Chapitre 34 - Plan G

Chapitre Trente-Quatrième

En sortant de la piscine, ce samedi d'octobre, Magda avait été rejoindre sa mère à son hôtel. Elles avaient mangé ensemble, et Magda s'était soudainement rendue compte qu'elle avait des tonnes et des tonnes de choses à dire. En sortant du restaurant, elle avait proposé à Agnès qu'elles aillent voir le chantier de leur maison ; parce que c'était quand même mieux de voir ça en vrai. Agnès avait accepté de bon cœur. Alors la mère et la fille étaient retournées à l'appartement de Nieuwe Prinsengracht pour récupérer la voiture de Magda. Après la visite de la maison, où la jeune propriétaire avait pu expliquer en détail leur projet ; et c'était effectivement beaucoup mieux que sur les photos pour Agnès. D'autant que maintenant, la maison était complètement déblayée, certains murs étaient tombés, les ouvertures des futures baies vitrées et autres fenêtres avait aussi été réalisées la semaine précédente ; il était donc beaucoup plus facile de se rendre compte des volumes de chaque pièce et donc de se projeter. Magda était vraiment heureuse de partager ça avec sa mère. Tellement qu'elles avaient décidé d'appeler Matthieu en FaceTime pour lui montrer à lui aussi l'avancée du chantier. Après la fin de l'appel, elles étaient rentrées vers le centre-ville d'Amsterdam et l'hôtel d'Agnès pour le week-end. Cette fois-ci, Magda avait pris le temps de se garer pour aller prendre un dernier thé au restaurant de l'hôtel. Finalement, elles s'étaient quittées à plus de dix-huit heures.

En retournant vers sa voiture, Magda avait appelé Martijn, histoire de savoir ce qu'ils faisaient ce soir.

« Magda !

-Louis ?

-Oui. C'est moi. Attends... Marty, prends les galettes de riz qui sont là, s'te plaît.

-T'es où là ? Et pourquoi t'as le téléphone de Martijn ?

-Là ? Je suis dans le caddie de Martijn parce qu'actuellement, on fait les courses. On n'a pas réussi à se voir de la semaine, donc on n'a trouvé que ça: faire les courses ensemble comme un vieux couple.

-Et tu manges des galettes de riz maintenant ?

-Tu n'imagines même pas tout ce qu'on peut faire par amour... soupira Louis.

-Je peux vous rejoindre où vous préférez garder un moment entre boys ?

-Vas-y moque toi... Attends, je demande au grand chef. Martijn ? Est-ce que ta femme peut nous rejoindre ?... Ok. Il a dit oui, mais que si tu le laisses acheter du Nutella. Il a précisé du vrai Nutella et pas un truc bio dégueu. »

Magda était partie à rire puis avait fini par accepter de laisser Martijn acheter toutes les cochonneries qu'il voulait.

« Ok. Tu peux venir alors...

-J'arrive. »

X+X+X+X+X

Ce matin, Martijn s'était levé comme à son habitude. Donc, en premier. Il avait mis le café à couler, sorti les bols et les couverts, puis ouvert les rideaux avant d'aller réveiller Magda en douceur avec Groot. Ils avaient partagé leur petit-déjeuner et une petite heure plus tard, la jeune femme était partie pour la piscine.

Martijn était resté encore un peu de temps. Ce matin, il n'irait pas courir. Jan l'avait prévenu en début de semaine qu'il ne pouvait pas venir ce matin ; et Louis était injoignable depuis la veille au soir. Et puis surtout, Martijn n'avait pas du tout, mais alors pas du tout, envie d'aller faire du sport ce matin. Du coup, une fois que la porte se soit fermée derrière Magdalena, il avait pris le temps d'écouter sa playlist avec ses chansons, celle qu'il était le seul à aimer. Puis il s'était habillé pour aller voir sa sœur à la maternité.

Il était arrivé vingt minutes plus tard à la porte de la chambre de sa sœur. Au moment-même où il s'apprêtait à toquer à la large porte d'un orange délavé des plus horribles, la porte s'ouvrit sur un jeune homme roux qui lui adressa un petit sourire timide avant de s'éloigner dans le couloir, les mains rentrées dans les poches.

« Suzy ? fit Martijn en poussant la porte. C'est moi.

-Ah Marty ! Je t'attendais. On peut y aller, tous les papiers sont signés.

-Tout va bien ? s'enquit Martijn. T'as pleuré ?

-Non, non. C'est bon, répondit Suzanne en s'essuyant rapidement les yeux d'un revers de la main.

-Attends Suzy... Qu'est-ce qui se passe ?

-Rien. Martijn, s'il te plait, je veux juste rentrer chez pa et mam.

-C'est à cause du mec qui était là quand je suis arrivée ?

-C'est compliqué, répondit elle en ajustant le minuscule bonnet sur la tête de sa fille. Martijn, je te jure, je veux juste qu'on y aille.

-Ok, abandonna Martijn en scrutant le visage de sa sœur pour voir s'il ne pouvait pas avoir une ou deux informations supplémentaires, mais sans succès.

-Super. Tu peux prendre mon sac ? »

Suzanne attrapa l'anse du siège de sa fille et quitta la pièce sans se soucier du fait que son frère la suive ou non. Elle était directement allée à la voiture blanche qu'elle avait reconnue sur le parking. Martijn avait ouvert le véhicule à distance et Suzanne avait commencé à installé sa fille à l'arrière alors que Martijn avait entreposé son sac dans le coffre. Puis les deux Gelderman s'étaient assis à l'avant et le conducteur prit la direction de la maison de leurs parents.

Anouk avait surveillé l'arrivée de la voiture de son fils par la fenêtre. Elle avait réussi à s'arranger à l'hôpital pour avoir son après-midi et pouvoir accueillir sa petite-fille chez elle. Elle savait que le retour de sa fille à la maison ne serait pas at vitam aeternam ; c'était juste le temps pour Suzanne de trouver un nouvel appartement qui puisse les accueillir toutes les deux. Mais ça allait bien à Anouk parce qu'elle pourrait profiter des premiers jours de sa petite Faustine. L'Audi de Martijn était apparue au coin de la rue avant le déjeuner et Anouk avait sauté de joie avant même de sauter de son canapé. Elle attendait que ses deux enfants sortent du véhicule, mais ils ne semblaient pas décidés.

Dans la voiture, Martijn avait coupé le contact et avait bloqués les porte avant que Suzanne puisse s'échapper:

« Suzy... S'il te plaît... T'as rien dit de tout le trajet. Qu'est-ce qui se passe ?

-C'était le père de Faustine.

-Qui ?

-Le mec que t'as croisé à l'hôpital. C'était le père de Faustine, répéta Suzanne.

-Mais il avait... Vingt ans ?

-Ouais, bah je me souviens pas m'être beaucoup arrêté sur son âge avec toi, si ?

-Qu'est-ce qu'il voulait ?

-Me dire qu'il ne serait pas là. Comme si j'avais imaginé que ça serait le cas, soupira Suzanne en portant son regard par la fenêtre. Enfin comme si j'avais imaginé ma vie comme ça. Je veux dire... J'ai largué Félix quand je me suis rendue compte que je ne voulais pas d'enfant avec lui, et aujourd'hui, j'ai une fille sans père.

-C'est comme ça, Suzzy. Ce n'est pas parce que ce n'est pas le plan A que c'est nul. La vie peut te proposer de très jolis plan B. Et, je suis sûr que tu l'avais imaginé. T'avais imaginé qu'il serait là pour Faustine.

-Peut-être un tout petit peu. Mais alors vraiment un tout petit peu.

-C'est pas grave Suzy. C'est normal d'avoir pensé à ça.

-Il veut bien la reconnaître, mais pas s'en occuper. J'ai l'impression qu'il préfère oublier qu'elle existe. Alors que... Putain ! On est deux à avoir merdé ce soir-là. Et lui, il lui a juste acheté un petit bonnet adorable pour cet hiver et il lui a écrit une lettre pour s'expliquer.

-Il lui a écrit une lettre ?

-Oui. Il veut que je lui donne si un jour elle me pose des questions sur lui. Je sais même pas ce que je vais lui raconter...

-La vérité.

-Que son père veut pas d'elle ?

-Qu'elle était inattendue ; que tu l'aimes ; que son père n'était pas prêt pour l'accueillir ; mais qu'on l'aime. Tous. Qu'elle est entourée de gens qui tiennent à elle et qui l'aiment. Qu'elle est le plus sublime des plans B. C'est tout. Et le jour où elle posera des questions plus précises sur ses origines, tu sauras quoi lui donner. Ça va être aussi simple que ça. Ok ?

-Ouais... Ok. Et Marty ?

-Mmmh ?

-Comment tu fais ?

-Fais quoi ?

-Pour être exactement là où t'avais prévu d'être dans ta vie ?

-Qu'est-ce qui te fais dire ça ?

-Ta vie. »

Martijn fit tourner l'anneau de son porte-clef autour de son index encore une fois, puis il se laissa tomber au fond de son siège. C'était quoi leur problème à tous ? Pourquoi étaient-ils tous si persuadés que sa vie n'était qu'un long fleuve tranquille ?

« Tu sais... Parfois, j'aurais préféré... Prendre d'autres chemins. Et c'est pas parce que je suis heureux comme je suis que ma vie suit scrupuleusement le plan A. »

Surprise et quelque peu intriguée par la réponse de son frère, Suzanne le questionna encore.

« Parce que t'en ai au combientième là ?

-Je dirais... F ? Ou peut-être G avec Faustine qui est arrivée, ajouta Martijn en regardant sa nièce dans le rétroviseur.

-Mais t'es heureux au plan G ?

-Très.

-Donc je peux l'être avec le plan B ?

-Oui. Tu peux.

-Sûr ?

-Sûr.

-Ça va aller ?

-Ça va super bien aller. Tu verras. Et ça ira encore mieux quand on aura mangé, fit Martijn en débloquant les portières. En plus mam nous regarde par la fenêtre, elle va s'inquiéter.

-Magda nous rejoint ?

-Non, elle mange avec sa mère. Ce midi, c'est juste nous quatre, en famille. Enfin, nous cinq, en famille. »

X+X+X+X+X

Au supermarché, Magda avait retrouvé les garçons au rayon des bonbons et autres tablettes de chocolat. Elle leur avait parlé de son après-midi avec sa mère, de leur visite de la maison sur l'IJ, et leur fin d'après-midi au café de l'hôtel. Louis en avait profité pour demander des nouvelles des travaux et Martijn avait été ravi de lui parler de la dalle de béton qui allait être coulée en fin de semaine prochaine après le passage de l'électricien. Et puis ils avaient fini par arriver à la caisse et Louis avait dû, à contre cœur, descendre du caddie pour aider à tout transposer sur le tapis roulant.

« Vous faites quoi ce soir ? demanda Louis en réarrangeant tous leurs achats dans des cabas.

-Rien de spécial, répondit Magda en lui passant les paquets de pains de mie. Pourquoi ?

-J'appellerais bien Rika pour savoir si elle veut passer la soirée avec nous. On se fait un resto ou on squatte chez l'un d'entre nous. Ça vous dit ?

-Ouais ! Carrément ! En plus, on a vos faire-part à vous donner. Ils sont prêts.

-Super, je l'appelle dès qu'on a fini.

-Ça va entre vous ?

-Bah oui. Pourquoi ça n'irait pas ?

-Pour... Vos... Différentes... Philosophies de vie...

-Ah ! Tu parles de son côté végétarien ? Et bien... J'avoue que, parfois, je m'autorise une bonne entrecôte avec Jan au Cannibale Royale, donc je supporte. D'autant que la soirée finit régulièrement dans la boîte de nuit, juste à côté.

-Je ne parlais absolument pas de ça, soupira Magda.

-Ah... Je vois pas de quoi tu parles alors, répondit Louis en lui adressant un clin d'œil.

-On y va ? les interrompit Martijn en rangeant son ticket de caisse dans son portefeuille.

-J'ai pas payé ! s'exclama soudainement Louis.

-On s'arrangera. Parce qu'avec tout ce qu'on a pris, si je demandais à la caissière de faire un truc séparé, elle m'étranglait direct.

-Louis proposait qu'on fasse un truc avec Rika ce soir.

-Ah bah super ! On passe ranger ça à l'appart' et elle n'a qu'à nous rejoindre là-bas. On commande des pizzas ?

-Non ! s'exclamèrent Louis et Magda d'une même voix en laissant à Martijn le soin de pousser le caddie plein.

-Mais j'ai une carte VIP maintenant ! Il faut que je la rentabilise.

-Bah rentabilise-la seul, conseilla Louis. On bouffe des pizzas dès qu'on mange ensemble. J'en peux plus. » 

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