Inimitié réciproque
L'ayant vu s'immobiliser, puis s'accroupir devant une silhouette qu'il ne percevait que partiellement, Ajax rejoignit Zhongli.
« Reste à l'écart, Ajax. Cela pourrait devenir dangereux pour toi. » le mit en garde son compagnon.
Perplexe et surpris par ces mots sous-entendant que quelque chose pouvait représenter une menace pour lui, le Fatui observa la personne inconsciente devant eux. Il ne lui fallut que peu de temps avant de savoir de qui il s'agissait.
Il ne l'avait, certes, vu qu'un petit nombre de fois, mais c'était le genre d'individus dont il était plutôt facile de se souvenir. Après tout, peu de personnes étaient dotées de cheveux bleu sombre, ornés de quelques mèches d'une nuance plus claire, qu'il distinguait vaguement, et plus longs à l'avant qu'à l'arrière.
Il détailla ses traits fins, qui laissaient penser qu'il était bien plus jeune qu'il ne l'était réellement. Sa peau pâle et son visage crispé témoignaient de la douleur qu'il ressentait en cet instant. Il ne savait que peu de choses à son sujet, parce qu'ils ne s'étaient jamais réellement parlé, et qu'il n'avait aucun intérêt à chercher à en savoir plus sur lui.
Cependant, il était au courant que Xiao, car il s'agissait là de son nom, dégageait une énergie particulière capable de causer du tort et de la souffrance à quiconque en était affecté. Bien que les détenteurs d'yeux divins soient en mesure d'y résister sur une courte durée, Ajax jugea préférable de ne pas s'y exposer.
« Que faisons-nous, Xiansheng ?
- Je dois stabiliser son karma avant qu'il ne pose problème. Retourne à Liyue. Je te rejoindrais dès que je me serais occupé de Xiao.
- Il est hors de question que je rentre sans toi.
- Je refuse de risquer de te mettre en danger.
- Je ne suis pas en sucre. S'il te plaît, Xiansheng. Ne me demande pas de partir alors que tu vas rester ici, à essayer de l'aider, en m'obligeant à attendre que tu reviennes pour avoir la certitude qu'il ne te sera rien arrivé. »
Le regard doré de Zhongli croisa celui, céruléen, d'Ajax. Dans l'un comme dans l'autre se lisait l'inquiétude des deux hommes.
« S'il te plaît, va à Liyue. Je te promets que je n'en aurais pas pour longtemps. Je ne risque rien.
- ... Très bien. » lâcha-t-il après un soupir. « Je t'attendrais près du Funérarium.
- D'accord. »
Dans un élan de tendresse, il s'approcha de l'Archon, le releva, l'enlaça et déposa un rapide baiser sur sa joue, bien qu'il aurait préféré le faire directement sur ses lèvres. Chaque chose en son temps, cela attendrait.
« Sois prudent.
- Toi aussi.
- Comme toujours. »
Ajax le regarda une dernière fois, puis prit la direction de Liyue, ne se laissant pas le temps de regretter et de faire demi-tour pour le rejoindre. Une fois seul, Zhongli dirigea son regard vers Xiao, s'accroupissant à nouveau. De sombres traces d'énergie karmique, semblables à de la fumée, s'échappaient de lui et se dissipaient dans l'air nocturne.
Le dieu s'assit sur le sol, plaçant ses jambes sous lui, puis, une fois ceci fait, mit le Yaksha sur le dos et installa sa tête sur ses genoux. Il écarta de son visage glacé quelques-unes de ses mèches bleues et posa l'une de ses mains sur son front. Une vive lueur s'en échappa, éclairant la nuit d'un éclat doré.
Il demeura ainsi jusqu'à ce que les volutes cessent enfin d'apparaître. L'Adepte se détendit, l'Archon arrêta d'employer ses pouvoirs et la lumière dorée qui en émanait s'éteignit, laissant à nouveau la place aux astres nocturnes. Presque aussitôt, Xiao reprit connaissance.
Dans ses yeux jaunes régnaient confusion et douleur, mais tout cela disparut dès qu'il eut reconnu la personne avec laquelle il se trouvait. Il ne lui fallut que peu de temps pour comprendre que Zhongli avait une fois de plus apaisé l'énergie karmique qui le tourmentait.
« Que s'est-il passé, Xiao ?
- ... Des monstres de l'Abîme.
- Ce sont eux qui t'ont blessé ?
- Oui. »
Entendant cela, l'Archon fronça les sourcils. Il connaissait parfaitement les capacités de combat de Xiao. Jamais quelques créatures de l'Abîme n'auraient dû pouvoir le mettre dans cet état.
« Comment ont-ils réussi à te blesser autant ?
- Ils étaient nombreux. Le déchaînement de mon karma ne m'a pas facilité la tâche. En d'autres circonstances, ils n'auraient pas été un problème.
- Hm... Prends quelques jours pour te reposer.
- Je suis encore capable de...
- Je t'en prie. Je sais que tu tiens à veiller sur Liyue, mais pense à prendre du temps pour toi, de temps en temps. Si cela peut te convaincre, je m'assurerais qu'il ne reste aucun monstre de l'Abîme à Liyue.
- Je... (Il soupira.) Seulement un jour.
- Xiao.
- ... J'attendrais que mes blessures soient guéries. » se résigna-t-il, s'avouant vaincu face à ce dieu si têtu.
« Bien. Je t'amènerais au Cottage Bubu, demain.
- Ce n'est pas nécessaire.
- Ce n'est pas une proposition.
- ... Faites comme vous voulez.
- Tu deviens beaucoup plus raisonnable, ces derniers temps. Il y a encore peu, tu te serais téléporté sans un mot, juste pour éviter que je ne m'occupe de toi.
- Je ne vois pas de quoi vous parlez. C'est simplement parce que vous ne changerez pas d'avis, quoi que je fasse. »
Zhongli eut un petit rire amusé, sachant parfaitement que son protégé refusait d'admettre qu'il n'était plus aussi solitaire qu'avant.
« D'accord, je n'insiste pas. Allons à Liyue.
- ... Pourquoi aller à Liyue ? Habituellement, après que vous ayez apaisé mon énergie karmique, je reste loin des mortels. Je risquerais de les mettre en danger en m'approchant d'eux.
- Je préfère veiller sur toi jusqu'à demain, mais j'ai quelque chose à faire en ville ce soir. Avant que tu ne protestes parce que tu ne veux voir personne, rappelle-toi qu'il fait nuit et que les rues sont vides, à cette heure-là. Cela te convient-il ?
- Soit, puisqu'il le faut.
- Parfait. Allons-y. »
Xiao acquiesça et tous deux se levèrent, se rendant à la cité des contrats. Zhongli se dirigea sans attendre vers le Funérarium Wangsheng, se souvenant qu'Ajax lui avait dit qu'il l'y attendrait. À peine s'en fut-il approché qu'une situation qu'il pouvait qualifier d'habituelle se matérialisa sous ses yeux.
La directrice du Funérarium, une jeune fille à la personnalité quelque peu particulière, pourchassait une enfant aux cheveux mauves en clamant qu'il était temps pour elle d'accéder au repos éternel. Non loin, le Fatui les observait en soupirant, l'air dépité. Sans doute avait-il tenté de les arrêter, sans succès.
L'arrivée du consultant attira l'attention de tout ce beau monde et il mit fin à cette chaotique agitation, tandis que l'Adepte restait en retrait. Ensuite, Hu Tao, la poursuivante, et Qiqi, la poursuivie, saluèrent les personnes présentes avant de s'éloigner. L'une partit vers une ruelle dénuée de lumière en ricanant et l'autre s'en alla en direction du Cottage Bubu, pour y amener les plantes médicinales qu'elle venait de cueillir.
Pendant que son compagnon calmait les choses, Ajax s'était mis à l'observer en silence dès qu'il l'avait vu, s'assurant qu'il allait bien. Sentant que quelqu'un le fixait et se doutant de qui il s'agissait, Zhongli dirigea également son regard vers lui, lui adressant un sourire rassurant.
De son côté, Xiao surveillait l'homme aux cheveux roux, dont il se méfiait depuis qu'il le connaissait. Simultanément, il comprit que c'était à cause de lui qu'il devait rester à Liyue, à cause du fait que le dieu des contrats allait passer du temps avec cet homme. Ce dernier, lui parlant, le tira de ses pensées.
« Je ne sais pas ce que je t'ai fait, mais j'apprécierais que tu cesses de me regarder ainsi. J'ai toujours l'impression que tu es à deux doigts de m'embrocher avec ta lance.
- ... Ce n'est pas l'envie qui m'en manque, Fatui.
- Xiao, je te prie d'être plus aimable avec lui. » intervint Zhongli.
« Pour quelle raison devrais-je faire cela ? Il n'est pas digne de confiance.
- Si ça peut te rassurer, je pense la même chose à ton sujet.
- Pourrais-tu éviter d'envenimer la situation ?
- Eh, je n'y suis pour rien, cette fois. Il m'a agressé le premier. Je ne vais tout de même pas me laisser faire.
- Je préfère agir le premier que d'être pris en traître par quelqu'un comme toi.
- Oh oh, le petit Adepte est de mauvaise humeur ?
- Ajax, Xiao, ça suffit. » tenta de les arrêter l'Archon, mais ils ne semblèrent pas prêter attention à son intervention.
« Insulte-moi encore une fois et ma lance trouvera son chemin jusqu'à tes entrailles. » prévint Xiao, faisant apparaître l'arme mentionnée.
« C'est très intéressant, dis-moi. Qu'attends-tu pour essayer ? » le provoqua le Fatui, matérialisant ses propres armes, deux épées hydro formées à l'aide du pouvoir de son œil divin.
La tension monta sous la menace qui régnait entre les deux adversaires, mais aucun d'eux n'eut le temps de faire le moindre geste. Une brève secousse les déstabilisa et leur fit perdre leur concentration. Tous deux se tournèrent vers Zhongli, dont les yeux dorés brillaient plus intensément sous l'agacement qu'il ressentait, bien qu'il conservait un air impassible, les bras croisés.
« Je ne suis pas d'humeur à supporter vos disputes absurdes. Puisque vous avez terminé, rentrons passer une nuit au calme. Vous avez intérêt à rester tranquilles et à vous comporter correctement. Si je vous surprends ne serait-ce qu'une seule fois à tenter de nuire à l'autre, je ferais en sorte de vous faire passer l'envie de recommencer. Me suis-je bien fait comprendre ? »
Un long silence s'installa après qu'il se soit tu. Xiao fut le premier à le briser. En des circonstances ordinaires, il aurait campé sur ses positions sans céder une once de terrain, mais ses mésaventures de la journée l'avaient fatigué. Il n'espérait, en cet instant, que de se reposer sans se soucier de quoi que ce soit d'autre.
« Vous avez raison. Je suis désolé d'avoir agi ainsi. »
À l'inverse, Ajax resta silencieux, pour deux raisons. Déjà, parce que Zhongli l'avait privé d'une occasion d'affronter quelqu'un de puissant au combat. Ensuite, parce qu'il ne supportait pas que l'on dise du mal de lui. Ce faisant, il avait pris les mots de l'Adepte comme un affront dont il comptait bien se venger. Seulement, son compagnon n'avait aucune intention de le laisser faire et le rappela à l'ordre d'un ton sec.
« Ajax.
- ...
- Excuse-toi aussi. Maintenant.
- Tss. C'est bon. Je suis désolé. » cracha-t-il à contrecœur, du bout des lèvres.
« Je préfère ça. Nous reparlerons de ce qu'il s'est passé, mais cela attendra demain. »
Le Yaksha et le Fatui finirent par acquiescer sans protester et le reste de la nuit se déroula sans encombre.
†
Ce qu'il perçut en premier, lorsqu'il revint à lui, fut sa tête rendue lourde par l'impact qui lui avait fait perdre connaissance. Il se sentait toujours aussi faible, engourdi, démuni. Une sensation de nausée lui tordait l'estomac. À tous ces maux s'ajoutèrent des tremblements d'épuisement lorsqu'il tenta de bouger.
Le souffle court, il dût attendre de longues secondes avant que sa vue ne redevienne un tant soit peu nette. Alors seulement, il put s'assoir et s'intéresser à ce qui l'entourait. Il faisait sombre, aussi ne voyait-il pas grand-chose, mais il ignorait si c'était lié à une absence d'ouvertures menant vers l'extérieur ou si c'était dû au fait qu'il faisait nuit.
Il continua son investigation visuelle et découvrit ce qui s'apparentait à des barreaux de cellule, suffisamment près de lui pour qu'il puisse les toucher sans se déplacer. À cela s'associa une sensation lourde et froide à ses poignets et ses chevilles. Un regard lui fut suffisant pour reconnaître des menottes et des chaînes, dont la fonction était évidente.
Il était prisonnier, enfermé dans une geôle minuscule, et ces liens étaient là pour l'empêcher de s'enfuir. Une brève analyse de son état physique lui révéla que, même si rien ne l'avait entravé, il n'aurait guère été en capacité de s'évader.
Son épuisement compliquait ses réflexions. Il peinait à lister les options qui se présentaient à lui en cet instant. Faire appel au pouvoir de l'Abîme pour former un portail et se sortir de cette situation n'était pas une solution envisageable. Sa faiblesse ne lui permettait pas de se débarrasser de ses entraves et, même si il en avait été capable, cela aurait été trop risqué.
Il n'aurait fait qu'échapper à un geôlier pour se jeter droit en direction d'un autre. Il appuya son dos contre le mur derrière lui et reprit son observation, s'intéressant cette fois à son état physique avec plus de précision. Il aperçut ici et là, couvrant ses blessures, des bandages d'où émanait une forte odeur de plantes médicinales.
Cette découverte attisa son incompréhension de cette situation. Il était le prisonnier de quelqu'un, mais ce quelqu'un avait pris le temps de le soigner. Il s'agissait, à son sens, d'une pure contradiction. Si le but de cette personne était d'obtenir des informations de sa part, elle aurait mieux fait de lui promettre des soins en échange de ce qu'elle voulait savoir. Cela ne semblait donc pas être son objectif.
Dans ce cas, que lui voulait-on ?
Entre ses tentatives de comprendre ce qu'il allait advenir de lui, sa confusion et son inquiétude, il ne remarqua que tardivement le son ténu de pas se faisant de plus en plus proches. Une personne s'approcha et s'arrêta devant lui, le fixant d'un air sévère.
Son cœur se serra, envahi par la haine qu'il éprouvait à son égard, et de nombreux souvenirs affluèrent à sa mémoire lorsqu'il reconnut celui qui lui faisait face. Il le détestait au plus haut point. Il détestait ses courts cheveux blonds, ses yeux bleu marine, ses iris en forme d'étoile à quatre branches, ce masque bleu qui ne couvrait que la moitié droite de son visage, ce regard froid et hautain qu'il lui adressait.
Plus que tout, il détestait cette situation où il était en position de vulnérabilité face à cet homme qu'il considérait comme un ennemi et qui le considérait comme un ennemi. En cet instant, à bien y réfléchir, il aurait préféré se jeter droit dans l'Abîme et subir le sort qui l'attendait au lieu de rester en sa présence, à s'interroger sur ce qui, indéniablement, finirait par lui arriver.
Il ignorait précisément de quoi il s'agirait, mais il était évident que cela ne lui serait en aucun cas bénéfique. Le prisonnier et le geôlier se fixèrent en silence, l'un tendu et l'autre impassible. Puis, ce silence fut rompu.
« Tu n'imagines pas ma surprise lorsque je t'ai découvert blessé, démuni, t'appuyant contre un arbre pour ne pas t'effondrer. Tu n'as même pas réagi lorsque je me suis approché de toi pour te faire perdre connaissance. Cela aurait été impossible si tu avais été dans ton état normal. Que t'est-il arrivé ?
- ...
- Réponds-moi.
- Je n'ai rien à te dire. J'ignore ce que tu attends de moi, mais je ne compte pas coopérer docilement juste parce que tu me retiens prisonnier je ne sais où. »
L'autre eut un soupir discret, puis tenta une autre approche.
« Je ne suis pas surpris que tu me traites ainsi. Sans doute préfères-tu parler avec ta sœur ?
- Ne la mêle pas à tes histoires stupides. Tu ne lui apportes rien de bon. Tu n'es qu'une nuisance, un parasite qui se mêle de tout.
- Ce n'est pas son avis, pourtant.
- Tu ne sais rien de ce qu'elle pense.
- Demande-lui directement, dans ce cas. »
À ces mots, une autre personne s'approcha, entrant dans son champ de vision. Ses cheveux blonds ornés d'une fleur. Ses yeux dorés. Sa robe parée de blanc, de bleu et d'or. C'était comme si rien n'avait changé entre eux, alors que tout était différent, désormais. En témoignaient le mépris présent dans son regard et l'air neutre avec lequel elle l'observait, si différent de ce dont il se souvenait.
Il avait envisagé cette éventualité en tournant le dos aux dieux de Teyvat, mais la souffrance que lui causait ce regard froid lui faisait réaliser la différence entre prendre en compte une hypothèse lointaine, susceptible de ne pas se réaliser, et vivre cette hypothèse devenue réalité.
« Pourquoi t'es-tu alliée à lui ?
- Je n'ai pas à te justifier mes choix.
- Je ne comprends pas. Nous avons toujours été ensemble. Tu as toujours été de mon côté. Tu aurais dû me rejoindre... Tu aurais dû me comprendre !
- Mon pauvre Aether... Tu aurais dû réfléchir un peu plus, avant de me laisser découvrir Teyvat seule, privée de repères et de ma seule famille. C'est de ta faute. Tu as choisi un peuple inconnu et tu m'as délaissée. Si tu avais réellement tenu à moi, tu n'aurais pas fait ça. À présent, affronte les conséquences de tes actes. J'espère... que tu sauras faire le bon choix, cette fois. »
Elle s'éloigna, suivie par l'homme blond. Aether se retrouva seul avec ses réflexions et les échos que les paroles de sa sœur formaient dans son esprit.
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