Chapitre 11
Et sans plus de cérémonie, je raccroche et je récupère ma veste à l'entrée avant de sortir. Une fois dans la voiture, que j'emprunte à mon père étant donné que je n'ai plus la mienne, je mets en route mon GPS et je pars presque immédiatement. La route se passe presque plus vite que prévu et je me gare même devant l'immeuble abritant son bureau en avance, avec un excès de ponctualité, comme à mon habitude. Par contre, j'ai dû me faire repérer, parce que je suis à peine garé que le détective Kelly me rappelle.
— Allô ? C'est le détective privé Kelly, je vous rappelle parce que j'ai oublié de vous dire que je suis à mon bureau, alors dès que vous arrivez, vous pouvez directement entrer, je suis déjà prêt à vous recevoir.
— Tant mieux, parce que je viens juste de me garer devant l'adresse.
— Je m'en doutais. On ne se refait pas, quand on est détective depuis aussi longtemps que moi, on apprend à tout remarquer.
Je dois avouer que même si je suis garé juste en face de la baie vitrée de son immeuble et que j'avais cru comprendre que son bureau était au rez-de-chaussée, je ne distingue absolument aucun signe de vie. Je ne dois pas être suffisamment observateur ou alors il est trop bien caché, je ne doute pas un seul instant que c'est leur genre d'homme très bon en planque. Peut-être même est-il du genre à avoir des caméras de surveillances et des écrans de contrôle, ce serait le genre de chose qui ne m'étonnerait absolument pas un instant.
— J'arrive, affirmé-je en coupant totalement le moteur avant de descendre.
Je ferme la voiture derrière moi, inutile de risquer de me la faire voler, je pense que mon père n'appréciera pas du tout, je ne suis déjà pas censé conduire son véhicule... Mais pour ma défense, j'ai comme l'impression que ma Mazda a été réquisitionnée en tant que pièce de conviction et que je ne suis pas près d'en revoir la couleur... Avec un peu de chance, les policiers prendront la peine de la nettoyer correctement, je n'ose même pas imaginer l'état qu'auront mes sièges après aussi longtemps avec des taches de sang sur le cuir... Dire que sur le moment, je ne m'en étais pas inquiété et que si Kamala était encore là, nous aurions sûrement bien ri de la situation avant qu'elle m'aide avec ces tâches qui ne seraient jamais parties et qui seraient restées éternellement un souvenir entre elle et moi... Maintenant, je ne suis même pas sûr de pouvoir considérer ce moment comme un bon souvenir, encore moins comme un souvenir marrant...
Arrêtant de me faire du mal, je chasse tout ça de mes pensées et je rentre dans le bâtiment. J'ai à peine franchi la porte d'entrée qu'un homme d'une cinquantaine d'années surgit tel un diable hors de sa boîte. Même je ne l'ai jamais vu, pas même en photo, je n'ai aucun mal à deviner que c'est le détective Kelly, non seulement il a le physique de sa voix, mais en plus, il a une tête à être détective. Non pas parce qu'il correspond à l'archétype du détective, à première vu il n'y répond pas, mais plutôt parce qu'il en a la prestance, il dégage un mélange de malice, de confiance, d'énigmatisme et de curiosité débordante qui font que ce métier est fait pour lui à la perfection. C'est plutôt impressionnant et étrangement réconfortant.
— Venez, nous allons aller dans mon bureau pour que je prenne des détails par rapport à votre affaire et que nous approfondissons un peu plus les questions techniques, nous y serons beaucoup mieux, affirme-t-il immédiatement.
Je le suis volontiers, sentant que j'ai enfin trouvé une oreille attentive. Je ne comprends pas exactement pourquoi, mais je sens que cet homme me comprendra, aussi invraisemblable soit mon histoire, il me comprendra, je le sens, il ne semble d'ailleurs vouloir qu'une seule chose, c'est me comprendre. Rien que pour ça, j'ai très envie de le remercier et encore plus de lui parler. Le simple fait qu'il accepte mon affaire rallume l'espoir de retrouver Kamala et cet espoir et mille fois plus puissant que celui d'être disculpé pour un quelconque procès, ça n'a presque aucune importance ça.
— Vous voulez du thé ? Ou du café ? me demande-t-il une fois dans la pièce.
Pour un bureau, il est étonnement cosy, tout en bois, avec une ambiance et une âme, il est très personnel, malgré l'absence de photo, ça se voit qu'il a été fait pour lui. La pièce est peut-être un peu sombre, les rideaux aux fenêtres étant tirés, mais ce n'est pas non plus choquant, ça va avec l'atmosphère de la pièce à la perfection.
— Un thé s'il vous plaît.
En tant normal, quand on me propose ce genre de chose, j'ai tendance à refuser par politesse pour ne pas gêner excessivement, pour là, j'ai besoin d'un remontant. Dans les faits, un cognac me serait encore plus utile, mais il ne me l'a pas proposé et ça m'évitera sans doute de finir alcoolique. Sans compter que je suis censé rentrer chez moi après, ce ne serait pas raisonnable alors que je n'ai le permis depuis à peine deux mois, ce ne serait pas le plus malin.
Il me prépare ça et dès que je suis servi, il m'invite à m'asseoir en face du bureau tandis qu'il fait de même une tasse fumante à la main. S'en suit un long interrogatoire, étrangement agréable, pas du tout inquisiteur, juste de renseignement, il ne tire pas la moindre conclusion contre moi pendant tout mon récit, ni même quand je lui explique, en réponse à ses questions, ce qui s'est passé ces derniers jours. Après quoi, il m'explique toute la longue procédure qu'il va entamer à partir de mon affaire afin de retrouver Kamala et me propose de lui-même de tenter au passage de me disculper, quels que soient les résultats de son enquête, mais il semble très confiant sur ce point, ce qui est très encourageant. Malheureusement, il semble un peu moins confiant par rapport à Kamala, du moins il est beaucoup plus sur la retenue, mais ça peut se comprendre, il faut juste espérer que c'est uniquement pour éviter de me donner le moindre faux espoir et pas parce qu'il croit que c'est perdu d'avance, mais ça, je ne pourrais pas le savoir par avance.
❦
Encore, toujours, éternellement, ces tristes et déprimantes journées de cours, par chance, demain, c'est enfin le week-end, à croire que la semaine a été infinie. À midi, les divers avocats que j'ai mis en contact afin d'établir un rendez-vous pour mettre en place toute l'affaire. Heureusement qu'ils se sont tous concertés et que seulement celui à la tête de l'épique – je n'ai pas la moindre idée de la manière dont ils l'ont choisi – m'appelle, mais ça prend tout de même très longtemps d'explication de procédure et de tout ce qui va avec. Je dois m'estimer heureux de ne jamais avoir rêvé d'être avocat, parce que toutes ses procédures m'en auraient très sérieusement dégoûté définitivement du métier.
Mon week-end se passe calmement, même si je n'y fais rien de particulier, ça me fait tout de même du bien d'être posé, sans avoir à passer de coup de fil, sans subir des interrogatoires, sans complètement penser à Kamala.
Le gros point négatif du week-end, c'est que je croise les parents de Kamala... Je les ai déjà rencontrés plusieurs fois, de manière officielle, avec leur fille, mais là, je n'ose pas les affronter, ils semblent tellement désespérés... Sans compter que je ne sais pas ce qu'ils pensent de moi et je refuse de le savoir, je ne veux pas, ce serait trop dur à affronter comme information... Le pire, c'est que je ne pourrai même pas leur en vouloir de me penser coupable, c'est ce que tout le monde pense... Sans compter qu'ils doivent avoir affreusement peur pour leur fille et craindre le pire... Après tout, je suis le coupable idéal.
En les voyant, je ne vais donc pas à leur rencontre, les évitant volontairement et me cachant pour ne pas être vue. Je me sens un peu lâche en faisant ça, mais je n'ai pas la force de faire autrement.
Le point positif de mon week-end, aucun de mes parents ne tente de me joindre, ce que je vis très bien, je n'ai aucune envie de leur parler, quel que soit le sujet. Par contre, je ne veux pas savoir ce que ça révèle d'eux... Sans compter qu'en une semaine, ma mère a tenté de faire quelques petits efforts, mais toujours pas le moindre signe de vie du côté de mon père, je ne sais pas si je dois m'inquiéter de sa qualité de parents... En tout cas, je suis prêt à parier que leur présence à mes côtés prouve à quel point ce sont de bons parents, heureusement que j'ai les Snow pour me soutenir dans la vie, sinon a à peine dix-huit ans, je n'aurais jamais eu le soutien d'un adulte référent.
Par contre, je n'ai absolument aucune envie de retourner en cours lundi, c'est définitivement devenu une épreuve pour moi et je ne sais pas quand ça va enfin s'arrêter, que je vais enfin pouvoir respirer, enfin pouvoir faire comme si ma vie était normale. Heureusement, pour améliorer mon début de semaine, j'ai reçu un message du détective Kelly, voulant convenir un rendez-vous, apparemment, il a trouvé quelque chose de possiblement intéressant, maintenant, il ne reste qu'à voir ce qu'il en est vraiment. Étant moi-même impatient d'avoir ce retour, je lui propose que nous nous retrouvions aujourd'hui, à son bureau, après mes cours, ce qu'il accepte fort heureusement.
Donc, dès que j'en ai l'occasion, je quitte la ville, ravie d'en avoir fini avec une nouvelle journée ou presque. Maintenant, j'ose espérer que je fais face à la meilleure partie de la journée. En tout cas, j'aurai peut-être enfin de bonnes nouvelles, je peux y croire. Et quand bien même je n'en ai pas, au moins, j'aurais de vraies informations, ce qui est largement supérieur à tout ce que j'ai pu obtenir jusqu'ici.
Une fois de plus, j'arrive exactement à l'heure que j'avais annoncée et je rejoins le détective à l'intérieur.
— Bonjour monsieur Wilson, j'ai de très bonnes nouvelles pour vous, annonce-t-il directement sans même avoir la moindre hésitation par rapport à ce qu'il dit.
J'aimerai tellement que ce soit par rapport à Kamala, je veux que ce soit par rapport à Kamala. Je ne sais pas comment il aurait pu retrouver sa trace en un week-end alors que la police la recherche depuis plus d'une semaine, mais mon dieu qu'est-ce que j'ai envie qu'il m'annonce avoir trouvé des indices, aussi mince soit-il, juste une piste, ça me suffit largement, en tout cas, je ne demande rien de plus pour l'instant.
— Venez donc dans mon bureau, je vais vous montrer tout ça, mais c'est déjà un très bon début.
Je le suis sans la moindre hésitation, tout simplement ravie, un très bon début, c'est énorme. Dans la pièce voisine, tout semble déjà disposer, l'ordinateur est ouvert et il y a plusieurs dizaines de papiers à côté, impossible de savoir s'ils ont tous un rapport avec l'enquête, mais si c'est le cas, le détective Kelly a effectivement trouvé beaucoup.
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