Chapitre 36.1 - Cuisine et Concessions
Chapitre Trente-Sixième - Partie I
Jan n'avait jamais beaucoup aimé le mois de novembre à Amsterdam. C'était juste une question de météo. Cette fichue météo qui l'empêchait de sortir sans sortir couvert par un vêtement de pluie qu'il détestait. Ce qui amenait Jan a souvent passer ses soirées chez lui. Sauf que ce soir, il n'avait pas envie de rester chez lui, mais en même temps, il n'avait envie de voir personne. Mais que Louis avait eu des arguments convaincants alors Jan était venu. C'est pourquoi il se retrouvait assis entre Staas et Martijn dans ce bar de Keizergracht. Il lui semblait que Magda et Martijn s'énervaient, mais il ne savait pas pourquoi et à vrai dire, il s'en fichait pas mal.
« Et toi tu préférerais quoi, Jan ? demanda soudainement Martijn.
-Pardon ?
-Pour la cuisine ? Tu prendrais plutôt la noire, la blanche ou la grise ?
-Ah... Euh... Grise. C'est bien le gris, assura-t-il en ne prenant même pas la peine de regarder les photos qui lui montrait Martijn sur son téléphone.
-De toute façon, ça serait Hannah qui aurait le choix final, devina Staas. N'est-ce pas ?
-Ouais. Sûrement. Et elle ferait bien comme elle veut. Je vais me chercher un verre, conclut Jan en se levant de table. »
Une fois qu'il fut assez éloigné, Louis se décida enfin à poser la question que tout le monde se posait depuis le début de la soirée.
« Qu'est-ce qu'il a, Jan ?
-Avec Julian et Hannah qui sont malades, il doit être un peu fatigué, tenta Eleonore, la copine de Staas qui faisait sa première soirée avec eux.
-Je vais le voir, fit Martijn en se levant pour aller rejoindre son ami au comptoir du bar. Jan ?
-Mmmh ?
-Qu'est-ce qui va pas ?
-Rien.
-Jan. S'il te plaît. »
L'interpellé ne répondit pas, il se contenta de lever le bras pour interpeller le barman et passer sa nouvelle commande.
« Hannah et moi, on se sépare, lâcha-t-il de but-en-blanc.
-Quoi ?! Comment ça ?
-On se sépare. On arrête notre couple. C'est fini, quoi.
-Vraiment ou c'est... Encore une crise ?
-Vraiment. Ça fait un moment que ça va plus, on va stopper les frais. C'est terminé. Mais c'est pas grave.
-Ça fait longtemps que ça dure ? Que ça s'effrite ? »
Jan ne répondit pas immédiatement. Il attrapa le verre que le serveur venait de poser devant lui et fit tourner le liquide dans le contenant.
« Six ou sept mois.
-Quoi ?! s'étonna Martijn surpris de n'avoir rien remarqué.
-Non. Plus. Bien plus. Je dirais avant la naissance de Julian. Mais ça fait six mois qu'on parle de se séparer sérieusement. On retourne avec les autres ?
-Jan ! Attends, fit Martijn en retenant son ami. Tu me balances ça comme ça... Je veux dire... Tu veux pas qu'on en parle un peu plus là ?
-Je vais chercher mon paquet de clopes.
-Ok. Je t'attends à l'extérieur. »
X+X+X+X+X
Après que Martijn et Jan soient sortis du bar, les conversations avaient repris de bon train sur des sujets divers et variés. Mais Magda ne suivait pas vraiment. Martijn l'avait vraiment énervée de ramener cette histoire de cuisine sur la table, et qui plus est avec tous leurs amis. C'était leur maison, à eux. C'était de sa cuisine dont il était question pas celle de leurs amis. Elle était perdue dans ses pensées quand elle sentit une main se poser sur son bras.
« Faut que j'aille faire un tour aux toilettes, signala Rika. Tu m'accompagnes ? »
Magda acquiesça de la tête et se leva pour suivre son amie dans les méandres du bar, à se faufiler difficilement entre les consommateurs du soir. Il y avait la queue aux toilettes, alors les deux jeunes femmes s'appuyèrent contre le mur pour ne pas gêner la circulation et attendirent patiemment que leur tour arrive.
« Ça va, toi ? finit par demander Rika pour faire passer le temps un peu plus vite.
-Oui, oui.
-Sûre ?
-C'est Martijn. Il m'a gonflée avec son histoire de cuisine.
-Oh ! J'ai trouvé ça plutôt drôle, moi. Non ?
-Non. Vas-y, c'est à toi, signala Magda en poussant doucement Rika vers une des cabines qui venait de se libérer. »
À peine la jolie blonde s'était-elle enfermée dans la cabine que Magda quitta la file d'attente pour patienter près des lavabos. Rika était réapparue quelques minutes plus tard, elle avait longuement observé Magdalena dans l'immense miroir qui lui faisait face tout en se lavant les mains.
« Qu'est-ce qui s'est passé en France ?
-Rien. Pourquoi ?
-Parce que depuis que tu es revenue, tu sembles être ailleurs, et triste. Affreusement triste. J'en conclus qu'il s'est passé quelque chose en France. C'est pas avec Martijn sinon j'en aurais déjà entendu parler, donc c'est pas en rapport avec le mariage, ni votre couple. C'est pas la maison non plus parce que Martijn en parle toujours avec le sourire ; et ne me dis pas que c'est parce que c'est son idée qu'il en parle comme ça, parce que je sais que tu t'es laissée tenter toi aussi. Alors que s'est-il passé en France ? »
Magda avait fixé son amie interloquée. Elle ne s'était pas sentie si épiée depuis leur retour. Comment Rika avait-elle pu remarquer tout ça ? Et puis elle se rappela que Rika en savait généralement bien plus juste en l'observant qu'en discutant avec elle. Alors elle ne se formalisa pas plus que ça.
« J'ai eu des nouvelles d'Augustin.
-Comment ?
-Il n'est pas revenu, si c'est ça la question. Je l'ai su par des amis communs. Si tu savais comme je me sens coupable...
-Il a refait ce qu'il t'avait fait à quelqu'un d'autre, c'est ça ? »
Magda détourna le regard, mais Rika se planta devant elle. Elle avait penché sa tête pour tenter d'accrocher le regard de Magdalena qui, elle, tentait juste de retenir ses larmes.
« Tu crois pas que j'ai assez pleuré pour ce connard ?
-Mais tu ne pleures pas pour lui, Magda. Tu pleures pour elle. Et je trouve ça plutôt rassurant, si tu veux mon avis. Ça veut dire que t'as toujours un cœur.
-J'arrête pas de me dire que j'aurais pu éviter ça.
-Comment ?
-J'en sais rien... Peut-être en la prévenant quand je l'ai vue au procès. Ou...
-Parce que tu crois sincèrement qu'elle t'aurait écouté ? coupa la néerlandaise. Je ne pense pas. Le fait qu'il ait choisi, ou qu'on lui ai conseillé de ne pas faire appel, sonnait déjà comme un demi-aveu et pourtant, elle ne s'est pas questionnée. Elle ne t'aurait pas écoutée. Comme tu n'aurais pas écouté si quelqu'un avait essayé de te prévenir quand tu étais à sa place. C'est comme ça. Tu sais, il y a un truc typiquement féminin qui fait qu'une femme croit toujours qu'elle peut changer un homme, qu'elle peut le guérir de tous ses maux, que son amour sera suffisant et la protégera du mal ; et à cause de ça, elle n'écoute jamais quand on tente de l'avertir.
-Toi, t'y arrives bien.
-À faire quoi ?
-À changer un homme. »
Rika laissa échapper un léger rire avant de reprendre :
« Je ne cherche pas à guérir ou à changer Louis. Je lui ai juste présenté un choix que j'ai fait. C'était à prendre ou à laisser. Il a choisi de prendre, mais personne ne sait où ça va nous mener et jusqu'à quand ça va tenir.
-T'es défaitiste...
-Mais de toute façon, il n'est pas question de nous là ! fit la petite blonde en secouant sa main comme pour rapidement évacuer le sujet. Il est question de toi. Écoute Magda, évite de trop culpabiliser avec ça. Garde bien à l'esprit que rien n'aurait pu éviter ce qui est arrivé. Ni toi, ni personne d'autre. Ce n'est pas de ta faute Magda. Je te le promets. »
Magda hocha légèrement la tête, tout en gardant sa lèvre coincée dans ses dents.
« T'as pris le temps de pleurer ?
-Non.
-Alors lâche cette lèvre, ordonna Rika en prenant son amie dans ses bras. Pleure un bon coup. Et puis après on ira demander à Louis de nous raconter des blagues. T'as le droit d'être triste. »
Quand Magda se rendit un peu compte de la situation, elle se dit que ça devait être sacrément étrange. Elles étaient quand même dans le couloir un peu dégueulasse des toilettes d'un bar d'Amsterdam, à se prendre dans les bras l'une de l'autre. Mais en même temps et étonnamment, avec son petit mètre soixante-et-un, Rika était rassurante. Magda se sentait soutenue. Et ça lui faisait un bien fou.
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