Chapitre 2

Comme convenue, après avoir très légèrement déjeuné vu la boule que j'avais à l'estomac, je m'installais sur ma jolie chaise roulante toute neuve à 13h pétante. Je comprenais lentement pourquoi ils avaient besoin de faire disparaître mon compte bancaire. C'est pour mieux te faire disparaître à ton tour mon enfant... j'espérais qu'ils n'allaient pas en faire de même avec ma voiture. Ah non on ne touche pas à Regina ! Vu le prix qu'elle me coûtait en réparation à chaque fois, j'aimerais bien ne pas avoir fini à découvert plusieurs fois pour rien. Je commençais à me demander s'il n'aurait pas mieux valu que je me retrouve chez les mafieux finalement. Ah ça pour une nouvelle vie palpitante, tu es servie.

Après avoir vérifié que j'avais de quoi écrire et que l'ordinateur était bien allumé, j'étudiais mon nouvel environnement. La boîte mail, hormis le courrier électronique de Charmion qui était destiné aux secrétaires, était inactive depuis plusieurs mois, confirmant les dires de Chelsea, et la connexion internet était sécurisée. En même temps ils n'allaient pas me laisser consulter n'importe quelle page web pour demander de l'aide parce que je faisais un remake de Raiponce, sans les cheveux magiques, et sans le prince. Je me demandais d'ailleurs qui pourrait bien me croire si je venais à crier aux vampires. Il n'y avait pas beaucoup de fichiers sur le pc, des listes de clans de vampires, leur localisation, comment les joindre... il y avait un fichier intitulé « nourriture ». Je l'ouvris par curiosité avant de le refermer rapidement alors que mes yeux s'embuaient sous le choc. De ce que j'avais pu voir, c'était des listes de prénoms d'humains à faire disparaître régulièrement, ce n'était pas vraiment difficile de savoir pourquoi. Savoir qu'il y avait des jeunes femmes qui répondaient à leurs offres plusieurs fois dans le mois me suffisait amplement. Maintenant tu as une idée de ton espérance de vie ici.

Sentant que j'allais céder à la panique, j'inspirais une grande bouffée d'air pour l'expirer à la suite. Je recommençais l'expérience plusieurs fois jusqu'à ce que mon cœur se calme et que je sois en mesure de contenir mes larmes. Un peu de fierté ma vieille, tu chialeras en privé dans ton lit ce soir, enfin si tu vis jusque-là.

En attendant, j'avais fini de prendre connaissance de l'ordinateur et je ne savais pas quoi faire. Je m'étais occupée quelques temps à ranger les dossiers par ordre alphabétique, je n'étais pas diplômée en secrétariat mais ça me paraissait la base des bases. Si ça pouvait me faire gagner des points là où la précédente n'avait pas réussi... je m'en voulais quelques secondes de penser ça mais je n'avais pas vraiment envie de perdre la vie, aussi inintéressante soit-elle pour ces Volturi.

Je fus brusquement tirée de mes pensées par la sonnerie stridente du téléphone qui résonna dans mon dos. Sursautant légèrement, je soufflai un bon coup et décrochai le combiné en répondant en italien.

- Charlie, chargée de la réception des Volturi, que puis-je pour vous ?

- Je suis Eleazar, je tenais à informer Aro de l'ajout officiel d'un membre à notre clan, le nomade Garrett. Merci de transmettre le message, je vous souhaite une bonne journée.

Et il raccrocha aussi soudainement tandis que j'essayais de garder mon calme. Quand je disais avoir une chance d'enfer... J'allais devoir apporter un message aux fameux maîtres dès ma première journée de travail, si ce n'était pas cruel ça.

Après avoir trouvé une feuille, j'y écrivis soigneusement la demande du vampire. Je me félicitais d'avoir jeté un œil aux fichiers des clans un peu plus tôt, cela m'avait permis d'écrire le prénom de mon interlocuteur sans faire de fautes. Je n'étais pas sûre que j'y serais parvenue sans et il valait mieux pour mon avenir que je ne fasse pas d'erreur aussi bête. En laissant mes yeux absinthe se balader sur mon environnement de travail, j'aperçus un tampon en forme de V décoré de symboles, qui avait la même forme que le médaillon que j'avais pu rapidement observer autant du cou de Chelsea. Après l'avoir imbibé d'encre, j'y posais le sceau en bas du message, me disant qu'il devait s'agir d'une sorte de blason. En tout cas il y avait forcément une raison pour que ce motif précis puisse être apposé sur des courriers tel un sceau royal. Laissant mon esprit créatif s'exprimer, j'ajoutais à la main un motif calligraphique d'ornement tout autour de la feuille, m'appliquant avec minutie, quitte à mourir dans les secondes qui suivent, autant que mes tentatives pour rester en vie soient reconnues.

Je pris le petit plateau en argent qui traînait sur mon plan de travail et y déposais ce maudit papier, appréhendant la suite des évènements. Mon palpitant s'emballant de plus belle dans ma cage thoracique, j'avançais les jambes tremblantes dans ce fameux couloir de droite. J'arrivais devant deux grandes doubles portes en bois qui étaient ouvertes. J'avais un panorama sur une salle de marbre incroyablement bien sculptée. Du sol au plafond, tout était merveilleusement beau. Les colonnes sous une espèce de balcon intérieur, les quelques marches qui faisaient offices de piédestal avec trois trônes en fer, en marbre et en or, sans parler de la majestueuse coupole de verre sous laquelle était placée la pièce entière. Cette vision digne des plus beaux chefs d'œuvres artistiques eut le mérite de calmer la crise de panique qui menaçait de me paralyser.

Faisant lentement demi-tour, c'était donc le cœur un peu plus léger que j'empruntais le couloir adjacent, comme me l'avait indiqué l'immortelle. Il était beaucoup plus sombre que le précédent, ne dégageant aucune chaleur ou bienveillance. Pourtant il était orné de part et d'autres de sculptures de marbre noir représentant trois visages dans différentes postures. Certaines avaient le dos droit, d'autres regardaient le livre qui se trouvaient dans les mains de son propriétaire, quelques-uns figuraient même sur des montures se cabrant fièrement sur leurs postérieurs.

Mon rythme cardiaque recommença à nouveau à battre plus fort qu'il ne l'aurait dû, mais ce n'était rien à côté de ce que j'avais ressenti quelques minutes auparavant. Prenant deux trois bouffées d'oxygène pour ne pas finir essouffler, je levais la main pour toquer sur une grande porte en bois sombre, dans le même genre que j'avais vu précédemment. Celle-ci s'ouvrit de suite tandis que mon organe vital frôla un arrêt cardiaque sous la surprise que j'éprouvais. Mon souffle se coupa lorsque mes yeux croisèrent le regard cramoisi d'un vampire faisant au moins deux voire têtes de plus que moi. Entièrement recouvert d'un long manteau sombre, et malgré les lieux mal éclairés, je n'eus aucun mal à voir que son teint était aussi pâle que celui de Chelsea. Me sentant facilement petite au quotidien avec mon mètre soixante, j'avais l'impression d'être vraiment minuscule à côté de ce grand gaillard qui m'observait de la même façon que lorsque je bavais devant une boîte de macarons.

Des murmures me sortirent de ma torpeur tandis que je reprenais contact avec la réalité. Me rappelant l'objet de ma venue, je dus faire un effort considérable pour réussir à contourner le grand monsieur qui ne me lâchait pas des yeux, craignant à tout moment de finir en pâté pour vampire. Je pouvais sentir son regard me suivre tandis que je m'enfonçais dans la salle en peinant à retrouver un rythme cardiaque normal. Je me dirigeais vers les trois hommes dont j'avais entraperçu les visages dans le couloir sur les statues noires. Grâce aux rapides explications que j'avais reçues quelques heures auparavant, je sus que j'avais sous les yeux les fameux maîtres. Et à cette idée, la crise de panique revint de plus belle, provoquant un emballement encore plus précipité de mon cœur. Après cette journée, je ne pouvais plus nier qu'il était en parfaite santé et qu'il battait parfaitement bien alors que j'arrivais devant les trois trônes au moment les deux hommes bruns, Marcus et Aro, ou Aro et Marcus, je ne savais pas trop qui était qui, lâchèrent leurs mains et que le vampire du milieu m'accorda un sourire qui n'avait absolument rien d'innocent. Il se leva de son trône sans cesser de sourire et s'avança dans ma direction. J'étais tellement terrifiée que je ne parvins même pas à reculer pour mettre de la distance entre ses personnes et moi.

- Ah tu dois être Charlie, souffla-t-il en jetant un œil au plateau qui tremblotait légèrement entre mes mains. Ah... Eleazar tenait à nous informer que son clan s'agrandit d'un membre de façon officielle...

Puis je me mis à froncer les sourcils. Je voyais les lèvres du vampire continuer à bouger, comme s'il parlait vraiment, de même que le troisième maître que j'identifiais comme étant Caïus et qui semblait converser également. Seulement j'étais incapable d'entendre ce qu'ils disaient. Ils regardaient de temps en temps le troisième souverain, puis parfois le géant derrière moi tout en reparlant à haute voix. En grec ancien cette fois-ci, que je reconnus facilement grâce à mes études mais sans parvenir à traduire le langage particulièrement soutenu de la conversation.

- Quel impoli je peux être parfois, je suis Aro, dit-il en me tendant sa main droite.

Je n'avais pas spécialement envie de la lui serrer mais j'imagine que ça ne serait peut-être pas bien vu si je refusais. Alors de mes doigts tremblants, je fis ce qu'il attendait de moi, sursautant légèrement à son contact. Sa peau était si rèche, et si froide, glacée même. J'étais aussi perturbée par la température qui émanait de cet homme que par la dureté évidente de sa paume. Je commençais enfin à prendre réellement en compte que j'avais bien affaire à des vampires, ce qui n'aida pas mon cœur à se calmer.

Avec un sourire qui se voulait presque compatissant, le dit Aro tapota légèrement le dos de ma main.

- Vous devriez vous calmer très chère avant que votre cœur ne lâche, il serait dommage de nous quitter aussi rapidement.

Etait-ce une tentative pour m'amadouer et mieux me tuer après ? Je n'avais pas oublié que la standardiste précédente n'avait pas vécu plus de deux jours.

- Bien que nous ayons tendance à remplacer assez vite nos employées par le passé, il faut dire qu'elles étaient rarement compétentes... nous espérons vous garder plus longtemps, cela fait parti de nos efforts pour redorer notre image auprès du reste de la communauté ! S'exclama Aro en espérant peut-être me détendre, ce qui ne fut pas le cas. Votre prédécesseur, Anastasia a juste eu le malheur de se couper le doigt la veille du retour d'Heïdi, Santiago passait par-là au même moment et la pauvre a dû être remplacée... si vous nous servez convenablement, vous vivrez peut-être un certain temps en notre compagnie ! Cela dit, nous ne faisons aux humains que la même chose que vous imposez aux animaux qui se retrouvent dans votre assiette. Nous ne faisons que dominer la chaîne alimentaire !

Venait-il de prononcer à voix haute le fond de ma pensée ? Quant à ce Santiago, j'avais bien noté le fait que je devais l'éviter alors que je refusais tout commentaire sur cette histoire de hiérarchie des espèces.

- Oui, voyez-vous je peux lire dans vos pensées rien qu'en vous tenant la main, certains vampires possèdent des facultés qui leur sont propres. Ainsi, j'ai accès à toutes vos craintes, vos désirs, vos ambitions...

J'étais aussi effrayée que peinée pour cet homme, vampire. Pauvre homme. Mieux valait ne pas savoir ce qui se tramait dans ma tête, moi-même je doutais de ma santé mentale parfois. Son rire résonna dans la pièce en écho, entraînant des regards inquisiteurs de Caïus, mais aussi du grand brun qui se trouvait désormais à ma droite, et dont la structure physique ne me rassurait pas quand à mes chances de survie à ce poste.

- Félix ne vous fera rien si je n'en donne pas l'ordre.

Ah. Je suis ravie de le savoir. Mais je doutais qu'il se contienne si je décidais de lui demander pourquoi il portait le prénom d'une pub de nourriture pour félins...

- Oh mais je n'avais pas vu ces ornements autour de la feuille... C'est tout simplement magnifique, les artistes sont si rares de nos jours.

Nous étions au moins d'accord sur ce point même si je doutais être concernée par la notion d'artiste.

- Quel heureux hasard que vous ayez accepté de venir travailler pour nous. Nous avons déjà eu des standardistes originaires de différents pays, mais la France est à mes yeux l'excellence à l'état brut, s'émerveilla Aro sous le regard agacé de Caïus, lui ne semblait pas partager son avis, sûrement un patriote dans l'âme. Vous avez un parcours et une histoire si intéressante qu'il serait dommage de tout gâcher en y mettant fin ainsi. Dire que vous avez quitté la cité des rois de votre pays pour rencontrer ceux qui dominent les vampires, à croire que vous étiez destinée à nous rejoindre ! Je ne vous retiens pas plus longtemps jeune Charlie, je vous laisse retourner à vos occupations.

Tandis qu'il relâchait, enfin, ma main, mon cerveau se reconnecta enfin. Je réalisais seulement que je n'avais pas prononcé un seul mot et que personne ne semblait m'en tenir rigueur. Je n'allais pas me plaindre bien sûr, j'avais seulement encore du mal à réaliser ce qu'il venait de se passer. Est-ce qu'Aro venait de m'assurer que je n'allais pas mourir, pas maintenant du moins ? Je retrouvais un peu de courage, me permettant même un sourire discret, alors que je m'inclinais doucement comme pour le remercier de me laisser vivre. Même mon pauvre petit cœur semblait retrouver un peu de sérénité.

- Je vous souhaite une agréable journée, fis-je d'une voix, presque, détendue.

Le vampire se contenta de sourire de plus belle, ce qui me semblait impossible. Je tournais ensuite les talons en relevant légèrement mon menton, tentant de rester impassible quand je croisais à nouveau le regard cramoisi du grand brun puis je quittais cette salle sombre. Ce ne fut que lorsque je me laissais tomber sur ma chaise de bureau que je me permis de souffler bruyamment de soulagement. Je suis vivante ! J'ignorais ce que cet homme avait pu voir dans ma tête pour juger que mon histoire était intéressante, mais ça avait joué en ma faveur et je n'allais certainement pas m'en plaindre.

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