Chapitre 55.2 - Soirée de Trentenaires
Chapitre Cinquante-Cinquième - Partie II
Martijn n'avait pas entendu son réveil. C'est ce qu'il s'était dit en voyant qu'à dix heures quinze, il était toujours dans son lit au lieu d'être au travail. Il avait voulu se lever rapidement pour tenter de rattraper son retard, même si c'était déjà une cause perdue. Ce programme ne prenait bien sûr pas en compte son mal de tête et les petites étoiles qui dansaient devant ses yeux à son dégagement de couette un peu trop rapide. Alors ce n'est qu'une fois ses vertiges calmés qu'il se dit que le boulot ce matin ne serait pas possible et qu'il serait plus responsable de commencer par une aspirine. Il sortit alors de la chambre pour aller vers la cuisine. Là-bas, il trouva Magda, appuyée contre le plan de travail, sa tablette dans les mains, une tasse de thé encore fumante à côté d'elle ; et Louis, assis dans le canapé absorbé par son téléphone. Il n'y avait pas un bruit. C'était pesant comme ambiance. Martijn s'approcha, sans rien dire, de la cafetière pour se faire couler une première tasse afin de se réveiller, puis se dirigea doucement vers Magda. Il tenta de lui voler un baiser mais cette dernière détourna la tête au dernier moment et ses lèvres ne s'accrochèrent que sur sa joue. Le jeune homme soupira. S'il avait encore une once de doute sur le fait que Magda fasse la tête ou pas, il avait sa réponse. Martijn se pencha alors légèrement pour regarder Louis qui tentait de les épier avec toute la discrétion dont il disposait, ce qui s'avérait être très peu.
« Tu bosses pas ?
— Je commence à treize heures au studio.
— Et tu veux pas... J'en sais rien... Prendre une douche, par exemple ? »
Louis tourna enfin la tête vers Martijn et il mit encore quelques secondes supplémentaires pour comprendre clairement le message de son ami.
« Ah ! Oh... Si ! C'est une bonne idée.
— Super. T'as qu'à aller en haut. Y a des serviettes dans un des cartons à côté de la porte.
— Ok ! »
Louis se leva péniblement du canapé pour traverser la maison et monter l'escalier. En attendant patiemment que la porte de la salle de bain du haut se soit refermée, ils restèrent face à face avec Magdalena.
« Tu vas vraiment faire la gueule ? finit-il par demander juste après le claquement de porte.
— Tu trouves pas que j'ai quelques raisons ?
— Ça va ! Je suis juste rentré bourré avec Louis ! C'est pas la première fois que ça arrive. Et je pense pas que ça sera la dernière.
— En pleine semaine ! Martijn ! Tu te rends comptes que t'es censé être au boulot là ? Alors que t'es encore en caleçon dans la cuisine ! Depuis quand tu fais ça ?!
— Depuis que j'ai besoin d'oublier l'ambiance pourrie d'ici !
— Dans cinq minutes ça va être de ma faute si t'es rentré dans cet état en sentant la beuh à plein nez !
— T'es insupportable en ce moment ! Y a jamais rien qui va ! T'es jamais contente ! Je trouvais que depuis la conversation avec ton père ça allait mieux, mais c'est juste de pire en pire depuis que t'es revenue de France ! J'en peux plus moi !
— Parce que tu crois que j'en ai pas marre moi ?! Tu crois que j'en ai pas marre de douter de tout ?! D'avoir l'impression que je suis la seule à en avoir quelque chose à faire de cette journée ?! J'arrive plus à savoir si je peux compter sur toi Martijn ! Tu prends tout ça à la légère ! Je suis sûre que si t'avais tout à gérer toi-même on se marierait dans une maison pourrie dans le trou du cul du monde ! Et je dois te dire que la soirée d'hier ne me rassure pas du tout sur ce point-là !
— Tu crois que je m'en fous ?!
— J'ai pas dit ça ! Je dis juste que j'ai l'impression de tout gérer toute seule et que tu fais pas d'efforts !
— Moi ?! Moi, je fais pas d'efforts ?! Tu te fous de ma gueule ?! Je passe ma vie à faire des efforts pour que toi, tu ne stresses pas trop, pour que tu te sentes bien, pour que tu n'es pas tout à gérer toute seule ! Je passe mon temps à faire des efforts pour toi. J'espère que tu t'en rends compte ! Tu t'en rends compte Magda ?!
— Oui... »
Oui. Oui, Magda le voyait ; oui, elle le savait. Elle s'en rendait surtout compte quand elle parlait avec ses amis ou collègues et qu'elles se racontaient leurs histoires du quotidien. Elle se rendait compte qu'elle n'avait jamais à demander à Martijn de mettre la table, il le faisait seul ; elle n'avait jamais à lui faire une machine parce qu'il n'avait plus de chemises de propres pour le travail, il s'en rendait compte tout seul, faisait une machine complète et pas juste de ses chemises, puis il n'oubliait pas d'étendre le linge une fois la machine terminée ; il pensait à changer les draps toutes les deux semaines. Bref, Magda se rendait ainsi compte qu'elle avait rarement besoin de demander à Martijn de faire les choses. Il y pensait avant même qu'elle se rende compte que c'était à faire.
« Alors ne me dis pas que tu gères tout toute seule ! Ne me reproche pas ça !
— Je te reproche simplement de parfois ne pas être assez responsable ! Tu peux pas agir comme un adulte que deux week-ends par mois et la moitié des vacances scolaires !
— Putain ! Mais je suis rentré un soir bourré ! Un soir ! C'est pas toutes les semaines ! C'est un soir !
— Et qui me dit que tu ne recommenceras pas la semaine prochaine ?! Parce que l'ambiance d'ici ne te plaît toujours pas ?!
— Enfin quand le problème mariage sera passé, ça ira déjà mieux.
— Le problème ?! C'est un problème le mariage ?! Bah tu sais quoi, on a que tout annulé puisque c'est un problème ! Plus de mariage, plus de problème ! Je vais appeler Laura pour la prévenir !
— Ce que j'aime chez toi, c'est ta demi-mesure ! lança ironiquement Martijn. C'est l'organisation qui me fatigue ! C'est tout ! J'ai voulu me détendre et ça a un peu dérapé. C'est tout ! Et tu le sais ! Ne fais pas semblant de ne pas comprendre et fais un petit effort pour une fois !
— Pour une fois ?!
— Oui ! Pour une fois, réitéra Martijn. T'en fais jamais ! Sur rien ! C'est toujours à moi de me plier pour que ça aille dans ton sens ! Pour que tu sois heureuse ! Même pour les enfants, c'est moi qui ai plié ! »
Et là, Magda le gifla. Elle en avait envie depuis qu'il était rentré ivre. Il n'avait pas le droit de dire ça ; parce que c'est lui qui avait voulu enterrer le sujet sans qu'ils en aient vraiment parlé. C'est lui qui lui avait dit qu'il était prêt à attendre. C'est lui qui lui avait dit qu'il préférait être avec elle sans enfant plutôt que sans elle avec des enfants. C'est lui.
« T'es vraiment trop con. »
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