Chapitre 27 - Histoire de Jalousie

Chapitre Vingt-Septième

On était samedi. C'était le dernier samedi du mois de juillet et il faisait beau. Super beau même. Du coup, Staas avait proposé une plage et ça avait plutôt emballé tout le monde. Louis avait dit à Rika qu'ils pouvaient y aller ensemble sauf qu'elle avait un patient jusqu'à quinze heures. C'était donc plus simple pour elle de les rejoindre directement là-bas. Elle était arrivée un peu avant seize heures, elle avait repéré ses amis grâce à Louis qui se tenait debout ; avec sa serviette rouge pétant autour de la taille et son bon mètre quatre-vingt quatorze, il était visible de loin. Et puis de loin, elle avait vu Laura arriver et sauter sur le dos de Louis. Ce n'était rien. Juste deux amis qui riaient, sauf que de loin Rika sentit de nouveau cette boule dans le ventre, celle qui lui donnait l'impression que son estomac se retournait. Celle qu'elle avait appris à connaître en un mois. Celle qu'elle avait dès qu'une fille s'approchait un peu trop de Louis.

Rika n'avait jamais été une fille jalouse. Non. Pas du tout. Rika n'était pas quelqu'un qui aimait particulièrement s'immiscer dans la vie des gens. Elle aimait les écouter parler quand ils en avaient envie, mais jamais il ne lui serait venu à l'idée d'aller fouiller dans la vie de ses amis. Enfant et adolescente, elle vivait sa petite vie tranquille avec des parents restaurateurs qu'il lui arrivait d'aider le week-end. Rika avait eu ses premiers petits copains alors qu'elle était encore au lycée. La plupart du temps, ils s'étaient rencontrés à sa petite paroisse de Breda. Elle n'avait jamais été déçue en amour, elle n'avait jamais été trompée, ses copains ne s'étaient jamais retournés sur une autre fille dans la rue, elle ne s'était jamais lassée de son couple et surtout, elle avait toujours fait confiance à ses petits amis. Mais avec Louis, ça ne marchait pas comme ça. Non, avec Louis, elle avait besoin de toujours savoir où il était ; et pour cela, au lieu de lui coller une balise GPS aux fesses, ce que Rika avait trouvé de mieux c'étaient les réseaux sociaux. Ce qui la rendait clairement malade. Malade à se poser des questions en permanence. Qui est cette fille dont il a liké la photo ? Pourquoi sont-ils « amis » s'ils ne se parlent jamais ? Mais peut-être qu'ils se parlent ailleurs... Bref, Rika devenait complètement paranoïaque. Elle s'en rendait bien compte mais n'arrivait pas à se résonner. Alors autant dire que quand elle voyait Louis aussi proche de Laura, son estomac faisait plusieurs tours sur lui-même.

Rika avait réajusté ses lunettes qui retenaient en arrière ses cheveux blonds et s'était dirigée vers ses amis. Elle les avait salués en fixant Louis sans un sourire.

« Salut..., avait-il répondu en cherchant ce qui lui valait cet accueil.

-Les filles sont où ?

-Romy et Hannah sont au bord de l'eau, indiqua Martijn.

-Je vais avec elle. »

Rika avait posé son sac près de celui de Marja, avait enlevé sa robe en faisant bien attention à rester dos à Louis et à remuer son arrière-train juste sous les yeux de ce dernier. Après avoir plié avec soins sa robe dans son sac, elle se retourna vers Louis, le fixa droit dans les yeux, remit ses lunettes devant ses yeux et partit vers ses amis au bord de l'eau.

Martijn, toujours assis sur sa serviette, avait regardé la scène d'un œil amusé. Une fois Rika suffisamment loin, il regarda son ami d'enfance en souriant.

« Ferme la bouche. Tu baves. »

Louis essuya machinalement le coin de sa bouche, avant de comprendre que Martijn se fichait ouvertement de lui.

« T'es con, putain !

-Qu'est-ce que t'as fait ? demanda Martijn une fois qu'il eut fini de rire.

-Rien.

-Ouais. Bien sûr. On va te croire, répondit Sam.

-Non, les gars. C'est pas une connerie. Je vous jure que j'ai rien fait. Faut me croire. Je suis sérieux comme mec.

-Oui...

-Hé ! C'est pas une vanne, ok ?

-Bah elle, visiblement, elle n'est pas de cet avis.

-Sans blague ? Sérieux, on aurait dit une ado de quinze ans, là.

-Vas t'excuser, conseilla Staas. Ça, ça marche à chaque fois.

-Mec, je vais pas m'excuser d'avoir rien fait quand même.

-Il a raison, rajouta Jan. Tu remballes ta fierté deux secondes et tu t'excuses. Sinon j'en connais un qui va passer une très mauvaise soirée.

-Même pas en rêve. J'ai ma fierté et je la remballe pas. »

Louis avait fini par comprendre que Jan et Staas avaient raison quand Hannah et Romy étaient remontées sans Rika. Il s'était levé pour aller rejoindre cette dernière.

« Un souci ? demanda-t-il en arrivant à sa hauteur.

-Aucun, répondit-elle en fixant une stupide bouée jaune au loin.

-Sûre ?

-Oui.

-Ok. On va se baigner ?

-Non.

-On va se baigner, répéta-t-il en soulevant Rika dans les airs.

-Non ! Louis ! Lâche-moi ! Je te jure, lâche-moi. »

Louis avait ri sans libérer Rika de son emprise pour autant. Il avait avancé jusqu'à avoir de l'eau jusqu'à la taille et, arrivé à ce niveau, il avait fini par lâcher Rika. Elle avait crié, avait râlé et avait fini par rigoler en voyant le sourire que tentait de réprimer Louis. Alors tout ce qu'elle avait trouvé comme mince vengeance, c'était de l'asperger lui avec de l'eau. Elle avait arrêté quand il avait commencé à riposter.

« Maintenant que tu souris, je peux savoir ce qui ne va pas ?

-Rien.

-Frederika.

-Arrête de m'appeler comme ça ! J'aime pas.

-Moi, j'aime bien.

-Je peux te poser une question débile ?

-Non. Comme dit Magda, y a jamais de question débile. Mais tu peux poser ta question.

-T'es toujours amoureux de Laura ? »

Louis ne s'attendait pas vraiment à cette question, aussi, ne put-il réprimer un éclat de rire.

« Non ! Bien sûr que non.

-T'en es bien sûr ?

-Oui.

-De un à dix, t'es à combien ?

-Vingt-trois. Rika ? T'es... Jalouse ?

-Moi ? Alors c'est pas du tout mon genre, répondit Rika en levant les yeux au ciel ce qui eut au moins le mérite de faire rire Louis de nouveau. »

X+X+X+X+X

Le jeudi suivant, Louis avait promis de déposer Martijn et Laura à l'aéroport à la première heure. En effet, ils partaient tous les deux rejoindre Magda pour visiter des châteaux susceptibles de pouvoir accueillir tous les invités du mariage. Laura était super emballée à l'idée de retourner en France et Martijn avait juste envie de retrouver Magda parce qu'elle était partie depuis deux semaines et que, deux semaines, ça commençait à être un peu long. Puis il avait été au studio où il travaillait aujourd'hui. Il devait faire des photos pour un magazine. À sa pause de midi, il avait envoyé un message à Rika pour qu'elle le rejoigne ce soir. Elle lui avait répondu par la positive et Louis avait eu un beau sourire tout le reste de la journée.

Rika était arrivée au studio vers dix-sept heures. La fille de l'accueil l'avait laissée entrer et elle s'était retrouvée dans une grande pièce avec un mur et un sol couvert d'un film plastique blanc. Au bout, se trouvait un appareil photo sur un trépied entouré de deux boîtes à lumière et d'un parapluie doré. Elle vit rapidement des spots et des diffuseurs de lumière, et plein d'autres matériels dont elle n'était pas certaine de connaître le nom. Elle finit par trouver Louis derrière un ordinateur.

« Hey...

-Hey ! Ça fait longtemps que t'es là ? demanda-t-il en s'approchant d'elle.

-Je viens d'arriver.

-Super. Je range et on y va. Qu'est-ce que tu veux faire ce soir ?

-Rien de spécial.

-T'es sûre que ça va ?

-Oui, je suis juste crevée, répondit Rika en jetant un regard noir à la mannequin qui faisait un signe de la main à Louis.

-On peut juste se faire livrer un truc chez toi si ça te va ?

-Oui, parfait. »

Louis avait embrassé Rika rapidement avant de se retourner et de rassembler toutes ses dernières affaires. Ils étaient repartis ensemble une vingtaine de minutes plus tard. Main dans la main, ils avaient rejoint l'appartement de Rika.

« T'aimes bien faire ça ?

-Me balader avec toi ?

-Faire des photos pour des magazines.

-Ah ! Ouais, j'aime bien. Photographe de mode, ça me change un peu, ça paye un peu mieux aussi et puis surtout, ça me plaît pas mal. D'ailleurs, je pense faire moins de mariages après celui de Martijn et Magda. Peut-être quelques uns de temps en temps, mais pas de trop. Oscar peut y aller à ma place. J'en ai parlé à Laura et...

-T'en a déjà parlé à Laura.

-Parce que c'est elle qui me propose souvent du boulot, expliqua calmement Louis.

-Ouais. Bien sûr. »

Et Rika n'avait plus rien dit jusqu'à chez elle. Elle n'avait repris la parole qu'une fois qu'elle était assise avec Louis dans son canapé gris, son plat de lasagnes végétariennes sur les genoux.

« Je suis pas jalouse, Louis.

-Ah.

-Je suis morte de jalousie. Ça me rend malade, t'as même pas idée.

-De Laura ? demanda-t-il sans surprise.

-De toutes. Laura, les mannequins avec qui t'as bossé aujourd'hui, toutes celles qui sont autour de toi. Je pensais pas être ce genre de fille, mais je te jure que ça me rend malade.

-Y a pas de quoi.

-Tu trouves ? Parce qu'elles, elles sont grandes, belles, élancées, avec des formes et des cheveux longs. Alors que moi, j'atteins à peine le mètre soixante-sept avec des talons, je suis plate comme une planche à pain, j'ai les cheveux abîmés parce que j'ai pas le temps d'aller chez le coiffeur. Et...

-Rika, soupira Louis.

-Arrête, parce que ça fait longtemps que je veux te parler de ça ; alors je termine et écoute-moi s'il te plaît. Ça fait un moment que je me suis rendue compte de tout ça et... Je crois que j'ai compris pourquoi je suis comme ça.

-Ah oui ?

-J'ai peur que tu ailles les voir et que tu te rendes compte qu'elles sont mieux que moi parce qu'elles peuvent te donner ce que je ne peux pas te donner.

-Arrête.

-Mais c'est un fait Louis. Toutes ces filles, elle peuvent, et veulent, coucher avec toi. Et, je veux que tu saches que j'en ai conscience. J'ai conscience que tout ça, c'est pas facile pour toi.

-Pas tant que ça...

-Louis... Ça fait un mois, tu vas pas me dire que ça ne te manque pas... De toute façon, je ne te croirais pas.

-Oui bah peut-être un peu... Mais ça va. Je gère.

-Tu gères à un tel point que tu refuses qu'on dorme ensemble, répondit Rika en levant les yeux au ciel.

-Pourquoi tu me racontes tout ça ? »

Rika reposa son assiette sur la table de salon, et s'assit de manière à faire face à Louis. Elle le regardait dans les yeux et il avait ce regard qui essayait de la sonder, de savoir ce qu'elle avait dans la tête.

« Non, assura-t-il abruptement.

-Tu ne sais même pas ce que je vais dire !

-Je crois bien que si.

-Louis, je suis sûre que tu serais beaucoup plus heureux comme ça. Et je ne t'en voudrais pas.

-Mais Rika, c'est juste hors-de-question. Je n'irais pas coucher avec des filles trouvées n'importe où, juste parce que tu crois que ça va satisfaire ma libido.

-Louis...

-Maintenant, c'est toi qui vas m'écouter bien attentivement. J'ai pas du tout envie d'aller voir d'autres filles. C'est hors-de-question. Jamais je ne te ferai ça, jamais. Donc maintenant, tu enlèves cette idée de ta tête, tu arrêtes aussi de croire que je mate toutes les filles qui passent sous prétexte qu'on ne couche pas ensemble. Tu m'as prévenu dès le début, et je sais quelle relation j'ai décidé d'avoir. C'est mon choix. Tu es mon choix. Et je ne veux plus jamais t'entendre te dénigrer comme ça. Tu es un peu coincée mais très jolie. »

Rika donna une petite tape sur l'épaule de Louis à l'entente de la dernière phrase.

« Je suis sérieux Rika, ne te compare pas aux autres filles. Tu n'as peut-être pas la taille d'un mannequin et alors ? Tout ce qui est petit est mignon, tout le monde le sait.

-Tu trouves que je suis coincée ?

-Je me dis que parfois, j'aimerais bien que tu sois un peu plus rock. Enfin... Pas trop non plus, parce que ça serait plus trop toi et que j'ai fini par m'habituer à ton côté mamie végétarienne.

-Hé !

-Et pour Laura... Je sais plus comment te le dire... Y a plus rien entre elle et moi. C'est fini. Vraiment terminé. Mais s'il te plaît, ne laisse pas cette jalousie entacher l'amitié que tu as avec elle. Je ne veux pas être responsable de ça.

-D'accord, répondit Rika sans conviction en reprenant son assiette. Et Louis ?

-Oui ?

-Tu veux bien rester dormir ce soir ?

-Rika... La règle numéro un...

-Je me fous des règles et de leur numéro Louis. J'ai besoin de toi, ce soir. S'il te plaît. »

Louis avait fixé Rika. Sans rien dire. Plusieurs longues et interminables secondes. Dans un silence simplement entaché de la voix off de la télévision qu'aucun des deux n'écoutaient vraiment, parce que la réponse de Louis serait bien plus importante que ce qu'ils voudraient bien admettre.

« Ok, répondit-il après quelques secondes de silence. »

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