Chapitre 9

Incroyable comme les journées s'enchaînent et empirent, sans que je n'aie la moindre emprise sur elles. J'aurai presque eu l'espoir que mon mercredi ne serait pas aussi atroce que mon mardi, ça n'aurait pas dû être difficile, après tout, pas de garde à vue au programme... Mais par certain côté, la garde à vue, c'est épuisant, ça te détruit peu à peu, mais tu tiens, ça va, la solide et l'ennui sont éprouvants, mais supportables. Par contre, une nouvelle journée, entourée personne qui te prenne pour un monstre sans même se cacher, mais des personnes en qui tu as une certaine confiance, que tu as aidé dans leur moment les plus dur, qui se retourne si vite contre moi, sans même se poser de questions, sans même chercher à savoir ce qu'il s'est passé, en concluant simplement que j'ai tué des gens, ça c'est vraiment dur.

Ça pourrait sembler léger sous certains angles, mais au contraire, parce que toutes les personnes du lycée, je les connais, je les connais même bien, j'en ai aidé certain face à leur problème, je les ai soutenus, je les ai fait sourire, et sans prévenir, ils se transforment tous en une meute de loup enragé, prête à te dévorer à tout instant, sans aucune pitié, sans aucun remord. Même pas un semble regretter ou quoi que ce soit. C'est encore pire que lundi, parce que lundi, ils me laissaient encore le bénéfice du doute, j'étais juste le seul témoin par rapport à la disparition de Kamala, un traître, peut-être, mais pas encore un meurtrier, à part pour les plus soupçonneux d'entre eux. Mais maintenant ça semble officiel et c'est tellement insupportable.

Je crois que pour la première fois, je me rends vraiment compte de la chance inestimable que j'ai d'avoir Djalu qui supporte autant que moi toutes cette histoire sans même songer à se plaindre. J'ai toujours su que c'est et ce sera éternellement le meilleur ami que je puisse avoir, mais dans une situation aussi éprouvante que ça, j'en ai la preuve définitive et incontestable. Je crois qu'actuellement, les membres de la famille Snow sont les seuls à n'avoir aucun doute par rapport à moi tout en ayant connaissance de toute l'histoire. Rien d'étonnant, ce sont aussi les seuls à me connaître réellement et à vraiment savoir que j'en serais totalement incapable. Tous les autres, surtout ceux de mon âge, pensent sûrement que vu comme je ne parle pas souvent de ma vie, il doit forcément y avoir quelque chose qui ne va pas. Apparemment, ils ont maintenant tous trouvé l'énorme problème.

Pour améliorer encore ma journée, ma mère tente à plusieurs reprises de me joindre, même en cours et je me suis aperçu trop tard que mon téléphone n'était plus en mode silence, résultat des courses, mon prof de maths me l'a confisqué, pour ensuite de dire devant tout le monde : « votre mère tente de vous rappeler, c'est peut-être importance »; ce auquel j'ai répondu un magnifique : « non, je m'en fous »; sans trop réfléchir, sachant très bien qu'il n'y a aucune raison indispensable qu'elle m'appelle, mais il me semble que ni le prof, ni le reste des élèves n'ont réellement apprécié ma réponse totalement naturelle au point que j'ai gagné une heure de colle pour irrespect. Je suis tellement dépité par ma journée, que je ne réagis même pas vraiment à la nouvelle... Tout le monde a un peu trop tendance à aller contre moi et je commence à ne plus le supporter du tout, j'ai juste envie qu'on me fiche la paix... Je ne demande rien de plus, je veux simplement être... oublié. Je n'ai jamais autant rêver de disparaître.

Le soir, après avoir passé l'une des pires journées de ma triste existence, je récupère mon portable avant de partir à pied avec la fratrie Snow jusqu'à chez eux. Au cours de la journée, ma mère a tenté de me joindre cinq fois et deux autres numéros ont également insisté à plusieurs reprises, je sais qu'officiellement, je devrai les rappeler, mais vraiment, je ne suis pas d'humeur, je n'y serai sûrement jamais d'ailleurs. Cette fois, par contre, je ne rentre pas chez moi, je vais encore abuser de l'hospitalité de la famille Snow, j'ai trop mal supporté la solitude la veille. Et de toute manière, Djalu et Alinta ont pour mission de me ramener, je ne peux pas fuir, Ekala refuse de me laisser seul une fois de plus après tout ce que j'ai vécu ces derniers jours.

En arrivant, la mère de mes amis nous attend déjà de pied ferme à l'entrée de sa maison, elle n'a pas dû apprécier mon absence de la veille, elle aurait sûrement préféré veiller sur moi après deux jours aussi intenses.

— Ça va Pâris ? Tu tiens le choc ? demande-t-elle immédiatement à partir de l'instant où je franchis le seuil de la porte.

— Je fais comme je peux compte tenu de la situation...

— Et l'enquête ? Tu es toujours le principal suspect ?

Ses questions sont incontestablement franches et il n'y a aucun doute sur son intention : se renseigner; mais elles ne sont pas désagréables, parce qu'Ekala n'est pas en train de chercher des points qui peuvent me faire tomber, mais au contraire, elle en cherche pour m'élever loin de cette misère, j'espère sincèrement qu'elle en trouvera, mais je n'y crois qu'à moitié. En tout cas moi, plus le temps passe, moins je trouve d'éléments pour me disculper et plus les preuves sont accablantes contre moi. C'est malheureusement la triste vérité, tout le monde me croit coupable, même si je ne le suis pas et les rares éléments de mon côté ne seront jamais pris en compte. Je commence même à penser que ça pourrait être utile que je parle avec quelqu'un qui s'y connaît vraiment bien dans ce genre d'affaires pour m'aider.

— J'ai l'impression que je suis toujours l'unique coupable. En tout cas, ils n'ont toujours pas retrouvé Kamala... Et ma mère a témoigné, par téléphone, je ne sais pas trop quand, mais en ma défaveur, elle a dit que j'étais seul vers 16 heures lorsqu'elle m'a appelé...

— Définitivement, je n'ai jamais compris cette femme... soupire-t-elle tandis que ses enfants s'éclipsent discrètement à l'étage comme toujours lorsque je parle de ma mère avec la leur. Comment elle peut systématiquement affirmer avec conviction qu'elle sait exactement ce qu'il s'est passé sans jamais avoir conscience de la réalité, ça me dépasse totalement. Elle sait l'erreur qu'elle a fait ? Tu lui as dit ?

— Évidement, j'étais un peu furieux contre elle, je ne sais pas si ça peut se comprendre. Alors oui, je crois que le message est passé.

— Eh bien elle ne s'en vante absolument pas, au contraire même, elle m'a appelé aujourd'hui, apparemment, tu as des problèmes de téléphone.

— Je me le suis surtout fait confisquer à cause d'elle et maintenant, j'ai aussi gagné une heure de colle parce que je ne voulais pas parler à ma mère. Qu'est-ce qu'elle voulait ?

— Me passer les coordonnées des avocats de ton père et des siens, elle veut que tu aies les meilleurs et toute une équipe.

— C'est la moindre des choses après ce qu'elle a dit.

— Ne lui en veut pas trop s'il te plaît, tu sais bien qu'elle a toujours été à l'ouest niveau famille, souviens-toi de ce qu'elle a fait par rapport à ta sœur... Elle n'a jamais su s'occuper de vous ni même vous écouter et elle a toujours été persuadée d'avoir raison, mais maintenant de toute manière, tu ne pourras plus la changer et tu ne pourras rien y changer non plus. Allez viens, arrêtons de parler de tout ça, tu subis assez de pression comme ça, inutile d'en rajouter. Mais les avocats de tes parents trouveront sûrement des solutions, après tout, c'est leur métier.

— Plus qu'à espérer qu'il y ait des solutions.

— Je t'ai fait une tarte aux fruits rouges d'ailleurs, j'ai même mis des cerises, déclare-t-elle pour changer définitivement de sujet. Bon, elles sont des États-Unis vu que ce n'est pas la saison, mais une fois de temps à autre, je peux faire des petites exceptions. Et j'ai même trouvé des myrtilles au marché. Normalement, elle est pour ce soir, mais j'avais un peu trop de fruits, de crèmes et de pâtes, alors j'en ai fait une petite avec les restes si tu veux.

Je ne la crois à peine, elle prépare tellement régulièrement des tartes aux fruits rouges qu'elle ne se trompe jamais dans les proportions, sauf quand c'est volontaire et pour le coup, j'ai du mal à croire qu'elle m'ait cuisiné mon dessert préféré par hasard en sachant ma situation, mais je ne vais pas lui reprocher, bien au contraire, je suis bien trop heureux d'avoir du rab.

— Merci Ekala, je vais m'en prendre maintenant. Et après je rejoindrai Djalu dans sa chambre, on a deux ou trois devoirs à faire et j'ai du retard dans mes cours, forcément.

Après un rapide détour par la cuisine récupérée ma part, qui est déjà servie dans une petite assiette dans le frigo, avec la petite fourchette qui va bien, je monte à l'étage retrouver mon meilleur ami. Dans le fait, il n'y a que très peu de chance que je travaille vraiment sérieusement, je risque de tout au plus recopier les cours qu'il me manque, même s'il faut avouer que je commence à être honnêtement en retard en termes de travail, ça fait longtemps que je n'ai pas été autant à la traîne, mais actuellement, je n'en ai rien à faire. Au pris, si jamais les profs me reprochent quelque chose, je me ferai des mots d'excuses. Ce n'est absolument pas sérieux, mais là, je n'ai plus envie d'être sérieux, j'ai juste envie de souffler et qu'on me foute la paix, rien de plus, je ne demande rien de plus. Je n'ai pas l'impression d'en demander énormément, pourtant, c'est beaucoup trop pour le monde en ce moment. Au moins, je passe du temps avec les Snow et hormis ce bref épisode de prise de nouvelles, nous ne parlons pas une seule fois de la soirée de ce qui est en train de se passer. Et mon dieu qu'est-ce que ça fait du bien, c'est incroyable, pourtant, ce n'est pas grand-chose, mais j'ai la sensation que l'on me laisse tranquille, qu'on me permet de respirer. Sans compter que les Snow sont les seuls à n'avoir jamais douter de moi. Tous les autres m'accusent sans savoir, mais eux, alors qu'ils n'ont pas plus de réponse, n'ont pas songé un instant à m'accuser, encore moins à relier la disparition de Kamala à celle d'Ophélie.

Malgré toute leur gentillesse et tous leurs soutiens, ça ne me permet pas de dormir correctement la nuit, je n'arrive pas à me sortir toute cette histoire de ma tête assez longtemps pour m'assoupir. Pire encore, je n'arrive pas à me sortir Kamala de la tête. Et seul dans le salon, mon imagination la fait parfois apparaître, telle un fantôme dans la pièce... Qu'est-ce que j'aimerai qu'elle soit là, qu'elle soit vraie, qu'elle n'est pas disparue laissant derrière elle une tonne d'incertitudes. Le pire, c'est que même en y pensant désespérément, je n'arrive pas à comprendre qui a pu lui faire du mal, ni même qui a voulu lui faire du mal... Et j'ai la certitude que ce ne sont sûrement pas les policiers qui vont se pencher sur le sujet.

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