Chapitre 4

Cela faisait maintenant presque deux semaines que j'étais devenue la secrétaire des Volturi. Durant laquelle j'avais obtenue tellement d'informations que ma tête bourdonnait encore avec la douce mais profonde voix de Félix en fond. Il avait continué à me bombarder de toutes sortes de données sur leur monde au point de devoir noter certaines choses sur l'ordinateur afin de m'y retrouver, notamment les époques ou les dons des vampires qui composaient le clan. Il avait fini par passer aux aveux pour ce qui était des dons des fameux jumeaux, ce qui m'avait fait faire des cauchemars le reste de la semaine. Me faisant encore hésiter sur la capacité que je devais craindre le plus mais j'avais fini par accepter l'idée que je préférerais subir le don de Jane, aussi effroyable soit-il. Souffrir était un signe que l'on était bien en vie. Sans tomber dans des extrêmes, j'aimais contrôler mes émotions ou simplement ce que je faisais. Devoir se soumettre au don de son frère Alec voulait dire perdre ce contrôle. Je ne voyais rien de plus horrible que d'être privé de ses sens au point de ne pas savoir si on était mort ou vivant. Et désormais je savais enfin pourquoi j'avais entendu à plusieurs reprises des mises en garde sur Demetri. L'idée que son don soit en réalité un GPS super puissant était aussi flippant que fascinant je devais le reconnaître. J'aimais en revanche moins les dons qui appartenaient à Corin, Chelsea ou encore Heïdi, probablement parce qu'ils avaient la possibilité de remettre en cause le contrôle qu'une personne avait sur elle-même ou ce qui la caractérisait.

Heureusement Félix restait le seul garde que je voyais tous les jours. Si je m'étais finalement adaptée presque trop rapidement à mon environnement de travail, il avait été remarquablement compréhensif et patient lorsque j'avais assisté au premier festin des Volturi depuis mon bureau. Les cris du groupe de touristes rapporté par la rouquine résonnaient encore dans ma tête. Si j'avais réussi à éviter de vomir, surtout avec l'odeur de sang qui avait lentement envahi le couloir pour se répandre jusqu'au secrétariat, je me souvenais vaguement avoir eu une perte de connaissance. Le colosse m'avait retrouvé dans les pommes au pied de ma chaise roulante et j'avais été incapable de le regarder dans les yeux pour le reste de la journée. Ce n'était qu'en répétant en boucle le fait que c'était « naturel » avec cette histoire de chaîne alimentaire que j'avais réussi à ne pas craquer.

Celui que j'hésitais encore à qualifier d'ami avait pris l'habitude de passer me voir dans la journée pour la rendre moins longue et monotone. J'avais si peu de choses à faire que je commençais à m'ennuyer aussi malgré mes efforts pour me démarquer. Ce qui au passage semblait fonctionner. Pour commencer, j'avais obtenu la bibliothèque dès le lendemain. Que j'avais de suite placée sur le mur situé en face de mon bureau, et je l'avais rempli avec une dizaine de livres pour commencer, y ajoutant une référence tous les deux jours pour donner une impression de nouveautés sans épuiser de suite ma réserve de bouquins. J'ignorais qui mais je savais que ce coin lecture était utilisé, parce que tous les matins je remarquais que des livres avaient bougé de place ou manquaient à l'appel. J'avais essayé de diversifier les titres et les genres même si tous étaient en français. En récompense, j'avais eu le droit à plus de confort avec un petit chauffage d'appoint qui était plus que bienvenu, m'aidant à supporter le froid constant, et faisant sécher mes vêtements plus rapidement et ainsi leur éviter de se gorger d'humidité.

Lorsque Félix m'avait accompagné pour faire mes courses, tout en restant à distance pour ne pas se faire voir des humains, j'en avais profité pour prendre deux trois appareils d'électroménager plus récents, ainsi que quelques livres traduits dans la langue du pays. J'avais l'air de remplir les exigences attendues, si bien que mes tenues avaient pris de la couleur au fur et à mesure des jours sans que cela ne semblent poser problème. Quant à mon italien, il était devenu presque naturel même si je continuais à communiquer dans ma langue maternelle avec Félix. Et ce n'était d'ailleurs pas la seule langue que j'avais le loisir de perfectionner. Il en connaissait tellement qu'il m'apprenait les bases de certaines quand il passait me voir.

Je ne savais toujours pas ce que mon histoire pouvait bien avoir d'intéressant mais le colosse français affirmait voir que les maîtres avoir une attitude plus ouverte à mon égard que pour les autres secrétaires. Venant d'une famille dont j'étais enfant unique, j'avais peu à peu couper les ponts avec mes parents qui voulaient à tout prix que je fasse des études de médecine afin de reprendre un jour la relève de mon père. Or mon choix de me diriger vers l'Histoire qu'ils jugeaient inutile avait créé une rupture définitive qui ne me dérangeait pas puisque je n'avais jamais été proche de mes parents. Mon paternel succomba il y a quelques années à un virus transmis par l'un de ses patients. Et pour ce qui était de ma mère, et bien j'ignorais ce qu'elle était devenue et ça me convenait parfaitement. Une histoire personnelle qui n'avait rien de passionnant et qui ne pouvait pas être à l'origine de l'intérêt d'un des souverains à mon égard. Félix avait même supposé l'existence d'un don qui puisse compléter la collection d'Aro en matière de capacités uniques dans son clan, mais j'étais convaincue qu'il s'agissait d'autre chose.

Les tintements provoquaient par les portes de l'ascenseur me ramenèrent à moi tandis que je tournais la tête vers le nouveau venu. Le colosse m'avait tellement bassiné avec le retour de son meilleur ami que je supposais que c'était lui qui rentrait d'une mission. L'individu devait faire à peine une tête de moins que le géant français, parée de la fameuse cape gris anthracite qui permettait de différencier le traqueur des autres gardes. Mes yeux avaient fini par s'adapter au manque d'éclairage de la forteresse pour distinguer un homme plus affiné que son meilleur ami mais pas moins impressionnant. Ses origines méditerranéennes étaient plus visibles que chez Chelsea ou les maîtres puisque son teint semblait légèrement moins pâle tandis que sa chevelure était dans des teints blonds presque dorés. Si les vampires avaient de nombreuses caractéristiques, j'avais bien compris que la beauté était tout aussi surhumaine depuis que je côtoyais les Volturi. Mais j'aurais été une mauvaise menteuse si je m'étais contentée de dire que celui que j'avais sous les yeux était beau. Parce qu'il était bien plus. Et pas uniquement parce qu'il était physiquement parfait. C'était l'aura de puissance et d'assurance qui émanait de sa personne qui le rendait si dangereux. Je compris immédiatement pourquoi Demetri faisait parti des gardes les plus redoutés des Volturi. J'avais rarement été intimidée par une personne comme c'était le cas avec le traqueur. C'était difficile d'imaginer qu'il provenait de la Grèce antique alors qu'il paraissait avoir une trentaine d'années tout au plus.

Essayant de reprendre contenance, je me raclais la gorge avant de lâcher un bonjour peu convaincant, oubliant même d'en utiliser l'italien. Ce qui ne sembla pas le perturber tandis qu'il s'avançait dans le couloir en observant le secrétariat parfaitement impassible. Il était impossible de savoir ce qu'il pensait. Contrairement à Félix dont l'expression faciale était facile à décrypter la plupart du temps, celle de Demetri était illisible, impénétrable. Il se dirigea sans un bruit vers la bibliothèque pour y jeter un œil, prenant un des livres de Suzanne Collins qui s'y trouvait entre ses mains pour l'étudier et le reposa pour se tourner vers ma personne. Je pris conscience que j'avais arrêté de respirer lors que je commençais à manquer d'air, prenant une bouffée d'oxygène aussi discrètement que possible.

- Tu dois être la nouvelle secrétaire dont Félix n'arrête pas de me parler... fit le vampire sur un ton qui ne trahissait aucune émotion, se contentant de me dévisager tandis que j'étais étonnée de la douceur de sa voix qui me faisait penser à du velours.

Mais j'étais surtout surprise de savoir que le colosse avait parlé de moi à son meilleur ami alors qu'on m'avait bien fait comprendre que les standardistes n'avaient aucun intérêt aux yeux du clan, aussi efficaces soient-elles. J'étais longue à détente mais je réalisais que Félix m'avait dit la vérité et qu'il semblait réellement m'apprécier pour prendre cette peine. Une façon subtile de faire comprendre que j'avais un minimum de valeur à ses yeux. C'était tellement gratifiant que je ressentais une vague de reconnaissance envers mon compatriote.

- Probablement, répondis-je simplement toujours en français, remarquant qu'il s'était adressé à moi dans cette langue sans la moindre difficulté. Alors qu'au même moment, j'entendais un rire grave envahir le couloir au moment où le concerné arrivait à la hauteur du traqueur pour abattre sa main sur l'épaule avec tellement de force que si ça avait la mienne, elle serait déjà en morceaux.

- Il est rentré ! Ne me laisse plus jamais seul avec les jumeaux, ils sont de très mauvais poils depuis quelques jours...

- J'imagine que Jane n'a pas dû apprécier ta blague sur la blonde qui rencontre une végétarienne dans une clairière enneigée des Etats-Unis... répondit le blond avec un sourire cette fois, faisant redoubler le rire du colosse.

- Reconnais qu'elle était bien trouvée celle-là ! Et celle de l'adolescent qui se fait botter le cul par un géant, tu en as pensé quoi ?

- Je vais finir par croire que tu prends goût aux tortures de Jane... soupira Demetri malgré l'amusement que je distinguais dans ses paroles. Maintenant veux-tu bien me dire où est passé l'ancien secrétariat que j'ai dû rafistoler sous prétexte que tu as cassé par « accident » en t'asseyant dessus ?

- Ah ça... euh... Santiago l'a pulvérisé, une histoire de coupure au doigt... la routine quoi... !

Pendant que je les observais, je réalisais qu'ils avaient continué de communiquer dans la langue de Molière avec tellement d'aisance que je conclus qu'ils devaient souvent l'employer pour parler entre eux.

- Vous ne parlez pas en italien ? Intervins-je avant de me demander si j'avais bien fait de les interrompre.

- Hélas, je ne parle pas le grec ancien, et Demetri...

- N'a aucun attrait pour la langue d'un peuple qui a massacré le sien à plusieurs reprises, coupa sèchement le traqueur en vrillant ses yeux dans les miens.

Si les vampires avaient tous les yeux rouges, du moins ceux qui se nourrissaient de sang humain, j'étais toujours aussi intriguée par les délicates nuances d'un individu à l'autre. Si ceux de Félix tiraient sur le cramoisi, je comparais les prunelles de Chelsea avec la couleur des coquelicots tandis que j'avais trouvé le regard d'Aro presque laiteux, peut-être à cause de sa longue existence. Ceux de Demetri étaient carmins, plus foncés et d'une certaine façon, plus intenses que ceux que j'avais déjà pu observer. Je m'efforçais de détourner le regard sans montrer mon ressenti, toujours intimidée par sa présence.

- Les romains ont pillé, massacré et détruit Sparte, qu'ils s'estiment heureux de respirer encore, siffla-t-il imperturbable, se rapprochant du bureau si lentement que ça ne le rendait que plus dangereux.

Déglutissant en réponse, j'aurais juré m'être ratatiné sur mon fauteuil, ayant une vague idée de quoi il parlait. Sans être une spécialiste de la Grèce antique, je savais que le peuple spartiate comptait parmi les plus redoutables de l'antiquité, que le service militaire était obligatoire et que ses capacités de défenses de la cité avait attisé bien des jalousies au point d'être souvent attaqué jusqu'à ce qu'elle ne soit plus que des ruines. Ce qui confirmait au passage la dangerosité du garde qui se tenait devant moi, désormais appuyé sur mon bureau avec ses avants bras, faisant légèrement geindre mon poste de travail sous le poids et la force du vampire. Si les Volturi mettaient un point d'honneur à ceux que ses membres sachent se battre pour se protéger, certains avaient déjà des aptitudes au combat alors qu'ils étaient encore humains, je n'osais imaginer de quoi était capable le traqueur depuis que tout avait été exacerbé avec la transformation.

Voyant son visage se rapprocher du mien, j'eus le réflexe de poser une main sur le haut de son buste pour le tenir à distance alors que mon cœur s'emballait face à la peur que j'éprouvais, croyant voir ma mort arriver. En prenant une inspiration, l'odeur du traqueur m'atteignit de plein fouet alors qu'un mélange de jasmin et de fleur d'oranger me troublait. Mon regard absinthe s'ancra dans le sien au moment où je sentais une vague de désir soudaine m'envahir, percevant alors vaguement un grognement résonner dans la pièce qui se répercuta en moi. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il se passait lorsqu'un courant d'air me fit frissonner. Je clignais des yeux pour reprendre mes esprits, voyant Félix s'approcher à son tour alors que son ami avait disparu.

- Je... commençais-je sans vraiment savoir quoi répondre, faisant sourire le colosse qui se penchait vers moi en me demandant si ça allait, hochant brièvement la tête sans être certaine que ce soit vrai.

- J'ai oublié de te dire quelque chose sur Demetri. Beaucoup pensent qu'il se sert de son odorat plus poussé pour traquer ses proies, mais ce n'est pas tout à fait vrai. En réalité, il accède à l'odeur pour s'insinuer dans l'esprit d'une personne et y capturer son essence. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il est empathe mais son don extrasensoriel lui permet de capter sur son radar les émotions de sa proie au moment où il se concentre dessus. Même si ton changement d'odeur corporelle est perceptible pour tout vampire se trouvant à proximité, Demetri l'a ressenti avec plus d'intensité... je l'ai envoyé faire un tour le temps de se calmer, c'est la première fois néanmoins que je le vois réagir ainsi, son expérience le rend imperturbable en général, continuait le colosse sans se départir de son sourire sans que je parvienne à déterminer s'il était en train de se moquer de moi.

- Je ne sais pas ce qu'il m'a pris... soufflais-je en tentant d'analyser ce que j'avais ressenti alors que le sourire du garde s'agrandissait.

- J'ai bien une petite idée, assura-t-il sous mon regard troublé. Je dois faire quelques vérifications. Oh et pour info, les sens de traqueur de Demetri lui permettent de couvrir l'entièreté de la forteresse, ajouta-t-il avant que je n'ai le temps de lui demander des explications.

Il disparut à son tour dans un courant d'air alors que je reprenais lentement mon souffle. Si je ne me faisais pas virer pour les dernières minutes, j'aurais de la chance.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top