Chapitre Trente-Deuxième

Magda avait toujours eu une idée assez précise de ce qu'elle voulait comme robe de mariée: elle voulait une robe de mariée sur mesure. Elle voulait pouvoir tout personnaliser, avoir une robe unique, quelque chose qui la représente, qui soit à son image et pas forcément quelque chose qui ressemble à une robe de princesse. Ça lui plaisait énormément comme idée. Elle avait donc décidé d'aller faire des essayage dans plusieurs boutiques et avait pris rendez-vous avec des créatrices.

Son premier rendez-vous était avec une créatrice dans un petit appartement de De Pijp. Elle avait décidé d'y aller toute seule, malgré le fait que Laura ait proposé de l'y accompagner. En arrivant là-bas, Magda était complètement perdue. Malgré que cette robe est toujours été ce qu'elle avait voulu, elle n'avait pas d'idée précise de ce qu'elle voulait et sans savoir si les quelques esquisses qu'elle pouvait avoir à l'esprit lui irait ou non. Carla, la créatrice, l'avait bien senti et avait été d'une douceur et d'une gentillesse hors-pair. Elle lui avait présenté des robes vraiment très belles ; elle lui proposait quelques idées pour l'aider à se projeter. Mais malheureusement, la taille de Magda ne lui permettait pas d'essayer toutes les robes présentées. Clara lui avait laissé des croquis puis lui avait dit de la recontacter après ses essayages en boutique.

En sortant du rendez-vous, Magda était allée rejoindre Martijn qui l'attendait à leur café.

« Alors ?

-Ça va pas du tout. Avec ma taille, je vais jamais pouvoir essayer les robes.

-Magda...

-Avec ma taille de baleine là, je vais devoir imaginer comment ça sera sur moi. Jamais je pourrais essayer. Et ça sera horrible parce que je ne sais pas me projeter dans des vêtements. Je vais être une mariée horrible et toi, je suis sûre que tu vas être trop beau dans ton costume. Je te jure, Marty. J'aurais l'air d'un vilain petit canard et ils vont tous bien se marrer.

-C'est bon ? Prends une gorgé de café et efface tout ça de ta tête. Tu n'est pas une baleine Magda. Ça va pas de dire des trucs comme ça. Et tu ne seras pas un vilain petit canard non plus. C'est notre mariage et c'est toi qui sera la plus belle ; parce que ça sera notre journée. Personne ne va rire de toi, non plus. Sors toutes ces idées de ta tête, tout de suite. Quand est-ce que tu y retourne ?

-La semaine prochaine.

-Demandes aux filles d'aller avec toi.

-Non, si je vois Rika... Ça va juste me rappeler que moi, je rentre pas de dedans. Je voudrais qu'Erika vienne avec moi. Je veux que ma maman vienne avec moi aussi

-Magda. Erika est à Madrid. Ce n'est pas possible. Et pour ta maman... Je suis désolé, Magda...

-C'est pas grave, mentit Magda en faisant tourner sa cuillère dans son café. Je sais que ce n'est pas possible. C'est comme ça. Et puis je sais pas si ma mère aurait été une bonne idée. Quand je lui ai parlé des mes rendez-vous pour mes robes, elle m'a demandé si je comptais perdre du poids pour le mariage, histoire d'avoir une taille « normale ».

-Elle a dit que tu n'avais pas une taille normale ?

-Oui. De toute façon, elle voudrait avoir une fille qui rentre dans une robe de mariée taille 36. En fait, c'est mieux qu'elle soit pas là.

-Demande à Laura déjà, tenta Martijn pour essayer de faire oublier la gaffe d'Agnès. Et puis aux autres aussi. Faut pas que tu y ailles toute seule. »

X+X+X+X+X

Magdalena et Martijn étaient rentrés ensemble du café. Magda n'avait pas beaucoup parlé de toute la soirée. Sentant que son rendez-vous de l'après-midi l'avait vraiment démoralisée, Martijn s'était proposé pour tenter de lui préparer un repas décent. Il avait ressorti le livre de recette de pâtes facile que Matthieu avait offert à Magda au dernier Noël. Il avait lu plusieurs de recettes - presque tout le livre à vrai dire - avant de trouver celle qui lui paraissait la plus simple.

Magda avait traîné au piano pendant que son amoureux s'affairait bruyamment dans la cuisine. Elle n'avait pas joué, elle s'était juste assise sur le banc et avait joué sur son téléphone. Au bout d'un moment, mais cela avait fini par l'énerver. Elle avait alors posé son portable à côté de ses livres de partitions. Et c'est là qu'elle aperçut le petit cahier bleu que Laura lui avait donné au début des vacances. Elle devait bien avouer qu'elle ne l'avait pas utilisé, il avait même passé tout l'été sur ce piano ; elle n'avait encore jamais ressenti le besoin d'écrire toutes ses inquiétudes ou ses pensées. Mais ce soir, elle commença à se dire que ce n'était peut-être pas une si mauvaise idée que ça. Alors elle attrapa ce cahier et se leva pour aller chercher un crayon sur son bureau. Elle se retourna sur la pièce centrale de l'appartement en se demandant où elle serait le mieux installée, son regard s'attarda sur son vieux rocking-chair. Sans plus attendre elle alla s'installer bien confortablement dans le coin du salon.

Jeudi 11 septembre 2025. J-393

C'est quoi cette pression d'être mince pour son mariage ??? Sérieux ! Elle est pire que celle d'être mince pour les maillots de bain l'été ! Mettons-nous bien d'accord, la pression de la minceur on la subit tous les jours (encore plus, nous les femmes): magazines, pub, télévision, cinéma,... et j'en passe. Ces derniers mois j'ai aussi découvert la pression des sites de mariage, ceux qui te donnent des tas de petits conseils tel que: « être en forme pour le mariage » ou même: « perdre quelques kilos avant le mariage ». C'est les mêmes qu'on trouve dans Elle entre avril et mai. Sur ces sites de mariage, on peut aller du régime à base de soupe à l'oignon aux conseils de stylistes professionnels qui t'expliquent comment camoufler des rondeurs (forme polie de: « t'es grosse voici comment cacher la misère ».) dans ta robe de mariée si tu n'as vraiment pas réussit à perdre du poids. Je devrais être habituée à tout ça puisque comme dit précédemment, c'est la normalité dans la vie d'une femme.

Mais un mariage c'est tout un tas d'autres pressions liées au physique:

Lors d'un mariage, on a aussi la pression de la photo. Puisque ce sera le jour de ta vie où tu seras le plus photographiée. Sauf que j'aime pas trop me voir en photo, vu que la plupart du temps, je me trouve moche et bien évidemment, je me trouve aussi trop grosse. Donc mon mariage, sera le jour qui immortalisera mes gros bras à tout jamais. Aaaaaaargh !

Ce côté « immortalisation » de cette journée est fou quand même. On nous rabâche depuis nos cinq ans que cette journée sera « le plus beau jour de notre vie et bla. Bla. Bla. ». Ce sera une journée unique et sa préparation engendre naturellement beaucoup de pression. Y aura pas de répétition générale, y aura pas de rambobinage possible si erreur d'organisation. Si j'ai un énorme bouton sur le nez, un coup de soleil sur le front (quoi que peu de risque au vu du soleil d'Amsterdam) ou alors une culotte de cheval trop visible et bah ça sera tant pis pour moi. Ça sera gravé à l'éternité dans les superbes photos de Louis et Oscar.

On a aussi la pression d'être LA plus belle femme de la journée. Comme me l'a subtilement dit ma mère: « Si y a bien un jour où ça vaut le coup d'être mince, c'est là. La mariée, c'est un peu le clou du spectacle ! Tu te souviens d'Annabeth ?... » Ouais. Ouais, je me souviens d'Annabeth. Merci Maman. Souligne bien ce point à moi, ta fille, qui à la fâcheuse tendance de bien trop s'inquiéter de ce que les autres pensent d'elle. Aaaaaaaargh !!

Et puis quitte à aller au bout... On a la compétition. Ma mère a passé l'été à me parler du mariage de mon frère et de ma belle sœur, du régime de ma belle-sœur, et à quel point ce mariage était réussi. Et hop ! Un louche supplémentaire dans la casserole « Ils ont réussi et pas toi... T'es pas douée. ». Ma mère m'a aussi rappelé que la fille de sa meilleure amie se marie bientôt et qu'elle s'est déjà mise au régime et qu'elle a perdu 4kg ! Elle. Aaaaaaaargh !!!

Bien sûr au milieu de tout ça, il y a mon Marty qui passe ses journées à me rassurer, à me dire qu'il m'aime, qu'il veut m'épouser que je fasse du 36, du 40 ou du 54, et qui me prépare actuellement des pâtes à la Carbonara en déménageant (une fois de plus) toute la cuisine.

X+X+X+X+X

Martijn avait réussi à se libérer pour la sortie dont avait soudainement eu envie Louis quelques heures plus tôt. Et ça l'arrangeait bien parce qu'avant, il fallait qu'il parle à Magda.

« C'est moi ! lança-t-il après avoir claqué la porte d'entrée avec le pied.

-Je suis presque prête, annonça Magda en trottinant de leur chambre à la salle de bain habillée d'une simple chemise et d'une culotte. »

Martijn avait suivi dans la salle de bain et s'était assis sur le panier de linge. L'avantage de la salle de bain, c'était que Magda n'allait pas s'échapper facilement.

« Ta mère m'a appelé aujourd'hui.

-Mmmh, répondit Magda en s'appliquant à mettre son mascara.

-Elle n'a pas réussit à t'avoir au téléphone. De toute la journée.

-Mmmh.

-Magda... Tu me fatigues parfois.

-Qu'est-ce que tu veux que je te dises ? J'ai pas envie de l'avoir au téléphone pour m'entendre dire que dans Marie-Claire ils parlent d'un nouveau régime qui à fait ses preuves.

-Elle t'appelait pas pour ça.

-C'est sûr qu'elle allait pas parler de ça avec toi, répondit Magda en levant les yeux au ciel.

-Tu veux pas savoir ce qu'elle a à te dire ou pas ?, demanda Martijn en suivant Magda dans leur chambre.

-Vas-y. Jean bordeaux ou noir ?

-Noir. Elle viendra passer quelques jours ici début octobre.

-Pour ta sœur j'imagine.

-Pour toi, la corrigea-t-il immédiatement.

-Mmmhmmmh.

-Vraiment Magda. Elle voulait connaître la date de ton dernier rendez-vous pour ta robe. Elle voudrait t'accompagner. Alors s'il te plait, rappelle-la. Si tu ne le fais pas tu le regretteras un jour.

-Ouais..., répondit distraitement la jeune femme.

-Magda, arrête d'être bornée et rappelle ta mère, bordel ! Et avant lundi, avait ordonné Martijn d'un ton catégorique. »

Elle avait rappelé sa mère. Avant le lundi. Elles n'avait pas longuement discuté comme il leur arrivait de le faire la plupart du temps. Non. Cet appel avait été des plus succinct. Agnès avait expliqué à sa fille qu'elle avait réussi à se libérer du 8 au 12 octobre pour venir à Amsterdam. Elle espérait que sa fille profiterait de cette venue pour y organiser son dernier rendez-vous pour choisir sa robe de mariée. Magda avait répondu qu'elle allait voir ce qu'elle pourrait faire, sous le regard désespéré de Martijn.

X+X+X+X+X

Magdalena avait stressé toute la semaine. Malgré tout ce que pouvait lui dire son amoureux, malgré tout ce qu'elle pouvait noter dans ce fichu carnet bleu qui ne la quittait plus, elle avait stressé toute la semaine. Arrivée le jeudi, elle n'avait rien voulu avaler le matin. Elle était arrivée très tôt au lycée, même si ses cours ne commençaient qu'à neuf heures et demi. Elle s'était installée dans la salle des profs et avait continué de corriger les cartes que lui avaient rendu ses élèves de terminales ; ça allait lui permettre de les noter avant les vacances. Le premier problème de la journée était arrivé vers neuf heures. Neuf heures quatre pour être précise. C'était un mail de la boutique dans laquelle elle avait rendez-vous cette après-midi:

Van: Annita Gates

Om: Mme. Valencourt Magdalena

Subject: Essayage de robe.

Bonjour Mademoiselle Valencourt,

Nous souhaitons vous prévenir qu'une partie de nos prototypes ne seront pas à votre taille. Je préférais vous annoncer ça avant, plutôt que de vous décevoir sur place.

J'espère que vous trouverez tout de même la robe de vos rêves chez nous, je vous souhaite une excellente journée !

Annita Gates.

Magdalena savait que ce mail n'était pas méchant et peut-être qu'au fond d'elle, elle appréciait l'attention. Mais pour l'instant elle était surtout en colère et triste. Alors elle avait quitté la salle et s'était dirigée vers les toilettes pour pleurer en paix. Elle ne cessait de se dire qu'elle ne pourrait jamais rien essayer. Elle avait fini par appeler Laura. En l'entendant pleurer au téléphone Laura avait tout fait pour la consoler, lui avait assuré que ça allait aller et qu'elle s'occupait de tout.

Magda avait fini par aller en cours, elle avait mangé au lycée avec ses collègues. Ils avaient parlé de la prochaine sortie scolaire des étudiants en Histoire des Arts et ça avait un peu changé les idées de Magda. Puis elle était retournée faire sa dernière heure de cours et à la sortie, elle avait remarqué un message de Laura:

De LAURA:
On t'attend sur le parking.

De MAGDA:
On ?

De LAURA:
Surprise... !!

Magda était directement sortie, sans dire au revoir à personne. Elle n'aimait pas les surprises. Elle était arrivée sur le parking où l'attendait Laura, Rika, Erda et Anouk.

« Romy n'a pas pu se libérer pour le début de l'essayage, elle nous rejoint plus tard.

-Qu'est-ce que vous faites là ?

-On vient avec toi pour tes essayages ! s'exclama Erda en frappant dans les mains.

-Et vous Anouk ?

-Je me suis dit que tu aurais peut-être aimé que ta mère soit là et comme ce n'est pas possible, je me suis aussi dit que je pourrais essayer d'être là pour toi

-C'est gentil, merci, répondit Magda avec une émotion palpable dans la voix.

-Bon on est parti ? s'impatienta Erda en secouant ses clefs de voiture. On fait des équipes ?

-Je vais aller avec Anouk, assura Magda. On se retrouve à la boutique ?

-Ça marche ! »

Les cinq femmes se séparèrent et Magda suivit Anouk vers le break gris des Gelderman. Juste avant de monter dans la voiture, elle se décida à poser la question qui lui brûlait les lèvres.

« Anouk ? Est-ce que c'est Martijn qui vous a appelé ?

-Non. Pourquoi ? répondit Anouk avec un petit sourire. Il aurait dû ? »

La boutique se trouvait à l'extérieur du vieux centre-ville, au rez-de-chaussée d'une petite maison. Comme beaucoup de maison hollandaise, elle avait une immense baie vitrée qui donnait sur la rue et par laquelle on apercevait déjà les robes sur différents portants. En arrivant dans la boutique, elles furent accompagnée par Annita, la vendeuse qui allait s'occuper de Magdalena. Elle les mena vers une immense cabine qui allait donner l'intimité dont Magda avait besoin pour se sentir bien. La future mariée avait tout de suite reparlé de son soucis de taille et Annita la rassura immédiatement : tout allait parfaitement bien se passer. Elle lui apporta un verre d'eau et proposa de commencer par faire un petit tour dans le magasin. A l'aide de la tablette qui lui avait été confiée, Magda pouvait marquer toutes les robes qui lui plaisaient.

Deux heures de rendez-vous et quinze robes plus tard, Magda avait déjà une idée un peu plus précise de ce qu'elle voulait. Exit les manches longues, le dos nu, le col V, les tailles trop basses. Mais on prenait les cols rond, les tailles marquées, les jupes qui masquaient ses quelques rondeurs.

« Vous souhaitez encore faire un essayage ? demanda Annita.

-Une robe de princesse ! s'exclama Erda.

-Jamais je mettrai ça !

-Mais c'est juste pour pas mourir idiote. Vas-y ça va être drôle, renchérit Romy. »

Magda se tourna avec un regard désolé vers la vendeuse qui lui répondit par un petit rire.

« Je vais vous chercher ça. »

Annita était revenue avec une seizième robe blanche avec un haut à manche longue entièrement dentelées et une jupe entièrement faite de toile qui donnait l'impression à Magda qu'elle n'arriverait à passer aucune porte.

« Si j'arrive avec une robe comme ça, jamais Martijn me dira oui, assura Magdalena en se regardant de haut en bas

-Même si t'arrives à l'autel avec ton jogging bleu turquoise tout moche et troué et ton maillot de foot des Oranjes il te dit oui, assura Laura qui avait ses yeux rivés sur son téléphone.

-C'est pas dit ça, rit Magda.

-Vous souhaitez réessayer une robe qui vous a plus ?, demanda Annita.

-Tu pourrais réessayer la huitième, proposa Annouk. Celle avec le col rond en dentelle et la jupe toute droite.

-Très bonne idée ! C'est l'une de celles qui vous allaient le mieux.

Magda approuva et se changea pour la dix-septième fois de l'après-midi. Devant le miroir, elle s'observa sous toutes les coutures.

« Vous souhaiterez un voile ?

-J'aurais la tiare de mon arrière-grand-mère, expliqua Magda. Toutes les femmes de la famille se sont mariées avec ce voile.

-Tu vas cacher tes cheveux ? s'étonna Rika. Ils sont tellement beaux...

-Non. J'avais pensé à un chignon bas dans lequel on accrochera juste la tiare.

-Je vais vous chercher quelque chose de ce genre pour essayer de vous rendre compte. »

Annita revint quelques minutes plus tard avec quelque chose qui ressemblait un peu à ce que Magda porterait le jour J. Cette-dernière tenta de l'accrocher par elle-même sans succès. C'est Anouk qui se leva et qui l'aida elle-même à accrocher le voile.

« Quoi que tu choisisses, tu seras très belle Magdalena, lui chuchota-t-elle à l'oreille avec un sourire que Magda vit dans le miroir face à elles. »

--- NDA --- 

🐣❤️

Alors ?  Qui veut faire un gros câlin à Magda ??? 

J'ai lu vos commentaire sur le bébé de Suzanne, et je vais vous donner un petit indice: il portera le nom de l'un d'entre vous ;) 

Je vous souhaite un très beau week-end et vous fait de beaux bisous 

Uthopie. 🐥❤️