6. Home sweet home
Après avoir pris les transports en commun, j'atterris dans le Blue district. Quel soulagement de retrouver mon calme et doux quartier ! Je sentis un poids s'enlever de ma poitrine. Ici, au moins, je n'avais pas peur de marcher seule dans les rues. J'admirai le pavé bien entretenue, les haies taillées à la perfection qui bordaient les jardins remplis de verdure, les grandes maisons à la façade accueillante. Mes poumons s'emplirent de l'air pur du Blue district et mon cœur se mit à danser. J'étais de nouveau chez moi. Je passai devant le cinéma, puis la nouvelle médiathèque et autres magasins. Tout respirait la paix et le calme. J'étais en train de m'attarder sur une affiche pour un concert quand soudain, une maison blanche. Je crus me tromper, donc je déviai ma route pour m'approcher de cette étrange maison. C'était la maison de Sarah, celle que j'avais vu en rêve ce matin. Happée par ma contemplation, je restai plantée devant le petit portail blanc, droite comme un piquet. Alors comme ça, Sarah et Shade avait vécu au Blue District. Comment avaient-ils échoué dans le Red District ? L'avantage, quand on né dans le Blue District, c'est qu'on y reste toute notre vie si la malchance ne nous frappe pas. Si vous y habituez, cela voulait dire que vous aviez assez d'argent pour vous entretenir dans ce quartier. C'est pour ça qu'il était très difficile pour quelqu'un du Red district d'accéder à ce quartier très huppé. Il y avait très peu de places et les prix étaient très chers. Normalement, si vous faisiez partie de la triste moyenne, vous ne quittiez jamais l'endroit où vous étiez né. Je vivais dans un monde où votre classe sociale vous collait à la peau toute votre vie.
L'histoire de Sarah m'intriguait de plus en plus. Les yeux collés au portail, j'essayai de chercher une réponse dans sa mémoire. Je plongeai dans une mer de souvenir, et nageai nageai de plus en plus profondément, remontant le temps. Plus je m'approchais des profondeurs, plus les souvenirs devenaient flous. Soudain, tout se mélangea et forma comme une sorte de tourbillon. Ma tête me fit atrocement souffrir, et je fus exclus de la mémoire de Sarah. Oui, je venais d'être mentalement éjectée. Tandis que je portais mes mains à mes tempes douloureuses, je me rendis compte qu'un petit garçon qui était dans son jardin, un ballon à la main, m'observais. Honteuse, je lui souris rapidement et m'empressai de partir. J'essayai de ne plus penser à ma découverte sur Sarah et me concentrai sur ma mission première : trouver Queen.
J'étais postée devant ma chère maison. Mon dieu, cela faisait si peu de temps que j'étais Sarah et tout ce qui me ramenait à Serenity me manquait déjà atrocement. Il fallait à tout prix que je trouve un moyen de retrouver ma vie. Je pris une inspiration et appuyai sur la sonnette. Quelqu'un ne tarda pas à ouvrir, et quand je pus voir qui c'était, j'eus du mal à me reconnaitre. Serenity était magnifique. Queen m'avait vraiment mise en valeur, je ne savais pas que je pouvais être belle. Serenity portait un peu de mascara et un rouge à lèvre d'un violet sombre et discret rehaussait mes lèvres. Les vêtements qu'elle portait la mettait en valeur. Un tee-shirt blanc bien coupé avec un pantalon noir fluide accompagné de baskets toutes pourries. Je n'arrivais pas à savoir si j'aimais ce qu'elle avait fait de moi. Elle aussi parue un peu surprise de ma nouvelle apparence, mais l'émotion ne passa qu'une seconde sur son visage et elle redevint cette poupée insensible.
- Aller entre. Fit-elle.
Je m'exécutai et pris soin de bien essuyer mes chaussures sur le paillasson avant d'entrer. Elle m'emmena à l'étage, elle agissait comme si elle était chez elle.
- J'imagine que tu veux savoir comment Serenity se porte.
Nous arrivâmes dans ma chambre et nous assîmes sur ce qui était autrefois mon lit. Queen tapa dans ses mains et battit délicatement des cils.
- Voyons voyons, que s'est-il passé ? Tu as été invité à une soirée demain soir chez Miranda, avec qui je suis devenue amie, bien sûr. Il y a aussi ce Chris qui n'arrête pas de me parler. Il est vraiment cool, mais il n'y aura rien de plus entre nous, je vise plus haut.
Elle me raconta ensuite toutes les petites histoires du lycée et ce qu'elle avait fait avec Julie. Je crevais littéralement de jalousie.
- Tu sais que je me suis rapprochée aussi d'Elias ? Il me raccompagne le soir et on parle pas mal par messages. Il est vraiment adorable, et terriblement sexy.
- J'avais dit pas Elias ! explosai-je.
- Je sais, je sais. Mais, je ne peux pas résister. Et lui non plus d'ailleurs.
Je croisai les bras, contrite, à la recherche de quelque chose à répliquer.
Queen, l'air compatissante, se pencha vers moi pour poser sa main sur mon bras.
- Je sais que ça te fait de la peine de voir que ta vie est en train de changer. Il faut que tu comprennes que ton temps en tant que Serenity est révolu, et qu'il n'y aura pas de retour en arrière. Ca ne servira à rien d'essayer de me mettre des bâtons dans les roues, d'accord ? Moi aussi j'ai dû laisser des choses derrière moi tu sais. Maintenant, tu dois avancer dans ta nouvelle vie. Comment ça se passe au fait ?
- Franchement, super bien ! Je vis dans une maison encore plus grande que celle-ci ! Je suis fille unique alors je peux te dire que je suis pourrie gâtée. En plus, je n'arrête pas de voir un garçon qui tourne autour de moi. Je crois que je l'intéresse, et vu comme il est mignon, ça ne me dérange pas du tout ! Cette vie est vraiment top, et si je n'étais pas tant attachée à Serenity, je voudrais à tout prix rester dans cette vie de rêve.
Je n'espérais pas une réaction miraculeuse de sa part à mon mensonge, juste un petit haussement de sourcil ou une preuve de jalousie, mais à la place, elle éclata d'un rire sonore.
- Oh mon dieu, mais à qui te veux faire croire ça ? demanda-t-elle, pliée en deux.
Elle regagna son calme et reprit.
- Désolée pour toi, je sais qui tu es. Mon ex était ami avec Shade, alors quand je t'ai vu, j'ai tout de suite su que tu étais Sarah Orwell.
La déception s'écrasa sur mon cœur comme une grosse pierre. Pour m'achever encore plus, elle ajouta :
- Ma pauvre, pour rien au monde je voudrais être Sarah.
- Pourquoi ça ?
Elle haussa les épaules, indécise.
- Oh tu sais, elle trainait avec des gens pas très nets. Et puis, elle a été mêlée à de drôles d'affaires et je ne suis pas sûre qu'elle ait les mains très propres.
- Quoi ? Comment ça ?
Sans se soucier plus de moi, Queen regarda sa montre.
- Désolée, je dois voir Julie et je n'ai pas envie de la faire attendre.
Sur-ce, elle se leva et se dirigea vers la porte. Inquiète, je la rattrapai.
- Attends, réponds à mes questions d'abord.
- Je n'ai pas le temps. J'ai une vie moi.
Elle atteignit la fin des escaliers et attrapa son manteau qui reposait sur la rampe.
- Quel genre d'affaire ? S'il te plait réponds-moi.
Elle ferma son manteau et ouvrit la porte d'entrée.
- Tu le découvriras par toi-même.
Elle sortit de la maison, moi à sa suite. Elle disparut rapidement et je n'eus pas le courage de la rattraper. Encore une fois, je me demandai dans quel genre de vie j'avais atterris. Postée sur le perron de mon ex-maison, je poussai un long soupire à en déchirer le cœur de plus d'un. Je me sentais abattue et j'avais l'impression d'avoir fait tout ce chemin pour rien. Le mystère sur Sarah s'épaississait et j'allais devoir faire une heure de trajet pour revenir dans un appartement miteux squatté par mon soi-disant meilleur ami.
Quand j'arrivais à mon dernier arrêt de métro, mon ventre gargouillait de faim. Il était 14h et en plus d'être affamée, j'allais encore devoir traverser tout le Red district, seule. Je me mis donc en route, regrettant l'effet rassurant que me procurait mon quartier. Ici, ça sentait la peur. Je passai dans une rue quasi déserte, mis à part un garçon adossé au mur, les yeux collés à l'écran de son vieux portable. Son regard jusqu'alors obnubilé par son téléphone se posa sur moi. Il me regarda comme si j'étais une proie qu'il s'apprêtais à dévorer. Je commis l'erreur de le regarder à mon tour à la place de baisser les yeux. Visiblement, c'était quelque chose d'interdit dans le code de la rue, car son attitude se fit menaçante.
- Qu'est-ce que t'as toi ? me demanda-t-il avec agressivité.
Ne sachant pas quoi faire, je décidai de ne pas répondre et de tracer ma route. Mais, quand je passai devant lui, il m'attrapa violemment le bras.
- Hey mais réponds !
C'était la première fois que ce genre de chose m'arrivais, et j'étais pétrifiée de peur. Ma mère m'avait déjà vaguement dit comment agir dans ce genre de situation, mais évidemment, je ne l'avais pas écouté et avais tout oublié. Ce genre de chose n'arrivait pas dans le Blue District. Alors à l'agressivité je répondis par l'agressivité. Grave erreur.
- Je ne te veux rien ok ?! Je veux juste passer.
- Une meuf ne me manque pas de respect comme ça ! s'emporta-t-il.
Sa parole s'accompagna de son poing qui m'atteignit à la mâchoire. Je sortis de ma poche mon portable pour appeler la police, mais il essaya de me l'arracher des mains. Je l'assénais d'un coup de pieds dans l'entre-jambe pour qu'il me laisse tranquille. Il recula, la main sur ses parties douloureuses, tandis que je composais en tremblant le numéro de la police tout en fuyant. Au moment où je finis de taper le numéro, deux mains se posèrent sur mes épaules. On me tira si brutalement en arrière que je failli lâcher mon portable. L'homme m'avait rattrapé et il avait décidé qu'il ne me laisserait pas tranquille. Je voulus me retourner pour lui donner un nouveau coup mais n'y parvins pas, il était beaucoup trop fort pour le petit moineau qu'était Sarah. Il me poussa contre le mur et ma tête heurta si fort les briques que ma vision devint noire un instant. Je m'écroulai au sol et fit tomber cette fois-ci mon portable. L'homme s'empressa et je restai par terre, impuissante, regardant son ombre qui s'était dédoublée s'enfuir. Je me mis en position assise contre le mur, et pressai mes mains sur l'arrière de ma tête qui me faisait horriblement souffrir. Petit à petit, ma vision redevint nette, mais elle ne tarda pas à se brouiller de nouveau à cause de mes larmes. Mon cœur battait à la chamade. J'avais cru mourir de peur. D'ailleurs, la terreur était toujours là, bien ancrée en moi. Je me sentais trop faible et trop effrayée pour me relever. Je ne voulais plus bouger, comme si chaque geste allait déclencher un cataclysme. Je me repliai sur moi-même et me mis à pleurer à chaudes larmes. J'étais trop faible pour la vie de Sarah, je le savais. Tout ce que je souhaitais, c'était retrouver la vie simple et morose de Serenity. Je commençais à avoir froid. Je savais qu'il fallait que je bouge, que je rentre à la maison, là où je serais en sécurité, mais j'en étais incapable.
- Sarah ?
Je relevai la tête. Un homme et une femme d'une quarantaine d'année se tenait en face de moi. Je les identifiai assez rapidement en tant que voisins de Sarah, monsieur et madame Williams.
- Où est Shade ? Qu'est-ce que tu fais ici toute seule ? demanda ma voisine.
Je parvins à stopper mes sanglots mais néanmoins n'arriva pas à formuler une phrase. Monsieur Williams m'aida à me relever.
- Visiblement mon enfant, tu es sous le choc. Nous te ramenons à la maison.
Epaulée par monsieur et madame Williams, je réussis à aligner un pied devant l'autre et traverser le quartier sans encombre. En bas de l'immeuble, nous croisâmes Shade.
- Bonjour monsieur et madame Will...
Sa phrase resta en suspense. Il venait de me voir et ouvrit grand les yeux et la bouche.
- Mon dieu Sarah, mais qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? s'exclama-t-il.
Mes voisins s'écartèrent de moi, me laissant sans appui. Toujours muette, je parvins seulement à lui lancer un regard implorant.
- Elle a subi une agression. Murmura madame Williams comme si c'était quelque chose qu'on ne peut pas dire à voix haute.
- Sarah, je savais que je ne devais pas te laisser seule !
Je pensais qu'il allait être en colère, mais il se montra seulement inquiet et compatissant, comme un grand frère. Il s'approcha de moi, les bras grand ouvert. Je me laissai aller contre lui, à la recherche de réconfort. Son torse était chaud et j'arrêtai enfin d'avoir peur. Il me serra contre lui et posa la main sur l'arrière de ma tête, là où j'avais désormais une bosse.
- Tu sais bien qu'il ne faut pas trainer dans ce coin-là quand on est seule. Qu'est-ce qui t'as pris, tu cherches la mort à ce point ? Pourquoi tu n'es pas passée par la rue principale comme d'habitude ?
Je ne répondis rien et me contentai de resserrer mon étreinte. Je me promis que c'était la première et dernière fois. Je détestais toujours Shade, mais il avait l'avantage de se montrer rassurant.
Finalement, nous finîmes par nous écarter l'un de l'autre. Il tapa amicalement le dessus de ma tête.
- Allez, on rentre.
Nous montâmes donc en silence en compagnie des Williams. Tous les trois me regardaient avec inquiétude et une sorte de pitié. J'en avais assez d'être cette fille dont on doit toujours s'occuper, celle dont on doit prendre soin. Je voulais être indépendante et maitresse de ma vie, mais force est de dire que j'étais incapable de me débrouiller seule, surtout dans la peau de Sarah. Arrivés à l'appartement, Shade me passa un sachet de glace et ne chercha pas à faire plus pour moi, ce qui me soulagea. Je n'avais pas envie qu'il soit au petit soin pour moi comme si j'étais une gamine fragile. Même si je m'étais laissée allée dans ses bras, je valais mieux que ça (du moins j'espérais ne pas être tombée aussi bas). La glace posée sur ma joue, debout dans la cuisine, j'étais comme perdue. Je n'avais aucune idée de ce que j'allais faire maintenant. J'avais perdu la force et l'envie d'entreprendre la moindre chose. Je me dirigeai alors vers le salon où Shade regardait la télévision. Il se tourna vers moi, un grand sourire aux lèvres.
- Tu te remets à chanter ça ?
Je ne m'étais pas rendu compte que j'étais en train de chantonner. Je fredonnais machinalement, et maintenant que je m'en rendais compte, je ne connaissais même pas la chanson que j'étais en train de chanter. Pourtant, elle avait un effet incroyablement relaxant sur moi. Je souris à mon tour en haussant les épaules.
- Je crois que je vais aller faire un petit somme. Je me sens un peu fatiguée.
Je n'avais même plus faim. Mon estomac était noué et je me suis dit que si je dormais, je pourrais chasser mes idées noires. Je rentrai dans ma chambre et je me jetais sur le lit. J'avais passé une nuit si mauvaise que malgré les 14H45 qu'affichait ma montre, je m'endormis presque immédiatement.
🌟
La scène se passe dans la rue. Je ne reconnais pas tout de suite Sarah. Ces cheveux sont teints en blond platine et sont très longs, ils lui arrivent à la moitié du dos. C'était à peu près il y a 6 ou 9 mois. Elle est beaucoup plus jolie qu'à l'époque actuelle, et elle est mince sans être maigre, ses joues sont roses et ses yeux gris pétillent. Elle est adossée contre un mur gris, Shade à sa gauche et Marc, un de ses amis, à sa droite. Joshua arrive alors, accompagné d'un garçon qu'elle ne connait pas. Shade et Marc ont la gentillesse de se détacher du mur pour aller à leur rencontre, pas Sarah. Elle reste nonchalamment adossée au mur, un sourire narquois aux lèvres. L'inconnu se présente comme étant Nick. Il sert virilement la main aux garçons, puis se dirige vers Sarah. Nick porte une veste en cuir noir et des lunettes de soleil. Il n'est pas séduisant mais il dégage un charme qui plait à Sarah. Il se penche pour lui faire la bise, mais elle lui tend la main. Il est un peu surpris, mais la sert.
- Ail ! Mais tu m'as griffé ! s'exclame-t-il.
En guise de réponse, elle sourit encore plus.
Ce Nick lui plait décidemment beaucoup.
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