pointait un couteau en os extrêmement aiguisé sous la gorge du stratège, ce dernier écarquilla même les yeux en remarquant la multitude et la diversité d'armes blanches qui pendaient autour de sa taille, presque dissimulée sous son kimono.
— Je... Nous ne vous voulons aucun mal. Nous voulons seulement discuter. On aime... tenta d'expliquer Walékair, veillant à ce que la lame ne rape pas sa glotte, les yeux toujours écarquillés.
Il n'avait jamais eu aussi peur, même face à Vonkyeir. Elle rapprocha la lame de sa gorge et son autre main de sa bouche pour le forcer à se taire.
— Je ne veux rien savoir. Je ne parlerai qu'en la présence de la Dompteuse et du Guerrier Orange. Autrement, n'essayez plus de nous contacter si vous tenez la vie. Helixydo a besoin de chair fraîche pour grandir, répondit-elle en relevant son corps, dévoilant un sourire presque sadique.
Elle se remit debout et mis Walékair dehors sans ménagement, presque avec quelques coups de pied aux fesses, en chuchotant, toujours aussi adorable :
— À ce qu'il paraît, tu es un homme sage. Prouve-moi que c'est le cas en n'osant plus rien tant que tu te trouves chez nous, et préviens tes soldats du fléau qui les attend s'ils osent revenir dans notre terrier...
Il allait s'apprêter à répondre mais la jeune fille lui passa cette envie et concéda une réponse avec un hochement de tête. Il déguerpit avec ses coéquipiers et, en nous rapportant le compte-rendu de l'expédition, nous discutions alors de nos prochaines stratégies.
***
Enfin, il n'y avait pas tant que cela à discuter. Nous n'avions qu'à parlementer sur le fait d'être accompagnés ou non pour le moment. Il était d'ailleurs évident qu'elle parlait de Lyka et de moi-même, elle était l'une des rares survivantes à avoir réussi à dompter des Animonstres et j'étais le seul soldat avec une armure orange ici. Lyka proposa de venir seuls avec Voldera et Hooper, non désireuse d'avoir des gardes. Cependant, ma conception des choses voulait que les « Hommes d'honneur » soient sous garde rapprochée. Alors, nous finîmes par nous mettre d'accord en concédant de finir accompagner de Jayko Soréo, Stormérah, Walékair et Philask Krieg. Rendez-vous le lendemain, en pleine journée, pour ne pas se faire surprendre par le manque de luminosité au sein du terrier.
Le jour suivant, nous avancions vers le terrier doré. Avant même d'entrer dans le périmètre, une ombre se dressa sur le terrier, et arrêta notre petit groupe. Ses manières nous stupéfiaient tellement qu'elle n'eut même pas à avancer pour en avoir le souffle coupé.
— J'avais dit, seulement, la Dompteuse et, le Guerrier Orange. Déguerpissez ou vous ne les retrouverez pas vivants, annonça-t-elle sur un ton mortel avant de sourire avec malice. Parfait, allez sillonner les alentours pour vous assurer que nous ne serions pas dérangés. Nous avons beaucoup à parler. Cela fait longtemps que je vous attendais.
Nos accompagnateurs s'exécutèrent illico presto, en restant bien à l'écart tout en sillonnant les alentours. Nous allions donner les mêmes directives, cependant, il semblerait que la fillette nous ait devancé. Nous entrions dans la bâtisse, mais pas sans appréhension.
Nous fûmes surpris par l'accueil si chaleureux qu'elle nous offrit. Tout était bien plus lumineux. Notre visite était attendue, des bougies éclairaient l'endroit et des chaises autour d'une table étaient placées bien au centre avec ce qui ressemblait à une théière et des tasses. Oh, nous allions prendre le thé ? Intéressant !
— Je vous en prie, prenez place, nous accueillit-elle, en tendant la main vers les deux chaises face à son trône, un fauteuil un peu plus imposant. Vous ne pouvez pas savoir comme je suis contente de vous voir haha. Vraiment hihi.
— Quant à nous, nous aimerons trouver un terrain d'entente, répondis-je, plus sérieusement, après que nous nous soyons assis.
— Oui, oui, mais d'abord échangeons quelques mots. Nous avons beaucoup à nous dire hihi, acquiesça la fillette avec un sourire éclatant. Je m'appelle Mirakelly Koranéajestic d'Hùradora des Skenéalux, mais vous pouvez m'appeler simplement Mira si vous le désirez, je n'ai jamais été très partisane des traditions ancestrales. Surtout depuis que je suis seule, mon titre s'avère inutile. (elle fit signe de nous taire de ses mains pour nous signifier qu'elle n'avait pas terminé :) Vous vous trouvez sur les ruines de Fyoccadora, littéralement l'Incendie Doré, qui a réduit à néant mon ancien royaume, la Cité d'Or d'Hùradora. Je vous souhaite la bienvenue au sein de la Cité des Flammes, Fyoccadora.
Nous nous assurions que nous pouvions parler et Lyka prit la parole.
— Enchantée, Mirakelly. Cet incendie devait être affreux... Es-tu la seule à avoir survécu ? s'enquit la Dompteuse, d'un air compatissant.
— Enchanté, Mira. Je suis désolé pour vous, renchéris-je, sur le même ton, même si j'avouais que c'était plutôt par simple politesse.
Le regard de la dénommée Mirakelly avec un nom à rallonge s'assombrit quelques instants avant qu'une boule lumineuse ne se dessine dans l'obscurité du fond du terrier. Le petit lionceau ailé sauta pour se blottir contre les jambes de la fillette. Son sourire revint immédiatement, comme s'il n'était jamais véritablement parti.
— Je suis la seule survivante humaine, mais ce n'est rien, tout le monde est dans le même cas. J'ai de la chance de pouvoir continuer à vivre. J'ai appris que mon destin était plus important que mes propres tristesses ce jour-là. Helixydo est apparu, et j'ai su pourquoi je m'étais toujours sentie différente, dévoila-t-elle alors qu'elle nous intriguait de plus en plus, tandis que des flammes commençaient à danser au milieu de ses yeux. J'ai été choisie par la créature légendaire Helixydo. Je détiens Ygnis, le Feu Renaissant, celui qui est capable de rapprocher les êtres humains, celui qui est capable de les réchauffer, celui qui est capable de ramener la lumière. Je suis l'élue-prophétesse de la Légende et je me dois de préserver la vie du griffon mythique pour qu'il puisse, un jour, détruire les Ténèbres qui s'abattent sur notre monde en ruines.
Lyka Spotdium l'écoutait attentivement tandis que je m'apprêtais à rire. Cette rescapée venait-elle de s'inventer tout un univers pour se rendre spéciale ? C'était beau de rêver pour rester en vie. Mes lèvres s'esquissèrent.
— Quoi ? Tu ne me crois pas Guerrier Orange ? demanda la fillette, sceptique.
Lyka m'offrit un coup de coude pour me remettre à ma place.
— C'est juste que... Ça paraît tellement invraisemblable... exprimais-je, entre le rire et la retenue.
La pièce s'assombrit et son être se mit à luire, les flammes dansant dans ses yeux se firent plus importantes, jaillissant même en dehors du cadre de ses yeux.
Je commençais déjà à vouloir me lever pour partir. Si elle voulait me faire peur, elle avait réussi. Elle n'avait pas besoin de faire danser ces flammèches autour d'elle.
— Kéhor, arrête de faire l'imbécile. Elle sait des choses qu'on ignore, c'est évident. Comment pourrait-elle savoir qui nous sommes autrement ? se fâcha ma coéquipière.
Helixydo finit par s'approcher de sa maîtresse, comme s'il lui demandait de se calmer. Ce qu'elle fit immédiatement. Toute penaude, elle s'excusa grandement.
— Je sais que je n'ai pas le droit d'abuser de notre réserve de pouvoir de la sorte. Je dois l'économiser, excuse-moi, vraiment.
La maîtresse ? Vraiment ? Elle avait l'air soumise à l'animal. Étrange...
— Mirakelly, certains de nos survivants disent avoir été attaqués par un grand fauve. Mais ton petit Helixydo semble pas convenir à la description de ce grand fauve et... mise à part quelques Bloodsters égarés, il y a pas d'animaux ici-bas, autre que quelques rongeurs, demanda alors curieusement Lyka.
Un sourire énigmatique se dessina sur ses lèvres.
— Alors, pour ça, il faut remonter à la source de notre pouvoir. Je suis liée à Helixydo. Nous grandissons ensemble. En fonction de l'énergie vitale que nous mettons dans l'un ou l'autre de nos corps, l'autre pourra grandir plus ou moins vite. Il y a une vingtaine d'années, Helixydo était adolescent jusqu'aux dernières nuits. Son but était de me protéger jusqu'à ce que j'ai l'âge de le faire. Il s'est sacrifié, à l'origine car il pensait que j'étais en danger avec vous, avant de vous reconnaître, et... parce que j'ai été attaquée par des coyotes du désert tandis que je chassais pour nous deux. Alors, il est redevenu un bébé, expliqua-t-elle, embêtée, avant d'ajouter. Nous sommes liés, nous pouvons choisir la vitesse du développement de l'un ou l'autre, mais seulement lui a la possibilité de « mourir » puisqu'il renaît en tant qu'enfant. Alors qu'il était adolescent, il a fait le choix de me faire grandir en priorité, maintenant que je suis assez grande et que vous êtes là, nous allons pouvoir concentrer notre énergie sur son développement.
Si je comprenais bien, elle sous-entendait qu'elle allait arrêter de grandir.
— Wow mais c'est tellement invraisemblable ! Et comment ça, vous nous avez reconnu ? me demandais-je, parfaitement légitimement.
— Approchez, je vais vous montrer. Je ne détiens pas uniquement le Feu Renaissant ou... disons qu'il a d'autres particularités cachées hihi, répondit Mirakelly, en toute simplicité.
Nous nous rapprochions et elle nous prit les poignets. La lumière avança jusqu'à nos yeux et nous aveugler, nous faisant perdre tout cadre visuel que nous connaissons.
Des flashs, des images, des visions nous furent transférés. Tout autour de notre champ de vision, les ombres obstruaient les angles. Je vis une forteresse des Ténèbres, ressemblant grandement aux prémices de celle de Vonkyeir où les trois anciennes Tours se voyaient réunis pour un sinistre avenir. Trois démons tournaient autour de la forteresse pour la garder, l'autre semblait assister le plus démon des démons, le plus terrifiant de tous. Ils semblaient infliger un terrible traitement aux humains vivant entre ces murs. Une horde immense d'humanoïdes blancs aux yeux noirs grouillait autour de la forteresse, sur des centaines de lieux alentours.
Je vis ensuite une armée de guerriers porter un assaut sur la forteresse, entouré d'une aura flamboyante, menée par un soldat en armure orange. L'armée était entourée par deux gigantesques et forts fauves, presque plus grands que Blue encore, dont un était mené par une magnifique grande femme. Au-dessus de cette armée, un lion rouge aux tracés orangés effervescents, volant grâce à de longues et belles ailes d'or, dompté par une grande femme en armure d'or. Ils étaient entourés d'une aura aussi aveuglante que flamboyante et se dirigeaient vers le sommet de la forteresse. Les deux armées se rencontraient, sous une musique épique, et un incendie divin frappa les Ténèbres. La fin de la vision décrit une forteresse qui s'embrasa sous une lumière et un feu divin, préservant et guérissant les innocents, et détruisant les esprits maléfiques.
Je repris connaissance, en sueur, les jours rouges. C'était... c'était si palpable. La tension était si vive, comme si nous y étions. Lyka n'était pas dans un meilleur état. Le transfert de vision était visiblement très intense.
— Wow... Wow... C'était si...impressionnant. Et ça, c'est vrai ? demandais-je, encore sous le choc. Lyka, c'était les Bloodsters, Vonkyeir l'Incube, et les Transversaux. Et, et... nous en plus âgés et la fillette avec le lion ailé. Comment est-ce possible ?
— Oui, c'était bien nous. Impossible que ce soit autre chose. Mirakelly, se pourrait-il que ce soit notre avenir ? questionna la Dompteuse, tandis que Helixydo jouait avec Hooper et Voldera derrière nous avec les jouets miniatures.
— Oui, c'est cette vision qui me tient en vie. C'est un espoir pour l'humanité de se défaire des Ténèbres. Je dois avoir une bonne attention et un bon instinct hihi, car il me semble que c'est vous, en plus âgés, sur cette vision. Mais, dites-moi, vous connaissez cette Cité ? Vous avez l'air de connaître les gens qui se trouvent sur ces images, demanda-t-elle à son tour, les yeux remplis de curiosité.
— Je vais laisser Kéhor t'expliquer plus en détail. Je suis une renégate, sous l'impulsion de ma grand-mère, une résistante militante reconnue. J'ai appris à vivre seule très vite et j'ai intégré les normes renégates tout aussi vite, je suis devenue une guerrière et une pro de la survie ! Même si je me suis lié d'amitié avec un groupe de guerriers. Je me suis même liée d'amitié avec une jaguar polaire et voici ses enfants. Elle s'est sacrifiée lorsqu'on est retournés à Fulguris, sous l'éveil de l'Incube... J'ai pas vécu à Fulguris, l'unique cité infranchissable qui conservait les dernières composantes de la civilisation humaine, se présenta-t-elle, en me passant la main après qu'elle eut terminée.
— Donc moi, c'est Kéhor. J'étais membre de l'Ordre Protecteur à Fulguris, la Cité des Lumières, l'armée qui défend les Fulguriens. Et comme tout militaire, je rêvais de rejoindre la Ligstraal, une force spéciale prestigieuse. Avec mes quatre amis, j'ai été le seul à pouvoir y entrer. Le Général Vonkyeir me tenait en haute estime et j'ai vite gravi les échelons. Lors des explorations extérieures, on a découvert un gigantesque Cristal de Jouvence et l'Incube s'est révélé en usant de sa puissance pour accroître son propre Pouvoir. Puis, tout est parti en vrille. Il a pris le pouvoir, amené un petit Fragment du Cristal, moins grand que dans la vision, changer les esprits les plus fiables en ces choses, et il a condamné un de mes amis... et tant d'autres. Nous avons dû fuir.
— Je suis vraiment navrée Kéhor... cela n'a pas dû être facile. Je suis enchantée de faire votre connaissance. Vous avez l'air d'avoir un grand rôle à jouer dans cette vision prophétique. Vous avez rassemblé les foules et celles-ci ont confiance en vous. Donc l'Incube s'appelle Vonkyeir... Cette Fulguris n'était pas aussi idyllique que vous me le dites, finalement. Vous parlez aussi d'un grand Cristal ? Bien plus grand que dans ma vision ? Ce pourrait-il que... Je le crains mais nous allons devoir nous organiser très vite.
Son ton était lugubre, comme si le pire était à venir.
— Il va falloir s'organiser vite, répéta-t-elle. Reprendre le contrôle de Fyoccadora, pour permettre à tous et toutes un endroit où dormir et... un endroit où il fera bon vivre finalement. Si nous voulons que le cours du temps ne soit pas changé, nous devrons offrir un refuge pour les rescapés, les renégats. Nous devrions former une armée et récupérer ou, du moins, empêcher l'Incube de récupérer le Cristal entier. Et moi, je devrais protéger Helixydo pour qu'il puisse enfin grandir et nous libérer des Ténèbres, déclara l'élue-prophétesse, sur le ton de la pure vérité, un ton que l'on ne peut contester de par sa divine véracité.
Malgré son ton absolu, la crainte se lisait parfaitement dans son regard. Les trois fauves nous regardaient avec attention. Lyka et moi-même, amplis de détermination, posions notre main sur une épaule de la fillette.
— Nous sommes avec toi, Mira. Nous t'aiderons à réaliser notre destin.
— Nous continuerons à fédérer les troupes. Nos amis sont d'excellents combattants, stratèges, et guérisseurs. Nous porterons votre message et vous soutiendrons.
Nous étions déterminés à sauver notre avenir. Ce qui peut être sauvé doit être sauvé. Nous devions préserver notre monde de son déclin prochain.
Inspiration : Mythe amérindien du Wendigo ;
Asuka (Evangelion) JamFiction de Starrysky ;
Kipo et les Animonstres ;
Voyage vers la lune de Pearl Studios (Dreamworks Oriental).
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