Chapitre 57 - Combien de temps ?
Chapitre Cinquante-Septième
Martijn dormait paisiblement, la tête appuyée contre la vitre du train qui les ramenait à grande vitesse vers Amsterdam. Magdalena était assise en face de lui, elle lui avait piqué son casque quelques minutes après son endormissement, et actuellement, il diffusait dans ses oreilles une vieille chanson française de presque cent ans. Mais après ces deux jours à Paris, sa playlist spéciale chanson française s'était facilement imposée à elle.
Alors que Charles Trenet se souvenait de ses amours perdus, Magda déverrouilla son téléphone et se décida à envoyer un message à Laura. Elle avait promis à Martijn « pas de message, pas de mariage tant qu'ils étaient en week-end » mais le Thallys traversait actuellement la Belgique donc on ne pouvait plus vraiment dire qu'ils étaient encore en week-end.
De MAGDA:
Merci pour le conseil week-end. C'était vraiment génial.
Et ça m'/nous a fait beaucoup de bien.
De LAURA:
Déjà rentrés ?
De MAGDA:
Presque. On est en Belgique, mais Martijn s'est endormi donc je me suis permise d'enfreindre la règle du zéro téléphone.
Je l'ai respectée à la lettre depuis vendredi midi, et vu que ne s'est pas quitté et qu'on n'a pas vraiment quitté l'hôtel ce week-end, je me suis permise cette petite entorse... ^^
De LAURA:
Je vois... ;)
En tout cas, je suis contente que ça aille mieux pour vous ! :D
Et tu as réfléchi pour mon histoire de séance photos ?
De MAGDA:
Marty est à fond... T'en fais pas, je risque pas d'oublier
De LAURA:
Tu fais comme tu le sens bien-sûr. Mais je suis du côté de Martijn et je persiste à dire que c'est une bonne idée.
Tu vois... Cette séance photo, c'est un peu comme ce week-end. Au début, tu veux pas en entendre parler parce que t'as pas le temps ; mais au final, tu seras contente de l'avoir fait. Tu verras ;)
X+X+X+X+X
C'était pourri comme idée. Magda le savait. Elle le savait même depuis le début. Mais Martijn avait eu l'air tellement emballé quand Laura avait évoqué l'idée de cette séance photo, qu'elle avait cédé. En plus, il lui avait fait sa petite de tête de chien battu et elle ne pouvait pas lui dire non quand il lui faisait cet air. Alors elle avait dit oui. Donc voilà pourquoi elle était en ce moment-même assise sur ce banc du Vondelpark à quinze heures trente en train d'attendre Martijn.
« Hey ! fit-il en arrivant vers elle.
-T'as vu l'heure ?
-J'ai fait ce que j'ai pu, se défendit Martijn en s'asseyant à son tour sur le banc. Et puis on a rendez-vous avec Louis. On peut se permettre cinq minutes de retard.
-Ouais...
-Qu'est-ce qui va pas ? Ils étaient horribles aujourd'hui ?
-Mes élèves ? Non, eux, ça allait...
-C'est la séance photo qui te stresse ?
-Ça me stresse pas. C'est juste que... Tu sais à quoi ça sert une séance photo d'engagement ? J'ai regardé sur internet.
-À avoir des photos de nous super cool ?
-À être à l'aise avec notre photographe. Sauf que notre photographe, c'est Louis. Si on n'est pas à l'aise avec Louis, on ne le sera avec personne. Donc ça sert à rien ! Laura n'a pas que des bonnes idées.
-Si. Ça sert à avoir des photos de nous super cool. À te voir dans ce pull qui te va super bien mais que tu ne mets jamais. Tu vois ça fait déjà deux avantages. Je suis sûr que tu vas en trouver un...
-Ça a servi à te faire sortir ton rasoir ce matin.
-Tu vois que tu peux trouver un avantage.
-D'un autre côté, il était temps. C'était juste plus possible.
-Elle te plaisait pas ma barbe de trois jours ?
-Il te faut trois semaines pour avoir une petite barbe de trois jours, Marty. Et en plus, je trouve que ça te va pas. Ça te donne un air dur qui te correspond pas. T'es beaucoup plus beau comme ça, assura Magda en passant le dos de sa main sur la joue de son amoureux.
-Vous savez qu'il existe des chambres pour ça ? fit Louis en arrivant dans le dos de Magda.
-Tu me fatigues déjà et va falloir qu'on te supporte toute la fin d'après-midi, c'est ça ?
-Non mais t'inquiète. C'est Oscar qui va s'occuper de vous. Vu qu'il sera là, c'est bien qu'il s'occupe de ça.
-Pourquoi t'es venu alors ?
-Supervision. »
Magda laissa échapper un léger rire. On croyait entendre Charlie. Martijn et elle saluèrent Oscar et après quelques banalités échangées, ils partirent se perdre dans le parc.
Depuis qu'elle en avait entendu parler et qu'elle s'était un peu renseignée sur le sujet, Magda n'avait pas arrêté de se dire que cette après-midi n'allait servir à rien, sauf que plus le temps passait plus elle se rendait compte de son erreur. Parce qu'à une quinzaine de jours de leur mariage, se retrouver dans une bulle comme elle l'était actuellement avec Martijn, lui faisait beaucoup de bien. Leur faisait beaucoup de bien. C'était trois heures en amoureux, trois heures hors du temps, trois heures pour eux. Magda se surprit à n'avoir aucune envie que ça se termine et pourtant.
« On peut les voir ? demanda-t-elle en arrivant vers les deux photographes.
— T'es trop curieuse, non ? répondit Louis en lui tendant son appareil. On va les trier et puis vous envoyer les meilleures.
— Bien sûr que non, je ne suis pas trop curieuse. Avant ou après le jour J ?
— Avant que vous partiez, assura Louis. J'aime bien la cinquième.
— Moi aussi, fit Martijn qui regardait rapidement les photos. On les mettra sur la guirlande.
— Parce qu'ils ont une guirlande pour accrocher toutes leurs photos, expliqua Louis à Oscar. Un truc ridiculement niais.
— C'est une bonne idée, je trouve.
— Ah ! Merci Oscar ! s'exclama Magda. C'est mon idée.
— Dis pas ça comme si ça tombait sous le sens, sourit Louis en mettant son sac sur son épaule. Tu n'as pas que des bonnes idées.
— Ça nous fait un point commun alors, remarqua Magdalena en adressant son plus sourire à son ami.
— On vous invite à dîner ? proposa Martijn avant que Louis ait le temps de répondre.
— C'est gentil mais j'ai promis à ma mère de dîner avec elle, ce soir, s'excusa Oscar.
— Tu finiras vieux garçon, devina Louis. Moi, je peux pas. J'ai un rendez-vous.
— Du genre ? s'intéressa Magdalena avec un air qu'elle voulait détaché.
— Du genre avec une fille. Du genre qui ne te regarde absolument pas.
— C'est drôle que t'aies un rendez-vous parce que Rika aussi, elle en a un ce soir. »
Magda aurait juré avoir vu les lèvres de Louis se pincer, juste un tout petit peu. Juste ce qu'il fallait pour lui prouver que quoi qu'il lui réponde, non, il n'en n'avait pas rien à faire. C'était complètement faux.
« Eh bien c'est... Super. Du coup, je vais y aller moi. Je repasse par le studio, Oscar t'as quelque chose à déposer là-bas ?
— Si tu peux poser ça sur mon bureau, ça serait top.
— Pas de soucis ! assura Louis en saisissant le sac qui lui était tendu. Je vous laisse hein ? Et puis on s'appelle. »
Martijn opina du chef alors que Louis s'éloignait déjà et qu'Oscar les saluait pour les quitter à son tour.
« Tu m'avais promis de pas t'en mêler...
— J'ai informé. C'est tout, se défendit Magda.
— Et bien informer, c'est s'en mêler.
— Ah bon ?
— Oui.
— Je referais plus alors... promit Magda en regardant Martijn comme un enfant pris la main dans le pot de confiture regarde son parent. On mange où ?
— Je sais pas...
— Tu veux pas aller à celui où ils servent de super fondant au chocolat ? J'ai envie de fondant au chocolat avec une glace à la fraise. En plus, la terrasse est trop agréable, on sera bien dehors. »
Martijn avait ri parce que Magda en faisait un poil trop pour simplement le convaincre de sa bonne idée.
X+X+X+X+X
Lundi 28 Septembre 2026 - J-9
Vous voulez un scoop ? Je me marie dans à peine plus d'une semaine et depuis quelques jours, je vis un véritable revirement de situation. Je suis incroyablement zen. C'est fou. Je ressens plein d'émotions: excitation, joie, rêve, mais alors zéro stress. J'aime l'idée que la date approche, quand dans quelques jours, on va faire la fête pendant trois jours entiers avec tous nos amis, ma famille (je suis heureuse qu'une bonne partie ait accepté de faire le déplacement), sa famille. Ça va être super cool !
Le soir devant la télé je me prépare toujours les infusions anti-insomnies que m'a conseillées Laura, il y a des mois. Je suis pas sûre que ça marche parce que je fais quand même des rêves étranges la nuit. Exemple la nuit dernière: j'ai rêvé que je n'avais plus la liste de tous les noms des invités et du coup on pouvait pas finir le plan de table. Ce matin, quand j'ai raconté ça à Martijn, ça m'a bien fait rire. Zéro stress, j'ai dit. Ce qui est vraiment tout nouveau pour moi et qui contraste totalement avec mon état d'il y a deux semaines.
Oui, on a passé les deux dernières soirées chez Erda et Peter et puis chez Jan et Alice et alors ? Oui, on est parti en week-end dans un petit hôtel en plein Paris y a deux semaines et oui, ça nous a fait du bien. Un bien fou même. Qui a dit qu'on devait se priver des petits bonheurs de la vie et de ceux qu'on aime à cause du mariage ? Qui ? Un célibataire, je vous le dis. Merde à la fin !
Bon, le petit souci avec ce nouvel état d'esprit, c'est qu'on a pris du retard et qu'on va finir par être grave dans la merde, mais bon. C'est pas grave. Il manque des étiquettes de prénoms pour la table Italie et Portugal ? Cool: ils arriveront chez mes parents l'avant-veille et Laura sera déjà en France pour gérer. On ne sait pas si toute la déco rentrera dans la voiture de papa ? Mais si ! Au pire on demandera la remorque du père de Marie. Le soleil brille en ce moment en France et personne ne pourra dire s'il brillera toujours dans dix jours et alors ?? J'ai des boutons qui commencent à se pointer sur le menton, mais c'est pas grave, un peu de maquillage et hop ! plus rien. Mes essais de coiffure sont approximatifs ? Ça me fait rire. Je suis zen, mais zen ! Vous imaginez même pas. Même Martijn n'en revient pas.
Ce qui m'amène au pourquoi je suis zen ? Eh bien je n'en ai strictement aucune idée. Je me sens bien et puis c'est tout. C'est peut-être parce que j'ai enfin arrêté de vouloir que tout soit parfait. Ça ne le sera probablement pas et c'est pas ce qui m'importe le plus. Je veux juste que la journée soit joyeuse, que nos invités soient heureux, et je pense qu'on sera pas mal. J'ai aussi hâte d'y être, hâte de voir les sourires sur les visages de nos proches, hâte que Martijn me découvre, j'ai hâte de le découvrir, de lui dire que je l'aime et j'ai hâte qu'on se fasse une belle promesse, parce qu'on va se marier.
Magdalena referma doucement son carnet bleu dont les pages étaient presque toutes remplies désormais, signe que la date approchait. Martijn conduisait, ils rentraient de leur dernier cours de danse et comme on aurait pu s'y attendre, pour Magda ça n'avait pas été très concluant. Non, elle n'avait pas perdu ses deux pieds gauches. Elle aurait pu se formaliser, mais elle ne le fit pas. Ce qu'elle retenait surtout de ce dernier cours, c'étaient les deux heures de rire que ça avait pu leur offrir.
Magda bloqua son stylo dans l'élastique de son carnet et se contorsionna pour le glisser dans son sac à main qu'elle avait négligemment jeté sur la banquette arrière. Elle ne se résolut pas à déplier ses jambes et les garda sous son bassin. Elle fixait Martijn, très concentré sur la route.
« T'es beau quand tu conduis.
— Que quand je conduis ?
— Non, rit Magda. T'es toujours beau. Mais là, t'es vraiment beau. »
Martijn quitta la route du regard pour fixer Magdalena avec un petit sourire en coin et les sourcils haut levés.
« Arrête, demanda Magda en riant et en poussant doucement la tête de Martijn vers la route. On dirait Louis quand tu fais ça. »
La comparaison eut le mérite d'emmener Martijn dans un éclat de rire à son tour. Chacun se calma avant de faire régner un silence reposant dans l'habitacle. Un silence simplement brisé par la musique.
Combien de temps d'aimerais-je ? Aussi longtemps que les étoiles sont au-dessus de toi. Et davantage si je peux.
Combien de temps aurai-je besoin de toi ? Aussi longtemps que les saisons ont besoin de suivre leur dessein.
« Marty ? On n'a pas vraiment choisi la chanson d'ouverture du bal. N'est-ce pas ?
— Non. Effectivement... fit Martijn qui comprenait très bien où Magda voulait en venir.
— Ok... »
Combien de temps serai-je avec toi ? Aussi longtemps que la mer est amenée à s'échouer sur le sable.
Combien de temps te voudrai-je ? Aussi longtemps que tu me voudras et bien davantage.
« C'est une belle chanson, tu ne trouves pas ?
— C'est une très belle chanson, confirma-t-il.
— C'est l'une de mes préférées, avoua-t-elle sur le ton de la confidence.
— Je sais. »
Combien de temps t'enlacerai-je ? Aussi longtemps que ton père te l'a dit. Aussi longtemps que tu peux.
Combien de temps te donnerai-je ? Aussi longtemps que je vivrais à travers toi. Aussi longtemps que tu le dis.
Il n'y eut pas d'autres mots de rajoutés. Ce fut un accord tacite entre eux deux. Cette chanson leur parlait beaucoup trop pour ne pas avoir l'honneur d'ouvrir leur bal.
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