Chapitre 9 - Le Combat
Chapitre Neuvième
Magdalena était assise sur une chaise à l'entrée du commissariat. Ça faisait déjà des heures qu'elle attendait et elle avait l'impression que tout le monde l'avait oubliée. Des policiers passaient devant elle sans lui jeter le moindre regard. Elle avait précisé qu'elle voulait parler à une femme. C'est peut-être pour ça qu'elle devait autant attendre, peut-être qu'il n'y avait pas de femme de libre actuellement. Elle devrait passer plus tard, ou alors partir et ne pas revenir. Après tout, ils avaient l'air d'avoir des choses beaucoup plus importantes à faire que prendre sa plainte. Puis elle pensa à ce que lui dirait Martijn si elle rentrait sans avoir rien fait, alors elle resta assise encore quelque temps sur sa chaise. Vers dix-sept heures, un policier finit par l'inviter à le suivre pour prendre sa plainte. Magdalena avait l'impression que ce bureau était au bout du monde, parce qu'il lui parut qu'ils avaient mis une éternité à arriver.
« Votre nom et prénom.
-Valencourt Magdalena. Valencourt, E N et avec un T à la fin.
-Comme maître Valencourt ?
-C'est mon père, précisa Magda avec une petite voix ne sachant pas si cet aveu allait lui être préjudiciable par la suite.
-D'accord. »
Le policier tapa encore un peu sur son clavier avec deux doigts. Magda avait tout de suite remarqué et ça l'énervait. Puis le policier reprit sans quitter son écran des yeux.
« Pourquoi vous voulez porter plainte ?
-Euh... Je... J'ai... Je... J'avais demandé à voir une femme...
-Ah. »
Le policier regarda enfin Magda. Il y avait quelque chose dans ses yeux qu'elle ne pouvait pas bien définir. De la fatigue sûrement. Leurs regards se croisèrent et Magda sut qu'il avait compris.
« Combien de temps ?
-Six ans.
-Vous voulez vraiment parler avec une femme ?
-Je préférerais. Oui.
-Et bah revenez demain. Si vous avez attendu six ans, vous pouvez bien attendre une journée de plus, non ?
-J'imagine que oui...
-Eric ? demanda une policière en arrivant près du bureau. Je vais prendre la plainte de la jeune femme.
-T'as pas fini ton service, toi ?
-J'ai rien à faire ce soir, et ça évitera qu'elle se déplace de nouveau demain.
-Comme tu veux, répondit le dit Eric en se levant. Je vais me prendre un café. »
Il partit sans saluer Magda tandis que la jeune policière se rapprocha.
« Je m'appelle Ariane. Et vous ?
-Magdalena.
-Venez avec moi. On va se mettre dans un coin plus calme. »
Magda se leva encore une fois et suivit Ariane dans un bureau vide un peu plus loin. La policière lui proposa de s'asseoir et lui apporta un verre d'eau avant de prendre place de l'autre côté du bureau.
« Je vous écoute Magdalena... »
X+X+X+X+X
Magda était rentrée chez elle. Elle avait conduit en mode automatique entre le commissariat et chez elle. Quand elle avait poussé la porte d'entrée, elle avait aperçu deux de ses frères dans le salon. Elle leur avait fait un petit signe de la main avec un faux sourire et était montée dans sa chambre. Dans la pièce, son blouson était tombé sur le sol juste derrière la porte, puis ses chaussures s'étaient rajoutées. La jeune femme était allée jusqu'à son lit et s'était couchée en serrant un oreiller contre elle. Il portait l'odeur de Martijn et ça la rassurait. Elle regardait le paysage par la fenêtre de sa chambre en entendant vaguement le rire de Silena qui devait être dans la piscine avec ses parents.
Soudain, la porte s'entrouvrit. Magda faisait dos à la porte et ne vit pas qui venait d'entrer ; de toute façon, elle s'en fichait. Elle sentit le matelas s'affaisser légèrement et un corps se coller contre elle.
« Marty ? C'est toi ?
-Oui. C'est moi.
-D'accord, chuchota Magda en attrapant la main de Martijn et en la serrant fort contre elle. »
Ils restèrent un très long moment ainsi. Jusqu'à ce que les rires de Silena à l'extérieur s'éteignent. Magda finit par se retourner dans les bras de Martijn. Il semblait dormir. Elle porta sa main vers son visage et caressa sa joue. La vie semblait toujours si simple et paisible quand elle regardait Martijn dormir.
« Qu'est-ce que tu veux faire, maintenant ? murmura Martijn sans ouvrir les yeux.
-J'en sais rien, répondit Magda en gardant sa main sur le visage de son amoureux.
-Je peux te donner mon avis ?
-Oui.
-Tu devrais leur en parler ce soir. Maintenant que tu as commencé, il faut que tu leur en parles.
-Et si je les dégoûtais ?
-Jamais, assura Martijn en plongeant ses yeux bleus dans ceux verts de Magda. Jamais de la vie. Ils seront là pour toi, j'en suis certain. Vous êtes beaucoup trop proches pour ça.
-Mais...
-Tu sais, ce n'est pas bon de garder un secret comme celui-ci dans une famille. C'est prendre le risque de faire imploser votre clan. Et tu sais, comme moi, que si ça arrive jamais tu ne te le pardonneras. Jamais. Tu t'en voudras toute ta vie. Et puis... tu as trop besoin d'eux dans ton équilibre pour prendre le risque de les perdre. »
Magda laissa échapper un long soupir. Elle savait que Martijn avait raison et que de toute façon, ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils l'apprennent. Il valait mieux qu'ils l'apprennent de sa bouche que par des bruits de couloir au palais de justice.
« Je pensais leur parler au dîner. Mais pour les détails, j'avais imaginé leur donner le procès-verbal. Je peux pas parler de ça en les regardant dans les yeux... Enfin j'en sais rien...
-Fais comme tu le sens, Magda.
-T'as raison. Mais... tu pourrais le dire à Camille et Annabeth ? »
Martijn acquiesça avant d'embrasser Magda et de la serrer contre lui.
X+X+X+X+X
Magda avait débarrassé la table avec sa mère. À un moment où il ne restait plus qu'elles dans la cuisine, Magda avait glissé à sa mère qu'elle voulait tout expliquer au reste de la famille. Agnès avait tout de suite compris de quoi voulait parler sa fille, elle lui avait souri et l'avait embrassée. De là où elle était, Agnès avait aperçu un léger sourire de Martijn toujours attablé dans la salle à manger.
Une fois le dîner terminé, tout le monde était parti dans le jardin. Baptiste avait assuré qu'il voulait s'occuper du feu du brasero et Charlie avait tout de suite dit qu'il voulait voir ça de ses propres yeux. De la porte-fenêtre de la cuisine, Prim' regardait ses deux frères se chamailler dans le jardin en riant, une tasse de thé dans les mains. Magda était arrivée avec son père et leur avait demandé de venir dans le jardin. Elle avait quelque chose à leur dire.
Dans le canapé du salon, Martijn discutaient avec Camille du nouvel appartement new-yorkais qu'ils venaient d'acheter. Annabeth, qui venait de coucher les enfants, vint les rejoindre.
« On va dans le jardin ?, demanda-t-elle.
-Oh tiens Annabeth, fit Camille. Y a une pièce dans le nouvel appartement qu'on voudrait séparer, mais on cherche quelque chose qui serait pas trop moche.
-Là, comme ça, je ne sais pas. Il faudrait que je me penche sur le truc. On verra. Vous venez ? »
Martijn attrapa le bras d'Annabeth qui passait à côté du canapé.
« Laisse-les tous les six, plutôt.
-Pourquoi ? »
Comment était-il censé leur dire ça ?
« Elle était où Magda cet après-midi ? finit pas demander Camille devant l'absence de réaction de Martijn.
-Elle est allée porter plainte. »
Il fallait mieux aller droit au but plutôt que tourner autour du pot pendant des heures. Ça ne simplifierait rien du tout.
« Pourquoi ?
-Augustin, devina Annabeth. »
Martijn fit oui de la tête. Ils avaient compris. Il n'avait pas vraiment besoin d'aller plus loin. Annabeth regardait Martijn. Elle espérait qu'il allait lui dire que ce n'était qu'une blague. Mais Martijn ne rajouta rien. Alors elle s'assit à côté de lui, encore sonnée de ce qu'elle venait d'apprendre et laissa tomber sa tête sur son épaule. De l'autre côté Camille passa son bras autour des épaules du hollandais, il ne savait ni quoi dire, ni quoi faire.
X+X+X+X+X
Magda était assise dans le bureau de son avocate. Le procès allait commencer dans quelques jours, et maître Leroy avait voulu qu'elles préparent encore une fois le face-à-face. Pour l'instant, Magda attendait. Encore. Cela faisait déjà trois ans et demi qu'elle attendait.
« Je les ai, fit Maître Leroy en tendant une pochette orange à Magdalena. Ce sont des photos de la salle dans laquelle aura lieu le jugement. »
Magda ouvrit la pochette et en sortit cinq grandes photos.
« Ici, ce sera la place de l'accusé et de ses avocats, expliqua Maître Leroy en désignant la partie droite de la deuxième photo. Et ici, votre place. Vous serez vraiment l'un en face de l'autre. Nous, les avocats, nous serons derrière. C'est ce qui ne sera pas simple.
-D'accord.
-Il faut que vous compreniez qu'une cours d'Assise, c'est une ambiance qui est lourde. Si on est ici, c'est que les choses sont graves. À la barre, vous devrez raconter les relations qu'il vous a imposées. Si vous avez envie de pleurer, pleurer. Y a pas de soucis.
-D'accord.
-La Cour est là pour juger si vous dîtes la vérité. Vous allez entendre des horreurs, des choses qui ne vont pas vous plaire. Mais c'est comme ça. C'est la loi. Vous n'êtes pas du côté de l'accusé, mais ça ne veut pas dire que tout est gagné. Il va falloir se battre pour faire entendre votre voix. »
X+X+X+X+X
La chaise n'était pas confortable du tout. Le siège était fendu et un bout de plastique lui rentrait dans la cuisse, ça lui faisait mal. Mais en même temps, si Magda se concentrait sur cette douleur, elle ne pleurait pas. Une sonnette retentit et l'entrée de la Cour fut annoncée, toutes les personnes présentes dans la pièce se levèrent en un seul mouvement. Les juges et jurés s'installèrent. Le procès commença. Après le déroulement des faits par le juge, Augustin fut le premier à se présenter à la barre.
« Je m'appelle Augustin Thibault de Belterre. J'ai vingt-six ans. Et je suis banquier chez Barclays à Londres.
-Très bien. Vous êtes défendu par maître Muller, indiqua la Présidente. Vous êtes jugé pour des viols répétés sur la personne de Magdalena Jeanne Pénélope Valencourt, constituée partie civile. Vous encourez quinze ans de réclusion criminelle. Avez-vous une première déclaration par rapport aux faits ?
-Je maintiens mes déclarations. Je nie tout viol et tout acte sexuel forcé. »
Rapidement, ce fut au tour de maître Leroy d'interroger l'accusé. Il ne parlait pas beaucoup et elle le bouscula un peu.
« Qu'appelez-vous des actes sexuels normaux ?
-Pas forcés. Consentis. Amoureux.
-Comment savez-vous que vos rapports avec Mme. Valencourt étaient consentis ?
-Sinon, elle m'aurait rejeté. Elle m'aurait dit non. Clairement. »
Magda n'écoutait pas vraiment ce qu'il racontait. Elle posait un regard vague sur la chaise vide face à elle. Cela dura quatre heures. Quatre heures pendant lesquelles des proches d'Augustin se succédèrent à la barre pour clamer son innocence. Il était vingt heures quand cette après-midi éprouvante s'arrêta enfin. Le lendemain, ça sera à Magda de parler à la barre. Maître Leroy lui avait dit qu'il fallait être courageuse. Mais elle n'avait pas l'impression d'être courageuse, parce qu'honnêtement, elle faisait juste ce qu'elle pouvait pour aller au bout. Son avocate, lui avait conseillé de rentrer et de se reposer. Si elle le pouvait.
X+X+X+X+X
Pour le deuxième jour de procès, les parents de Magda, ses amis aussi, allaient être appelés à témoigner. Et puis Magda aussi allait témoigner. Ils allaient entendre ce qu'elle n'avait jamais osé leur dire. Agnès ne savait pas ce qu'elle redoutait le plus.
Magda s'était avancée à la barre, le visage couvert de larmes. Tout le monde s'était demandé si elle réussirait à parler. Mais sa voix était étonnamment claire, à peine de légers trémolos. C'était comme si elle racontait l'histoire de quelqu'un d'autre. Elle avait raconté les coups de temps en temps, les rabaissements continuels ; et puis ce qu'elle avait baptisé La Pire Nuit. C'était cette nuit, après les résultats du bac ; quand Augustin l'avait traînée chez ses parents jusque dans sa chambre à elle. Cette première nuit où elle avait pleuré. Cette première nuit où elle avait pris réellement conscience que tout ça, ce n'était pas tout à fait normal.
Un des jurés fit passer une question à l'attention de la Présidente.
« Vous lui disiez « non » ?
-Je n'avais pas le temps. Je restais là, étendue sur le lit sans réagir. J'espérais qu'il serait rapide parce que j'attendais que ça se termine. Ça m'est arrivé de dire... De dire des choses qui l'excitaient pour que ça aille encore plus vite. »
Magda avait encore répondu à quelques questions puis la Présidente avait suspendu l'audience pour quelques minutes. Le palais était vide. Baptiste vit Augustin et ses proches aller s'asseoir sur des sièges un peu plus loin. Il ne sut pas vraiment pourquoi il fit ça, mais il s'approcha un petit peu d'eux. Juste assez pour entendre ce qu'ils se disaient.
« Tout ce qu'il mérite, c'est de sortir de là et de rentrer chez lui, s'énerva le père d'Augustin.
-J'ai le pressentiment qu'il ne ressortira pas libre, avoua Adrien, un des frères d'Augustin.
-Mais comment on peut parler de viol ?!
-Papa... Coucher avec quelqu'un qui ne veut pas, c'est un viol, souffla Adrien. Si ce que dit Mag est vrai, c'est un viol.
-Tu ne soutiens pas ton frère ?!
-Franchement ? Je sais plus quoi penser.
-Adrien ! s'exclama Arthur, le plus grand des cinq garçons. Tu vois que bien que même leurs amis communs le soutiennent ! Gus a raison: elle affabule complètement.
-C'est pas parce que Pierre le soutient, lui, plutôt qu'elle, que Mag ment ou que Gus ment. Je pense que tout est beaucoup plus compliqué que ce qu'on nous montre.
-Ça va... Il la force un petit peu, mais c'est pas une question de viol. Parfois, t'as envie sans avoir envie. Il t'a déjà fait ça, à toi, Liz ?
-Moi, quand c'est non, c'est non. Il n'insiste pas.
-Vous voyez ! Gus n'a rien fait. »
Baptiste en avait assez entendu. Il décida de retourner voir sa famille, mais l'audience allait reprendre. Il aurait voulu aller voir Magda, mais il n'en eut pas le temps. Il ne voulait pas qu'elle perde le moral. Il savait que rien de matériel ne venait confirmer ce que Magda disait. Tout ce qu'ils avaient, c'était un appel passé en pleine nuit à un numéro d'urgence.
De retour dans la salle d'audience, ils avaient entendu la plaidoirie de Maître Leroy puis c'était l'avocat général qui avait parlé. Il avait conclu par:
« Il ne faut pas penser qu'il s'agit d'un problème de couple. On ne parle pas de couple, mais d'un rapport de domination. On lui reproche d'être un violeur. Et c'est la société qui ne peut pas accepter ce comportement. Le terme de couple n'est pas et ne doit jamais devenir un laissez-passer dans le corps de l'autre. Il n'y a pas de devoir conjugal. Il est requis la peine de huit ans de réclusion criminelle. »
Après cela, c'est l'avocat de la défense qui avait fait sa plaidoirie. Baptiste n'avait pas tout retenu, simplement les derniers mots :
« Un dossier sans preuve, ça ne tient pas. On nous dit qu'il l'a violée. On débat de ce qu'est la contrainte. Ce dossier ne comporte aucun élément indiscutable. Je vous rappelle qu'en l'absence de preuves, le doute doit profiter à l'accusé. »
Pour terminer ces deux jours interminables de procès, la parole était revenue à l'accusé, comme le dit la loi.
« Je ne suis pas un violeur, avait-il répété une énième fois. »
Tout le monde était sorti de la salle d'audience pour le début des délibérés. C'était le début d'une longue attente. Magda avait enfin pleuré, elle s'était laissée tombée dans les bras de Martijn et, étonnamment, ça avait rassuré Baptiste. Il était inquiet de ne voir aucune réaction sur le visage de sa sœur les deux derniers jours. Pendant cette attente, Matthieu avait beaucoup discuté avec maître Leroy qui se voulait confiante.
Trois heures. L'attente avait duré trois heures. Trois heures de délibéré avant d'enfin entendre le verdict.
« Accusé, levez-vous, avait ordonné la Présidente. À la question, l'accusé est-il coupable d'avoir commis sur la personne de Magdalena Jeanne Pénélope Valencourt, par violence, menace, contrainte ou surprise, plusieurs actes de pénétration sexuelle ? Il a été répondu oui. En conséquence, la Cour et le jury condamnent, à une majorité absolue, l'accusé à une peine de quatre ans de réclusion criminelle avec sursis. La Cour ordonne l'inscription de l'accusé au fichier des personnes condamnées pour infractions sexuelles. Vous avez un délai de dix jours francs pour relever appel de cette décision. »
--- NDA ---
Hello les pioupious ! 🐣❤️
Chapitre un peu particulier (car uniquement en flashback) pour les 500 vues qui j'espère répond aux questions que vous pouviez vous poser. Dîtes moi ce que vous en avez penser, ça m'intéresse toujours. ;)
En tout cas, fin de ce que je nomme "la première partie". C'est surtout une manière de vous dire que d'ici deux ou trois chapitres vous retrouverez définitivement plus Louis.
Sinon cette semaine, bah plus de Coupe du Monde (j'espère que votre sevrage se passe bien), et perso grosse semaine de boulot,
Donc on se retrouve vendredi !!
Je vous aime,
Baisers ensoleillés,
Uthopie.🐥❤️☀️
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