Chapitre 5

La matinée s'avère encore plus longue que prévu et j'accueille comme une délivrance le moment où je dois partir après le midi, j'aurais préféré que ce soit pour autre chose que d'aller au commissariat, mais au moins, je quitte les attitudes de jugement de mes très chères camarades. Quand je franchis la grille de l'école, beaucoup de personnes dans la cour semblent croire que je commets les plus atroces des crimes... Et je pars, clairement dégoûté par toute cette histoire... Marchant calmement jusqu'au poste, me demandant pourquoi diable je n'ai pas pris mon vélo au matin. J'arrive au poste de police un peu en avance par rapport à l'heure qui a été convenu, mais ils me remarquent tout de même immédiatement et l'un des hommes, monsieur Chapman, vient m'accueillir, c'était déjà lui la veille, mais il semble beaucoup moins aimable. Je ne comprends pas tout à fait ce qu'ils ont bien pu trouver de plus qui pourrait changer la donne dans le mauvais sens, mais en tout cas, je le sens très mal... Je ne veux pas être accusé, mais ça a l'air très mal parti. Et tout cas, tout le monde à l'air de penser que je suis le coupable idéal...

Preuve supplémentaire à ce changement profond, contrairement à hier, je ne suis pas placée dans un bureau, mais dans une salle d'interrogatoire, tout au fond du couloir... Même sans les inspecteurs, le climat y est beaucoup moins détendu, les murs sont plus sombres, il n'y a aucun effet personnel, les chaises et la table sont en fer au lieu d'être en bois et je n'ose même pas regarder les menottes qui y sont soudées... Deux hommes eentrent et me font m'asseoir avant de prendre les places d'en face... Qu'est-ce qui a bien pu se passer en une nuit ou en une matinée, ça c'est un véritable mystère, mais en tout cas, la situation a changé. Et quand monsieur Chapman énonce mes droits, je n'en reviens pas, ça ne peut tout de même pas être aussi grave que ça ! Je ne peux pas être en garde à vue... J'accepte l'interrogatoire, mais pas la garde à vue... Il y a forcément une erreur, c'est impossible autrement.

— Je veux avoir un avocat, annoncé-je décidé, n'ayant jamais pensé que j'en aurais besoin un jour...

— C'est votre droit. Venez, nous allons vous fournir un téléphone.

— Mais je ne connais pas d'avocat moi ! m'exclamé-je ne comprenant pas comment je pourrai appeler un avocat.

— Ne vous en faites pas, nous allons vous aider à en trouver un.

Ça ne me rassure pas tout à fait, mais c'est toujours ça de pris. Comment je peux être dans un pétrin pareil, c'est tout de même incroyable, je ne suis même pas sûr d'avoir le droit de rentrer chez moi ce soir, ni même si je vais pouvoir aller voir les Snow... Je pense que, si je passe la nuit en cellule, je ne regretterai jamais autant le canapé sur lequel je dors en allant chez eux... Surtout, tout ça pour un malentendu...

Soupirant, je me lève et je sors de la pièce accompagnée du policier qui a proposé de m'aider. Il me conduit jusqu'à son bureau et m'explique la procédure avant de contacter un avocat de garde, n'ayant rien d'autre à lui demander... Si j'avais été plus méfiant, j'aurais eu le numéro de l'avocat de mes parents, mais maintenant, je vais devoir me contenter de ce que j'ai. Après quelques minutes d'appels, le policier me prévient qu'il arrivera dans environ vingt minutes et qu'en attendant, je vais être conduit en cellule puisque je ne peux plus être interrogé jusqu'à l'arrivée de mon avocat.

Il me fait alors enlever tous les objets en fer que je porte, soit ma ceinture, ma montre et la médaille que m'a offert ma sœur, ainsi que mes... chaussures. Les accessoires en métal, je comprends, mais pourquoi les chaussures ? Pourquoi pas me faire une fouille tant qu'on y ait... Mais je me tais malgré l'indignation, l'envie pourrait bien leur venir.

Les cellules du poste de police sont quasiment toutes vides, je me retrouve donc seul dans l'une d'entre elles... Et rien qu'à la penser d'y passer la nuit, j'ai peur, il n'y a absolument rien et l'environnement est plus qu'austère. Une fois seule, je peux un peu réfléchir à la suite des évènements... Je suis maintenant en garde à vue pour une durée maximale de quarante-huit heures en tant que suspect dans la disparition de Kamala... Mais je ne sais pas à quel moment je suis passé de témoin à suspect. Par contre, je verrai bien avec l'avocat commis d'office qui va mettre donner, mais ce n'est pas bon signe vu tout ce que j'ai dit la veille... Je ne comprends vraiment pas pourquoi ils pensent tous que je suis le coupable idéal, je n'ai rien fait pourtant...

Les vingt minutes d'enfermement semblent éternelles, je n'ai jamais trouvé le temps aussi long... Surtout que je n'ai aucun point de repère réel sur l'heure, il n'y a aucune horloge nulle part. Quand enfin, l'un des policiers revient me chercher, même si je devine bien que je vais bientôt être de nouveau interrogé, je l'accueille avec soulagement... Sans me permettre de remettre mes chaussures, je suis conduit dans une pièce un peu plus loin où m'attend une jeune femme sûrement fraîchement diplômée.

— Bonjour, m'accueille-t-elle. Je suis madame Ridgeway, je serais votre avocate pour toute la durée de votre garde à vue et de votre procès. L'adjudant Matthews m'a transmis les éléments clefs de l'enquête, pourriez-vous me présenter votre point de vue sur l'enquête ? Ensuite, nous verrons la situation dans sa globalité et je vous conseillerai sur la marche à suivre pour le reste de la procédure.

Elle est si aimable à côté des policiers que s'en est presque choquant... J'ai presque l'impression que même sans avoir entendu ma version des faits, elle est déjà de mon côté. Ce qui est sans doute vrai puisque le principe d'un avocat, c'est de protéger son client et je suis son client. Je lui expose alors les faits comme je l'ai déjà fait hier pour signaler la disparition de Kamala. Puis elle me demande quelle part de cette histoire j'ai déjà confiée aux enquêteurs et quand je lui réponds tout et je précise que j'ai répondu à des questions supplémentaires. Elle semble franchement mécontente... Je savais que je n'étais pas dans la bonne position...

— Bon... Je ne vais pas vous mentir, votre situation est pour le moins délicate... Actuellement, vous êtes passé de la position de témoin à coupable, ils ont donc déjà entendu votre version des faits, ce qui est tout à fait normal. Ce qui me pose plus problème, c'est qu'ils ont commencé à vous considérer comme possible coupable avant d'en avoir des preuves à cause de la disparition de votre sœur. Vous n'avez donc pas eu le droit de consulter un avocat, ce qui aurait pourtant été en votre faveur, vous auriez alors pu éviter de répondre à certaines questions. Mais ne vous en faites pas, la situation est encore rattrapable, ce n'est pas une catastrophe, il va seulement falloir être plus méfiant à l'avenir.

— Et comment je fais ça ?! m'agacé-je en comprenant que je me suis fait avoir bêtement hier et que maintenant, ça va sûrement compromettre ma liberté future.

— Vous allez vous en tenir à votre version des faits sans en démordre, il faudra que vous répondiez systématiquement la même chose qu'hier, en aucun cas, votre version des faits doit changer. Et si des détails supplémentaires vous viennent à l'esprit, ne les précisez pas, mais gardez-les en tête, ils pourront nous être utiles pour votre défense. Par contre, je vous préviens tout de suite, vous allez sûrement avoir un procès si l'affaire continue dans ce sens-là, mais tout n'est pas encore perdu, l'enquête est encore en cours, les policiers trouveront peut-être d'autres suspects ou alors la victime sera retrouvée. Pour l'heure, vous oscillez entre l'accusation d'enlèvement et de meurtre, alors si votre procès se passe dans ses conditions, les deux sont en notre faveur puisque la personne n'a pas encore été retrouvée. Avez-vous des questions ?

Elle est indéniablement claire, mais trop claire par certain côté, ce qu'elle me dit me fait honnêtement peur. À travers ses mots, je vois clairement mes peurs être soulignées une à une. Elle parle déjà de procès, comme si c'était l'issue la plus probable à cette histoire et c'est très loin d'être réconfortant, à croire que l'enquête ne bougera plus et qu'elle restera au même stade pour les prochains mois...

— Pourquoi je me fais soudain accusé ? demandé-je désespéré.

— Je n'ai malheureusement pas accès à ce genre d'information, mais je peux supposer qu'un élément de l'enquête à changer, peut-être un témoignage, peut-être des images de surveillances ne concordent pas avec votre témoignage, dur à dire.

— Mais je n'ai rien fait ! Je suis innocent et je ne leur ai pas menti ! Pourquoi quoi que ce soit ne concorderait pas ?!

J'ai l'impression d'être dans un coup monté pour me faire du mal, c'est atroce. Sauf que le coup monté peut me mener en prison et me gâcher mon avenir, sans parler de ma liberté...

— Je vous l'ai dit, je n'en ai pas la moindre idée, je ne peux que faire des suppositions, j'aimerais vous être plus utile, mais malheureusement... Le problème, c'est que vous restez la dernière personne connue à avoir vue la victime, alors c'est quasiment impossible pour vous d'avoir un alibi, même l'appel avec votre mère ne suffira pas.

— C'est tout ce que vous pouvez faire pour moi ?

Étant plutôt cinéphile, je vois enfin la grande différence entre la réalité et le cinéma. Dans les films policiers, les avocats dans les gardes à vue sont toujours utiles, mais là, à part me prouver que ma situation est délicate, elle ne sert à rien. C'est sûr que c'est réconfortant de parler à quelqu'un qui me veut du bien et qui me sera utile, mais ça s'arrête là. La pauvre avocate, je suis clairement désagréable avec elle alors qu'elle n'y peut absolument rien, mais elle ne semble pas m'en tenir rigueur, elle doit bien comprendre ma frustration.

— Pour l'instant oui, les avocats dans les gardes à vue n'ont pas accès à l'enquête, je pourrai vous être plus utile qu'une fois que vous serez libéré, mais ne vous en faites pas, ce sera dans peu de temps, ils n'ont quasiment aucune question à vous poser en plus, tout ce qu'ils attendent, ce sont des aveux, mais ça, ils ne peuvent que les obtenir avec le temps.

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