Chocolat viennois
- Bonjour.
Jimin, qui avait enfin réussi à attraper Tannie pour le mettre devant une assiette de pâté, se retourna et sourit à la jeune fille qui venait d'entrer dans le café, un panier plein de muffins, sandwichs et autres cupcakes de toutes les couleurs dans les bras.
Il était en capacité de fournir toutes sortes de boissons aux lecteurs, il avait fait une formation de barista, mais concernant la nourriture, il était incapable de cuisiner autre chose qu'un paquet de nouilles instantanées.
Et même si le slogan "Venez lire un livre en mangeant des nouilles" avait effleuré l'esprit de Namjoon -c'était à se demander d'ailleurs comment ce type pouvait avoir le Q.I d'Einstein- il avait préféré faire appel à la boulangerie de la petite ville.
Celle-ci venait de réouvrir après des années de fermeture sous l'impulsion de Charly, une jeune femme pleine d'enthousiasme qui s'était lancée à corps perdu dans ce projet. Le jeune propriétaire du café avait vu là une occasion d'aider son commerce à démarrer et de rayer définitivement le problème "nourriture à préparer" de son établissement.
Il se dirigea vers la jeune femme pour lui prendre le panier des mains, mais déjà Namjoon lui coupait la route avec la délicatesse d'un trente-six tonnes pour le devancer.
Il arracha plus qu'il ne prit les viennoiseries sous le regard surpris de Charly qui fit un pas en arrière.
- Bonjour Namjoon, dit-elle avec un sourire.
- Bonnn...jourr Chaaa...Charly
- Articule putain !!
Jimin lança un regard assassin à Max qui venait de ressortir de son trou.
- Quoiii ? Il n'y arrivera jamais, on dirait Jason dans "Vendredi 13", dit-il, le faisant rire malgré lui.
Rire qui se transforma en quinte de toux diplomatique quand il surprit deux paires d'yeux interrogateurs sur lui.
Il se racla la gorge avant de demander.
- Nam, tu peux les ranger dans la vitrine, s'il te plait ?
Le jeune homme, qui était perdu dans la contemplation des beaux yeux verts de Charly mis en valeur par sa longue chevelure rousse, ne bougea pas d'un iota.
- Nam ?
- Nam, Nam, Nam, commença à chantonner Hubert, en se tortillant dans une parfaite imitation de Stevie Wonder, provoquant le fou rire de la jeune boulangère.
- J'adore venir ici, il y a toujours une ambiance...chaotique, déclara la jeune femme.
- Et j'adore quand tu viens ici, murmura Namjoon, l'air complètement ailleurs avant d'ouvrir grand les yeux de terreur, en s'apercevant qu'il avait dit ça à haute voix.
Jimin posa une main rassurante sur son bras avant de le pousser doucement vers le comptoir.
- Nam, viennoiseries.
Le grand gaillard baissa la tête piteusement avant de prendre la direction indiquée.
Vous l'aurez compris, Namjoon était amoureux de Charly depuis le premier jour, mais sa parade nuptiale était aussi catastrophique que celle d'un éléphant qui aurait essayé de séduire une colombe et qui aurait fini par l'étouffer en s'asseyant malencontreusement dessus par accident.
Jimin suivit son cousin du regard avant de se tourner vers Charly, l'air contrit.
- Désolé pour ça.
La jeune femme sortit de la contemplation de son cousin qui essayait de ne pas écraser les cupcakes délicats avec ses gros doigts, les maniant comme il aurait fait d'un bâton de dynamite.
- Ne t'excuse pas, Namjoon est... mignon, dit-elle en rougissant.
Le jeune propriétaire ouvrit de grands yeux étonnés avant de sourire.
Apparemment, son cousin, même s'il n'en avait pas conscience, avait toutes ses chances, pensa-t-il alors que la boulangère prenait congé et remontait dans sa 2CV vintage sous les nuages menaçants.
Il se promit d'avoir une conversation avec lui dès que l'occasion se présenterait.
Namjoon avait beau être l'homme le plus maladroit de la terre, il restait un amour à qui il souhaitait le bonheur, même s'il avait envie de le dépecer plusieurs fois par jour.
...
L'ouverture ne se faisait qu'à partir de onze heures le matin, quant à la fermeture, Jimin avait tendance à s'adapter au flot de visiteurs.
Certains soirs, il fermait ses portes à dix-huit heures, faute de clients, alors qu'à d'autres, le café pouvait rester ouvert jusqu'à vingt-trois heures.
Il n'accordait que peu d'importance à son temps de travail quotidien, car même une fois les portes fermées, il restait au café, avec ses animaux, le corps alangui devant une bonne flambée.
Il tourna le bouton de la chaîne Hifi qui se situait sur une étagère encastrée dans le mur et choisit une station qui ne diffusait que du Lofi, avant d'aller tourner le panneau qui se trouvait sur la porte vitrée indiquant que le café était ouvert.
Le premier client était un habitué, Jung Hoseok, l'époux d'un médecin urgentiste de l'hôpital de la ville, qui, de par le métier de son mari, passait beaucoup de temps seul.
Il lui avait confié un jour qu'il aimait venir ici, car cela lui donnait l'impression d'être dans une grande maison familiale.
Hoseok écrivait des articles sur un blog culturel et travaillait de chez lui.
Il avait trouvé, dans le café, un refuge. Il s'installait dans son fauteuil habituel, aménagé dans le bow window, et posait son ordinateur portable sur ses genoux, son regard se perdant parfois dans l'étendue verte des prés qui habillaient la colline.
Au fil des jours, il s'était confié à Jimin, jusqu'à en devenir un ami. Hoseok était heureux en ménage, il avait épousé Jin, son premier amour.
Ils s'étaient soutenus pendant les études difficiles de celui-ci, où Hoseok cumulait les petits boulots pour arriver à joindre les deux bouts, puis leur situation s'était stabilisée. Ils s'étaient mariés et avaient acheté une grande maison à la périphérie de la ville, à l'opposé du café.
Le blogueur se voyait déjà voyageant de par le monde et profitant de sa moitié alors que le médecin ne rêvait que de fonder une famille, et c'est là que le bas blessait.
Hoseok repoussait cette idée, alors les discussions s'envenimaient et les cris fusaient.
C'est ainsi qu'il avait débarqué la première fois.
- Salut Jimin.
Le patron leva les yeux vers son ami dont il ne distinguait que les yeux rougis derrière l'écharpe dans lequel il s'était enroulé.
- Salut Hobi, comment ça va aujourd'hui ?
- Dispute, dit celui-ci avant de se diriger vers l'enclos des lapins. Il laissa tomber son sac, son écharpe et sa veste à même le sol et enjamba la barrière de bois pour s'asseoir sur la fausse pelouse qui en recouvrait le sol.
Fleur, la petite lapine blanche, se précipita aussitôt vers lui et sauta sur ses genoux, provoquant son rire solaire.
- Alors ma belle, comment ça va aujourd'hui ? demanda-t-il en lui grattant la tête entre les oreilles.
- Mais d'où qu'il la touche comme ça lui ? commença à râler Max qui tapait de la patte arrière sur le sol en guise de mécontentement.
Fleur se leva sur ses pattes antérieures et posa son nez contre celui de Hoseok qui rit de plus belle avant de lui faire un bisou sur le museau.
Jimin entendit clairement les perruches pousser un soupir de jalousie alors que Spot se laissait tomber en arrière de façon dramatique comme s'il venait d'être frappé par la foudre.
- Regardez-moi ses boucles brunes qui frisent dans sa nuque, c'est tellement sexy, s'exclama Guindille avec un soupir.
- Et ça fait des accroches cœurs sur son front, renchérit Berthe, avant d'être coupée par Max qui semblait au bord de la nausée devant tant de tendresse.
- Oh les fétichistes des cheveux, on ne vous a jamais dit que vous aviez un problème ? Vous voulez pas la fermer deux minutes ? Vous me soûlez, JE ME CASSE, cria-t-il avant de passer la porte, manquant de se manger la chambranle.
Hoseok leva un regard surpris vers Jimin.
- Il est zarbe le lapin noir, non ?
- JE NE SUIS PAS ZARBE SALE TRIPOTEUR DE LAPINE !
Le propriétaire fit abstraction du cri qui retentissait de l'autre côté du mur et répondit calmement.
- Je pense qu'il souffre de troubles bipolaires...
- JE NE SUIS PAS BIPOLAIRE DUCON.
- Tiens, dit-il en posant un mug géant sur le comptoir, double chocolat, double crème, supplément de chantilly et noisettes grillées.
Hoseok se releva avec Fleur dans les bras, qui s'était blottie contre son torse, enjamba l'enclos et s'avança vers le comptoir.
- Chocolat spécial crise ?
- Chocolat spécial crise, répondit-il en plantant une paille en bambou surmonté d'un petit écureuil en bois dans le mélange.
- Merci Jimin, tu es un amour. Si je n'étais pas amoureux de mon trou du cul de mari, je t'épouserais sur le champ.
Jimin ne put retenir un rire quand Berthe et Guindille refusèrent en bloc cette proposition à grand renfort de cris aigus.
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