Chapitre 7
Soudain, j'ai une nouvelle idée. Si jamais je suis un fantôme, je dois pouvoir traverser des surfaces. Après tout j'ai été traversé par ma propre sœur. Bien décider, je passe le bras à travers les grilles et je tente de me faufiler entre les deux barreaux. Mais ça n'a pas l'air de marcher à merveille, je sens le métal froid contre ma peau, mais je ne me retrouve pas de l'autre côté. Peut-être faut-il plus de conviction ? Malheureusement, je ne suis pas fan du principe de foncer droit sur un mur. Même si je commence à désespérer, je ne suis pas encore à un stade assez élever pour tenter.
Résignée et agacée, je me laisse tomber le long du béton, n'en pouvant définitivement plus. Pourquoi au juste j'ai fait une chose pareille ? Je n'aurai pas pu réfléchir deux petites secondes avant ? Ce n'est quand même pas très difficile. À la portée de n'importe quel idiot. Pas à ma portée a priori. En plus, depuis que je suis là, Pâris est bêtement allongé sur sa foutue planche de bois, n'arrêtant pas de bouger, prouvant bien qu'il n'est pas du tout endormi, mais n'ouvrant pas pour autant les yeux. Frustrée par moi-même, je suis proche des larmes, n'arrivant pas à me raisonner. Je sais que c'est parfaitement idiot, mais je me sens de plus en plus claustrophobe dans cette minuscule surface.
Et ces visions qui n'arrêtent pas. J'ai presque l'impression qu'elles sont moins nombreuses, mais elles durent de plus en plus longtemps, comme si je n'arrivais vraiment plus à les repousser, ce qui est tout à fait possible vu mon niveau de fatigue. Elles ne m'aident pas en plus, je n'arrête pas de me voir enfermer dans des conditions pires qu'actuellement, mais ça ne me fait absolument pas relativiser. Pire encore, les rares fois où je me vois morte. Je ne sais même pas pourquoi je m'imagine des choses pareilles, je me fais souffrir en plus. Dire que j'étais venue ici pour obtenir des réponses. Je suis définitivement venue sur un coup de tête, j'ai été totalement débile.
En plus je n'arrive plus à repartir. Un peu plus et je fonce dans cette grille avec conviction pour me barrer. Je vais faire comment pour sortir moi ? Sûrement que des policiers vont ouvrir à Pâris à un moment ou un autre, mais est-ce que j'arriverai à passer ? Si je croupis toute ma vie dans cette cellule ? Je me sens bête, mais vraiment je panique, je ne contrôle rien du tout, j'ai juste envie de partir, je ne peux pas rester là. Je ne sais pas pourquoi ça me fait autre paniquer, sans doute à cause de tout ce que je vois dans mes visions, cet enfermement, la souffrance que je vois sur mon propre visage, la douleur, le désespoir. Tout. Cette cellule, aussi belle soit-elle me rappelle tout ça. Et je ne supporte pas.
Soudain, il y a du mouvement autour de moi alors que je commence à pleurer dans mon coin. Je me lève espérant que ce soit quelqu'un qui vienne pour ouvrir. Mais faux espoir, ce n'est pas un policier, c'est Pâris qui s'est assis sur le bord du lit. Bien sûr, il ne regarde absolument pas vers moi, il regarde vers la fenêtre semblant totalement désespéré. Je n'irai pas jusqu'à parier, mais je pense qu'il a autant envie de sortir que moi, c'est peu dire. Aussi, je compatis, lui qui n'a jamais supporté être enfermé, même pendant toute une journée de cours, il doit sentir ça comme une torture. Quarante-huit heures de garde à vue... Et je ne suis même pas sûre qu'il soit réellement coupable. Si seulement il pouvait me voir ou m'entendre pour me permettre d'avoir une explication, au moins avoir la conviction qu'il ne m'a rien fait, même s'il ne sait pas ce qu'il m'est arrivé.
Après une minute environ à le regarder, j'ai encore une vision, cette fois, je suis encore dans cette cellule, presque au même endroit d'actuellement, en pleure aussi. C'est comme si je voyais mon futur moi. Mais plus important encore, je suis convaincue que Pâris me voit. Je ne peux bien sûr pas le parier, mais dans ma vision, Pâris a le visage tourné vers moi et plus important encore, il parle. Dans ma conviction et dans un fol espoir, je me décale légèrement et je me place à l'endroit exact où je me suis vue dans la vision, si seulement je pouvais être vu. Je ne demande rien d'autre que d'être vu, entendu ou perçu par quelqu'un, n'importe qui. Et si par miracle cette personne pouvait être Pâris, tout de suite, maintenant, pour me prouver son innocence.
Alors que je n'y croyais plus, il se retourne et ses yeux s'écarquillent, il me voit ! J'en suis convaincue. Je ne sais pas comment. Il ne semble pas y revenir, tout autant que moi. Je ne sais pas du tout comment c'est possible, mais il me voit.
— Kamala ? Oh Kamala... Si seulement tu étais vraiment là...
Ah bah génial... je suis vu, mais je ne suis considérée que comme étant une illusion. Incontestablement génial.
— Pâris... Je suis là ! S'il te plaît, crois-moi s'il te plaît... supplié-je, mais je vois bien qu'il ne m'entend pas, je ne suis même pas sûre qu'il me voit encore.
Quand je m'approche de lui, j'ai donc la confirmation, que j'ai de nouveau disparu à ses yeux. Il continue de fixer dans le vide, sans me suivre. J'en ai marre, il n'a même pas un tout petit peu capté que j'étais vraie, encore moins que j'étais vraiment là... Il n'y croit même pas.
J'en viens même à être énervé contre lui, parce que je suis sûre, je ne sais pas comment, mais il m'a vu, je n'en ai aucun doute, absolument aucun doute, il m'a vu. Et il a décidé que je n'étais pas vraiment là avant même que j'ai pu lui prouver le contraire. À partir de là, je n'existais plus vraiment. Je ne suis pas prête à parier que ma théorie est vraie, mais je suis convaincue que la conviction de la personne d'en face à une réelle influence sur ma manière d'être perçu. J'en suis sûre. Et personne ne veut croire que je suis bien là, tout le monde est convaincu que je suis ailleurs, même pas propre famille. Personne ne veut croire que j'existe.
Et je n'ai aucun moyen de prouver à qui que ce soit que je suis vraiment là, que je suis présente, aucun, absolument aucun, tout est sous leur influence et je suis totalement contrainte de la subir, tout comme les visions que je ne contrôle toujours pas. Ça fait presque deux jours que je suis dans cette spirale infernale et je ne contrôle toujours rien. Et surtout, par-dessus tout, j'ai l'impression que ça fait une éternité. Une éternité que je suis coincée dans cette spirale infernale sans pouvoir en sortir. J'y ai cru. J'y ai vraiment cru pendant une seconde ou deux avant de devoir abandonner cet espoir insensé. C'est comme ça, je ne suis plus rien. Il faut que je m'y fasse. Désespérée, je me rassois à même le sol alors que Pâris commence à déambuler dans sa cellule, celle où je me suis retrouvée enfermer parce que je suis totalement stupide. Comme si Pâris pouvait me voir.
❦
Je ne pense pas avoir dormi au cours de la nuit. J'en ai eu envie pourtant. Ça c'est certain. Le problème, c'est que j'en étais incapable, ce n'est pas faute d'avoir essayé. J'ai tout tenter. Mais sur le sol froid de la prison, je n'ai pas pu. C'était trop dur, beaucoup trop dur, trop particulier, j'en étais strictement incapable. Sans compter que mes visions m'ont maintenu éveiller sans relâche, comme pour me torturer, me faire purement et simplement souffrir. Même la fatigue n'arrive à être suffisamment forte pour que je m'écroule. J'en rêverai.
Régulièrement, j'en avais assez. Mais je n'ai jamais réussi à trouver de solution à mon problème. En attendant, je suis enfermée dans la même cellule que Pâris et pas une seule fois je suis parvenue à rentrer en communication avec lui. L'inverse étant vrai. Pourtant, il semble aussi en avoir envie vu comme il répète régulièrement mon nom et parfois même, je pense qu'il me voit, mais ça ne dure jamais longtemps. Et dans notre insomnie commune, nous sommes pris dans le même piège sans réussir à en sortir ou à s'entre-aider. Si seulement j'arrivais à lui parler. Mais ça semble impossible. Les occasions n'ont pas manqué pourtant, à plusieurs reprises, j'aurai peut-être pu, mais jamais je n'ai réussi. Dès que je voyais qu'il me voyait, j'ai tenté de lui parler. Et l'instant d'après, plus rien. J'aimerais tellement qu'il croie en ma présence, aussi improbable soit-elle. Je suis là. J'existe. En tout cas, je veux y croire et je veux que ça en soit ainsi. Je le veux de tout mon être.
Au petit matin, je n'ai toujours pas somnolé de la nuit ni trouver la moindre solution pour partir loin, très loin de ce cauchemar. Et j'en ai marre. J'en ai tellement marre, je suis épuisée, j'ai mal à la tête, je n'arrête pas de pleurer. J'ai rien. Rien du tout en retour, je n'arrive pas à m'imposer, à exister. Pâris n'arrête pas de répéter que je ne suis pas réelle, que je ne suis pas vraiment là et j'en ai assez, je veux juste être quelque chose. N'importe quoi. Et avoir des réponses, juste des toutes petites réponses de rien du tout, à toutes ces questions qui n'arrête pas d'envahir mes pensées. Intempestivement. Inlassablement. Et que quelqu'un daigne enfin se rendre compte de mon existence. Je ne demande rien de plus.
J'aurais aimé que se soit Pâris, pour avoir des explications, mais il ne semble pas décidé à croire en ma présence alors je me contenterai de n'importe qui d'autre. Et ce n'importe qui serait sûrement beaucoup plus simple à trouver si je parvenais à sortir de ma prison, mais ça non plus ça ne semble pas être envisageable. Je ne sais même pas quelle heure il est, il doit être huit heures passées et il n'y a toujours pas la moindre animation, je n'ai même pas eu la possibilité de sortir au même moment que quelqu'un qui rentre, parce que personne n'est rentrée, je n'ai même pas vu un seul policier passé devant les barreaux, même si je sais qu'ils sont là puisque je les entends au loin, sans comprendre le sens de leur conversation.
Après une attente infinie alors que Pâris regarde par la fenêtre et ne se fait même plus surprendre pas ma présence, enfin l'un des policiers daigne venir... Et passe de la nourriture à travers les barreaux sans même ouvrir la cellule. En voyant ça, j'ai juste envie de pleurer. Ce n'est pas possible bon sang, quelqu'un va bien vouloir ouvrir à un moment ou un autre.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top