Chapitre 27
Chacun prit le temps de pleurer un être qu'il avait perdu, passant la nuit qui suivit à rester dans la clairière qui était isolée de tous, située entre deux pics montagneux difficiles d'accès pour les humains. Cela nous permit de nettoyer les lieux avec minutie pour ne laisser aucune trace de l'affrontement, vérifiant au passage que nous n'avions oublié personne vu que certains cadavres avaient été abandonnés au beau milieu des bois dans la précipitation du combat. La victoire avait un goût amer et il nous faudrait du temps pour passer à autre chose.
Ce furent les souverains de Volterra qui prirent les choses en main pour coordonner nos mouvements. Alors que la plupart était chargé de ramener les corps éparpillés, j'eus la responsabilité de tout faire disparaître, observant les flammes qui crépitaient autour avec un certain réconfort, leur chaleur m'atteignant et me réconfortant en l'absence de Demetri qui avait accepté d'aider Corin à retrouver sa main grâce à ses sens. Or même le meilleur traqueur au monde ne parvint pas à localiser son membre manquant, ayant certainement été jeté dans les braises par précaution. Athenodora lui proposa de la remplacer par celle d'un autre, vu le nombre de morts qui n'avait plus besoin de la leur, la garde du corps des reines avait l'embarras du choix mais l'italienne refusa et je la comprenais, j'aurais été très mal à l'aise avec un bout de quelqu'un d'autre sur moi. Elle préférait restée amputer et les maîtres l'acceptèrent, de toute façon les reines insistèrent lourdement sur le fait qu'elles voulaient conserver leur garde attitrée qui veillait sur elles depuis des siècles, le combo de protection assuré par Derren et Corin leur convenait parfaitement. Voir la solidarité des reines vis-à-vis de ceux qui les protégeaient depuis des siècles étaient touchantes à voir, parce qu'elle montrait bien que la garde des Volturi était bien plus que de simples gardes, le temps avait consolidé de véritables liens que la plupart des alliés n'avaient même pas idée.
Pendant que j'observais le feu se consumer tout autour, Amun était venu me remercier avec Kebi, et j'avais dû insister sur le fait que sans Didyme, nous n'aurions même pas su que l'égyptienne pouvait être sauvée. Mais le créateur du spartiate ne voulait rien savoir, m'ayant même pris dans ses bras qui tremblaient encore, se remettant difficilement du choc qu'il avait vécu en croyant que sa compagne avait péri. Il semblait avoir retrouvé néanmoins une certaine paix intérieure, et je savais qu'il avait réussi à se mettre en bons termes avec Aro, ce qui relevait du miracle. Nous avions tous vu à quoi pouvait amener de vieilles vengeances inassouvies et nous espérions ne plus avoir à affronter ce genre de conflit.
La souveraine brune qui avait partagé ma captivité était également venue me voir pour s'assurer que j'allais bien. Elle prenait le temps de m'écouter alors qu'elle aurait dû profiter de son compagnon qui avait préféré regarder brûler les corps de Stephan et Vladimir jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien, vite rejoint par Aro et Caïus, ainsi que Demetri qui aurait aimé en tuer au moins un après les avoir fait longuement souffrir.
Désormais, une question demeurait. Qu'allait devenir le monde des vampires après le chaos que nous avions vécu ? Pour commencer, nous devions détruire les prémices construits pour les fermes d'élevage envisagées par Aznar, et les humains qui avaient commencé à y être entassés devaient être supprimés après avoir voté à une quasi-unanimité. Aro étant là au moment de sa destruction, il avait fouillé son esprit et avait découvert qu'une centaine d'individus avaient désormais connaissance de notre monde et les laisser retourner à leur vie était trop dangereux alors qu'ils pouvaient dire ce qu'ils avaient vu à tout moment. Demetri fut chargé de tous les retrouver et les tuer, et malgré mon insistance, il avait disparu après avoir refusé que je l'accompagne, ne voulant pas que j'assiste à un massacre de plus. Je l'avais laissé partir l'estomac noué, il semblait si amorphe que je n'aimais pas le voir y aller seul. A mon grand soulagement, je n'avais eu aucun mal à convaincre Félix de le suivre.
Et comme je tenais à me rendre un minimum utile, sur le trajet du retour de la forteresse où nos alliés se rendirent aussi le temps de se reposer, je fis la route aux côtés de Jane qui ne savait pas comment gérer le deuil d'Alexei, n'arrivant pas à penser à autre chose que le fait d'avoir tué sa sœur. J'utilisais ma chaleur permanente pour la laisser se répandre autour de chacun, apportant un maigre réconfort après cette sale journée. Didyme décida de prendre la relève d'Heïdi en débusquant des proies faciles le temps que nous arrivions à Volterra afin que nous puissions reprendre des forces, mais sur le long terme, il nous faudrait trouver une véritable solution durable.
Une fois dans la vieille bâtisse de pierres, chacun se sépara dans ses appartements en compagnie de son clan ou de son couple pour être un peu tranquille, si bien que je me retrouvais très vite seule au milieu du secrétariat ou ce qu'il en restait. La dernière fois que je m'étais trouvée à cet endroit, je me faisais enlever et me retrouver à nouveau dans la forteresse provoqua une petite vague de panique. Tout semblait à la fois identique et différent. Les murs et les couloirs étaient les mêmes mais je les trouvais plus sombres et lugubres que jamais. C'était à cet endroit que Charlotte m'avait tendu un piège sans que je ne vois rien venir, et avant de m'effondrer et de m'apitoyer à nouveau sur mon sort, je me précipitais dans les appartements de Demetri. Ouvrant la porte à la volée pour y faire une entrée fracassante, l'état des lieux me sidéra. Tout ou presque avait été détruit, et l'odeur entêtante de jasmin m'indiquait que le vampire hellénique était le seul responsable de ce désastre. J'avais sous mes yeux les conséquences de mon enlèvement du point de vue du traqueur. Sa solitude et son désespoir étaient visibles dans tous les recoins. Seules mes guirlandes électriques semblaient avoir survécues, scintillants toujours autour des vitres, mais avec moins d'éclats, comme si elles n'avaient jamais été débranchées depuis mon départ. Ainsi que le bouclier spartiate qui avait autrefois appartenu à Demetri, posé dans un coin où on le voyait depuis tous les angles de la pièce. Il avait été totalement nettoyé, lui rendant son éclat d'antan, et je fus touchée de le voir à proximité des guirlandes pour le mettre en valeur. Elles se reflétaient sur les matériaux utilisés pour le fabriquer, notamment au niveau du bronze, lui donnant presque l'impression d'avoir été forgé dans de l'or.
Prenant mon courage à deux mains, je décidais de faire un peu de ménage en posant tout ce qui était cassé dans un coin, refusant de jeter quoi que ce soit sans l'accord de Demetri. Je pris un balai pour retirer autant de poussières que possible, et remit en état ce qui pouvait l'être en redressant les meubles et en installant un nouveau lit avec des draps propres et sans défauts. Je finis par m'asseoir dessus en regardant autour de moi sans savoir quoi faire, me sentant terriblement seule dans cet espace si grand. Je me sentais vidée, épuisée maintenant que l'adrénaline était redescendue et que je pouvais ressasser sans être interrompue.
Je dû me forcer à me lever pour prendre une douche, la première depuis des semaines, me permettant au passage de changer de tenue et ce fut avec un plaisir très humain que je m'enveloppais dans un bain chaud, bouillant même. Comme à chaque fois depuis ma transformation, je perdis la notion du temps et lorsque la porte de la salle de bains s'ouvrit sur le traqueur, j'étais toujours enfouie dans l'eau brûlante. Le vampire esquissa un sourire et vint m'embrasser tendrement en se penchant vers moi.
- Tu ne peux pas savoir à quel point ça me fait du bien de sentir à nouveau ton odeur flotter autour de moi... ça fait longtemps que tu es dans l'eau ?
- Depuis qu'on est rentré des Dolomites, répondis-je doucement en profitant de ce moment de sérénité entre nous alors que je le voyais froncer les sourcils. Quoi ?
- Ça fait déjà deux jours mon ange, souleva le grec sous mon étonnement. On se fait souvent surprendre au début, le fait de ne plus ressentir de réelle fatigue ou d'avoir besoin de dormir peut nous induire en erreur sur le temps qui s'écoule. Ecoute, fit-il plus sérieusement toujours avec tact. Je sais que tu aurais voulu venir avec moi mais tu as vu suffisamment d'horreur comme ça, tu n'avais pas besoin de voir les immondices d'Aznar en plus...
- Comment c'était ? Demandais-je en acceptant ses justifications, avec le recul, je savais qu'il avait raison même si je regrettais qu'il cherche à s'isoler alors qu'il devait affronter tout un tas d'émotions dont il n'avait pas l'habitude.
- Il avait déjà préparé une dizaine de fermes réparties sur la Roumanie, la Russie et l'Ukraine, je crois que c'était une délivrance pour tous ses humains, ils n'auraient pas pu vivre normalement de toute façon après ça... pour avoir vu de mes yeux l'enfer entraîné lors du second conflit mondial, je peux t'affirmer qu'Aznar s'était inspiré des camps de l'époque qu'on trouvait en Europe de l'Est pour construire sa vision idéale de l'humanité... le point positif c'est que Félix semble avoir trouvé aussi sa compagne, Dilara, originaire de Turquie il me semble. C'était une des captives situées au sud de la Roumanie, ça prendra du temps à oublier tout ce qu'elle a vu, elle ne sera pas transformée tant qu'elle ne sera pas prête d'ailleurs, mais au moins, il n'aura pas à souffrir d'être le seul non accouplé du clan...
- Tu crois qu'il va se passer quoi maintenant ?
- Eh bien, j'ai entendu les rois parler de monarchie parlementaire où les autres clans seront désormais inclus lors des grandes décisions. Les Volturi demeurent toujours la famille régnante mais avec moins de pouvoirs, et les lois et les changements à venir seront exposés aux autres clans afin d'avoir leur avis et leur consentement. Ils veulent améliorer le système et personne ne pourra être en désaccord, ça évitera peut-être à l'avenir d'autres rébellions engendrées à cause d'une monarchie absolue. Et Afton pense pouvoir assurer l'approvisionnement de la nourriture en se rendant invisible. Il compte piocher dans le monde carcéral humain des différents continents, là où il y a trop de détenus et les reines ont approuvé cette idée. La qualité du sang sera amoindrie comparé à des touristes, mais ça aussi on va devoir le changer, soupira Demetri alors que je prenais sa main dans la mienne, consciente qu'il lui faudrait du temps pour accepter la perte de la rabatteuse. Le traqueur répondit sans hésiter à mon étreinte qui apaisa nos deux âmes meurtries. Au-delà de la bataille dans les Dolomites qui pèserait longtemps, nous ne nous étions pas vu depuis des semaines, et même si nous avions partagé quelques heures de retrouvailles au campement, c'était loin de nous avoir suffit. Fais-moi de la place mon ange... quémanda d'ailleurs Demetri en retirant sa cape et son uniforme pour venir se glisser derrière moi, enlaçant ma taille de ses bras après avoir déposé une myriade de baisers sur mon omoplate, pansant l'insécurité que j'avais ressenti en étant éloignés l'un de l'autre.
Nous restâmes ainsi un long moment, profitant de sa froideur alors que ma chaleur nous enveloppait dans un cocon rassurant. Je n'avais pas envie de bouger, savourant cette bulle dans laquelle nous nous retrouvions. La tête de Demetri reposait sur mon épaule, il avait les yeux fermés si bien que j'aurais pu croire qu'il s'était assoupit si je ne savais pas qu'il était un vampire. Son air serein était trompeur et je n'avais pas besoin d'être empathe pour m'en rendre compte. Une de mes mains alla fourrager dans sa chevelure pour m'apaiser moi-même alors que je me tortillais dans ses bras pour entreprendre un shampooing dans ses cheveux ternis par la saleté.
- Je t'aime Demetri... chuchotais-je alors que je le voyais doucement sourire du coin de l'œil, me serrant toujours plus fort, me contraignant à arrêter de le savonner, me tournant finalement vers lui pour me blottir contre lui.
- Je t'aime aussi, et j'ai encore du mal à réaliser que je te tiens dans mes bras, tu m'as fait plus d'une frayeur depuis ton enlèvement... j'ai vraiment cru que j'étais en train de te perdre quand tu étais sous suggestion mentale. Si Derren n'était pas passé à proximité, j'ignore comment j'aurais pu te ramener à la réalité...
- Je suis encore sonnée par le fait d'avoir été obsédée par l'idée de te tuer, mais toi pourtant, tu n'as rien fait pour te défendre... relevais-je à mon tour en m'efforçant de ne pas y repenser dans les détails.
- J'ai tout fait pour te bloquer, mais si les choses avaient dérapé et que tu avais échappé à ma prise, j'aurais été incapable de t'éliminer pour me sauver, je ne l'aurais pas supporté. Et d'ailleurs toi non plus, tu aurais été ramené de force dans la réalité juste après m'avoir tué, et les ravages psychologiques auraient été terribles.
Et je n'avais aucun mal à le croire, repensant à la scène déchirante où l'égyptien avait ordonné Demetri de le laisser partir en paix. Et Amun demeurait le vampire le plus âgé qui existe. Il avait littéralement traversé les époques pour voir le monde se faire et se défaire au fil des siècles pour devenir celui que nous connaissions désormais. Il était le plus expérimenté de tous, et malgré plus de trois millénaires d'existence, il était prêt à renoncer à tout quand il a cru que Kebi n'était plus de ce monde.
- Je croyais que les compagnons faisaient ressortir le meilleur chez leur moitié, mais quand je repense à la détermination de ma mère d'aider le sien, j'ai encore du mal à l'accepter.
- Chaque duo est unique dans son fonctionnement, et même s'il est vrai que la plupart des couples ont des effets positifs mutuels, il arrive que certains soient vraiment... explosifs et mauvais une fois réunis. Dans le cas d'Aznar, il a traversé les siècles en rêvant de sa vengeance pour avoir été transformé dans le seul but de me bloquer. Il a vu dans son don la possibilité de prendre à son tour le pouvoir. Nous avons renversé les roumains qui eux-mêmes ont pris l'ascendant sur le clan d'Amun, il espérait être le prochain à gouverner. Les compagnons ont la capacité de réfléchir et de s'opposer à leur moitié contrairement aux imprégnations des loups dont le lien est purement primitif, presque immoral parce que ça peut toucher n'importe quel humain dans le sens but de perpétuer l'espèce des loups... Mais quand le lien d'âmes des vampires est fort, certains se laissent parfois emporter par la passion. Et puis, tu m'avais dit que tu n'avais plus de contacts avec Charlotte depuis des années, il est possible qu'elle avait déjà une façon bien à elle de voir les choses avant de rencontrer Aznar. D'ailleurs, elle avait peut-être déjà des idéologies ancrées en elle depuis plus longtemps...
- Oui c'est possible, reconnus-je même si c'était difficile à accepter.
- On ne choisit pas à qui on se retrouve lié, je ne sais même pas comment deux âmes sont unies entre elles plutôt qu'à une autre, mais que ce soit sur le plan caractériel, moral, physique... les compagnons se complètent autant qu'ils sont différents, ils se correspondent sur tous les plans. Le fait qu'Aznar ait été relié à ta mère signifie que d'une certaine façon, ils n'étaient pas très éloignés l'un de l'autre sur leur façon de fonctionner. Et surtout ça ne veut pas dire que tu es comme elle, ajouta Demetri par prévention alors que l'idée ne m'avait pas effleuré l'esprit.
- Ça je le sais ! Répliquais-je en le pensant en provoquant un rire chez le traqueur alors que j'embrassais le haut de son torse de temps à autre alors qu'il vint savonner mes cheveux à son tour, inspirant leur odeur en plongeant son nez dedans. Appuyée contre son buste, je pouvais le sentir presque vrombir sous les ronronnements qu'il produisait.
- Tu souhaites toujours fêter Noël ? Me demanda-t-il soudainement.
- Je ne pense pas que ce soit le bon moment pour en parler, fis-je, et je n'étais même pas certaine d'en avoir encore envie.
- Justement, je pense que ce serait une bonne façon d'aller de l'avant. On a tous souffert de la confrontation, ça ne ramènera pas les morts mais ça nous aidera à penser à autre chose. Je sais que tu as tendance à vite ressasser et je ne peux pas te le reprocher dans la mesure où je fonctionne pareil. J'ai tendance à m'enfermer dans mes souvenirs les plus sombres en me disant que telle chose aurait pu être évitée si nous avions agi d'une certaine façon. Tu ne me verras pas pleurer davantage la mort d'Heïdi parce que j'ai appris à accepter la mort depuis longtemps, même si sa perte était très douloureuse et qu'elle me manque terriblement. Mais tu constateras vite que si je ne suis pas occupé, je resterais pendant des heures à regarder dans le vide. Je crois qu'une réception sera la bienvenue pour passer à la suite.
- J'en parlerais à Chelsea, lui assurais-je après l'avoir dévisagé quelques secondes le temps d'y réfléchir.
- Parfait. En attendant, j'ai besoin de te sentir bouillonner contre moi, souffla Demetri en m'attirant contre lui dans un baiser rempli de tendresse et de passion auquel je n'eus aucune hésitation à m'abandonner.
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