Chapitre 47 - Le Bon Tempo

Chapitre Quarante-Septième

Pourquoi n'y avait-elle pas pensé avant ? Ça, c'était une vraie question. Pourquoi Magda n'avait-elle pas pensé avant qu'il allait falloir ouvrir le bal de leur mariage. Autre façon de présenter le problème : il allait falloir qu'elle danse devant tout le monde. Et ça... Ça, ce n'était pas possible.

Tout lui était apparu jeudi dernier. Comme tous les jeudis, Martijn et Magda s'étaient retrouvés au café. Et derrière leur ordinateur, Martijn avait voulu choisir la chanson qui allait ouvrir le bal, la chanson sur laquelle ils danseraient, tous les deux, devant tout le monde.

« Perfect, c'est bien ça non ? fit Martijn en passant en revue toutes les chansons écrites par Ed Sheeran.

-Trop vu. Et re-re-revu, souffla Magda en se laissant tomber au fond de son siège. Cette chanson à presque dix ans et doit être entendu à tous les mariages d'Europe si ce n'est du monde entier !

-Tu ne veux pas y mettre un peu du tien ? souffla Martijn en passant sa main dans ses cheveux.

-Faut qu'on prenne des cours, lâcha-t-elle soudainement.

-Pour choisir notre chanson ? Je pensais sincèrement qu'on était capable de la trouver pas nous-même, tu sais...

-Pour danser, Martijn. Il faut qu'on prenne des cours de danse. Parce je suis nulle en danse, quand je danse les gens rient.

-N'importe quoi.

-Martijn.

-Ils sourient. Ils ne rient pas.

-Ah ! Ça change tout. Ils sourient. Non, c'est hors de question que ces trois minutes soit les trois pires minutes de cette journée. Donc ça sera des cours de danse et pas d'Ed Sheeran. Même pas la peine d'y penser. »

X+X+X+X+X

On était samedi. Et pas n'importe quel samedi. Le samedi que Martijn avait posé exprès pour pouvoir s'occuper avec Magda des réponses à leurs faire-parts. Et franchement, il n'avait pas imaginé que ça allait être aussi comique. Peut-être aurait-il dû se méfier quand ils avaient mis presque un mois à avoir les adresses de certains des invités. Comme s'ils n'avaient que ça à faire. Enfin, toujours était-il que les réponses avaient commencé à arriver et qu'il fallait bien les ouvrir ces fichues réponses que Magda s'appliquait à stocker dans un casier en bois depuis des semaines ; et ils avaient convenu de faire tout ceci cette après-midi. Martijn avait même acheté des ours en guimauve exprès pour l'occasion. Il allait pouvoir en boulotter pendant tout l'après-midi.

« On fait comment ? demanda Magdalena en s'essayant face à Martijn sur le grand tapis au centre de l'appartement.

-Renverse tout. Y en a un qui lit les réponses et l'autre qui coche ? proposa Martijn en avalant un premier ours.

-J'ai pas de meilleure idée donc va pour ta technique, concéda Magdalena en reversant d'un coup tout le casier. Je lis ?

-Ja.

-Et Marty ? Finis le premier ours avant d'en prendre un autre. »

Martijn adressa son plus beau sourire à Magda - celui avec les dents recouvertes de chocolat - avant d'attraper la liste des invités qu'avait imprimé Magdalena.

« Juste avant qu'on commence. Jasper et Anita ont dit à ma mère qu'ils seraient là tous les deux, mais qu'ils ne savaient pas pour mes cousins.

-Voilà. Ça commence..., souffla Magda.

-Quoi ?

-Quoi ? Mais Martijn ! Est-ce qu'on a noté le numéro de ta mère sur les faire-parts ? Non ! Est-ce qu'on a mis le nom de ta mère sur les faire-parts ? Non ! Non ! Et l'idée c'est que les réponses arrivent à l'adresse mail qu'on a marqué sur les faire-parts, ou même un appel ou un SMS à un des trois numéros qu'on a marqués sur les faire-parts. Mais pas à ta mère ! Après, on va courir partout pour avoir les bonnes réponses et ça va être le bordel !

-Tu veux que je dise à Anita de t'appeler ?

-Non. Ça va aller.

-Okay ! Parfait. Allez, vas-y ! Première enveloppe ! »

Et Magda avait commencé la lecture des différentes réponses.

« Tu vois, je te l'avais dit que mon oncle ne viendrait pas, s'exclama Magda en brandissant la réponse négative de son oncle Noël. Excuse: Nantes, c'est trop loin de Cap Town.

-Bon... En même temps, c'est pas tout à fait faux, tenta de le défendre Martijn.

-Son fils fait bien le déplacement, lui.

-T'arrêtes pas là-dessus. C'est pas grave. Vas-y la suivante...

-Ta collègue de la galerie sur Da Wallen. Elle est pas mal celle-ci aussi.

-Qu'est-ce qu'elle dit ?

-Qu'elle craint qu'il y ait trop de neige. On sera en octobre ! Y a pas de neige en octobre ! Et y a même jamais de neige en octobre à Nantes. Elle aurait au moins pu faire l'effort de trouver une vraie excuse et faire genre ça lui faisait plaisir qu'on pense à elle...

-C'est Elka ?

-Oui.

-Ouais. Ça ne m'étonne pas, t'inquiète. On loupe rien avec elle. Suivant !

-Ma cousine.

-La quelle ?

-Bénédicte.

-C'est en rapport avec ses enfants ?

-Oui. Elle n'a personne pour les garder.

-Bah elle peut pas demander à leur père ?

-Faut croire que non. Tiens, écoute la réponse de ma cousine.

-Laquelle ?

-Hortense. « Je serai présente. Si j'ai un copain d'ici là, je l'emmène. Ou si je reparle à mon ex, je viens avec lui. ».

-Elle me fait trop rire, répondit Martijn en cherchant son nom sur la liste. Je mets plus un et au pire ça fera plus à manger pour les autres. On échange ?

-Si tu veux, accepta Magda en attrapant la liste. C'est quoi ces dessins que t'as fait ?

-J'ai mis des petits cœurs à côté des gens qui viennent et un cœur brisé à côté de ceux qui ne viennent pas. »

Martijn attrapa une première enveloppe accompagnée d'un ours et lut la première réponse. Et puis il continua sur sa lancée, en accompagnant chaque enveloppe d'un bonbon.

« Tu peux mettre un cœur brisé à côté de Selina, indiqua Martijn.

-Son excuse ?

-Elle verra si elle n'a rien d'autre de prévu ce jour-là. C'est bien, elle a le sens des priorités.

-Elle a vraiment répondu ça ?

-Oui.

-Mais elle sait que t'es son patron ?

-Pas encore.

-Mais en octobre, tu le seras.

-Ouais. Je pense pas qu'elle ait percuté. J'ai une réponse de Simon, ton pote français. Il peut pas parce qu'il ne veut pas voir Bastien.

-Sans déconner ?!

-Il précise que si Bastien ne vient pas, peut-être qu'il pourra faire le déplacement. Peut-être.

-Ouais, bah je préfère ne pas le voir et avoir Bastien et Marie.

-Bien ! Bye-bye Simon ! répondit Martijn en balançant l'enveloppe par-dessus son épaule. Et on passe à la dernière... Louis a vraiment répondu à notre faire-part ? s'étonna Martijn en reconnaissant l'écriture de son ami sur l'enveloppe bleue.

-Oui, enfin c'est celui de Rika. Il est même venu déposer lui-même l'enveloppe dans le casier.

-C'est quoi l'embrouille ? « Mes chers Magda et Marty. Vous avez décidé de passer le lourd cap du mariage. Autant vous dire que, sans surprise, je n'y crois pas. Et avant que vous décidiez de vous aimer jusqu'à ce que la mort vous sépare, je me permets de vous rappeler que 44% des mariages finissent en divorce (après je me dis qu'après vous êtes supportés pendant dix ans, vous avez fait le plus dur). Je ne vous parlerai pas de toutes les séparations dans ma famille parce que vous avez prévu de toutes petites cartes réponses et que Rika refuse que j'utilise SON carton pour écrire mes « bêtises » (ce sont ses termes). En tout cas, je serai là pour témoigner de votre amour jusqu'à ma mort. PS: Rika sera présente. Et son cavalier, c'est moi. ». Il me fatigue..., conclut Martijn en souriant.

-Ça lui ressemble bien de faire ça, rit Magda en entourant les prénoms de Rika et Louis d'un grand cœur. Fini ?

-Oui.

-Il nous manque des réponses, constata Martijn en jetant un coup d'œil sur la liste. Chez tes collègues du lycée notamment.

-Aucun ne pourra venir. Ils m'ont tous dit que c'était pas possible en semaine. Ce que je comprends tout à fait ; mais y a quand même Benoît qui peut pas parce qu'il a poney.

-Pardon ?

-C'est ce qu'il m'a dit. Enfin pas vraiment, mais presque. Il m'a sorti quelque chose du genre: « Tu te maries un mercredi ? Ça m'arrange pas du tout. Ma femme travaille le mercredi et puis l'après-midi, mon fils à poney. Et puis le mercredi, j'aime bien prendre de l'avance sur mes copies, tu comprends ? » Euh... Non. Pas vraiment, non. J'aurais mieux compris si tu m'avais juste dit que t'avais cours le lendemain.

-Au moins tu pourras dire qu'on t'a vraiment sorti cette excuse une fois dans ta vie, rit Martijn. »

Au final, ils avaient eu plusieurs refus. Certains les avaient plus déçus que d'autres, certains les avaient plus émus, comme Théophile et Arlette, qui avaient expliquer être trop malades pour faire le trajet jusqu'à la région nantaise ; ou encore Urielle qui expliquait que la date correspondait à la date prévue de son accouchement. Mais à bien y regarder, ces refus les avaient arrangés, car ils permettaient un vrai écrémage de la liste qui comportait presque cent-vingt noms à l'origine ; ils n'étaient « plus que » quatre-vingt quinze. Ce qui les classait bien sûr dans la classe des grands mariages ; mais c'était un grand mariage qui se passerait avec leurs familles, leurs amis et c'était ce qui les importait le plus.

X+X+X+X+X

On était mardi soir. Ok, une sortie en semaine ce n'était pas très sérieux, mais Rika avait proposé une sortie collective. Oui, Rika. Même Louis n'en n'était pas revenu. Du coup, tous ceux qui avaient pu répondre présent avaient fait le déplacement. Ils étaient donc six dans ce bar à tapas de Grachtengordel. Et Martijn avait commencé à parler du délire féministe de Magdalena avec son futur nom de famille.

« Et Magdalena ne s'est toujours pas décidée, conclut Martijn en attrapant à manger dans le plat qu'il partageait avec Jan. Ça va faire un mois.

-Déjà, ça fait trois semaines. Et ensuite, j'ai trouvé la solution.

-Ah ! Bah ravi de le savoir !

-Vas-y développe, l'encouragea Louis.

-C'est très simple. Pour l'école, je garde mon nom. Entre nous et tout le côté privé, je prends ton nom. Et pour les papiers officiels et tout ça, tout ça, je mets un tiret entre nos deux noms.

-Très simple. C'est le terme, se moqua gentiment Louis.

-Ouais... En fait, t'as pris aucune décision, résuma Martijn.

-J'ai pris trois décisions en une ! se défendit Magda. Je trouve que c'est de l'hyper efficacité.

-Trois décisions qui ne sont même pas légales, j'en suis sûr, répondit Louis. Faudrait demander à Hannah. Mais le plus simple serait quand même que tu prennes le nom de Marty. Et puis pour le répertoire de mon téléphone, ça m'arrange.

-Tu me fatigues, Louis, soupira Magda en prenant un tapas dans l'assiette de ce dernier.

-Hé ! Du calme ! »

X+X+X+X+X

« Magda ! s'écria Martijn en claquant la porte de l'entrée. »

Il ne prit même pas la peine d'enlever ses chaussures, il alla directement voir Magdalena à son bureau qui, ses écouteurs sur les oreilles, ne l'avait pas entendu entrer. Il posa alors un prospectus par-dessus ses copies.

« Jan m'a parlé de ça.

-Jan ?

-Ouais... En fait... J'en ai parlé à Staas, qui en a parlé à Jan, qui en a parlé à sa meuf. Et les cours de cette prof de danse sont revenus vers nous par chemin inverse. Bref, tu voulais des cours de danse ? Voilà des cours de danse.

-T'es sérieux là ?

-Oui. Et Alice en a parlé à Jan parce qu'elle connaît la prof et qu'elle accepte de nous prendre en cours d'année. Donc, on aura un cours par semaine et on commence demain dix-neuf heures trente. Laura trouve mon idée merveilleuse ! Je l'ai eue au téléphone.

-Hein ?

-Plus d'excuses ! On dansera à notre mariage.

-Mais on n'a même pas encore trouvé la chanson...

-Mais on sait qu'on veut une valse.

-Non, non, non. Tu veux une valse, corrigea immédiatement Magdalena.

-Toi. Moi. Nous. Tout ça c'est pareil, rit Martijn en enlevant ses baskets en un coup de pied maîtrisé en direction de la cuisine. N'est-ce pas ?

-Ouais... A peu de choses près... assura Magdalena avec un faux air détaché qui fit sourire Martijn.

-Je suis super pressé qu'on commence, maintenant, expliqua-t-il en attrapant ses baskets pour les ranger. Ça va être cool.

-Ça va être drôle surtout. C'est sûr que toi, tu vas bien rire...

-Magda ! cria-t-il depuis l'entrée. C'est normal de pas bien danser à des cours de danse. Si tu savais bien danser, tu prendrais pas de cours. Relativise un peu. Ça va être sympa.

-Si tu le dis... »

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