Chapitre 15

J'étais encore en période d'acclimatation pour cette première journée d'immortelle et j'étais tout simplement émerveillée par ce que je vivais. Même si j'avais un peu de mal avec le brouhaha incessant que j'entendais, toutes les discussions à différents endroits de la forteresse se mélangeaient pour devenir invasives, comprenant mieux l'hypersensibilité de Demetri qui avait une ouïe encore plus puissante. Mais c'était sûrement la seule chose qui me dérangeait parce que le reste m'enchantait, n'en revenant toujours pas de voir de minuscules impacts sur certains objets ou de remarquer des détails sur le corps de mon compagnon que je ne voyais pas avant. J'aurais aimé pouvoir dire que j'éprouvais de la culpabilité pour la femme que j'avais mordu, mais cela m'avait paru tellement naturel que j'en étais incapable. Je ressentais encore le goût du caramel avec une pointe de beurre salé sur ma langue, et j'étais convaincue que la touriste rapportée par Heïdi était une bretonne ou en tout cas une adapte de leur cuisine. Ça m'avait semblé tout aussi naturel que le fait de me donner au traqueur dès mon réveil, enivrée de désir par cette vision paradisiaque. Je n'avais vu qu'une fois un vampire briller au soleil, de façon très brève, et le spectacle en valait la peine avec cette nouvelle vision. Admirer Demetri irradier littéralement avait allumé un brasier en moi, et le seul moyen que j'avais eu de l'éteindre, c'était de le chevaucher, comme si le peu de timidité qu'il me restait avait été anéanti par le venin.

Une fois sortie des cachots, le traqueur m'avait mené jusqu'aux maîtres qui étaient en pleine discussion avec des vampires que je ne connaissais pas. Pourtant Aro s'était de suite arrêté pour venir nous voir et s'enquérir de mon nouvel état. Il vérifia d'abord mon esprit, puis celui de Demetri pour avoir son point de vue pendant que j'observais les vampires étrangers alors que Félix mena un couple jusqu'à nous malgré leurs réticences évidentes.

- Charlie, je te présente Carmen et son compagnon Eleazar, fit le colosse alors que ce prénom me disait vaguement quelque chose. C'est le vampire que tu as eu au téléphone le jour de ton arrivée, continua-t-il alors que j'hochais la tête par politesse parce que je ne me souvenais pas de ce passage, probablement oublié pour toujours. Son don consiste à détecter ceux des autres, et j'aimerais que tu confirmes celui de la compagne de Demetri, fit le français à l'égard de l'américain sous mon étonnement, ne pensant pas que c'était possible d'avoir un don pareil.

- Pyrokinésie, s'empressa de dire le grand brun avant de nous fausser compagnie en confirmant ce qu'on savait déjà, et ça je m'en souvenais.

- Il est pressé de s'éloigner, remarquais-je alors qu'Aro était reparti discuter avec d'autres vampires, dont un blond aux yeux ambrés, probablement leur chef.

- Ouais, la dernière fois qu'on s'est vu, ça ne s'est pas très bien passé. La plupart des vampires qui sont ici ont accepté de se déplacer pour protéger les humains, ils se moquent pas mal de notre sort, répondit mon ancêtre en m'expliquant ce qu'ils avaient appris des Cullen pendant que je jouais à la belle au bois dormant pour la dernière fois.

- De toute façon, Jane t'attend en salle d'entraînement, elle est impatiente de voir ce que tu peux faire, fit le traqueur en m'indiquant le chemin, suivit par le colosse qui semblait intéressé aussi. Tu auras probablement des spectateurs curieux de te voir à l'action, ne leur prête pas attention, on s'en cogne de leur avis, encore plus si ce sont les Cullen, fit Demetri en faisant rire son meilleur ami au moment où on débouchait dans une immense salle au sol marbrée, dans le même style que celle où se trouvait les trônes des maîtres, mais en plus grande, et avec des trous évidents sur certains murs. Ils avaient été rebouchés mais on distinguait clairement la forme du corps de quelqu'un à plusieurs endroits.

- C'était long, j'ai cru que tu ne viendrais jamais, m'interpella la voix fluette de l'adolescente sur ma droite alors que Félix faisait sous-entendre que Demetri et moi avions été occupés de façon très intime. Je me passerais des détails merci. Ce qui m'intéresse c'est ton don, il a été confirmé par Eleazar ?

- Comme si que c'était nécessaire, soupira le traqueur alors que je remarquais la présence d'une vingtaine de vampires, certains étaient de la garde mais d'autres non, et vu la couleur des yeux, ça devait être des Cullen, hélas je n'avais pas de moyen de confirmer parce que je ne me souvenais pas du visage d'Isabella Swan. Et je te signale que si je ne suis pas satisfait de ta façon de faire, tu n'entraîneras pas longtemps Charlie, lui garantit le blond alors que l'adolescente levait les yeux au ciel.

- Je tremble de peur.

- Peut-être que tu devrais, lui répondis-je sur un ton plutôt taquin. Après ce que tu as fait à Regina, ça serait mérité de me venger.

- De toute façon, elle était bonne pour la casse, quoiqu'elle servira peut-être de pièces détachées à ton compagnon la prochaine fois qu'il bricolera sur une des voitures, affirma l'anglaise alors que je me tournais horrifiée vers le concerné qui levait les mains en signe de reddition.

- Je te l'interdis !

- Bon, tu comptes t'enflammer aujourd'hui ou je vais devoir attendre jusqu'à Noël ? S'impatienta Jane qui n'avait apparemment plus envie de rire.

- Vous fêtez Noël ? Lui demandais-je avec des étoiles dans les yeux en train de m'imaginer décorer les couloirs lugubres de la bâtisse.

- NON ! Me répondirent plusieurs voix unanimes avec un refus catégorique alors que l'athénienne décidait de s'en mêler.

- J'essaie de les convaincre depuis des années, mais à deux on devrait y parvenir plus facilement, sourit-elle en faisant râler les membres de la garde présents, y compris le traqueur avant de reprendre sérieusement. Je me doute que la plupart de tes souvenirs sont voilés, mais essaye de retravailler sur cette sensation de fourmillement. C'est le premier signe qui indique que ton don est proche de la surface. La plupart se sont déclenchés ainsi au départ même si une fois que tu as l'habitude, tu n'as plus besoin de le chercher pour activer ton pouvoir.

Hochant la tête en réponse alors que j'emmurais dans le silence pour me concentrer, je recherchais cette sensation dont j'avais un vague souvenir. En fait je remarquais que même si ma mémoire me faisait défaut, ce dont je me souvenais était surtout les moments les plus forts émotionnellement parlant que j'avais vécu en quelques semaines. Comme mon agression, visiblement mon subconscient n'avait pas voulu me la retirer. Et comme c'était à ce moment précis qu'il était apparu, je me repassais en boucle les moments dont je me souvenais dans l'espoir de provoquer quelque chose, mais absolument ne vint. Je ressentais de la colère, de la frustration et de la honte de ne rien avoir pu faire alors que j'étais en train de me faire humilier, mais rien de concluant, comme si ce moment n'avait pas été assez horrible à vivre. Ce qui m'agaça fortement, serrant les poings sous cette soudaine rage que je percevais.

- Ne te laisse pas envahir par tes ressentiments, ils sont amplifiés par la transformation, fit Demetri dans mon dos qui devait profiter de toutes mes émotions. Tout est plus intense en vampire, que ce soit les bons ou les mauvais côtés, tu viens juste de te réveiller, sois patiente.

Sauf que mon agacement était devenu trop intense pour que je parvienne à canaliser ce que j'éprouvais, alors que ma mémoire se riva ensuite sur cette histoire de vision racontée par Chelsea. J'étais en train d'essayer de visualiser la scène en question avec Demetri qui se faisait littéralement arracher la tête par le télépathe. Une vague d'effroi et de désespoir m'envahirent alors que je me tournais instinctivement vers les américains en cherchant le responsable de mon nouveau tourment. Vu la façon dont l'un d'eux, le plus laid à mon goût, s'était avancé pour se mettre devant la plus jeune, sûrement l'hybride, je devinais avoir trouvé ma cible alors qu'une brune s'était avancée aussi. Quelqu'un m'appela au loin mais ma colère et ma rage de nuire avaient pris le dessus alors que je percevais ce fourmillement au niveau des tempes. Je m'accrochais à cette sensation alors que j'avais l'impression de m'embraser de l'intérieur. Et dans un cri libérateur, je laissais mon don exploser à la figure des deux Cullen, éprouvant une incroyable satisfaction de les voir se mettre à brûler sous les hurlements de leur proche. Une main se posa sur ma taille pour me faire reculer mais mon attention restée rivée sur mes cibles, éprouvant une satisfaction jouissive à regarder mes flammes grandir, fascinée par la chaleur qu'elles dégageaient.

- Charlie, ça suffit ! Bourdonna une voix que je percevais comme une nuisance à ma soif de destruction, me dégageant avec agilité de la prise qui m'entravait. Alec arrête-la...

Faisant un pas en avant, prête à en découdre avec les Cullen qui étaient une menace pour mon couple, je fus soudainement plongée dans le noir. Du moins c'était ce que je pensais parce que je ne voyais plus rien. En fait, je ne ressentais plus rien du tout, je ne voyais plus, je n'entendais pas, je n'arrivais même à sentir le sol sous mes pieds, c'était comme si j'étais dans le néant. En ouvrant la bouche pour appeler à l'aide, je me rendis compte que je ne pouvais plus parler non plus et je n'avais même plus la possibilité de bouger pour échapper à ce qu'il m'arrivait. Je flottais quelque part dans le vide et je n'arrivais même pas à éprouver de la peur, pourtant j'étais loin d'être rassurée par ce que je vivais.

Lorsque ce voile étrange se dissipa, j'observais une étrange brume ténébreuse s'éloigner alors que je remarquais que quelqu'un m'avait déplacé pour me ramener dans la chambre du traqueur, qui m'observait avec un regard insondable. Cette rage qui m'avait consumé avait disparu même si j'avais toujours cette image effrayante de Demetri dans un coin de ma tête.

- Tu es fâché ? L'interrogeais-je timidement en redoutant de l'avoir déçu même si je ne regrettais pas ce que j'avais fait, peu importait que cette bataille n'ait pas vraiment eu lieu.

- J'imagine que je devrais, mais pour une première, c'était époustouflant mon ange, fit-il finalement pourtant avec un peu trop de retenue à mon goût. Mais tu devenais ingérable et tout ce qu'on pouvait faire, c'était te faire subir la vapeur paralysante d'Alec. Nous essayons de réparer nos torts pour convaincre les autres vampires de se battre avec nous, si on commence à les attaquer, ils vont partir... même si c'était presque bandant à regarder, m'assura-t-il en finissant par sourire. Je n'ai jamais vu Jane aussi enjouée par quelque chose. Vu ce que tu as fait, c'est déjà en train de faire le tour de la forteresse, je pense que tu auras la paix, personne n'osera venir t'embêter... rappelle-moi de ne jamais t'énerver, termina Demetri alors que je riais doucement, je ne savais même pas si je serais capable de le refaire.


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