Chapitre Cinquante-Troisième - Partie I

Ok. Ok. Ok. Laura plaidait coupable. C'était son idée.

Mais quand elle était rentrée de France, Romy l'avait appelée en lui disant qu'elle ne savait plus quoi faire avec Rika et qu'elle s'était sentie seule à essayer de lui remonter le moral tout la semaine. Parce que Laura et Magda étaient en France pour le mariage ; parce qu'Erda était en Suisse pour aider Peter pour ses cartons. Donc quand Romy avait su que Laura était de retour en ville, elle avait appelé en la suppliant de trouver une solution pour leur amie parce que là, elle, elle démissionnait.

Du coup, Laura avait dit : soirée. Elle et Romy étaient arrivées complètement à l'improviste chez Rika. Avec des DVD, des plaids même si on était en été, et des bonbons.

« Rika ? s'était exclamée Laura en la voyant ouvrir la porte. C'est quoi ce truc ?!

-C'est un t-shirt.

-Non, Rika. C'est pas un t-shirt. C'est le t-shirt de ton ex ! Enlève-moi ça tout de suite. »

C'était au mot « ex » que les larmes de Rika avaient commencé à couler de nouveau sur ses joues.

« Je t'avais dit que c'était un cas désespéré, chuchota Romy à l'oreille de son amie.

-Bien. Changement de programme, dit fermement Laura en fermant la porte de l'appartement derrière elles. Rika. Enlève-moi ça et va prendre une douche.

-Mais...

-Pas de question. Pas de protestation. Tu files, ordonna Laura en désignant la porte à sa droite en un claquement de doigts. Allez ! »

Rika avait baissé la tête et avait suivi la direction sans objecter une seconde fois. A peine était-elle entrée dans la pièce que Laura était partie dans la chambre de la propriétaire des lieux. Elle fit coulisser la porte du placard et commença à chercher une robe. Elle avait en tête une image bien précise de la robe qu'elle voulait. C'était une robe noire, en dentelle dans le dos et avec une ceinture en métal légèrement dorée.

« Ah, regarde ! C'est bien ça !

-Pour ? questionna Romy qui ne voyait pas où Laura voulait en venir.

-Pour sortir. Banane.

-Mais tu veux qu'elle soit collée par tous les mecs du bar ou quoi ?

-C'est trop ? fit Laura en tendant la robe devant elle.

-Un peu... Pars plutôt sur... Sa combi' noire... Avec... Avec ses talons rouges. Un peu plus discret quand même.

-Ok. Adjugée pour la combi', accepta Laura en attrapant l'habit dans la garde-robe et en repartant vers la salle de bain. Rika ! Quand t'aura fini ta douche, t'enfiles ça, tu te maquilles et tu nous rejoins. »

Laura referma la porte et partit vers la cuisine. Romy suivit et l'observa enlever une à une les photos sur le frigo de Rika.

« Je croyais que t'avais dans l'idée de les remettre ensemble ?

-C'est le cas.

-Alors pourquoi t'enlèves toute trace du passage de Louis ici ?

-Parce que tu vois Louis retourner avec une Rika dans cet état ?

-Non, concéda Romy.

-Bah voilà. Donc la première étape du plan, c'était qu'ils se parlent et prennent une décision claire. C'est fait. La deuxième étape, c'est que Rika reprenne le dessus.

-Et la troisième étape ?

-... Chaque étape en son temps d'accord ? Aide-moi à enlever les photos plutôt, demanda Laura en mettant les photos déjà enlevées dans les mains de Romy. Je vais m'occuper du salon. »

Laura avait tout enlevé : photos, objets, vêtements, livres,... Et tout un tas d'autres trucs qui étaient restés dans les parages.

« Laura ? »

La voix de Rika était toute faible. Comme si elle avait peur de déranger. Ou plutôt comme si elle avait peur de comprendre ce qui était en train de se passer.

« Laura... Qu'est-ce que tu as fait ?

-Frederika... Écoute. Ça va faire deux mois. Deux mois, c'est long en mode rupture. Donc fini de perdre du temps. Il faut que tu sortes d'ici, et que tu arrêtes de tourner en rond. Rien ne va changer en t'enfermant dans ces quelques mètres carré. Donc dehors ! Enfile-moi tes plus beaux talons rouges et on est parties. »

Rika jeta un coup d'œil à Romy qui était restée un peu en retrait. Elle lui adressait un joli sourire, un de ceux qui lui disaient qu'elle devait leur faire confiance et que ça irait mieux. Ce n'était plus le sourire de pitié auquel elle avait eu le droit ces derniers jours.

« Rouges les talons ? T'es sûre ?

-Va les enfiler, répondit Laura avec un sourire de satisfaction. »

X+X+X+X+X

Combien y avait-il de bars à Amsterdam ? Ça, c'était une vraie question. Une vraie bonne question. Eh bien, la réponse était mille quatre cent deux. Mille quatre cent deux. C'est beaucoup mille quatre cent deux. Mille quatre cent deux. Putain ! Mille quatre cent deux !

Il y avait une chance sur mille quatre cent deux que Louis décide de sortir dans le même bar qu'elles ce soir. Non mais sans déconner quoi ! Qu'est-ce qu'il foutait ici ?! Encore mieux: qu'est-ce qu'il foutait ici avec cette brune ?!

« Laura ? On fait quoi ? demanda Romy.

-Comment ça « on fait quoi » ?

-Bah... On évacue ?

-Non. Certainement pas. C'est sa soirée.

-Il faut faire quelque chose sinon ça va mal finir.

-Alors on fait évacuer, prévint Laura en terminant son verre d'une gorgée.

-Hein ? »

Mais Romy n'eut pas de réponse à son incompréhension. Non. Elle n'eut qu'à voir Laura se lever de son siège et partir vers la piste de danse où se trouvait toujours Louis. Il était toujours sur la partie la plus proche du bar. Il dansait collé-serré avec une grande brune juchée sur des talons aussi hauts que le Kilimanjaro. Laura se rapprocha au maximum des deux jeunes gens et se racla bruyamment la gorge avant de tapoter sur l'épaule de Louis.

« Déga... Laura ?!

-Salut ! sourit la jeune fille. Je t'ai vu de loin alors je me suis dit que j'allais venir te faire un petit coucou.

-T'es sérieuse là ?

-Oui ! Je m'appelle Laura, se présenta-t-elle à l'autre jeune femme en s'approchant pour lui faire la bise.

-Euh...

-Non, mais tu joues à quoi là ? s'énerva Louis en la tirant en arrière par le bras.

-Mais t'es qui surtout ? s'exclama l'inconnue.

-Laura ! Son ex.

-Qui va dégager, précisa immédiatement Louis.

-Non. Pas du tout.

-Si. Si. Elle dégage. Tout de suite.

-Mais n...

-Ok. Moi je vais y aller. Je veux pas d'emmerdes et encore moins une soirée compliquée. Salut.

-Non attends ! Clara ! »

L'interpellée se retourna vers Louis avec un haussement de sourcil que Laura n'aurait pas pensé possible.

« Cara ? tenta Louis qui sentait bien qu'il avait loupé quelque part. Clara ? Cara ? Clara.

-Cara, répondit-elle en s'éloignant. »

Louis ferma les yeux en ne sachant pas s'il devait se maudire lui pour sa gaffe ou maudire Laura pour son comportement.

« Non mais à quoi tu joues ?!

-Tu ne connaissais même pas son prénom. Ça aurait fini par être gênant pour vous deux.

-Mais... Mais... Mais ta gueule. Putain Laura ! Ce n'est pas ton problème !

-C'est mon problème à partir du moment où ton comportement va faire du mal à mon amie.

-Elle ne le saura jamais. Et de toute façon, on n'est même plus ensemble.

-Louis... S'il te plaît...

-Quoi ? C'est vrai ! On n'est plus en couple, je peux bien baiser avec qui je veux maintenant. Et il n'y a aucune raison pour qu'elle le sache alors arrête. Et laisse-moi tranquille.

-Louis...

-Quoi ?!

-Elle est là.

-Qui ?

-Rika. Elle est là. »

Il y eut un changement dans les yeux de Louis. Pour une fois, il quitta le visage de Laura et se mit à scanner le bar à la recherche de n'importe quel signe qui aurait pu lui signifier où trouver Rika. Et plus il cherchait, plus son esprit ne cessait de lui faire apparaître une seule question : « Et après ? Qu'est-ce que tu vas faire après ? ». C'était bien vrai ça. Qu'est-ce qu'il allait faire une fois qu'il l'aurait vue ? Il ne pouvait pas aller la voir juste comme ça. Ce n'était pas possible. Alors à quoi cela allait-il bien servir ?

« Au bar. Devant la porte, indiqua Laura. »

Louis fixa alors le lieu indiqué et remarqua immédiatement Rika, tout en se demandant comment il avait fait pour ne pas l'avoir vue plus tôt. Même avec la distance entre eux, elle resplendissait. Elle avait ses cheveux blonds un peu désordonnés qui effleuraient à peine ses épaules. Ses lèvres étaient sublimement colorées de rouge, et même d'ici, Louis pouvait les voir distinctement sourire. Et puis c'est là que ça frappa Louis. Elle ne souriait pas à une amie. Elle ne lui souriait pas non plus à lui. Elle souriait à un inconnu qui ne plaisait pas du tout à Louis. Parce qu'il avait sa main qui descendait dangereusement vers le creux des reins de la jeune femme et qui zieutait ses lèvres avec un regard qui ne plaisait pas du tout au grand blond. Pour qui il se prenait cet abruti ?

« C'est qui lui ?

-Un mec qui lui a déjà payé deux verres.

-Eh bien elle a l'air bien entourée. J'avais entendu dire qu'elle allait mal, mais pas du tout. Alors pourquoi tu m'as pourri mon coup de ce soir ?

-Putain Louis ! Regarde-la deux secondes ! »

Alors Louis l'avait regardée. Et oui. Oui, il avait bien vu que les épaules de Rika tombaient un peu vers l'avant et que ce soir, elle ne faisait pas attention à se tenir bien droite parce que c'était mieux pour son dos. Il vit aussi que Rika s'était à peine assise sur son tabouret. Elle s'était légèrement appuyée dessus pour ne pas à avoir tout son poids à supporter. Il vit aussi qu'elle ne cessait de repousser vers l'arrière la moindre mèche qui osait s'aventurer un peu trop devant son épaule. Louis avait vite compris que quand elle faisait ça, c'était signe très net qu'il valait mieux arrêter de discuter parce que Rika ne portait plus la moindre attention à ce que disait son interlocuteur. Mais ça, le demeuré du bar ne l'avait pas encore compris.

Louis avait bien saisi ce que voulait Laura. Elle voulait qu'il aille les voir et qu'il récupère Rika sous les yeux de cet abruti un peu trop fanfaron. Mais il ne le ferait pas. Pas parce qu'il n'aimait plus Rika ; oh ça non, ça ne risquait pas d'arriver. Mais plutôt parce qu'il savait qu'aucun d'entre eux n'était prêt à cela ; qu'ils se demandaient de plus en plus s'ils le seraient un jour ; et que peut-être ne s'aimaient-ils pas assez fort pour passer au-dessus de ce qu'ils s'étaient dit ce soir d'orage.

Louis en voulait un peu à Laura. Parce que lui, il essayait tant bien que mal d'accepter le fait que son histoire d'amour se finissait sous ses yeux sans qu'il ne puisse rien y faire ; et elle, elle s'amusait à lui montrer Rika au bras d'un mec suffisamment débile pour croire qu'il suffisait de lui payer deux verres pour qu'elle lui tombe dans les bras.

« Tu sais quoi ? Tu ferais mieux de te mêler de ce qui te regarde. On dirait Magda et ça m'énerve.

-Enfin la dernière fois que Magda s'en est mêlée, ça c'est pas trop mal fini, non ?

-Ah bon ? Tu trouves ? Regarde où on en est arrivé. Tu trouves que ça finit bien, toi ? Moi pas.

-Loulou...

-Ta gueule Laura. Ta gueule. »

Louis la bouscula franchement et partit rapidement vers la sortie du bar sans demander son reste. Il partit tellement vite qu'il ne remarqua pas le regard surpris de Rika quand elle le vit sortir précipitamment du bar.