L'Invasion Flamboyante

Voici un monde, divisé entre quatre îles, nommé les Îles Mirages, abritant diverses peuples surnaturels, désireux de préserver la paix entre eux.

Hélas, les complots, inspirés par les désirs de vengeance, à la suite de trahisons d'antan ou l'attrait des richesses des uns et des autres, se tramaient dans l'ombre.

Cette paix n'était peut-être pas si désirée que cela, finalement...


Nous étions sur l'Île Nord, plus précisément sur les terres du peuple des Lýkos, celui des loups-garous, proche de la frontière des Ghoulishs, les vampires. Des liens ancestraux avaient scellé l'alliance entre ces deux Nations qui se surnommaient « le Peuple de l'Ombre ». Il se trouvait relativement proche de l'Océan et, par la même occasion, de la chaîne de montagnes qui liaient l'Île Nord et l'Île Sud, préservant le fragile peuple des Fées et des Lutins, les Fatales.

A l'orée d'une magnifique clairière, bordée d'arbres de feuilles mauves, au sol de terre brune, Noctismo, un jeune loup-garou d'une quinzaine d'années, jouait avec son ami de toujours Dunkello, un vampire de dix-sept ans. Noctismo était, sous forme humaine, un jeune homme au teint bronzé, musclé à souhait, aux courts cheveux châtains en bataille, avec d'innocents yeux bleu foncé.

À l'inverse, Dunkello était grand et fin – voire maigre –, au teint blafard, aux très courts cheveux ténébreux avec des reflets argentés dès lors qu'il passait à la lumière, soyeux et soigneusement coiffés, ainsi que de minutieux petits yeux violet sombre.

Leurs familles étaient très proches depuis des générations. Cela leur arrivait souvent de d'organiser un barbecue entre les deux familles !

Le jeune loup se dirigea ensuite vers sa mère, une magnifique jeune femme aux brillants cheveux mi-long bleu marine et des yeux bleu polaire.

Maman, quand est-ce qu'on mange ?!

Bientôt, mon chéri !

Une légère fumée sortait des pierres où de la viande flambait sur un feu de camp crépitant. Ensuite, elle se tourna vers une femme de son âge, aux longs cheveux argentés accompagnés de deux yeux rose pâle, reprenant les mêmes caractéristiques physiques que le jeune vampire.

Merria, mon Dieu ! ils dévorent à cet âge-là, c'est hallucinant ! s'exclama-t-elle, amusée.

En effet, Nýchta, c'est horrible ! Notre réserve est dévalisée, entre lui et sa sœur !

Et, elles gloussèrent franchement.

La sœur de Dunkello, elle se trouvait non loin d'eux, confortablement allongée contre un arbre. Elle était encore plus grande et squelettique que lui, un teint si blanc qu'elle semblait presque transparente, avec des cheveux mauves allant jusqu'à la taille. Elle avait une tête ronde avec de mignons et gros yeux bleu-violet. Elle lisait un vieux grimoire mythique.

Un petit moment d'amusement ou de lecture plus tard, on entendit :

Les enfants, Noctismo, Dunkello ! hurla la première.

Spýra, à table ! termina la seconde, hurlant également.

Et, ils se régalèrent avec les morceaux de viande succulents, une agréable odeur parsemant leurs narines.

Il faisait beau, même merveilleusement beau. Il n'avait jamais fait aussi chaud, même. Les températures montaient mystérieusement depuis l'aube ; faisant crier les vampires, adorateurs du froid et de l'ombre ; faisant jubiler les loups-garous, adorateurs de la chaleur et de la lumière.

Néanmoins, il faisait si atrocement chaud que cela en devenait même pénible pour Noctismo et Nýchta. Alors, ils allèrent se rafraîchir dans le lac d'eau argentée, non loin.

Il faisait si chaud que l'eau s'évaporait presque.

Malgré tout, ils n'étaient pas prêts à ce qu'ils allaient vivre. Cette chaleur n'avait rien de naturel, et la raison de sa provenance les bouleversera tous.

En effet, arrivé au moment le plus culminant, l'instant suivant, un déferlement de comètes aussi brûlantes qu'aveuglantes s'abattit sur les Lýkos et les Ghoulishs. Sur le nord des deux peuples de l'Île Nord tout entière.

Le feu se propageait et déclenchait des brasiers et des incendies. Ils étaient tous les trois collés à leurs mamans, terrifiés.

Ils essuyèrent trois autres phrases dévastatrices de ces cœurs enflammés.

Et... l'Ennemi débarqua enfin sur leurs terres.

Les Loméos nous envahissent ! s'écria Spýra, autant surprise que déterminée.

Les Loméos, les Oiseaux de Feu, étaient les uniques habitants de l'Île Ouest. Ils ne leur avaiets jamais fait confiance depuis l'Invasion des K-Ice.

Oui, restez cachés les enfants, retournez à la maison, vous serez en sécurité, préconisa la mère louve, pressante.

Les trois adolescents suivirent son conseil, et rejoignirent la maison, qui était en fait un grand terrier, où l'entrée était cachée par les broussailles.

Le sol tremblait considérablement. Ce n'était guère loin, leurs mères les retrouvèrent rapidement, se dissimulant également parmi la végétation.

Pourquoi les Loméos nous attaquent-ils ? se questionna Merria.

Aucune idée, ils ont toujours été de paire avec les Krýos et leur idéolos totalitaires, désireux de tous nous dominer.

En sachant qu'avec notre alliance, entre les Lýkos et les Ghoulishs, nous sommes l'Île la plus influente, intervint Spýra, diffusant ses connaissances, dans l'ombre du terrier. Nous opposons suffisamment de poids pour garantir la paix au sein des îles Mirages.

Et, nous descendre pourrait bien avoir raison de notre monde paisible, rebondit Nýchta, vivement.

Merria songeait, d'un regard sombre. Le sol tremblait terriblement, la terre manquant à tout instant de s'effondrer sur les petites familles.

Les Oiseaux de Feu volaient dans le ciel du Peuple de l'Ombre, déchargeant des rafales enflammées sur les forêts mauves incendiées chères à leur cœur. Et, poursuivant leur guerre éclair, ils fusèrent sur la terre afin d'achever les survivants de l'Île Nord paralysée.

Nýchta se transforma en louve blanche aux reflets bleutées, Merria sortit les griffes et les crocs, prêtes à se battre corps et âmes pour défendre leur progéniture. Hélas, que pouvaient-elles faire contre des êtres flamboyants...?

Elles les obligèrent à fuir, tous les trois.

L'un des Loméos les prit en chasse. Instinctivement, Noctismo prit sa forme bestiale, un rapide et agile loup gris. Les vampires étaient hyper rapides, courant à la manière des personnages des animés, égalisant presque les loups-garous.

Ils évitèrent ses projectiles brûlants, les accablants.

On devrait rejoindre le refuge, chez les Ghoulishs, proposa le jeune loup gris.

On pourrait peut-être retrouver nos pères, oui ! acquiesça le jeune vampire.

Spýra opina, en ajoutant, malicieuse :

Partez devant, je vous couvre.

Elle ouvrit ses bras et sauta, sa cape se gorgeant d'air, lui permettant de léviter. Elle s'envola, bien plus haut que le Loméos. Et, une matière sombre indescriptible s'échappa de ses pores.

Spýra la relâcha juste au-dessus de son ennemi. La matière l'enveloppa, l'engloba, et l'aspira. L'Oiseau de Feu cria de manière stridente, jusqu'à s'égosiller et s'éteindre petit à petit, sans qu'il ne puisse émettre de résistance... Il chuta sur le sol, reprenant forme humaine.

Spýra, ignorant totalement le physique de sa victime, se jeta sauvagement dessus, le mordant au cou pour l'achever... et s'offrir un petit plaisir saignant !

Ils posèrent pied à terre sur les terres désignées des Ghoulishs, remarquable par ce changement de décor : Le sol était devenu grisâtre, et les arbres aussi noirs et rouges que terrifiants, comme si la Faucheuse était passée par là et avait marqué ses traces...

Retrouvons Papa, j'espère qu'il ne lui est rien arrivé... chuchota Noctismo, le cœur serré. Faut se dépêcher.

Ils pressèrent le pas, et, dépassèrent une colline où... ils auraient dû voir apparaître un imposant bâtiment, à l'effigie de leurs bâtiments administratifs, aux murs bruns.

Hélas, il n'y avait rien. Des ruines de bâtiments et quelques glaçons tranchants. Un air brumeux et glacé frappait l'atmosphère et un silence de mort brisait la sérénité du lieu.

Du gel recouvrait les alentours, les feuilles des arbres étaient gelées.

Oh non... Le refuge a été ravagé... commenta le jeune loup gris, démuni, désireux de briser ce silence pesant.

Les Krýos sont passés par ici... observa le vampire, d'un air suspicieux.

Et, ils se racontèrent les souvenirs de leur père respectif.

Le père de Noctismo, reprenant une partie de ses traits physique et moraux (ou plutôt l'inverse, étant le géniteur), était installé au refuge à la suite d'une contraction d'une grave maladie qui s'était propagée, lui étant mortel.

Le père de Dunkello était devenu un invalide après avoir été un résistant volontaire pour protéger le peuple des Fatales, habitants de l'Île Sud, pris d'assaut par le peuple des Oiseaux de Glace. Lors d'un événement dévastateur ou nul autre peuple n'avait voulu leur porter secours, ni même leur proposer un droit d'asile, l'Invasion Glaçante.

Les chefs temporaires avaient décrété que seuls les volontaires pouvaient venir à leur aide. Et, la Résistance, basée sur la Solidarité surnaturelle, constituant une diversité des peuples des Îles, triompha des Krýos et libéra le peuple des Fatales avant qu'ils ne soient entièrement massacrés.

Il est indéniable que les Loméos et les Krýos se sont alliés. Que ce soit de manière permanente ou de manière provisoire, se lança Spýra, débutant son analyse, perspicace.

Oui, c'est indéniable, acquiescèrent-ils, en hochant la tête.

Ils étaient tous redevenus entièrement humains, au préalable.

Cependant, quelle idée de lancer les Loméos de l'Ouest sur les Lýkos de l'Ouest, alors que les températures glaciales sont leur faiblesse ; et quelle idée de lancer les Krýos de l'Est sur les Ghoulishs de l'Est, alors que les températures caniculaires sont leur faiblesse. C'est insensé, s'ils voulaient nous envahir, expliqua-t-elle, cherchant à comprendre la logique de l'Ennemi.

Comme tu le précises si bien, c'est sûrement par souci de distance que par efficacité. Ouest-Ouest et Est-Est, proposa Dunkello, assurément.

De plus, les Loméos se dirigent vers l'Est et les Krýos vers l'Ouest. Lorsqu'ils vont pénétrer dans l'autre peuple, ce sera fatal pour nous, compléta Noctismo, par son esprit logique.

Comme nous avons pu le voir, si l'Ennemi est pris en revers, nous pouvons avoir raison d'eux. Tel que moi avec le Loméos de tout à l'heure. Mais, par surprise, effectivement, on est mort, rebondit la vampire, en faisant les gros yeux.

Mais, alors, que devons-nous faire ? Nous sommes plus en sécurité nulle part sur l'Île Nord ! s'écria le loup-garou, presque craintif.

Il n'appréciait pas vraiment de passer du prédateur à la proie, en une fraction de seconde.

Les vampires, eux, avec leur pouvoir d'ombre, pouvaient lutter, mais pas lui. Il était inutile face à ces oiseaux élémentaires. Il était fort seulement en corps à corps, lorsqu'il fallait chasser, lorsque son ennemi avait un corps de chair. Et il doutait fortement que les oiseaux élémentaires resteraient sous forme humaine, forme primitive et faible, juste pour ses beaux yeux.

Peut-être que nous devrions prévenir le peuple des Clopis, siégeant dans les Montagnes Raake, s'auto-proposa-t-il.

Ces montagnes traversaient l'Océan, en liant les Îles Nord et Sud, un territoire entre roche et mer. Elles étaient occupées par le peuple des Clopis, des cyclopes géants. Des peuples neutres dans tous problèmes que les Îles Mirages devaient faire face. Un peuple exclusif, ne vivant que par eux-mêmes, sans jamais demander son reste chez les autres Nations. Mais pas moins pacifistes ; enfin malgré leur neutralité parfaite, ils n'avaient pas le comportement des pacifistes, comme les Fatales.

Vous pouvez, en effet. Seulement, rappelez-vous que les Clopis sont neutres et ne prennent jamais, et je dis bien JAMAIS, partis pour les histoires des Îles Mirages. Alors, possible, mais assez futile. L'unique espoir, c'est d'aller demander asile aux Fatales. Eux, ils vous écouteront et vous protégeront, comme la fragilité militaire de leur peuple le permet, contesta Spýra, fermement.

Elle a raison, ma sœur. Nous devons nous réfugier chez les Fatales, renchérit Dunkello, suivant l'avis de la vampire, souriant.

L'instant suivant, ils étaient partis en direction des Montagnes Raake. Durant la traversée, ils furent pris en chasse par un groupe mixte, constitué de trois Krýos et deux Loméos.

Fuyant le combat le plus possible, ils réussirent tout de même à leur échapper. Spýra et Dunkello étaient remarquables et protégeaient Noctismo corps et âme, comme si leurs vies en dépendaient.

Ensuite, lorsqu'ils étaient prêts à passer la frontière, passant des cendres à la pierre, Spýra s'arrêta, retenant son frère par le bras, regardant pas terre.

Mon frère, je suis désolée. Je ne peux pas vous accompagner, je le crains, avoua-t-elle, d'une voix chevrotante, une tristesse certaine dans la voix.

Bloquant Noctismo qui se retourna brusquement, bouche bée, stupéfiant aussi Dunkello.

Mais pourquoi Spýra ? Tu ne veux pas vivre ? On serait heureux ensemble, et à trois, nous aurions plus de chance de nous en sortir, répliqua-t-il, complètement troublé.

Elle baissa la tête, des larmes coulant sur ses joues. Elle se força à poursuivre.

Je suis désolée Dunkello, je dois assurer mon devoir. Je vais rejoindre Maman et Nýchta, combattre pour nos Patries, repousser l'envahisseur. Puisque, je le crains, ils s'en prendront aux autres peuples des Îles Mirages si nous ne les arrêtons pas.

Entre tristesse et patriotisme, son ton ne savait que choisir. Dunkello soupira et releva la tête, en lui affichant le sourire le plus confiant qu'il soit.

Ne t'inquiète pas, Spýra, je comprends. Ne t'en fais pas. Bats-toi pour nous, pour notre liberté, c'est important. Vas-y, protège nos peuples.

Elle enlaça tendrement Dunkello, puis Noctismo. Le loup-garou lui souffla à l'oreille, avant qu'elle ne se retourne, et disparaisse dans un le feuillage mauve.

Rassemble nos peuples, supplie-les de s'enfuir, qu'ils nous rejoignent sur les terres des Fatales, afin de se préserver au mieux. S'il te plaît, pour notre survie...

Elle hocha la tête, signant cette promesse silencieuse. Elle disparut à travers les arbres tandis que les deux jeunes êtres surnaturels commencèrent leur périple montagneux. Direction, l'Île Sud !

***

Ils marchaient depuis des heures, sans nulle trace de population clopis, entre les rochers et falaises, abruptes et dangereuses.

Même, ils rencontrèrent d'autres êtres surnaturels qu'ils auraient préféré ne jamais rencontrer ; les terribles colocataires des Clopis, qu'ils passaient leur temps à chasser ou à massacrer pour limiter leur prolifération : les harpies.

Des êtres ressemblant à des anges, d'un certain point de vue. D'une laideur sans pareille, d'une cruauté et malice qui l'étaient tout autant ; en faisant d'elles des êtres nuisibles et mortels. Avec leurs cheveux aussi secs que des poils à balais de pailles, leurs ailes aussi ternes et rabougris qu'un amas de déchets accolés ensemble depuis des lustres, des pattes d'oiseaux jaune-vert, des griffes acérées et empoisonnées, tout comme leurs mâchoires, tel aurait pu être leur portrait.

Bref, lorsqu'elles étaient à leurs fesses, après avoir dénicher une caverne « propice pour se reposer », prêtes à les dévorer.

Une course poursuite mortelle débuta dans ce corps montagneux, alternant entre saut et glissade, changements brutaux de trajectoires, loopings...

Plus de la moitié fut éclatée contre les parois rocheuses, à force de les prendre en revers. D'autres, perdues ou blessées, préférèrent rebrousser chemin.

Nos jeunes héros se transformèrent, et éliminèrent vivement les survivantes un peu trop collantes.

Par la suite, la nuit commençant à tomber, ils s'arrêtèrent dans un village clopis. On ne les regarda pas du bon œil. On ne leurs fit rien, mais on leurs donnait vraiment l'envie de partir avec ce sentiment de ne pas être à leur place.

Mal à l'aises, ils décidèrent de quitter le village. Une géante-cyclope, habitant à l'écart du village en question, les invita à séjourner chez elle pour la nuit. Elle était serviable et douce, malgré sa voix rustre et rugueuse, et sa gestuelle qui l'était tout autant, si caractéristiques de son espèce. Elle avait une peau grisâtre, de longs et très fins cheveux bleu ciel, un œil rouge et vert dont l'intérieur était jaune. Elle se nommait Eirynistás.

Elle leur offrit ses services, leur permettant de boire, manger, et dormir à leur guise.

Au petit matin, ils étaient prêts à poursuivre leur route jusqu'à l'Île Sud. Noctismo perdurait la mission qu'il avait donné à Spyrá et qu'il s'était lui-même donné : Il lui parla de l'invasion des Loméos et des Krýos, et de l'alliance Feu-Glace, contre les peuples Lýkos et Ghoulishs.

J'espère que, tout comme l'Invasion Glaçante, la Solidarité internationale, qui lie nos Peuples, se reformera...

J'espère aussi, jeune loup, me chuchota-t-elle en retour, avec un sourire complice.

Et, ils repartirent sur les routes, fraîchement renouvelés.

Si on fait aussi bien qu'à l'aller, on devrait arriver sur les terres fatales à la tombée de la nuit, objecta Noctismo, optimiste.

J'espère bien, soupira Dunkello, déjà épuisé rien qu'à l'idée de repartir.

La température chuta considérablement. Quittant les hautes températures du Nord des Clopis pour arriver dans la zone glaciaire de ces derniers.

Les températures chaudes d'avant me manquent, je commence à avoir froid... se plaignit Noctismo.

Justement, c'est parfait comme température, l'ami ! répliqua le vampire, malicieux, esquissant un sourire délicieux.

Le jeune loup grogna. Puis, le silence retomba, l'animation improductive remontant au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient parmi les monts enneigés.

Toutefois, on ne leur laissa aucun cadeau. Le jeune Ghoulish n'allait pas pouvoir traîner les pieds en se plaignant, tout comme Noctismo n'allait pas seulement souffrir du froid, jusqu'à mettre pied à terre sur le peuple des Fatales.

Non, non, bien au contraire...

La raison pour laquelle les Clopis était aussi neutre, c'était peut-être parce que les montagnes étaient infestées d'une faune aussi dangereuse que mortelle. Ce facteur rendrait la route semée d'embûches.

Alors qu'ils arpentaient des monts enneigés, ce ne fut pas les harpies qui s'en prirent à eux, mais des... Ils ne savaient même pas comment nommer ces choses : des êtres de pierre, ailées, griffues, à l'allure démoniaque et reptilienne. Mais ce dont ils étaient sûrs, c'était qu'ils étaient des êtres dévastateurs.

Beaucoup plus hargneuses, habiles, et sans pitié que les harpies, n'ayant nulle conscience ni bon sens. Impossible de raisonner, elles n'existaient que pour tuer et dévorer.

Elles les prirent en chasse et elles étaient insensibles au froid, a contrario de nos protagonistes. Même transformés, ils ressentaient encore et toujours ce souffle glacial.

Elles étaient inépuisables – à l'inverse de nos héros – et beaucoup plus nombreuses qu'eux et des harpies précédemment rencontrées. La fuite était impossible, et surtout inutile.

Ils allaient devoir se battre, et montrer ce qu'ils avaient dans le ventre. Et, peut-être que s'ils arrivaient à les impressionner, elles partiront, à la recherche de proies plus faciles. Noctismo mettait tout son espoir dans les mains de Dunkello. Il avait réussi à jouer de son agilité vive de loup-garou durant les premières minutes, offrant un bon petit spectacle acrobatique, envoyant les monstres de tous les côtés, surprenant quelque peu leur organisation. Ensuite, il s'était éteint. Épuisé, mais surtout condamné par le froid bien trop important pour lui. Il s'affaissa, tâchant de repousser la menace. Malheureusement, il était hors-jeu.

Dunkello était donc l'ultime espoir. C'était donc sur lui que reposait leur survie.

Il se démenait, éperdument, sans ne jamais baisser les bras. Il s'élança de sa gestuelle fine et gracieuse, libérant son ami en tranchant les monstres avec ses ongles capables de trancher n'importe quoi.

Une fois, ces choses suffisamment écartées, il se mit à léviter au-dessus du loup-garou à terre, tournoyant sur lui-même, les bras tendus et les jambes serrées, déployant sa matière ténébreuse qui s'accrochait aux monstres aériens approchant un peu trop près de lui.

Nonobstant tous ces efforts, il ne pouvait rester indéfiniment ainsi, à repousser les choses et protéger son ami en train de mourir de froid.

Noctismo, je tiendrais jusqu'à ce que j'en puisse plus !

Mer... merci... mon am... mais...

Le jeune Lýkos peinait tellement à articuler qu'il fut incapable d'achever sa phrase. Et même, incapable d'effectuer le moindre mouvement.

Dunkello ne lâcha rien. Il n'hésita pas une seconde à sacrifier sa zone de tir pour s'approcher du loup-garou gris transformé. Il pensait qu'en limitant la distance, qu'avec ses mouvements et son pouvoir d'ombre, il pourrait créer une légère chaleur pour son ami désarmé par son point faible.

Dunkello fut soudainement pris d'un coup de froid. Anormal, puisqu'il adorait ça.

Peu de temps après cette désagréable impression glaciale, ses vagues noires perdirent peu à peu leur vivacité à faucher les monstres, jusqu'à ce qu'elles ne finissent par s'effacer complètement. Le vampire fut comme pris d'un spasme et il tomba au sol.

Au même moment, les horreurs fondirent sur eux.

C'était la fin.

...

Aaah !


Par réflexe, Dunkello avait mis ses bras devant son visage, pour que ses yeux ne soient pas témoin de ce massacre. Toutefois, il n'était toujours pas parti dans l'Au-delà.

Il écrasait même le loup. Enfin, cela pourrait étonner qu'il puisse l'« écraser » en voyant sa morphologie et celle du loup qui venait de se retransformer en humain. Ce n'était pas bon signe, si son organisme n'était plus capable de maintenir sa forme bestiale. Cela ne voulait pas dire pour autant qu'il était mort.

Alors, il leva délicatement la tête, la libérant de ses bras, afin de voir ce qu'il se passait ou plutôt comprendre ce paradoxe. Un homme à la peau bleu clair, d'au moins deux mètres, habillé d'une longue tunique mauve, et d'un masque d'oiseau au long bec corné légèrement jaunâtre accolé à son chapeau pointu. Son cou était décoré de multiples colliers, de différentes tailles, avec des pendentifs de pierres précieuses ou autres matériaux, de différentes envergures et formes également. Il avait une posture majestueuse, portant un grimoire rouge foncé stylisé d'or.

Il psalmodiait des choses incompréhensibles, sans doute en langue ancienne, et faisait jaillir des sphères de pouvoir ou d'autres sorts de ses mains. Il se portait sur un imposant et majestueux dragon blanc lumineux, tacheté de quelques touches vertes et dorées. Ce dragon tournoyait autour de nous, crachant de puissants jets de souffle gelé, notre sauveur et lui-même interceptaient les monstres survivants aux attaques des deux autres dragons présents.

À leur gauche se tenait un fabuleux et immense dragon jaune lumineux, où des étincelles ou même des éclairs se promenaient sur son corps massif. Il crachait de puissants jets électriques, ou électrocutait les choses dévastatrices rien qu'en les touchant avec ses pattes.

À leur droite, se tenait un merveilleux et grand dragon violet ténébreux, ou des fluides lumineux violets se promenait sur son corps, comme des veines. Il faisait jaillir des nuages violet sombre sur ses ennemis, prenant une plus grande zone d'attaque que les autres dragons, éliminant instantanément ses adversaires. Il était nettement le plus dévastateur.

Lorsque les monstres ailés furent beaucoup moins nombreux, la plupart préférant prendre la fuite, le dragon blanc agrippa le vampire et le dragon jaune le loup-garou. Leur mystérieux sauveur les emmena dans son refuge, afin de les mettre à l'abri... Enfin, espérons-le !

***

Noctismo et Dunkello se trouvaient dans un véhicule volant, ressemblant vaguement à une soucoupe volante, à l'allure de pierres et symboles antiques avec des jets de lumière jaillissant de plusieurs orifices.

Le jeune Lýkos ouvrit petit à petit les yeux, une douce chaleur, agréable et familière l'entourait, comme protégé dans un cocon à l'apparence d'un tourbillon blanc. Dunkello était à ses côtés.

L'intérieur de ce mystérieux véhicule était fabuleux. Un monde perdu entre la Fantasy d'un lieu mystique et la Science-fiction d'un lieu futuriste, se mêlant entre cascades, nature, caverne et lumière, métal, images holographiques. Un monde à part, plus grands à l'intérieur qu'à l'extérieur. Un amas d'images difficilement transmissibles.

Des demi-cocons longeaient la paroi, formant un arc de cercle. Au centre, se trouvait une machine circulaire, tournoyant sur elle-même, contenant un certain nombre d'œufs d'au moins trente centimètres, illuminés de lumière blanche. Il restait quatre emplacements vides.

Le loup-garou se débattit quelques instants et le semi-cocon se détendit sans résistance, le déposant délicatement au sol, rapidement suivi par le vampire.

Enfin, du haut de la haute tour au mur blanc, leur étrange sauveur descendait d'une plate-forme métallique tournoyant contre le pilier du centre – semblant être ses appartements. Il était jovial et énergique. Son grimoire contre sa poitrine d'une part, et son autre main exécutait d'innombrables gestes désinvoltes et irréfléchis. Ou peut-être, bien trop précis pour que l'on trouve ça réfléchi...

Il déposa lentement pied à terre, lévitant à moitié, et arriva vers nous.

Si le dragon jaune était avachi en plein milieu de fougères jaunâtres, sa tête dépassait du cadre, dans l'autre partie du vaisseau, celle du lieu naturel fabuleux ; le dragon des neiges, le blanc avec quelques éléments verts, s'approchait d'eux afin de rejoindre leur maître, se dirigeant vers nous pour nous saluer, d'une voix grave et enchantée.

Alors, les enfants, vous avez bien dormi ? Heureusement que je passais par ici, sinon, je n'aurais pas donné cher à votre peau !

Il caressa les naseaux de ses dragons, le blanc s'approchant encore davantage de nous.

C'est peu dire, merci infiniment ! Vraiment, c'est un miracle ! s'écria Noctismo, sincèrement reconnaissant.

Le jeune Lýkos était tombé si bas tellement il faisait froid qu'il s'était vu mourir. Il se promit de se donner corps et âme pour l'étrange monsieur pour son acte héroïque et bienveillant.

Oui, merci, sans vous, ça aurait été la fin ! renchérit Dunkello, reconnaissant mais pas aussi intensément que son ami.

Je m'appelle Tęlínœ, je suis le Mage des Contemplations, tel est le titre que l'Esprit des Mirages m'a donné, et Guide des Dragons élémentaires, se présenta-t-il, avec une grâce professionnelle impeccable. Et voici ma demeure, ce vaisseau futuriste et fabuleux, le Dactylo.

Et moi, c'est...

Le dragon blanc balança sa tête et ses pattes vers les jeunes habitants des Îles Mirages. Cependant, ils n'étaient pas très rassurés face à cette gueule béante.

Ne vous inquiétez pas, c'est Niyxa, le Dragon des neiges, elle est très joueuse. Encore plus particulièrement avec les nouveaux venus, rassura le Mage, d'un ton apaisant, caressant la tête du dragon jaune. Et lui, c'est Fulguro, le Dragon de la foudre, qui quant à lui, n'est pas plus craintif, mais simplement ultra protecteur envers moi. Oh ! et la machine qui se trouve devant vous, est la maison des dragons. Ils s'y reposent en prenant leur forme d'œuf, bien au chaud.

Les adolescents rirent et entrèrent dans le jeu du dragon blanc lumineux – ou plutôt de la dragonne.

Sinon, moi c'est Noctismo, un Lýkos, commença l'un. Et lui, c'est...

Je me nomme Dunkello, un Ghoulish, habitants tous deux de l'Île Nord, termina l'autre, complémentaire.

Le dénommé Tęlínœ les invita à s'approcher, vers l'espace vitale et merveilleux des dragons. Sur une colline verdoyante surélevé, où découlait une cascade, ou le devant montagneux ressemblait à une bouche draconienne, le dragon violet ténébreux était couché, dominant l'espace merveilleux.

Lui, c'est Ostium, le Dragon Létale ou de la Destruction. Il aime la hauteur et prendre les autres de haut. Mais prenez garde, il n'est pas aussi repoussant que vous le pensez, c'est un être au grand cœur malgré sa prétentieux démentielle.

Ils trouvaient tout ça fascinant. Le personnage du Mage, les Dragons, l'organisation, le Dactylo, tout ça était d'une fascination sensationnelle et causait un émerveillement sans limite.

Sans savoir véritablement pourquoi, Noctismo se sentait considérablement attiré par le lac, réunissant les fleuves des cascades, où l'eau avait des reflets roses. Pardon, elle était rose. Alors que l'eau des cascades étaient d'un bleu magnifique. Le lac semblait profond, très profond, avec une fabuleuse barrière de corail. Des formes sombres en mouvement se dessinaient dans l'eau rosée.

Dunkello, curieux, s'y approcha, alors que Tęlínœ leur faisait la visite. Le Mage des Contemplations l'arrêta vivement.

Ne t'approche pas de l'eau, tu ne sais pas ce qui s'y cache, prévient-il, d'une extrême prudence.

Comme s'il essayait de leur faire peur. Malgré l'avertissement, en passant devant le lac rose, Noctismo en fut encore plus attiré, tel un aimant.

Les autres dragons sortaient du générateur, au fur et à mesure, et se laissait choir dans ce fabuleux décor soit en plein soleil, dans les cavernes, les hauteurs, se baignaient dans les différents bassins – en évitant soigneusement le rose – ; ou alors ils se battaient avec hargne et violence, autant physique que magique par leur élément, sans se soucier de détruire le décor.

Les dragons ont besoin d'entretenir leur forme, et leurs compétences de combat, afin d'être prêts à défendre l'équilibre des Îles Mirages. Le décor se renouvelle chaque jour. Et, lorsqu'un dragon signe son dernier souffle, il redevient œuf. Beaucoup plus petit que ceux que vous voyez là. Ce schéma se répète souvent pour les êtres légendaires des Îles Mirages.

Et, l'invasion des Loméos, suivie de leur alliance avec les Krýos, auteurs de l'Invasion Glaçante, pensez-vous que cet événement peut perturber l'équilibre ? questionna Dunkello, prétextant une « simple curiosité ».

Pendant ce temps, le jeune Lýkos assouvit sa curiosité auquel il ne pouvait se défaire, auquel il ne pouvait résister, et retourna aux abords du lac rose. Il s'accroupit et approcha la main de l'eau.

Les formes sombres se fixèrent et sombrèrent au fond de l'eau. Une forme plus petite s'approcha, évitant les nuages d'eau rose plus foncée, jusqu'à approcher le jeune garçon brun aux cheveux en bataille. Oh, une tortue...

Elle s'approchait encore et encore.

Le loup-garou la sentait sourire, souriant lui aussi. Ils se rencontraient comme s'ils étaient liés comme des aimants.

Le Mage se précipita vers lui – alors qu'il s'apprêtait à répondre à la question posée –, tentant de l'arrêter, mais il était trop tard. La tortue avait sorti la tête de l'eau, Noctismo avait sa main posée sur son front. La connexion venait d'avoir lieu.

Le Mage s'arrêta subitement, comprenant ce que les enfants ne pouvaient pas comprendre eux-mêmes.

La tortue avait une peau bleu marine avec des taches turquoise qui se propageaient même sur sa carapace dont la couleur était un mixte entre le jaune, le vert, et le marron. Elle avait de magnifiques et grands yeux noirs en amande.

C'est Siræ, la tortue, qui a rendu l'eau de ce lac rose. Oh, elle... elle est sortie... s'exclama-t-il, ému.

Qu'est-ce qu'il y a monsieur ? demanda le jeune Ghoulish, ne comprenant pas cet excès d'émotion pour cet animal qu'il n'avait jamais vu de sa vie.

Ma tête, mon esprit, son esprit... on dirait qu'ils ne font plus qu'un, c'est... particulier, mais pas moins désagréable, au contraire ! exprima le brave Lýkos, bizarrement.

La précédente Tortue de la Conscience s'est battue corps et âme pour sauver son âme sœur, au temps de l'Irruption des Manticores. Hélas, malgré tous les efforts, cette personne est décédée. Seule et endeuillée, sans cette personne qui maintenait son équilibre, elle a fini totalement folle et a mis fin à ses jours. La nouvelle Tortue de la Conscience, Siræ, a obligeamment la mémoire de ses ancêtres avant elle. Elle a pris peur de rencontrer de nouvelles personnes, ne voulant plus se lier par peur de perdre son âme sœur et, traumatisée, s'est réfugiée au fin fond des abysses de cette eau devenue rose.

L'Irruption des Manticores, l'un des conflits les plus importants de l'Histoire des Îles Mirages, du temps où tous les peuples vivaient en harmonie, tous mélangés, sans hiérarchie précise. Les manticores étaient nombreux à une période, des êtres dénués de conscience.

Et qu'est ce qui avait causé leur perte ? Lorsqu'ils ont commencé à s'en prendre aux peuples humanoïdes ayant la capacité de prendre leur forme bestiale qui lui était propre. Oui, les peuples de personnes ayant une conscience comparable à celles des humains, en clair. Notre Histoire racontait que tous les peuples s'étaient alliés contre la menace et avaient éradiqué l'espèce avant qu'elle n'éradique les peuples et fassent sombrer les Îles Mirages dans le chaos et l'épouvante.

Et... maintenant que Dunkello y pensait, les manticores venaient principalement des Montagnes Raake.

Toutefois, les livres d'histoire ne parlaient jamais des animaux légendaires étant venus leur porter secours. Qui sans eux, cela ferait bien longtemps que la vie ne serait ni pérenne ni harmonieuse sur les Îles Mirages. Le Lýkos et le Ghoulish jugèrent que cela devait être un secret.

Et les formes sombres qui nagent à la surface ?

Dunkello, Siræ est trop jeune, alors les Naïades la protègent des dangers extérieurs, et repoussent tout individu osant approcher son refuge, répondit-il, doucement.

Cela doit donc être un exploit si elle ressort et... attends ! Qu'elle se lie avec moi ! s'écria Noctismo, surpris, ne sachant s'il devait être ravi ou non.

La tortue était entièrement sortie de l'eau, le Lýkos devenait rapidement accro et, même sans le vouloir, la noyait de caresses.

Il fut surpris lorsque cette dernière disparut. Enfin pas exactement, elle devint transparente, d'une transparence bleutée, ses yeux devenant deux lumières bleues aveuglantes, et son crâne avec son nez et ses os des pattes restaient « visibles » devenant sobrement opaques... avant de revenir à la normale. Ouf, parce que Siræ était flippante comme ça !

Elle a fait quoi ? s'écria Dunkello, surpris de perdre son sang-froid de la sorte.

Siræ est la Tortue de la Conscience, son élément est l'esprit. On dit qu'elle est importante, et qu'elle a pour but d'accomplir de grandes choses, annonciatrice de merveilleux augures.

Très mystérieux tout ça. Noctismo était tout de même soulagé, la petite tortue était lourdement armée ! Et lourdement défendues par ses protectrices ! Qu'il sentait, non loin de l'esprit de Siræ et du sien.

Le jeune loup avait commencé à se relever, se tournant vers le Mage.

Cependant, nous sommes donc en danger. Et, nous devons, rejoindre les terres des Fatales, afin de demander leur protection, lança-t-il, d'un regard perçant.

Le Mage hocha la tête, et partit jusqu'à l'ordinateur de commandes. Nos protagonistes le suivirent, la tortue également, sortant intégralement de l'eau. Un grand nombre de bulles tournoyaient lentement autour d'elle.

Le loup-garou en fut surpris, et tout autant fasciné.

Les bulles contiennent les Naïades. Si Siræ les explose, ou que tu explose ces bulles, elles apparaîtront instantanément, prêtes à défendre leur protégée... et son âme sœur, expliqua Tęlinœ, du tac au tac.

Troooop coool !

Les dragons rejoignirent le générateur, excepté Fulguro qui resta auprès de son maître, prenant son rôle de protecteur très au sérieux.

Siræ collait la jambe gauche de Noctismo.

Le Dactylo prit la direction plein sud. Rapidement, il arriva à la frontière des Fatales. Les terres fatales étaient caractérisées par leurs forêts verdoyantes, leurs montagnes et cavernes de pierres violettes. Ils se dirent adieux, même si le Mage des Contemplations, dit Tęlinœ, leur assura que ce n'était qu'un au revoir.

***

Les deux jeunes originaires de l'Île Nord, la tortue bleu clair et turquoise toujours fermement accrochée à la jambe du loup-garou, voyagèrent au moins une vingtaine de minutes avant de découvrir de l'animation, au sein d'une mine éclairée par des lumières bleues mouvantes. Noctismo prit la peine de dissimuler Siræ dans son sac à dos, contenant le strict nécessaire de survie, offert volontiers par le généreux Mage.

La mine était en pleine activité. Des petits êtres, pas plus d'une cinquantaine de centimètres en moyenne, habillés d'une tenue de travail foncée, étaient tous en action, à une place bien précise. Ils hurlaient, mais ils semblaient s'entendre parfaitement dans cette cacophonie.

Les adolescents de l'Ombre avaient toujours été fascinés par le pouvoir des lutins, uniquement masculins, pour débusquer des métaux rares ou des pierres précieuses, ou en fabriquer avec peu de choses.

Le Fatale le plus près d'eux, visiblement adulte, d'au moins une cinquantaine d'années en apparence, aux yeux jaune clair avec une touffe brune au milieu de ce crâne lisse et brillant, les accosta, d'une voix rugueuse :

Eh ! jeunes hommes, qu'est-ce qu'vous voulez ? Kr'imp, pour vous servir.

Il ajouta, de justesse.

'Fin, vite, parc'que j'ai du travail.

Noctismo allait parler, mais Dunkello, plus diplomate, le devança.

Monsieur Kr'imp, nous aimerions nous adresser à votre supérieur, le directeur du site. Nous avons une requête de la plus haute importance à lui faire part.

Il hocha la tête.

Oukey, j'reviens d'suite.

Au centre de la mine se tenait une petite maisonnette, en forme rectangulaire, donc avec un toit plat, en bois, où une grande fenêtre et une porte leur faisaient face. Kr'imp les intima de le rejoindre d'un geste répétitif de la main.

Par la suite, il sortit vivement, reprenant sa tâche, armé de son marteau, suivi d'un lutin plus petit que lui. Ce lutin avait de vifs yeux bleus et de longs cheveux d'or, une rareté génétique parmi les Fatales. Il portait un costume vert quelque peu desserré démontrant une importante pilosité. Et surtout, c'était le seul à avoir un couvre-chef autre qu'un casque dans la mine, autrement dit, une casquette bleu entourée d'un fil jaune.

Il s'exprima d'une voix claire et audible.

Ici T'umpik, directeur de la plus grande mine de Mearrum, la région Nord de l'Île des Fatales, en lien direct avec le Chef régional de ce territoire fatal, que puis-je pour vous ?

Au fur et à mesure, les lutins s'approchèrent d'eux, formant un cercle tout autour, silencieux.

Les Loméos nous ont envahi, ils ont ravagé nos terres et nos familles.

Continuez, commenta-t-il, impassible.

T'umpik croisa ses bras en se posant contre le côté de sa maisonnette rectangulaire.

Nous aimerions demander votre aide, nous sommes venus se réfugier sur vos terres, pour fuir cette invasion, pour être en sécurité, expliqua le vampire, cordial et respectueux.

Oui, et ? En quoi puis-je, ou bien mes camarades, peuvent-ils faire quelque chose pour vous ? questionna-t-il, exécutant une moue sceptique.

Vous ne voulez pas nous aider ? intervint le loup-garou, suppliant, d'un ton plein d'espoir.

T'umpik soupira, ferma les yeux et détourna le regard. Et, il se mit à raconter, d'un ton plein d'amertume :

Lors de l'Invasion Glaçante, lorsque les Krýos ont déferlé sur nos terres, personne n'a été là pour nous secourir. Personne n'a voulu nous recueillir. Seule une poignée d'habitants solidaires des Îles Mirages a permis de renvoyer l'ennemi et lui faire comprendre la raison. La blessure de cet abandon est toujours là...

Il rouvrit les yeux, d'un seul coup, les fixant. Levant le ton, explosant la colère de cet abandon des chefs diplomatiques des autres peuples :

Les chefs des Lýkos, des Ghoulishs, des Loméos, des Clopis, personne n'a eu de réponse favorable ! Ils ont tous décidé de rester neutres, et de nous laisser détruire par ces oiseaux glacés de malheur ! Après tous les services que nous rendons à tous vos peuples ! Que c'est beau la solidarité diplomatique... Alors vous croyez vraiment que, moi, T'umpik, et que mon supérieur, allons vous laisser vivre en paix ici ? De manière officielle ? Alors que les chefs diplomatiques ont clairement refusé nos demandes d'asile ?!

Monsieur T'umpik ? coupa un lutin, à la chevelure surélevée de feu aux yeux orangés, lucide. Cela doit faire des jours qu'ils sont sur la route, on ne peut être si durs avec eux... C'est contraire à nos valeurs de pacifisme et d'entraide.

Le directeur de la mine du Mearrum se pinça les lèvres, furieux, afin de se contrôler, ne pouvant se décharger sur ses ouvriers, n'y étant pour rien. Son ton était doux, et persuasif :

C'armito, je sais que c'est contraire à nos valeurs. Mais, nos trois chefs, reflétant l'avis partiel de la population, sont mitigés. La moitié d'entre nous ne veulent pas se mêler du prochain conflit, pour montrer notre désaccord et notre déception, et l'autre moitié est d'accord pour aider, ne tenant aucune rancœur aux autres peuples. Et, je poursuis l'avis de Pon'ky, le chef de Mearrum, ainsi que Tik'ky, la cheffe de Paacem, la région Sud.

En effet, j'aurais aimé que ma famille puisse vivre de manière pérenne, mais elle n'en a pas eu la possibilité. Et le voyage entre l'Île Nord et l'Île Sud est trop dangereux, même si c'est le plus jouable... se contraignit C'armito, avant de se fondre de nouveau dans la foule.

Une grande partie de ladite foule levèrent leurs bras et approuvèrent les paroles de leur directeur en chœur.

C'est tout à fait compréhensible, répondit le jeune Ghoulish, comprenant le sentiment de ces personnes désabusées.

Noctismo n'avait pas jeté sa dernière carte. Avant d'être entièrement rembarrés, renvoyés à la frontière, il allait tout donner. Même s'il manquait de tact, pouvant attirer les foudres de son ami.

Cependant, Monsieur T'umpik, les Loméos ne sont pas seuls dans cette invasion. Les Krýos se sont alliés à eux, à moins que ce ne soit l'inverse. Soit. Et, cela ne vous fait rien de savoir que vos anciens ennemis sont de la partie ? Vous ne voulez pas prendre votre revanche ? Vous voulez rester neutres pendant que ceux qui vous ont fait souffrir en font souffrir d'autres...?

Nous sommes pacifistes, nous ne nous battons pas. C'est un sacrilège de prendre une arme et d'user de la violence, rétorqua le directeur, inflexible.

Et puis, si les Lýkos et les Ghoulishs n'arrivent pas à arrêter l'Alliance Feu-Glace, eh bien... nous ne pourrons pas faire grand-chose, intervint un lutin, d'une voix fragile, dévoilant une grande peur. Les Krýos sont... si épouvantables, détruisant tout sur leur passage...

Ce pauvre lutin faisait de la peine à nos protagonistes, il semblait totalement traumatisé par cet événement.

Vous voyez, vous n'êtes pas les bienvenus ici, confirma T'umpik, fermé. Alors vous...

Quelqu'un arriva, bravant la foule, stoppant le directeur de la mine dans son élan.

STOP ! Laissez-les-moi ! Je me porte garant de leur protection, imposa une forte voix féminine.

Une voix imposant le respect. Une voix qui brisa la foule en deux, dévoilant une grande fée habillée d'une longue robe blanche sans manche à strass argenté, impressionnante et respectable. Grande, c'est à dire, soixante-dix centimètres chez les Fatales.

La charmante fée avait une longue chevelure caramel, lisse et soyeux. Ils étaient coiffés en chignon, laissant débordée cette magnifique tignasse allant jusqu'au bas du dos, également tenue par une tresse tout autour dudit chignon, et maintenus par une tiare d'or précieuse et stylisée.

Ses doux et fermes yeux bleu-gris, son nez délicat, et ses petites et quelque peu épaisses douces lèvres, étaient encadrés dans un visage ovale, pratiquement dénué de toute impureté.

Iréna, c'est insensé ! répliqua T'umpik, irritable.

Je ne suis pas originaire de Mearrum, non, mon parti de cœur et même de sang restera à jamais celui de Fatalem. Je continuerai de faire perdurer les valeurs fatales, je ne laisserais pas noircir mon cœur à cause d'une vieille rancœur ! Les Fatales sont plus forts que ça !

Après un duel démentiel, le pauvre directeur ne savait plus où se mettre, cette Iréna ne s'étant nullement retenue à lui faire entendre raison. Et, le Lýkos et le Ghoulish se mirent à la suivre, tel des toutous, sages comme des images. Parfaitement conscients qu'elle venait de les sortir du pétrin, et qu'ils lui devaient une fière chandelle !

La jeune fée aux ailes blanches scintillantes les fit marcher pendant un sacré temps jusqu'à une montagne particulière, perdue dans un champ d'herbe verte. Les fées et les lutins ont pourtant pour habitude de vivre en hauteur des grands arbres, ou alors, à l'intérieur de ces derniers. Mais là, Iréna vivait dans une maison, sur terre, une petite montagne qui ressemblait à un visage. La bouche était alors l'entrée. L'entrée d'une maison souterraine, aux formes non traditionnelles, donc très modernes, éclairée par des lucioles différemment colorées prisonnières dans des bocaux triangulaires fixées sur les parois. Et, au lieu que les meubles ne soient en bois, comme à l'accoutumé, ils étaient en pierre violette.

Le Ghoulish était observateur : Leur sauveuse, prétendant le pacifisme, avait une arme, sous sa robe. La forme se distinguait légèrement, et ses yeux de lynx ne le trompait pas.

Elle leur présenta ce qui semblait être la chambre d'ami. C'était donc dans cette petite pièce, plutôt spacieuse avec le minimum, qu'ils allaient dormir. Ensuite, Iréna les invita à s'asseoir sur les chaises de cuir bleuté, partant préparer le dîner.

Elle revint un temps plus tard, les ayant déjà servies d'une tisane chacun pour patienter, avec un bouillon de légumes, une minuscule ration de poisson, et de pommes de terre.

C'est pas grand-chose, mais c'est le meilleur que je puisse faire, offrit-elle, d'une voix douce et cristalline.

Mais, c'est déjà très bien ! s'écria Noctismo, ravi, les babines retroussées, même s'il aurait préféré de la viande.

C'est amplement suffisant, merci de votre chaleureuse hospitalité, remercia Dunkello, poliment, effectuant des gestes gracieux.

Ils parlaient de tout et de rien pendant qu'ils savouraient ce succulent repas, complimentant leur hôtesse à chaque fois qu'ils le pouvaient, lorsqu'un bruit les perturba. Comme si on entrechoquait deux lames entre elles, frénétiquement.

L'instant suivant, un petit lézard à collerette, langue longue, fine, et surtout pendante, jaillit de nulle part.

Iréna se précipita sur lui, avant même que le Ghoulish n'ait le temps de réagir, pour lui offrir une tendre étreinte. Ce lézard avait la peau violette, avec des plaques jaune fluorescentes. Sa collerette représentait un visage rouge enflammé sur un fond noir ténébreux. Ses yeux étaient d'un bleu aveuglant. Il était plutôt petit, elle le prenait sans peine dans ses bras – environ trente centimètres –, mais avait une sacrée mâchoire et des griffes acérées. Un prédateur aussi magnifique qu'il était dangereux. Même s'il avait l'air inoffensif avec sa bouille tout droit sorti d'un dessin animé des Looneys Toons.

C'est Fairy, une femelle, mon familier, présenta la jolie fée, en proposant les restes de poisson à cette dernière qui les dévora en moins de deux. Je suis désolée, n'ayez pas peur, elle ne vous fera pas de mal... Sauf si je lui demande ! Ha, ha !

Elle est... sensationnelle, commenta le jeune Lýkos, l'air béat.

Elle pourra faire connaissance avec ta tortue. Elle doit vraiment être à l'étroit dans ton sac !

Oh, vous avez remarqué... ? répliqua le vampire, perplexe.

Dunkello, tu n'es pas le seul observateur ici, répondit-elle, simplement, énigmatique, en ajoutant un petit rire aigu.

Siræ, joyeuse à l'entente de son nom, bondit hors du sac, vola un fruit au passage et se précipita faire la connaissance de Fairy. En même temps, Iréna dévoila sa dague sous sa robe, explosant d'assurance.

Ce n'est pas très courant pour une Fatale de se promener avec une arme sur soi, une arme clopis, objecta le vampire, arquant un sourcil.

Soit, mais vous, ce n'est pas très courant de voir des Lýkos et des Ghoulishs fuirent leur puissante et fière patrie et demander secours à un peuple pacifiste. C'est un peu contre leurs valeurs guerrières..., rétorqua la fée, inébranlable, un sourire délicieux sur les lèvres. En rappelant que vous, habitants de l'Île Nord, n'avez point été là lorsque le mien a été décimé...

Elle marque un point, je crois... commenta Noctismo, naïvement, le regard innocent. Rappelons que c'est elle qui nous permet de vivre ici...

Mon père a fait partie de la Solidarité Surnaturelle, il a fait la Résistance. Et je poursuis ses valeurs, ses engagements, et non ceux que nos gouvernements ont pris, qui sont simplement intolérables. Et en effet, nous avons une dette incroyable envers vous.

Le débat était passionnant, les regards déterminés des deux adversaires étaient éblouissants.

Je reste du côté de Par'aya, la Cheffe ultime, dirigeant Fatalem et ses deux Vice-Chefs, dirigeants ses alentours. Donc, je reste parmi les bienveillants, restant ouverte sur le monde, sourit-elle, aimante.

Iréna baissa les yeux sur son arme.

Si mon peuple savait, ça serait fini pour moi. Mon père, un marginal, m'a tout appris. L'art du duel n'a plus aucun secret pour moi. (Elle serra les poings, le regard brillant presque de rage :) et, je pense qu'il est temps de changer les choses. Ces normes, qui nous empêchent de nous défendre, de nous protéger. Pourquoi ne pourrait-t-on pas faire le Bien en ayant le droit de prendre les armes, lorsque c'est nécessaire...?

Telles sont vos lois, qu'est-ce que je peux y faire. Si même vos pouvoirs sont bénéfiques, fit le vampire, en haussant les épaules.

Noctismo cessa de faire l'enfant, perdu dans ses pensées rêveuses, interpellé par les pensées de la fée marginale. Il la fixa du regard le plus décisif et déterminé possible, perdant immédiatement son sourire niais, pour conserver un total sérieux.

Iréna, le temps de la révolte a sonné. Tu dois te faire entendre auprès de tes gouvernements, auprès des Fatales tout entier. Il est temps que vous preniez votre revanche sur les Krýos, pour la libération de nos peuples ! (Son ton devint plus sombre :) Parce que, si jamais les Lýkos et les Ghoulishs ne parviennent pas à renvoyer les envahisseurs, ils connaîtront le même sort que ton peuple. Et les Loméos et les Krýos ne stopperont pas leur conquête uniquement à l'Île Nord, ils ne se contenteront pas de si peu. (La détermination remonta instinctivement :) Il est temps que les Clopis sortent de la neutralité, il est temps que les Fatales sortent de leur pacifisme extrême, il est temps que les Lýkos et les Ghoulishs refoulent leur fierté légendaire et se réfugient en lieu sûr, si nous voulons que les Îles Mirages soient toujours un endroit propice à la vie et de paix.

Dunkello, Iréna, Siræ aussitôt suivie par Fairy, regardèrent Noctismo d'un seul regard, pour ne former qu'une seule âme.

Le jeune Lýkos fixait l'horizon, avec une détermination imperturbable, serrant les poings, murmurant ses derniers mots :

— J'espère que Spýra a réussi...

Il libéra un ultime soupir, prêt à affronter son destin.

Et, c'est ainsi que le premier volet prit fin...

Introduction de la fiction « Opération Thermó Gelí-Éruptio ».

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top