Chapitre 56 - Le Mur des Je T'Aime
Chapitre Cinquante-Sixième
Laura était en pleine conversation avec un traiteur pour le mariage thème cubain qui devait avoir lieu en février prochain. Il avait un accent à couper au couteau, elle ne comprenait rien de ce qu'il lui racontait et s'en fichait pas mal pour être honnête étant donné qu'ils ne feraient pas affaire ensemble ; et puis surtout, elle venait de recevoir deux messages qui l'inquiétaient tous les deux sans qu'elle réussisse à mettre un ordre dans leur niveau d'importance.
De MAGDA:
On annule le mariage.
De LOUIS:
Laura ?
Je crois j'ai fait une bêtise... Mais je te jure ! Je voulais pas !
« Excusez-moi monsieur, mais je vais devoir vous laisser. Je vais réfléchir à votre offre pour le buffet Havane et je vous rappelle. Merci et bonne journée à vous. »
Elle raccrocha avant qu'il puisse la saluer à son tour. Elle hésita entre appeler Louis ou appeler Magda ; ou alors même appeler Martijn. Puis elle se dit que Louis serait sans doute le plus à même de lui expliquer ce qu'il se passait.
« Louis ?
— Putain ! Laura ! Je suis désolé ! Je te jure que je ne voulais pas que ça se termine comme ça ! C'est de ma faute, j'aurais jamais dû proposer la sortie au coffee shop... Je suis désolé.
— Respire Loulou. Qu'est-ce qui s'est passé ? »
Alors Louis se mit à lui raconter toute la soirée, de leur arrivée devant le restaurant fermé sur Gravenstraat jusqu'à la dispute entre Martijn et Magda dans la cuisine dont il avait été témoin.
« Voilà. Je crois que depuis elle est enfermée dans la chambre et j'ose pas descendre...
— D'accord. Je vais appeler Magda dès que je peux et toi, tu vas voir Martijn. Je vais arranger tes bêtises.
— Je suis désolée Laura...
— Ça va aller Louis. T'en fais pas. C'est le stress. Ça arrive à plein de couples ça. Je dois y aller... À tout à l'heure.
— À plus... »
Louis essuya les dernières traces de buée sur le miroir et prit son courage à deux mains pour redescendre au rez-de-chaussée. Il avança à pas de loup. Personne dans la salle à manger, il continua dans le couloir et regarda par la verrière s'il y avait quelqu'un quelque part. Et il y avait, mais ce n'était pas la personne à laquelle il s'attendait. Parce que dans la cuisine se trouvait Magdalena.
« Magda ? »
L'intéressée releva son visage marqué par la colère.
« C'est de ma faute Magda. C'est moi qui lui ait proposé à boire comme il n'avait pas vraiment le moral. Et... Et j'avais oublié à quel point il peut se laisser aller quand tu n'es pas là. Je l'ai pas vraiment surveillé. C'était un peu comme quand on est allé en boite l'année dernière. Je... J'ai pas assuré. Ne lui en veux pas. C'est de ma faute. Tu peux m'en vouloir à moi, mais pas à lui. Vous êtes juste stressés. Vous savez tous les deux que vous ne pensez pas un mot de ce que vous vous êtes dit. Tu le sais, toi ? »
Il n'était pas certain que la jeune femme ait entendu ce qu'il lui avait dit, car pendant qu'il parlait, elle s'était tourné vers l'évier pour rincer sa tasse. Il n'eut sa réponse que lorsqu'il aperçut les épaules de Magdalena trembloter dans le silence de la pièce.
« Pardon Magda... Pardon, s'excusa-t-il encore une fois en allant la prendre dans ses bras pour la consoler comme elle l'avait déjà fait tant de fois pour lui. »
X+X+X+X+X
Il existe des personnes que l'on arrive à connaître en un seul regard, en un unique croisement d'iris. Des personnes qu'on ne prend pas la peine d'apprendre parce que cette unique seconde à suffit à tout connaître d'eux. C'était ce qui leur était arrivé. C'était ce qui était arrivé à Martijn et Magdalena et ça, ils l'avaient passablement oublié. Martijn s'en souvenait maintenant. Il s'en souvenait. Assis dans son atelier, à même le sol, ses bras entourant ses genoux, il prenait le temps de regarder leur première toile ; celle de leur baiser à Paris, devant le mur qui leur disait « Je t'aime » dans toutes les langues. À leur arrivée ici, ils avaient mis du temps à lui trouver une nouvelle place. Ils avaient décidé de l'installer dans l'atelier de Martijn, sur le mur mitoyen à la maison ; de façon à être visible du jardin ; là où Magda avait pensé installer un petit salon d'été. Ainsi, seuls ceux qui connaîtraient sa présence pourraient le voir. Un peu comme un trésor caché.
Mais, ce matin-là, pour Martijn ce tableau lui rappelait surtout pourquoi. Pourquoi aimait-il Magda. Pourquoi avaient-ils décidé de se marier. Puis lui apparaissait de nouveau, tout ce qu'il admirait chez elle, tout ce qu'elle lui apportait au quotidien, tout ce qu'il ressentait à ses côtés - ces sensations auxquelles il s'était trop habituées. Tout d'un coup, devant cette toile couverte de ses propres coups de pinceau, de ses propres souvenirs, Martijn reprenait conscience de tout ce qu'il ressentait pour Magdalena.
Il fut sorti de ses pensées par trois petits coups timides sur le verre de la baie vitrée qui marquait l'entrée dans l'atelier. C'était elle. Ses yeux étaient un peu gonflés, sa tresse habituelle était détachée, ses cheveux blonds tombaient délicatement et avec quelques ondulations sur ses épaules cachées par la couverture de Louis. Martijn remarqua qu'une petite boule de poil de chat était accrochée aux fils pendant de ce qui jouait le rôle de châle.
D'un petit mouvement de tête, il fit signe à Magda d'ouvrir la porte pour entrer. Elle s'exécuta et la vitre coulissa doucement, sans bruit. La jeune femme resta tout de même à l'extérieur. Elle n'avait jamais hésité à entrer dans l'atelier de Martijn sans rien demander - a contrario de tous leurs proches - mais aujourd'hui, elle préférait tout de même l'entendre lui dire qu'elle pouvait. Ils restèrent quelques secondes à se regarder dans les yeux jusqu'à ce que le silence soit brisé par leurs voix dans un joli synchronisme.
« Je te demande pardon. »
À l'entente de leurs voix qui n'en faisaient plus qu'une, ils esquissèrent tous les deux un petit sourire et Martijn décroisa ses bras pour tendre la main à Magdalena. Elle considéra ce signe comme une permission et attrapa les doigts de Martijn avant de s'asseoir à côté de lui, elle aussi à même le sol. Elle posa doucement sa tête sur l'épaule de son amoureux tout en gardant leurs mains enlacées.
« Je t'aime mon Marty. Je t'aime. Et t'es pas con du tout. Je suis désolée.
— Je t'aime aussi. Et notre mariage n'est pas un problème. Ce n'est pas un problème du tout même, c'est l'une des meilleures choses qui va arriver dans ma vie. Je suis désolé. »
Magda serra un peu plus son emprise sur la main de Martijn, comme pour lui dire qu'elle avait entendu et que tout était oublié. Ce n'était qu'une petite dispute parce qu'ils étaient fatigués et stressés et tout un tas d'adjectif en -é par super agréables.
« Et je voulais te dire... commença Magdalena
— Oui ?
— A propos des efforts...
— Oublie ç, Magda. Je te jure que ça vaut pas le coup. Je veux dire que j'ai dit ça parce que j'étais énervé. Surtout que c'est pas des efforts que je fais au quotidien. Je le fais parce qu'il faut que ça soit fait, y a pas de raison que tu le fasses plus que moi. On a toujours fonctionné comme ça, aucune raison que ça change ; d'autant que ça marche bien non ? Tu fais la cuisine, je fais la vaisselle ; je fais la machine, tu vides le lave-vaisselle...
— Je suis ok pour les enfants.
— ... Tu mets la table, je débarrasse. On est b... Hein ?! »
Si Magda avait eu un appareil photo, elle aurait bien pris la tête de Martijn à ce moment-là ; parce qu'en toute honnêteté ça aurait valu le coup. Il avait les cheveux tout ébouriffés, ses beaux yeux bleus grands ouverts et avec un air qui oscillait entre le doute et l'excitation.
Magda le regardait avec un sourire attendri à demi-caché par sa main. Elle n'avait pas vraiment prévu d'annoncer sa réflexion de cette façon à Martijn. Elle avait imaginé quelque chose de peut-être plus romantique. Dans ses rêves, ils se réveillaient doucement dans les bras l'un de l'autre dans l'hôtel cinq étoiles que Martijn avait réservé pour leur voyage de noces en Italie. Ils n'avaient pas fermé les volets et les premiers rayons du soleil traversaient délicatement le voilage de la fenêtre. Bref, dans les rêves de Magda, cela se passait comme dans les films américains. Sauf que sa vie n'est définitivement pas un film américain et qu'ils n'étaient définitivement pas dans le lit d'un hôtel cinq étoiles. Ils étaient assis à même le sol, dans l'atelier de Martijn qui - même s'il était tout neuf - était toujours embaumé de cette rassurante odeur que Magda aimait tant. Elle tenait entre ses doigts la main de l'homme de sa vie ; et malgré la dispute qui venait de gronder entre eux deux, l'intuition de Magda lui avait susurré que c'était le bon moment ; qu'il n'y aurait pas d'autre meilleur moment ; que c'était maintenant ou jamais. Et cette dernière proposition était tout simplement impensable.
« Qu'est-ce que tu viens de dire ?
— Je viens de te dire que si tu veux toujours des enfants avec moi, je suis d'accord. Je suis prête.
— Bien sûr que je veux toujours, Magda ! Mais... Toi.
— Tu sais... reprit-t-elle en reportant son regard sur la toile face à elle. Je crois que cette année, j'ai enfin laissé partir l'adolescente que j'ai été. Je l'ai libérée de beaucoup de choses, je lui ai pardonné beaucoup de choses. Je lui ai pardonné le fait de ne pas avoir fait de moi la femme que je m'étais imaginée être. Et j'ai enfin accepté que mon plan A n'était pas le bon, mais que le B est cent fois meilleur. Sauf que j'ai mis beaucoup de temps à comprendre tout ça.
— Tu as aussi réglé des choses avec ta mère, n'est-ce pas ?
— Ça en faisait grandement partie. Je ne suis pas l'image que j'avais de moi ; et tout cette année m'a permis de comprendre que j'étais mieux que ça. Parce que le 7 octobre prochain, je serai la plus belle de la journée ; parce que je vais épouser le grand amour de ma vie, parce que non, ce genre de chose n'est pas réservé aux autres ; parce que oui, je suis heureuse ; parce que tu m'aimes.
— Je t'aime, confirma Martijn dans un murmure que Magda n'entendit même pas.
— Bref, j'ai accepté et compris tout un tas de choses sur moi, sur ma mère, et notre relation cette année ; et c'est ce qui me manquait pour me rendre compte que je pouvais moi aussi endosser ce rôle. Que j'en serai capable, que tous les deux, on en sera capable. »
Après son monologue, Magdalena sentit une main se poser sur sa joue et la pousser à tourner son regard vers Martijn.
« Je suis désolée d'avoir pris plus de temps que toi pour comprendre tout ça. »
Il haussa négligemment les épaules. Magda avait prononcé les mots que Martijn avait eu besoin d'entendre, ceux qui lui assurent définitivement que le refus de Magda face à leur parentalité n'était pas de sa faute. Ce n'était pas de sa faute. Martijn, lui, avait eu la réaction qui prouvait à Magda que quoi qu'il arrive, quelque soit le chemin qu'elle décide de suivre, quelque soient les décisions qu'elle puisse prendre ou ne pas prendre, Martijn serait toujours là pour elle.
Martijn finit par poser ses lèvres sur celles de Magda avant de détacher leurs mains pour prendre son visage en coupe. C'était juste un baiser. C'est vrai que c'était juste un baiser. Mais c'était le baiser dont ils avaient besoin ce matin-là et dans lequel chacun se perdait seconde après seconde, jusqu'à oublier où ils étaient, quel jour était-ce et peut-être même comment ils s'appelaient. C'était un baiser qui rappelait les premiers baisers, ceux qui ont le goût de l'insouciance et de la passion. C'était un baiser qui annonçait une nouvelle page.
« Il est parti Louis ? murmura Martijn entre des baisers qui descendaient dans le cou de Magda. »
Cette dernière, qui n'arrivait plus vraiment à bien réfléchir, se contenta de hocher la tête de haut en bas en laissant échapper un petit gémissement de ses lèvres qui eut le mérite de faire sourire l'homme.
« Super... chuchota-t-il en commençant à soulever le t-shirt de Magda.
— Je croyais que t'avais mal à la tête, sourit-elle en levant les bras vers le ciel pour aider leurs mouvements.
— C'est hyper bon pour les maux de tête, le sexe !
— Ah ouais ? finit par rire Magda en se laissant allonger sur le sol.
— Une histoire d'hormones ou je sais pas quoi. Une étude scientifique hyper sérieuse que je vais m'empresser de te démontrer. »
--- NDA ---
🐣❤️
La vérité, c'est que ce chapitre, devait être posté dimanche parce que c'est vrai que la fin du précédant était pas très cool. Je suis désolée. Mais je suis en révision, et les jours deviennent un peu flous... Pardon...
Du coup chapitre dimanche !!! Pour me faire pardonner. ❤️❤️
Je vous fait des bisous aussi chaleureux que le feu qui réchauffe mes petits pieds,
Uthopie. 🐥❤️🔥
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