Chapitre 41 - Le Château des Van Den Wall
Chapitre Quarante-Et-Unième
Après avoir raccroché, Martijn était resté un moment les yeux fermés dans le canapé. Il serait bien resté là à dormir. Mais sa mère avait la fâcheuse tendance à se lever à sept heures tous les matins, quelque soit l'heure du coucher. Et Martijn avait une sainte horreur d'être réveillé d'aussi bonne heure en vacances. Alors il avait rassemblé tout son courage pour se lever du canapé et gravir les quelques marches qui le séparaient de sa chambre. En ouvrant la porte, il s'attendait à trouver Magda endormie au milieu de son lit d'adolescent, mais non. Le lit était vide et le babyphone abandonné sur l'oreiller. Il avait hésité entre se coucher lui-même au milieu du lit ou aller vérifier que Magda ne s'était pas endormie en berçant Faustine. Il avait choisi la deuxième option et il eut raison. En entrant dans la chambre de Faustine, il trouva Magdalena, sa nièce dans les bras, endormie sur le rocking-chair. Il avança dans la pièce pour aller doucement réveiller Magda. Il remit une mèche de cheveux blonds derrière l'oreille de la jeune femme, ce qui eut comme conséquence de lui faire ouvrir les yeux.
« T'en a mis du temps ? T'étais où ?
-En bas. Louis m'a appelé, répondit Martijn en chuchotant. Viens te coucher.
-Elle dort si bien là...
-Justement. Profites-en pour la coucher et t'éloigner avant qu'elle se réveille encore une fois. »
Magda regarda encore avec attendrissement Faustine dormir dans ses bras, puis finit par se résoudre à aller remettre le bébé dans son berceau. Martijn l'attendait dans le couloir.
« Tu t'es levée pour elle ?
-Elle pleurait. Et toi t'avais disparu des écrans radars.
-Mais t'avais dit que tu ne te lèverais pas.
-Je ne suis pas sans cœur non plus, se défendit Magda en lançant un oreiller en direction de Martijn. Louis n'allait pas bien ?
-Il était un peu... Dans le doute. Mais je crois que ça va mieux là.
-À propos de ?
-De Rika, de sa famille, de la réunion des deux.
-Ça a l'air compliqué avec sa famille.
-Disons que Louis détonne un peu dans le paysage.
-Je vois... Et quand tu dis dans...
-Magda ? Tu ne veux pas dormir ? Et on reprend cette conversation dans l'avion ?
-Mais...
-On va faire ça. Je t'assure. Dors. »
X+X+X+X+X
C'est le père de Rika qui les avait déposés, elle et Louis, à la gare de Breda. Autant dire que le trajet s'était déroulé dans un silence assez pesant. Ils étaient arrivés avec dix bonnes minutes d'avance, et pour une fois, ça allait bien à Louis d'attendre dans le froid qui régnait sur l'unique quai de la gare.
Pour le trajet en train, ils avaient réussi à trouver des places de quatre, Louis les préférait parce qu'il pouvait allonger ses grandes jambes sans être gêné. Rika avait profité de la petite heure train pour avancer sur le livre de Victor Hugo que lui avait prêté Laura alors que Louis avait choisi de ne rien faire sur son téléphone.
Le train était arrivé à la gare de Eindhoven à onze heures. Ils avaient préféré attendre que tout le monde sorte avant de prendre les escaliers pour sortir de la gare. Une fois à l'extérieur, ils débouchèrent sur un immense parking. Rika se mit alors à chercher du regard toute personne susceptible de pouvoir faire partie de la famille de Louis. Elle cherchait donc quelqu'un de grand ou de blond. Ou les deux. Mais il n'y avait qu'un petit homme bientôt chauve qui se tenait devant une sublime Rolls Royce.
« Qui est-ce qui est censé venir nous chercher ? finit par demander Rika.
-Bruce. Il est là-bas.
-Qui est Bruce ?
-Le majordome de ma grand-mère, expliqua-t-il en partant vers la seule âme qui vive sur le parking. »
Et là, Rika se dit que Louis avait eu raison ce matin : elle n'avait pas vraiment pris conscience de la famille dans laquelle elle était tombée.
« Bonjour Madame. Bonjour Monsieur Louis.
-Bonjour Bruce, répondit-il en lui tendant une main.
-Je vais m'occuper de vos bagages, monsieur.
-C'est bon. Je m'en occupe. Merci. »
Louis s'occupa lui-même d'ouvrir le coffre pour y entreposer leur deux bagages. Le majordome ne semblait pas plus offusqué que cela de la réponse de Louis et s'était plutôt occupé d'ouvrir la porte arrière du véhicule pour Rika. Elle hésita quelques secondes avant de s'engouffrer dans le véhicule. Louis avait préféré contourner et entrer de la voiture par l'autre porte. Elle s'attendait à ce qu'il lui dise quelque chose, mais Louis était resté silencieux. C'était comme si depuis qu'il était descendu du train, Louis avait pris... Dix ans. D'un coup. Il était assis bien droit, bien calé au fond de son siège, le regard qui se perdait dans le paysage, ses mains croisées juste au-dessus du bouton de sa veste ; il avait même croisé ses jambes. Rika le trouvait incroyablement beau à ce moment précis. Elle approcha doucement sa main des cheveux de Louis, juste pour replacer une mèche qui s'était sentie d'humeur rebelle. Il n'avait même pas réagi.
Le trajet avait duré un peu plus de vingt minutes, mais Rika ne l'avait pas vu passer, bien trop occupée à imaginer ce qui allait se passer pour le reste de la journée. Elle ne revint à la réalité que quand elle sentit la main de Louis se poser sur la sienne. Elle se rendit alors compte que les quartiers résidentiels qu'ils avaient eu à traverser avaient laissé place à des champs habités par quelques moutons. La voiture roulait sur une interminable ligne droite bordée d'arbres à intervalles réguliers. Puis la voiture finit par ralentir, en même temps que de sublimes maisons en briques rouges prenaient petit à petit la place des animaux de la ferme. Elle avait ralenti jusqu'à la muraille. C'était littéralement une énorme muraille. Avec des douves pleines d'eau creusées juste devant et avec des meurtrières aussi. C'était le genre de truc qu'on ne voit que dans les châteaux-forts des livres d'histoires. La voiture avait tourné à droite pour longer cette muraille sur plusieurs mètres, jusqu'à arriver au niveau d'un petit pont-levis qui passait sous une barbacane. Juste face à eux se dressait une barrière démesurée en fer forgé noir. Bruce s'arrêta en attendant que les deux pans du portail s'ouvrent. Rika remarqua alors l'immense porte en bois, peinte en blanc et rouge qui était fermée sur leur gauche. Elle aurait bien demandé à Louis ce qui se cachait derrière, mais elle avait bien sentit que ce n'était pas vraiment le moment, et puis de toute façon le portail avait fini de s'ouvrir pour laisser la voiture s'avancer dans le parc. Rika n'avait pas tout de suite bien déterminé les formes de la bâtisse mais petit à petit, à travers les arbres sans feuilles qui bordaient la route, elle avait vu le château.
Elle n'avait pas pensé à demander à Louis de quel type de château il s'agissait quand il lui en avait parlé. Elle avait bêtement imaginé un petit château de famille qui au final ressemblerait plus à un grand manoir, genre... Genre la maison des Valencourt en plus grand. Mais elle avait eu tord. Parce que quand Louis parlait de château, il parlait d'un vrai château. Un château entouré de douves et de jardins à la française.
« Lou...
-Je t'avais bien dit que tu ne comprenais pas de quoi je te parlais, avait-il coupé en serrant un peu plus la main Rika dans la sienne. »
Elle avait légèrement bougé sa main afin d'entremêler leurs doigts, puis avait reporté son regard par la fenêtre alors que le véhicule contournait le château néogothique en longeant le bassin qui l'entourait. La voiture avait fini par s'arrêter juste devant l'entrée. Rika sut que c'était l'entrée parce qu'il y avait une herse levée, parce que les quelques marches en béton étaient flanquées d'immenses gargouilles en pierre et parce que la lourde porte s'était ouverte.
C'est la voix de Bruce qui avait sorti Rika de sa contemplation :
« Bienvenue à la maison, monsieur. »
Son regard avait croisé celui de Louis dans le petit rétroviseur intérieur et le jeune homme avait esquissé un sourire au majordome avant d'ouvrir lui-même la porte de la voiture. Rika vérifiait les plis de sa robe pour ne faire aucun faux pas. Elle avait passé bien plus de temps qu'elle pensait, car Louis avait eu le temps de faire tout le tour de la voiture pour ouvrir sa portière.
« Prête ? »
Elle avait envie de lui répondre « non » mais à la place elle attrapa la main que lui tendait Louis. Elle ne la lâcha plus de la journée.
« Louis ! s'écria une femme d'un certain âge en s'avançant vers eux. »
La première chose que remarqua Rika ce fut ses cheveux, sûrement parce qu'ils étaient exactement de la même couleur que Louis ou peut-être parce qu'ils étaient sur-permanentés.
« Vous avez fait bon voyage ? Tu sais que Bruce aurait très bien pu venir vous chercher à... Breda.
-Non. Vraiment, le train était parfait.
-Ça n'aurait pas déranger Bruce et puis la voiture ne roule pas assez je trouve.
-Le train était parfait, réitéra Louis sur le même ton que la première fois.
-De toute façon, tu n'aurais pas changé d'avis, j'imagine... Alors... Tu nous présentes ? finit-elle par demander en se tournant vers Rika.
-Oui... Oui, bien sûr et bien, Grootmoeder, je vous présente Frederika. Rika, voici ma grand-mère. »
Cette dernière resta un moment sans réaction devant la jeune femme et la toisa rapidement. Et même avec la main de Louis toujours dans la sienne, Rika n'en menait vraiment pas large. La femme devant elle dégageait un charisme qui vous imposait le respect. Elle le savait ; et elle en jouait.
« Madame Van Den Wall Van Nagell den Brieller de Haar, dit-elle en lui tendant la main.
-Enfin, Helene suffira, assura Louis en adressant un sourire forcé à sa grand-mère. Et puis on pourrait peut-être rentrer, non ? Il fait un peu froid.
-Et nos bagages ? se souvint soudainement Rika.
-Ils ont déjà été apportés dans vos chambres, répondit Helene en levant les yeux au ciel devant tant d'innocence. Tout le monde vous attend déjà dans le petit salon du premier étage, et la cérémonie dans la chapelle commence dans une heure. Il ne faut pas être en retard. »
Et la châtelaine se retourna pour entrer la première dans sa demeure. Rika n'osait même pas bouger. Ils devaient rester ici jusqu'à quand déjà ? Ah oui. Dimanche. Les quatre prochains jours allaient être interminables.
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