Chapitre 49.2 - Huit Heures de Route
Chapitre Quarante-Neuvième - Partie II
Ils roulaient encore quand Martijn se réveilla. Mais ils n'étaient plus dans sa Hollande natale, il n'y avait que des champs bordés de terre avec parfois un ou deux moulins à l'horizon. Une fois rassuré, car il commençait à reconnaître le paysage, il commença à s'étirer pour finir tranquillement de se réveiller.
Louis conduisait toujours. Il n'avait pas dit un mot depuis qu'il s'était installé au volant de l'Audi ; depuis qu'ils avaient quitté Amsterdam, il y a... Depuis combien de temps étaient-ils partis au juste ? Martijn posa son regard sur l'écran du GPS. Six heures cinquante-et-une. Ils roulaient depuis près de huit heures. Alors Martijn quitta le GPS du regard pour le porter sur Louis. Il avait posé son coude sur le rebord de la fenêtre et tenait son volant entre trois doigts. Il avait le regard fixé sur la route.
« Bien dormi ? finit par demander le conducteur dans le silence de l'habitacle.
-Et toi ?
-Je me suis arrêté plusieurs fois.
-Ah bon ?
-Je te promets. On dépassait à peine Meppel quand tu t'es endormi. Mais je me suis arrêté chez mes parents pour prendre quelques affaires. Puis il a bien fallu faire le plein, et me prendre un café. Je t'ai pris du jus de fruit pour le réveil. C'est dans l'accoudoir.
-Et après chez tes parents ? questionna Martijn en soulevant l'accoudoir central. T'as fait quoi ?
-J'ai pris la direction de l'Allemagne ; vers Oldenbourg. Je me suis arrêté un peu avant et je suis descendu. Jusqu'à Unna. Quand j'ai vu le panneau Essen, j'ai eu envie de revenir ici. Tu devrais prévenir Magda d'où on est. Je voudrais pas qu'elle imagine que j'enlève le futur époux quelques mois avant le mariage.
-Ouais. Je vais faire ça. Mais... Tu veux pas que je conduise sur les derniers kilomètres ?
-Non. T'inquiète. On arrive dans quelques minutes.
-Comme tu veux, capitula Martijn en sortant son téléphone de sa poche. »
De MARTIJN:
Je suis avec Louis à Laarbeek, chez sa grand-mère. Je pense qu'on y restera jusqu'à dimanche. Ne t'inquiète pas pour nous.
Martijn n'attendit pas de réponse de la part de sa fiancée. De toute façon, que pouvait-elle répondre à part « d'accord » ? Pas grand-chose. Alors il remit son téléphone à sa place, dans sa poche, alors que la voiture arrivait à l'entrée du château.
« On a pas le code pour l'ouverture du portail, fit-il remarquer à son ami. En plus le parking du public n'est même pas ouvert à cette heure-ci.
-T'inquiète pas pour ça, affirma Louis en arrêtant la voiture devant l'immense portail noir. »
Avant même que Martijn n'ait pu demander de quelconques explications supplémentaires, Louis était descendu de la voiture et était parti vers la porte rouge et blanche sur la gauche. Il avait disparu derrière la battant qui devait faire trois fois sa taille, tout ça pour réapparaître cinq minutes plus tard avec un palefrenier qui sortit une petite télécommande de la poche de son jodhpurs. Louis le remercia avec une tape dans le dos avant de remonter dans la voiture.
« Y a toujours du monde dans les écuries le matin, expliqua-t-il avec un haussement d'épaule devant l'air interdit de Martijn. »
Louis se remit sa ceinture de sécurité pendant que le portail continuait de s'ouvrir avec une lenteur déconcertante. Puis une fois que le conducteur estima qu'il y avait suffisamment d'espace pour leur voiture, il s'avança.
« T'as prévenu qu'on débarquait ?
-Non. Enfin, je te rappelle que ce château m'appartient aussi.
-À huit pour-cents. On avait compté, souligna Martijn. En gros, t'as quoi ? Ta chambre ? Et peut-être un bout de l'escalier, si je suis gentil.
-Vas-y. Moque-toi. Mais il ne me semble pas que tu aies huit pourcents d'un château dans ton héritage, toi. Si ?
-Non, rit Martijn en terminant sa bouteille de jus de fruit. Non, j'ai pas ça.
-Voilà. Donc... Ta gueule.
-Mais j'ai le service en argent de mon arrière-grand-mère.
-Ça change tout, ironisa Louis avec un demi-sourire.
-Et sinon... Tu crois que, dans tes huit pour-cents, t'as une place de parking ? Hors de question de laisser ma voiture dehors alors que le château est ouvert aujourd'hui.
-On demandera à Bruce d'aller la garer. T'inquiète, le rassura Louis en arrêtant définitivement le véhicule devant l'entrée du château. Et voilà ! Arrivés. Si elle pose des questions, on passait dans le coin et on s'est arrêté.
-Ok. »
Et Louis sortit de la voiture en claquant bien fort la porte derrière lui puis il alla ouvrir le coffre où se trouvait un grand sac de voyage.
« J'ai trouvé de vieilles affaires à toi chez mes parents. T'as des problèmes avec les vêtements que tu portais ado ?
-Aucun.
-J'en étais sûr ! s'exclama le grand blond en jetant le sac sur son épaule. »
Il monta les marches deux à deux, Martijn à sa suite. Quand ils passèrent la porte d'entrée, Bruce se trouvait juste de l'autre côté, surpris de les voir débarquer de si bon matin.
« Bonjour Bruce !
-Bonjour monsieur.
-Dîtes, vous pourriez garer la voiture qui est dans la cour au garage ? Je pense pas qu'on partira du week-end.
-Bien entendu, monsieur, assura le majordome en attrapant les clefs que lui lançait Louis.
-Super ! Merci Bruce. Je vais aller poser les affaires dans ma chambre.
-Elle n'est pas faite, monsieur, prévient Bruce. Madame ne nous avait pas prévenu de votre arrivée.
-Elle n'était pas au courant. Mais vous en faites pas. Les draps sont toujours dans le placard de gauche ?
-Oui.
-Parfait ! Je m'en occupe ! assura Louis en montant déjà l'escalier.
-Dois-je prévenir Madame ?
-Oui, lui confirma Martijn qui était encore au rez-de-chaussée.
-Que dois-je lui dire ?
-Euh... Qu'on passait dans le coin et qu'on a décidé de s'arrêter.
-Très bien.
-Merci Bruce.
-Je suis content de vous voir, Martijn. Ça fait très longtemps qu'on ne vous avait pas vu ici, avoua Bruce en perdant pour une fois un peu de son professionnalisme.
-Je suis aussi content de vous voir, lui sourit Martijn. Je... Je devrais peut-être aller vérifier qu'il se débrouille avec le lit.
-Bonne idée. Je vais demander à Natalie de vous préparer un vrai petit-déjeuner.
-C'est parfait ! À tout de suite, Bruce. »
Le majordome l'avait salué d'un signe de tête et puis Martijn était monté vers les étages à la suite de Louis. Martijn connaissait ce château, il savait exactement quelles marches éviter pour ne pas glisser, ça n'avait pas changé depuis leur enfance. Il était rapidement arrivé devant la porte de la chambre de Louis. Il n'avait pas frappé à la porte, de toute façon Louis ne lui aurait sûrement pas répondu alors qu'ils allaient devoir parler. Ils venaient de se taper huit heures de route, pour se retrouver à même pas deux heures d'Amsterdam et Martijn n'avait aucune explication, mis-à-part un « c'est terminé ». Alors il estimait avoir gagné le droit d'entrer sans frapper.
« Louis ?
-Mmmh ? répondit l'interpellé en ouvrant le sac de son ancien appareil photo.
-Tu fais quoi là ?
-J'ai trouvé mon vieil appareil dans le placard. Je crois que je vais aller faire un tour à la roseraie ; ou aux écuries. Je sais pas encore.
-Non, non, non. Tu ne vas nulle part, assura Martijn en rattrapant Louis par le bras. Faut qu'on parle. Et Natalie nous prépare le petit-déjeuner. Donc tu restes ici.
-Non. Martijn. J'ai pas envie, répondit Louis en se dégageant. Et j'ai pas faim non plus.
-Tu fais chier Van Den Wall ! s'énerva finalement Martijn. Tu fais vraiment chier !
-Toi aussi ! Tu me fais chier aussi, Gelderman ! »
Louis avait commencé à descendre les escaliers en adressant un joli doigt d'honneur à son ami. Franchement, Martijn avait très envie de le rattraper et de l'obliger à lui raconter clairement ce qui l'avait mis dans un tel état. Sauf qu'au fond, il savait que ça ne servirait à rien parce que Louis ne lâcherait rien comme ça. Et ça énerverait encore plus Martijn. Donc décidément ça n'allait rien arranger. Alors Martijn n'avait rien dit et l'avait laissé partir. Il était retourné dans la chambre et s'était occupé de faire le lit. Cette activité avait toujours eu le don de le détendre, même un tout petit peu. Et puis il était descendu à la cuisine où Natalie terminait du pain perdu. Il l'avait remerciée une première fois quand elle avait posé une assiette composée de grandes tranches de pain et encore plus quand elle avait discrètement posé un énorme pot de Nutella à côté de lui. Depuis quelques mois, Magda n'achetait plus que de la pâte à tartiner bio, et on ne pouvait pas faire avaler à Martijn que ça avait le même goût que le vrai, parce que ce n'était clairement pas le cas. Puis elle l'avait laissé petit-déjeuner en paix, non sans avoir précisé qu'il restait des tranches pour Louis.
Son téléphone avait vibré plusieurs fois sur la table ; au moins quatre. C'était Louis à chaque fois. Martijn n'avait pas répondu. De un parce qu'il mangeait l'un des meilleurs pains perdu qu'il n'avait pas mangé depuis des années ; de deux parce qu'il en voulait un peu à Louis.
De LOUIS:
Je suis désolé.
Décroche stp.
De MARTIJN:
Non.
De LOUIS:
Je suis désolé, je t'ai dit !!!
Maintenant décroche.
De MARTIJN:
Non.
Je mange.
De LOUIS:
Quand t'auras fini de bouder, je suis dans les tribunes du manège.
Je t'attends.
De MARTIJN:
OK.
Louis détestait les « OK. », il préférait les « ok », il trouvait ça moins brusque, plus poli. Martijn avait écrit son dernier message avec un point exprès ; le tout en avalant une dernière cuillère de pâte à tartiner. Il avait été apporter la vaisselle à la plonge et était sorti du château. Il faisait plutôt bon ; les allées et alentours du château étaient encore calmes et abandonnés, Martijn aimait beaucoup cette ambiance. Il était tranquillement retourné à l'entrée du château, avait passé par la petite porte qui menait directement à l'un des bâtiments de box, puis tourné à droite et longé cinq stalles pour ressortir du bâtiment. Une fois à l'extérieur, il avait suivi l'allée gravillonnée qui entourait le manège. Arrivé au bout, il monta l'escalier extérieur pour enfin arriver aux tribunes qui ne supportaient personne à l'exception de Louis. Martijn était descendu à son niveau en marchant sur les sièges, et en trois ou quatre enjambées, il était arrivé sur le siège à côté de son ami.
Ils n'avaient rien dit dans un premier temps. Louis avait son appareil photo dans les mains et semblait concentré à suivre tous les mouvements du couple cavalier-cheval qui évoluait devant eux. Il n'y avait pas de bruit autour d'eux, juste la respiration forte de l'équidé et le bruit amorti de ses sabots sur le sable. C'était un silence apaisant.
Au bout d'un moment, finissant par réellement croire que Louis l'avait fait venir ici pour ne rien dire, Martijn se sentit obligé de préciser :
« Je boudais pas vraiment, mais... Natalie avait fait du pain perdu et elle avait sorti le pot de Nutella alors... »
Louis abaissa finalement son appareil. De toute façon, le cavalier semblait avoir décidé que la séance était terminée pour aujourd'hui car, sans mettre pied à terre, il quitta l'enceinte couverte.
« Je lui ai dit des trucs vraiment horribles.
-À Rika ?
-Ouais.
-Genre ?
-Genre des choses que je ne pensais pas, que je n'aurais jamais dû dire. Des choses... Qui l'ont blessée. Je l'ai vu dans ses yeux.
-Et comment t'en es arrivé là ?
-Elle... Je... Je voulais qu'on parte en week-end.
-Et ? C'est rares les engueulades de couples quand tu proposes un week-end.
-Je sais pas. La date ne lui allait pas, alors que je voulais qu'on parte pour nos un an, tu vois ? Donc on pouvait pas vraiment décaler la date de nos un an...
-Je vois.
-Je crois qu'on était tous les deux un peu énervés et fatigués, et une chose en apportant une autre, on a commencé à se dire des trucs vraiment horribles.
-Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?
-Que j'avais voulu la présenter à ma famille juste pour qu'on couche ensemble une fois rentrés. Mais c'est pas pour ça, Marty !
-Je sais.
-Tu me crois, toi ?
-Oui. Oui, je te crois Louis.
-Ok. Je... Je voulais juste lui dire que je l'aime. Mais... Je sais pas dire ces trucs-là, Martijn.
-Je suis sûr qu'elle regrette autant que toi. C'est jamais facile les disputes, je suis bien d'accord. Mais vous allez vous parler en rentrant à Dam et... Ça va aller mieux.
-J'en suis pas certain.
-Pourquoi ?
-Parce que je crois qu'elle pensait sincèrement ce qu'elle m'a dit cette nuit. Et moi, je suis pas sûr de pouvoir oublier comme ça. Juste avec un « excuse-moi », un joli sourire et un claquement de doigts. Je suis pas sûr qu'on était prêt pour cette dispute. Je pense qu'on était pas encore assez forts.
-Louis...
-Je l'aime, coupa Louis. Je l'aime. Mais pour l'instant, je la déteste.
-Tu la détestes ? répéta Martijn un peu surpris.
-Je la déteste d'avoir eu raison dès le début. Parce que dès le début, elle savait qu'on allait droit dans le mur. »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top