Chapitre 11
Je ne sais pas comment Demetri s'était débrouillé mais il avait réussi à me garder éloignée de tout le monde pendant deux jours, y compris Félix. J'imagine que le fait d'être en plein cycle menstruel avait dû jouer en ma faveur. Retardé par le stress engrangé les dernières semaines, il avait fini par débouler sans prévenir, juste pour me rappeler qu'il était là. Ce qui m'avait soulagé parce qu'à l'inverse de bien des femmes, je n'avais jamais ressenti le besoin de materner et que je ne voulais pas déclencher une grossesse. J'avais beau être sous stérilet, le risque 0 n'existait pas. J'avais malgré tout été le retirer puisque je n'en aurais bientôt plus besoin. Si les vampires étaient attirés par le sang « frais », le traqueur m'avait expliqué que celui provoqué par les règles étaient plutôt repoussants à cause de l'odeur, comme s'il était avarié. Chose qui m'avait rassuré alors que j'aurais été vexée en temps normal, mais ce qui voulait dire que je serais tranquille quelques jours.
Il en avait profité pour essayer de voir si les prémices de mon don pouvaient être travaillées. Il m'avait demandé de me concentrer sur la sensation ressentie pendant l'attaque pour essayer de la reproduire. Pour être tranquille, il m'avait emmenée au sommet de la tour du palais. S'il y avait une très jolie vue sur la campagne italienne, il y avait surtout une petite salle vitrée juste en-dessous, reliée par un petit escalier en ferraille.
Et malgré toute ma volonté de ne pas le décevoir, je n'avais réussi à rien. En deux jours, j'avais senti ma dépendance envers le traqueur s'amplifier et vu la façon dont il me collait aux basques, c'était réciproque. Je ne percevais plus autant le lien mais je savais qu'il était là. Il en avait aussi profité pour essayer de me défaire du lavage de cerveau d'Aro alors que je me sentais bien. Ce qui l'avait poussé à penser que je n'allais peut-être pas si bien. J'avais lu tellement de livres qui parlaient de coup de foudre que j'avais fini par y croire et vu mes sentiments à l'égard de Demetri, j'avais été touchée aussi. C'était mon seul réconfort actuellement. Parce que mon incapacité à maîtriser mon don me frustrait tellement que mes pensées négatives impactait mes émotions qui en retour nuisait à la sérénité intérieure du beau grec.
- Tu as la moindre idée du temps qu'il faut pour un vampire d'apprendre à utiliser son pouvoir ? Alors pour un humain... il va falloir être patiente. Voulut-il me rappeler alors que je soufflais bruyamment, assise en tailleur parterre, mon visage entre mes mains.
- Si tu me demandes de le faire, c'est que ça doit être possible non ?
- Je n'attends pas de toi que tu me déclenches un incendie, je veux juste que tu ressentes le fourmillement dont tu m'as parlé Charlie. Je veux juste savoir si avec de l'entraînement, tu peux reproduire la sensation, juste la sensation.
- Et après, à quoi ça me servira ? Pestais-je très défaitiste après une dizaine de tentatives qui avaient toutes débouchées sur des échecs. Je ne vois pas en quoi ça protégera mon esprit.
- Tu serais étonnée de voir le nombre de dons qui peuvent être détournés pour servir de bouclier. Mais qui ne peuvent pas être utilisés autrement parce qu'ils n'ont jamais été travaillés ainsi. Une fois qu'un vampire parvient à utiliser son pouvoir à sa guise, il le fait si facilement qu'il ne cherche pas à aller plus loin pour voir s'il peut le rendre encore plus utile. Autant te donner les outils dès le départ pour y parvenir. Tu ne possèdes pas de bouclier mental, mais je pense que tu peux aisément utiliser la pyrokinésie pour protéger une partie de ton esprit, de le rendre inaccessible, comme si certaines informations étaient enfermées dans un tiroir fermé à clef que toi seule peut ouvrir.
- C'est ce que tu fais avec le tien ?
- Dans mon cas c'est différent. Mon don ne me permet pas à proprement parler d'hermétiser ce qu'il se passe dans mon crâne, mais j'ai eu deux millénaires pour travailler cette image de tiroir afin de protéger mes pensées. Rien qu'au combat, face à un adversaire qui peut anticiper mes actions, c'est très utile parce qu'il doit compter uniquement sur ses aptitudes physiques et non son pouvoir. Malheureusement nous ne disposons pas de vingt siècles pour te préparer, on va donc devoir compter sur ton investissement et ta détermination à y arriver. Je n'attends pas de toi que tu parviennes à me faire des flammes, uniquement à trouver l'élément déclencheur. On ne peut pas attendre qu'il se manifeste uniquement quand ton subconscient se sent en danger.
Maintenant que le sentiment d'intimidation était passé, plus les jours passaient et plus j'étais admirative de la maturité et de l'expérience de mon vampire. C'était fascinant de voir toutes les facettes qui le composaient et le temps qu'il avait passé à entraîner ses sens inégalables, mais aussi ses petits détails qui le rendaient si dangereux. On comprenait vite pourquoi il était une des cibles prioritaires à abattre chez les Volturi, parce qu'au-delà de sa réputation de meilleur traqueur au monde, il était redoutable sur le terrain même si je n'avais jamais eu le loisir de le voir en action. Il servait la cause d'Aro tout en parvenant à garder du recul, ce qu'apparemment, je n'avais pas su faire, il était plus humain qu'il ne le pensait.
- Et tu ne crois pas que ce lien de créateur risque d'annihiler celui qui nous unit déjà ? Demandais-je en passant du coq à l'âne.
- Dans le cas des compagnons, l'ascendance naturelle est pour ainsi dire supprimée, les âmes-sœurs se complètent, elles ne doivent pas desservir la cause de l'une d'elles. A la place, les vampires ayant été transformés par leur moitié voient leur lien se renforcer encore plus, tu n'as pas à craindre une quelconque soumission, me garantit Demetri alors qu'un sourire joueur se dessinait sur mes lèvres.
- Je n'ai rien contre un peu de soumission, quand elle est exercée sous la couette...
- Tu es une petite joueuse Charlie si tu te contentes de la couette, alors que je pourrais te dominer dans n'importe quelle pièce, sourit-il grandement en se penchant vers moi pour déposer un baiser pourtant chaste sur mes lèvres alors que mon corps bouillonnait littéralement sous ses provocations. C'est fascinant à quel point ta température corporelle est plus élevée que les autres humains, elle évolue même en fonction de tes humeurs. Et depuis que ton don s'est manifesté, je trouve que c'est encore plus flagrant. Quand on devient vampire, on perd le contact avec certaines sensations, on ne ressent plus le froid du vent ou la fraîcheur de la pluie, la chaleur du soleil... quant à celle dégagée par un humain, on ne la ressent pas longtemps. Dans ton cas, je perçois ta chaleur en permanence, tu irradies constamment, je n'ai même pas besoin de te toucher pour m'en rendre compte, le simple fait d'être à proximité me permet de ressentir ton corps qui se réchauffe. Il arrive que certains dons modifient les caractéristiques d'un vampire, certains parviennent à préserver la mémoire des souvenirs humains, d'autres amplifient les émotions ressenties, comme c'est le cas avec le mien. Je ne serais pas surpris que le tien conserve une chaleur corporelle.
- Quand comptes-tu me transformer ?
- Je me demande qui est le plus impatient des deux parfois... soupira-t-il amusé. Je pense honnêtement que ça ne devrait plus tarder, je veux juste te donner encore un peu de venin pour t'y habituer en espérant qu'il soit plus supportable lors de la transmutation. Comme je te l'ai dit hier, elle est douloureuse, semblable à un feu qui te ravage tout entier. Pour avoir déjà au don de Jane, c'est presque une caresse comparé à la transformation. On a essayé le don d'Alec sur Afton pour rendre cette épreuve plus supportable il y a quelques décennies, mais ça n'a pas fonctionné... ce sera le moment le plus éprouvant de ton changement de vie, si je peux t'éviter des souffrances, je le ferais, fit doucement le traqueur en prenant mon visage entre ses mains alors que mon cœur fondait de tendresse sous sa prévenance. Aro va finir par perdre patience et se demander pourquoi tu es tenue à distance, l'excuse de l'odeur actuel de ton sang ne tiendra plus très longtemps, alors je pense que d'ici la fin de la semaine, je le ferais, continua-t-il alors qu'il semblait attristé.
- Tu ne veux plus le faire ?
- Bien sûr que si, mais je reconnais m'être attaché à certains aspects de ton humanité, comme la façon dont ton cœur et tes rougissements te trahissent. Et tes yeux changeront de couleur pour remplacer cette teinte absinthe qui me plaît beaucoup.
Attendrie par Demetri, je l'embrassais doucement pour lui témoigner ce qu'il me faisait ressentir depuis deux jours. J'avais presque du mal à croire qu'il me restait quelques jours d'humanité. Après je ne pourrais plus profiter des rêves que je pouvais faire pendant la nuit, mais ce qui me manquerait le plus serait la nourriture. Toutes ses saveurs sucrées, salées, acidulées... mon péché mignon pour les macarons et la raclette n'existerait plus... tout ça n'aurait plus aucun goût au point de m'en dégoûter et je regrettais un peu de ne pas avoir eu un don qui me permette de continuer à manger même s'il n'aurait eu aucune utilité sur un champ de bataille.
Alors que je m'apprêtais à me replonger dans le travail avec très peu d'entrain, un vacarme monstre se fit entendre plusieurs étages plus bas. Il était si bruyant que je n'eus aucun mal à le percevoir alors que je voyais du coin de l'œil Demetri froncer les sourcils, signe de l'inconfort que lui procuraient ses sons.
- Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Jane et Félix arrivent, me répondit-il au moment où les deux gardes cités pénétraient dans la pièce où nous étions.
Si j'avais toujours trouvé le colosse impressionnant en dépassant les deux mètres de haut, c'était encore plus flagrant aux côtés de Jane qui était encore plus petite que moi, devant à peine atteindre le mètre 50. Voir le géant au gabarit charpenté accompagné de la blonde à la silhouette fluette me donna envie de rire, me pinçant les lèvres pour me contenir et éviter de les vexer.
- Alors c'est là que vous vous cachiez depuis deux jours, bougonna le colosse alors que l'adolescente grimaça en me regardant, très certainement importunée par l'odeur provoquée par les règles.
- Maintenant tu sais pourquoi, se contenta de dire Demetri alors que Félix retint une grimace à son tour par politesse.
Si je n'avais pas été aussi heureuse d'avoir été tranquille avec mon compagnon et de ne pas provoquer de fringale chez les autres vampires, j'aurais très mal prit de savoir que je sentais si mauvais en voyant leurs réactions.
- En fait, Jane a quelque chose à te dire, s'exclama mon compatriote en me regardant avec une bonne humeur que je trouvais exagérée, alors que la concernée se contentait de le regarder avec tellement de hargne que je m'attendais à la voir utiliser son don sur le brun.
- C'était un accident ! S'époumona-t-elle avec une voix suraiguë.
- Ne me dites pas que vous avez déchiré un de mes livres... les sermonnais-je en imaginant le pire alors que le colosse éclata de rire.
- Oh non, tes bouquins vont bien, me rassura-t-il. Même si Jane aime bien les utiliser pour m'attaquer avec. En fait... peut-être faudrait-il qu'on te montre où est le problème... suggéra-t-il alors que j'étais déjà debout sur mes pieds.
Un échange visuel silencieux passa entre les deux acolytes masculins alors que la blondinette me regardait à mon tour de mauvaise humeur.
- De toute façon la couleur était trop criarde, elle est mieux comme ça.
- Qu'est-ce que tu as fait ?
Je vis Félix sortir un portable flambant neuf de sa poche pour me montrer une photo qu'il avait pris un peu plus tôt dans la journée. D'abord sans réaction, je m'emparais vivement du téléphone en regardant le cliché avec effroi.
- Mais qu'est-ce que vous avez fait ? M'écriais-je alors que le traqueur était en train de sermonner son ami qui tentait de se défendre.
- Moi rien du tout, elle était déjà comme ça quand je suis arrivé, mais Jane...
- Vous avez bousillé ma bagnole ! Lui fis-je remarquer, les yeux rivés sur le cliché où ma belle Regina était encastrée dans un des murs du garage souterrain, le devant totalement emboutie contre la pierre alors que la portière du conducteur était désintégrée.
- C'est la pédale de frein qui n'a pas obéit à ma demande et qui a accéléré ! Se défendit Jane.
- C'est parce que ce n'était pas la bonne pédale, m'offusquais-je sous ses insinuations alors que les ricanements de Félix étaient plus nombreux, Regina n'était plus de première fraîcheur mais le problème ne venait certainement pas d'elle. Qu'est-ce que tu faisais dans ma voiture déjà ?
- Alec ne veut plus que je m'approche de la sienne pour m'apprendre à conduire ! S'énerva la vampirette comme si ça pouvait justifier son geste. La tienne était bonne pour la casse de toute façon, et puis d'abord c'est ta faute, c'est toi qui m'a incité à le faire en laissant les clefs sur le contact !
Dans la mesure où je vivais dans un bâtiment rempli de vampires avec des voitures rutilantes comme je l'avais constaté à mon arrivée, je n'avais pas vu l'intérêt de retirer les clefs pour les garder sur moi. Il ne m'était pas venu à l'esprit que ma vieille Regina servirait d'auto-école pour vampires multi-centenaires avec de fortes tendances destructrices.
- Tu as tué Regina ! L'accusais-je en la pointant du doigt alors que je la voyais se rapprocher sans se soucier des deux vampires qui cherchaient à s'interposer.
- Qui donne un nom à sa voiture d'abord ? C'est ridicule ! Siffla-t-elle alors que les deux hommes se mirent à râler et à se défendre comme quoi ça n'avait rien de ridicule, détendant l'atmosphère malgré que je sois toujours remontée.
- Je veux que tu la répares, lui réclamais-je comme un enfant qui faisait un caprice.
J'avais acheté ma petite Peugeot à la peinture solaire il y a déjà quelques années, elle était déjà qualifiée de véhicule d'occasion. Elle était capricieuse au démarrage et avait des rayures sur la peinture mais j'avais eu un coup de cœur en la voyant, et surtout c'était l'une des rares voitures étant à la portée de mon budget. Alors je m'étais ruinée pour l'acquérir, parce que c'était ma première voiture et je l'avais bichonné. J'étais tellement fauchée après son achat que j'avais acheté des dizaines de flacons de vernis à ongles dont la couleur s'en rapprochait le plus pour masquer les rayures, ne pouvant pas me permettre de l'emmener au garagiste pour une histoire de peinture. J'avais même réussi à camoufler les défauts physiques avec des flacons pailletés qui lui avaient donné un style unique.
- Réparer quoi ? C'était déjà une épave avant que je la touche pour la démolir, prit plaisir à me rappeler l'adolescente.
- Sinon je mets le feu à celle de ton frère et que je te ferais porter le chapeau, lui balançais-je en bluffant sur mes capacités à manipuler mon don.
Malheureusement, Jane ne semblait pas aisément influençable, parce qu'au lieu de s'énerver, elle se mit à rire et les deux hommes étaient aussi surpris que moi.
- Je sais très bien que tu n'es pas en mesure de le faire actuellement mais j'admire la tentative, on arrivera peut-être à faire quelque chose de toi une fois que tu seras vampire, s'amusa l'adolescente. Aro a dit qu'il se chargerait personnellement de ta transformation, dès que ton odeur serait plus supportable. Je crois que je m'occuperais de tes futurs entraînements moi-même, ton don semble prometteur, me complimenta-t-elle avant de partir.
Si j'étais toujours en colère pour ma voiture, elle avait été occultée par les paroles de la blonde alors que je coulais un regard vers Demetri qui s'était tendu à mes côtés. Il nous restait moins de temps qu'on ne pensait et je n'étais toujours pas prête à affronter le pouvoir télépathique de mon futur maître. Félix, qui n'était pas au courant des plans de son meilleur ami, le regarda avec compassion, pensant juste que je n'étais pas prête à accepter le changement à venir et qu'il était trop tôt. Il posa une main apaisante sur nos épaules avant de s'en aller à son tour alors j'attrapais le bras du traqueur qui demeurait trop muet à mon goût.
- On s'y remet, maintenant, grommela-t-il après m'avoir brièvement étreint contre lui sans faire d'autres commentaires.
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