18. Confessions et découvertes dans le métro
Je n'essayai même pas de faire bonne figure lorsque je m'échappai littéralement de l'antre des Blackwood. J'entendis la porte claquer derrière moi lorsque je me trouvai dans leur jardin. Je me moquais bien de faire bonne ou mauvaise impression aux parents de Zéphyr, une seule chose comptait, partir d'ici, et vite.
Je n'étais plus que terreur. Mon cœur battait encore à la chamade et j'avais le souffle court. Je sentis les yeux menaçants d'Arès collés à ma nuque tandis que je m'éloignais de sa maison. Même si je lui tournais le dos, je voyais très bien quel genre d'attitude il adoptait : calme, un léger sourire aux lèvres, immobile derrière sa fenêtre.
Dans la rue, je sortis mon téléphone. Je ne supportais plus l'idée d'être seule, j'avais le sentiment qu'Arès pouvait surgir n'importe quand derrière moi. Je ne savais pas quelle était la cause de la peur qui avait pris le contrôle de tous mes muscles ni pourquoi c'était Arès qui l'avait déclenchée. La seule certitude que j'avais était qu'il fallait à tout prix que je retrouve Shade. C'est avec une voix tremblotante que je l'appelai.
- Shade, il faut que tu viennes tout de suite, s'il te plait.
- Que s'est-il passé ? Ils t'ont fait du mal ? Qu'est-ce que tu as ? s'inquiéta-t-il.
- Je, je ne sais pas vraiment ce qu'il se passe. Il faut que tu viennes. S'il te plait.
J'entendis un bruit sourd. Il venait de claquer la porte. Il était déjà en marche. Shade était toujours à la disposition de Sarah. Savoir qu'il allait arriver contribua à estomper ma peur.
- Eloigne-toi de ces fous, je fais au plus vite. On se retrouve à l'arrêt de métro.
J'hochai la tête puis me rappelai qu'il ne pouvait pas me voir.
- Ok on fait ça.
Je sentis qu'il allait raccrocher, alors je poussai un timide « Shade ? ».
- Quoi ?
- Merci pour tout.
Il coupa court à notre conversation et raccrocha.
Je marchais d'un pas rapide de peur que la nuit ne me rattrape. La lune brillait mélancoliquement ce soir-là. Je ne tardai pas à arriver à l'arrêt de métro où ne passait pas un chat. Je ne savais pas si être seule était une bonne ou une mauvaise chose.
Ma conscience prit le dessus sur ma peur et je me rappelai que j'avais totalement détruit la soirée de Zéphyr en partant en coup de vent. Je décidai donc de lui envoyer un message assez explicatif pour qu'il comprenne mais assez flou pour me laisser le temps de concocter une excuse valable.
Sarah : Je suis désolée d'être partie si vite, c'était très malpoli. Crois-moi, j'avais mes raisons. Il faudra que je te raconte tout plus tard, quand on sera face à face. Au fait, je sais que ça n'a aucun rapport, mais pourrais-tu me rafraîchir la mémoire ? Pourquoi ton frère était-il à l'hôpital déjà ?
Zéphyr : Il a reçu plusieurs coups de couteau.
Mon sang se glaça. Plusieurs coups de couteau.
Immédiatement, l'image de la lame ensanglantée posée sur le meuble de Sarah me revint en mémoire. Je n'eus pas le temps de digérer l'information que le métro arriva en gare. Une masse folle et inquiète en sortit : Shade. Il fonça sur moi et pressa fermement mes bras entre ses mains.
- Sarah, que s'est-il passé ?
Je n'arrivai pas à lui fournir d'explications, tout simplement parce que je n'en avais pas.
- Il faut qu'on rentre. S'il te plait. Dis-je d'une voix sourde.
Je me rendis compte que je l'avais dérangé pour une broutille, mais je n'aurais pas pu affronter le chemin du retour seule. Je pensais qu'il allait se montrer compréhensif, mais il s'énerva. Il serra encore plus mes bras, et bien que la pression fut forte, je savais qu'il se retenait de ne pas me faire mal.
- Sarah, qu'est-ce que tu fous, là ? J'ai l'impression de retrouver l'ancienne toi ! T'es de nouveau dans la merde, c'est ça ? Tu fais de nouveau n'importe quoi ? Tu replonges dans des histoires sombres ? cria-t-il.
Je baissai la tête. Je ne savais que lui répondre. Je ne savais pas moi-même ce qui était en train de se passer, alors comment l'expliquer à quelqu'un d'autre ?
- Je suis désolée.
- Tu recommences, comme cette nuit où tu es venue sonner chez moi. Je déteste quand tu fais ça. Je déteste ce que tu fais tout court. Je crois que je te déteste, Sarah.
Ses mots me firent mal, beaucoup plus que je ne l'aurais cru. Pourtant, j'étais toujours aussi incapable de lui fournir des explications.
- Je te demande pardon. Je sais que je suis égoïste.
- Ca tu peux le dire. Cracha-t-il.
Il recula et détourna son regard de moi pour fixer un panneau publicitaire. Je préférais encore lorsqu'il me faisait mal aux bras. Au moins, il faisait attention à moi, je savais que j'existais. Quand il agissait comme il venait de le faire, en ne m'adressant pas même un regard, j'avais l'impression de redevenir un fantôme. Je ne pus m'empêcher de me demander pourquoi venait-il toujours sauver Sarah dès qu'elle le lui demandait. Pourquoi revenait-il toujours alors qu'il ne recevait rien en retour ? Je me retins de lui demander pourquoi ne m'abandonnait-il pas. Sa vie serait tellement plus belle sans moi. Il pourrait faire ce qu'il veut sans avoir à se soucier que sa meilleure amie saute du haut d'une fenêtre ou soit mêlée à des histoires obscures. Malgré cette question qui me brûlait les lèvres, ma bouche resta coincée.
Le métro arriva, et nous entrâmes dans le même wagon. Celui-ci était totalement vide. Nous nous assîmes côte à côte, sans un mot. J'aurais voulu m'excuser pour tous les problèmes que je lui créais. J'aurais tellement voulu lui dire de me laisser tomber, que j'étais une cause perdue, qu'il s'épuisait en vain. J'aurais tant voulu lui dire que c'était parce que je tenais à lui que je lui souhaitais de faire sa vie loin d'une fille aussi nocive que moi. J'étais un poison, il n'était pas trop tard pour qu'il évite que je coule dans ses veines. J'aurais tellement voulu lui dire qu'il n'était pas venu pour rien, que j'avais réellement besoin de lui, que j'avais peur, qu'une menace planait au-dessus de ma tête. Mais, évidemment, j'étais toujours incapable de trouver les bons mots. Alors je préférais me taire.
Au prix de grands efforts, je brisai la barrière de la peur et trouvai dans les tréfonds de ma mémoire le visage d'Arès. Derrière la vitre sale du métro, les souvenirs se mirent à défiler.
Sarah le voyait souvent aux soirées qu'organisait Zéphyr. Elle s'entendait bien avec lui, enfin, comme on s'entend avec le frère d'un ami. Le garçon de mes souvenirs était charmant, drôle et rassurant. Il n'avait rien à voir avec cet être appuyé sur une canne que j'avais rencontré aujourd'hui. Au fil du temps, une atmosphère étrange s'installa entre lui et Sarah. Il était impossible de la décrire, mais leur relation était devenue ambiguë. Lorsqu'elle s'était violemment disputée avec Nick et qu'ils avaient décidé de faire une « pause », elle avait été totalement dévastée. Arès en avait profité pour être auprès d'elle pour la soutenir. Au début, il s'était montré prévenant, puis il avait commencé à lui faire des avances, qu'elle remballa. Peu de temps après, elle s'était remise avec Nick et la relation qu'elle avait avec Arès redevint purement amicale.
Depuis le message de Zéphyr, j'étais persuadée que c'était moi qui avait envoyé son frère à l'hôpital. Cependant, je ne comprenais pas pourquoi Sarah aurait fait tant de mal à un être dont elle était proche. Je tentai de me rassurer. C'était peut-être une coïncidence. Et puis, si c'était Sarah qui avait poignardé Arès, Zéphyr aurait forcément été au courant, et jamais il ne serait resté ami avec Sarah. Je fus soulagée d'être innocentée, jusqu'à ce que je me rappelle de la phrase qu'Arès avait prononcée avant que je m'en aille « Notre secret n'en sera bientôt plus un. ».
- C'est Arès qui m'a fait peur. Et le véritable problème, c'est que ce n'est pas seulement lui qui m'effraie. Tout me fait peur. Et je ne sais pas comment faire pour me débarrasser de cette désagréable sensation d'être en danger en permanence. Avouai-je.
Etrangement, face à ma confession, il esquissa un sourire.
- Comment une fille qui a regardé la mort droit dans les yeux peut-elle avoir si peur ? demanda-t-il, d'un ton amusé.
Quant à moi, j'étais on ne peut plus sérieuse. Mes poings vinrent serrer le bas de ma robe.
- Ce n'est pas la mort qui m'effraie. C'est la vie.
Son sourire énigmatique ne fit que s'agrandir.
- Tu te trompes d'ennemis, Sarah.
- Pourquoi tu dis ça ?
Il se tourna vers moi et plongea ses yeux verts dans les miens.
- Parce qu'on sait tous les deux que la seule qui te fait peur, c'est toi.
Il marquait un point. Ma plus grande hantise n'était pas ce que pouvais faire les autres, mais ce que j'avais fait, moi. Une part sombre se cachait au fond de moi et j'étais effrayée par ce qu'elle était capable de faire. Mes poings se fermèrent un peu plus sur ma robe.
- Mais comment faire pour arrêter d'avoir peur, dans ce cas-là ?
Il se tourna vers moi. Son regard était rempli de bienveillance et de douceur.
- Fais comme tout le monde. Accepte.
Je ne trouvai pas de mots pour lui répondre. De nouveau, le wagon fut plongé dans le silence le plus total. Un souvenir se fraya un chemin jusqu'à ma mémoire.
Sarah est devant la porte des Blackwood, celle avec le code. Elle a peur, elle tremble. Elle jette un regard à droite, puis à gauche. Personne, la voix est libre. Elle aurait dû regarder si quelqu'un ne se cachait pas derrière elle.
Arès sort de sa chambre et l'aperçoit, un immense sourire aux lèvres. Elle fait volte-face et cache le code dans sa poche.
- Sarah, tiens ? Comment va ma petite chapardeuse ?
Elle accrocha un sourire à ses lèvres. Elle devait à tout prix garder son calme, sa vie était peut-être en jeu.
- Ca va super et toi ? Je cherchais les toilettes. Répond-t-elle d'une voix mielleuse.
Il regarde autour de lui, l'air dubitatif.
- Zéphyr ne t'a pas montré où s'était depuis le temps ?
Elle éclate d'un rire factice.
- Si, mais j'oublie à chaque fois. Et comme il est parti acheté des cigarettes, j'ai dû trouver mon chemin comme je pouvais.
Elle rit encore. Elle manque de naturel, songe-t-elle. Une lueur étrange s'allume dans les yeux d'Arès. Il s'approche d'elle, la marche fluide, ressemblant à un prédateur près à sauter sur sa proie.
- Ca veut dire qu'on à la maison à nous tout seul.
Son instinct lui crie de s'enfuir, mais soudainement, Arès se trouve devant elle, tout près. Beaucoup trop près. Il approche ses lèvres de son visage, elle tourne la tête et son baiser atterrit sur le recoin de sa bouche.
- Non Arès, tu sais bien que je suis avec Nick.
- Il n'en saura rien. Susurre-t-il au creux de son cou.
Elle le pousse violemment.
- J'ai dit non. Crache-t-elle.
- Voyons, personne ne dit non à Arès Blackwood.
Il plaque son corps contre le sien, elle se retrouve propulsée contre la porte. Le choc a été tel qu'elle en est un peu assommée. Sarah a beau avoir la morphologie d'une brindille, elle ne va pas se laisser faire.
- Dégage ! crie-t-elle.
Elle monte son genou et il atteint ses bijoux de famille. Elle prie intérieurement pour que Zéphyr arrive. Le visage du garçon exprime la douleur mais ce n'est pas pour autant qu'il se décourage. Il n'est plus humain, c'est une bête sauvage aveuglée par ses instincts malsains.
- J'adore qu'on me résiste !
Il saisit ses poignets et les monte au-dessus de sa tête. Elle se débat comme elle peut, mais il est bien plus fort qu'elle.
- Au secours ! à l'aide !
Sa bouche se balade sur sa joue, descend le long de son cou, se pose sur son décolleté. Elle donne des coups de pieds dans le vide, bouge dans tous les sens. Les lèvres brûlantes du garçon continuent leur course de plus en plus bas. Quand elles arrivent dans le bas de son ventre, elle arrive à donner un coup de pieds dans son estomac, assez puissant pour qu'il recule.
Plié en deux, les mains posées à l'endroit douloureux, il lève des yeux pleins de haine vers elle.
- Sale pétasse !
Il l'attrape par les cheveux et la plaque au sol. Elle est morte de peur. Il escalade son corps, déboutonne son pantalon. Il n'aurait jamais dû faire ça. Car dans sa poche, il n'y avait pas qu'un code. Il y avait aussi un couteau, qu'elle avait pris si elle était en danger ou si une serrure lui résistait. Elle arrive à l'attraper et frappe l'épaule de garçon avec. Il arrête de gesticuler au-dessus d'elle et pousse un cri. Elle le frappe de nouveau. Elle est aveuglée par sa terreur, les coups fusent sans qu'elle voie dans quelle morceau de chair ils s'enfoncent. Tout baigne dans un brouillard flou et sanglant. Guidée par sa peur, elle le blesse jusqu'à être sûre d'être hors de danger. Le garçon est désormais inanimé. Elle se relève avec peine, les jambes flageolantes. Elle observe le tas de chair sanguinolente qu'est devenu Arès, et réalise enfin ce qu'elle vient de faire. Elle a poignardé à maintes et maintes reprises une personne. Une terreur encore plus grande l'envahit. Elle a l'impression de mourir, que son sang pourrit à l'intérieur de ses veines et que chacun de ses organes est en train de faner. Mortifiée, elle prend la fuite, laissant l'homme à moitié mort derrière elle.
Et couverte du sang de son agresseur, Sarah s'enfonce un peu plus dans la nuit.
NDA : Voilà une partie du secret de Sarah enfin découverte ! Désolée si ce chapitre s'éternisait un peu, mais j'étais obligée de le faire plus long que les autres afin de bien expliquer la situation. J'espère que cette histoire vous plait toujours malgré la tournure qu'elle prend. Et à votre avis, que renferme la fameuse porte au code ? Je vous laisse, merci de me lire et bisous !
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