Jour 8 : Décoration



Lorsque Kate rentra, ce soir-là, elle nota que le silence régnait. La TV n'était pas allumée, Alice et Veectoria ne faisaient pas de bruit. Étrange. Normalement, Veectoria devait lui envoyer un SMS ou l'appeler si elle sortait avec Alice. Pour la tenir informée.

– Alice ? Veectoria ? Vous êtes là ?

Pas de réponse. Elle se débarrassa de ses escarpins, puis de sa veste, avant d'avancer dans le couloir. Elle vit de la lumière sous la porte de la chambre de sa fille et entendit des voix étouffées derrière la porte.

Elle frappa, avant d'ouvrir, pour découvrir une douce ambiance tamisée, provenant des bougies à LED installées sur les meubles, mais également, du petit sapin décoré dans un coin de la pièce. Celui-ci était décoré de guirlandes lumineuses rose et mauve, ainsi que de bougies artificielles, et la Alice touch ; sa collection de petits lapins en peluche entre les épines.

Il y avait une couronne en papier au-dessus de son lit. Les livres sur les étagères murales et sa bibliothèque accueillaient de la feutrine blanche qui mimait de la neige, ainsi que de petits sapins enneigés factices, entre les lapins que sa fille disposait partout habituellement. La lampe n'était pas en reste ; de petites guirlandes de faux flocons cascadaient du luminaire, dont les reflets colorés paraient les murs et les meubles.

D'habitude, Kate ne faisait que le strict minimum pour les décorations de Noël, à la dernière minute, de préférence. Elle ne décorait jamais la chambre d'Alice, se limitant au salon et à la porte d'entrée.

Alice et Veectoria étaient en grande conversation et n'avaient pas remarqué sa présence avant un moment.

– Maman !

Alice prit sa mère dans ses bras, avant de lui présenter sa chambre, à l'heure de Noël.

– Coucou, Kate, sourit la Lutine, tu es rentrée plus tôt ?

La mère nota immédiatement que les oreilles de Veectoria étaient en pointe. Elle avait conservé des oreilles humaines depuis qu'elle s'était installée, ici – c'était la première fois qu'elle les voyait.

– On dirait bien. Je ne m'attendais pas à tout ça !

– Oh, on est passées chercher quelques petites choses au magasin et on est passées devant le rayon décoration de Noël... Je me suis dit que ça ne dérangerait pas si c'était dans sa chambre.

– Pas de soucis, répondit Kate, c'est super ! Je n'ai jamais décoré sa chambre pour Noël.

– On n'a rien fait dans ta chambre, la rassura la Lutine.

Quelque part, Kate l'aurait bien voulu. Peut-être qu'il était temps de refaire la décoration de celle-ci, à base de petites choses lumineuses et autres sapins neigeux... ?

– On aurait dû le faire avant, estima la concernée, regarde comme c'est beau !

Elle désignait les guirlandes accrochées à son luminaire.

– Très, effectivement ! C'est très beau en tout cas ! L'ambiance est très sereine et très intimiste.

– Ah, je savais que ça te plairait ! sourit la Lutine en clignant de l'œil.

Un phénomène aussi inattendu que surprenant se passa alors... Le coeur de Kate loupa un battement. C'était bref, mais elle l'avait senti... elle n'avait pas rêvé, si ?

Veectoria aida Kate à ranger les quelques courses qu'elle avait ramenées, sans se rendre compte que Kate la regardait, déconnectée de la réalité, cherchant à déterminer si la Lutine était bel et bien à l'origine de ce battement loupé. C'était... impossible ? Du moins... terriblement inattendu !

Kate se reprit finalement quand Alice s'installa dans la cuisine pour dessiner, annonçant à tout le monde que Neige avait adopté la décoration de son enclos, et que les petits nœuds trouvaient un intérêt particulier à ses yeux...

– On a décoré la chambre du lapin aussi, expliqua Veectoria, avec un sourire amusé.

Voilà que Kate était à deux doigts de lui donner la permission de faire de même avec la sienne, alors qu'elle n'aimait pas vraiment ce genre de mascarade.



Kate coupait les légumes que Veectoria avait déposés sur le plan de travail, tandis que la Lutine s'occupait de sa fille. Ce soir, la mère avait envie de cuisiner. Et comme Veectoria ne savait pas cuisiner autrement qu'avec la Magie, elle n'était pas d'une grande aide.

Tout cela semblait très naturel – peut-être trop ? C'était la première fois que Kate vivait une situation pareille. Elle n'avait jamais réellement vécu « en couple », même avec le père de sa fille. Il avait pris la poudre d'escampette en apprenant que son amante d'un soir attendait son enfant... À cette époque, ils ne vivaient pas ensemble.

Par la suite, elle n'avait jamais accordé de temps à la recherche de l'amour. Parfois, elle couchait avec quelqu'un après un dîner dans un bon restaurant, mais cela s'arrêtait là. Elle ne rappelait jamais, même quand on la relançait. Hors de question de s'embarrasser de qui que ce soit, surtout si cette personne comptait s'installer ici, intégrer leur petite famille et devenir le second parent de sa fille. Elle craignait qu'une fois installée, cette personne parte, les abandonne, elle et sa fille, comme cela s'était déjà passé avec son premier petit-ami... Et personne ne savait comment Alice le prendrait.

Ni un homme ni une femme ne mettrait les pieds dans leur petit cocon familial sans avoir montré patte blanche, et pour l'instant, personne n'avait passé ce stade. Avec Veectoria, c'était différent ; elle ne couchait pas avec. Elle était là pour s'occuper d'Alice, pas pour vivre une romance avec sa mère !

Du moins, jusqu'à ce soir. Actuellement, Kate ressentait l'envie de prendre Veectoria dans ses bras, de l'embrasser, qu'elle garde cette place spéciale qu'elle avait prise dans le cœur d'Alice, comme dans le sien – vraisemblablement – et ce pour toujours. Est-ce qu'elle était malade ? Ou que le manque affectif l'affectait plus que d'ordinaire ? Peut-être qu'elle avait besoin d'un peu de compagnie intime, comme elle avait besoin de cette magnifique décoration saisonnière dans son appartement... ?

Cependant, elle repoussa l'idée. Elle n'avait ni l'envie ni la motivation de sortir avec quelqu'un actuellement. Pour quoi faire ? Passer quelques semaines avec elle, pour avoir le cœur brisé quand elle partirait ? Ça lui semblait aussi stupide qu'inutile.

Les trois dînèrent tranquillement, en grande conversation sur leurs journées respectives. Au moins, cela eu le mérite d'occuper l'esprit de Kate, qui ne ruminait plus cette envie idiote d'embrasser la Lutine...



Une fois Alice couchée, Kate se servit un verre de son vin rouge préféré. Elle avait besoin d'un peu de réconfort après toutes ces pensées qui allaient dans tous les sens... mais surtout, dans le sens de Veectoria.

– Tout va bien ? demanda justement la Lutine, tu es silencieuse et pensive depuis le dîner.

– Oh, oui... je suis un peu fatiguée.

« Et pas du tout troublé par ton sourire », termina-t-elle mentalement.

– Ah, d'accord ! Tu veux un peu de poussière magique pour dormir ? C'est plutôt efficace ! Et sans risque.

– Pourquoi pas... ? Mais avant, je... je voudrais te demander si...

Des mots qu'elle allait regretter étaient à ça de franchir sa bouche... mais elle se ravisa :

– Qu'est-ce que tu penses d'installer une couronne de Noël sur la porte ?

– Oh, oui, pourquoi pas ! Je peux m'en charger demain.

– Parfait. Tu en as déjà fait ?

– Euh, ouais, quelques-uns, sourit la Lutine. En fait, j'ai grandi dans une fabrique de décorations pour les grands évènements, pas seulement Noël ! Mes mères sont des spécialistes des arrangements floraux et des couronnes de Noël.

Kate n'était pas sûre d'avoir bien entendu.

– Tu as deux mamans ?

– Oh, oui, avoua la Lutine. J'espère que ça ne te dérange pas ? Je pensais que Lubeen te l'avait dit...

La Lutine semblait attendre sa réponse avec un peu d'appréhension.

– Non, non, ça ne me dérange pas du tout, répondit-elle, je suis juste... étonnée, c'est tout. Et pourquoi Lubeen aurait dû me le dire ?

Elles se regardèrent drôlement un instant :

– Je pensais qu'il t'avait dit d'où on se connaissait, avoua la Lutine.

– Du... Pôle Nord, j'imagine ? Il a grandi là-bas, non ?

La Lutine pencha la tête sur le côté, avant de sourire, amusée :

– Il ne t'a rien dit, déduit-elle en riant.

Face au sourcil interrogateur de Kate, elle enchaîna :

– Lubeen et moi sommes cousins. Enfin... tous les Lutins du Pôle sont plus ou moins cousins... mais je n'ai jamais mis les pieds là-bas. Sa mère est la sœur de l'une des miennes.

Kate écarquilla les yeux, surprise, ne s'attendant pas.du.tout à cette information.

– Il voulait sans doute que tu ne stresses pas trop à l'idée qu'on ait un lien de parenté.

– ... J'imagine, sourit Kate, j'avoue que j'aurais été moins tranquille de le savoir avant de te voir utiliser la Magie.

– Ne t'en fais pas, j'ai toujours été première de ma classe en Magie.

Elles échangèrent un sourire, puis Kate but une gorgée de son verre de vin, pendant que la Lutine se faisait un thé.

Après un moment de silence, durant lequel elle hésita à poser sa question, Kate se lança :

– Et tu... les Lutins sont... comment dire...

Veectoria l'étudia un moment, avant de comprendre la question :

– De base, un Lutin est pansexuel, sourit-elle, on n'a pas d'à priori sur les genres et les sexes – peut-être parce qu'on pratique tous la Magie, qu'on naît dans des œufs, ou que ça fait partie de nous...

– Ah, je vois...

La langue de Kate lui brûlait, tellement elle avait envie de poser des questions plus précises... mais elle redoutait de se faire envoyer sur du gui si c'était un peu trop personnel.

Veectoria se servait de l'eau chaude dans une tasse, après y avoir déposé un sachet de thé de Noël. Le thé infusait doucement depuis quelques secondes, avant que le regard de la Lutine ne retrouve celui de l'humaine :

– C'est mon cas, avoua-t-elle, je préfère les femmes. Enfin... les Lutines, mais tu m'as comprise, je pense.

Le coeur de Kate loupa le second battement de sa journée, voire de la décennie, si ce n'était de sa vie. Malgré elle, ses joues rosirent un peu. Est-ce qu'elle était ravie d'entendre ces paroles ? Oui, complètement. Est-ce qu'elle se trouvait idiote de réagir ainsi ? Aussi !

– J'espère que ça ne te gêne pas ? Lubeen m'a dit que ça ne poserait pas de problème, donc... je n'ai pas vu l'utilité d'en parler.

– Oh, non, ne t'en fais pas pour ça ! Ce qui est important, c'est que tu sois là pour t'occuper d'Alice – cela relève de ta vie privée, de toute façon.

Veectoria hocha la tête, ravie que les choses se passent ainsi. Elle ne voulait pas qu'un malaise s'installe, d'autant plus que son cousin lui avait assuré que Kate ne serait pas gênée. La Lutine était soulagée que le sujet ait été sur le tapis, finalement.

– Dans ce cas, santé ! Lança-t-elle en tendant sa tasse de thé.

– Santé, trinqua Kate avec son verre de vin.

L'humaine vérifia l'heure ; vingt-trois heures trente. L'heure d'aller se coucher pour elle et d'allumer la TV pour Veectoria. L'humaine s'agaça un peu. Elle passait trop peu de temps avec Veectoria à son goût... si ça ne tenait qu'à elle, elle enverrait Alice au bureau et prendrait sa place auprès de la Lutine ! Mais ce ne serait pas très responsable et professionnel.

Une fois que Kate avait enfilé sa chemise de nuit en soie et s'était installée dans son lit, Veectoria souffla sur la paume de sa main, des volutes de magie dorée frôlèrent le visage de l'humaine, qui ne tarda pas à sombrer dans un profond sommeil réparateur.

Son visage endormi était détendu, serein. La nuit serait réparatrice, à n'en pas douter. La Lutine la regarda dormir un moment, remit en place quelques mèches de cheveux, avant de remonter un peu les draps pour bien la couvrir. Il ne faisait pas froid dans la pièce, mais on n'était jamais trop prudente.

Veectoria quitta la pièce à pas de Lutin, avant de refermer la porte doucement. Elle était envahie par un profond sentiment de sérénité, une joie gratuite – un de ces sentiments qu'on décrivait trop dans les films et séries humaines pour qu'elle ignore ce qu'il signifiait...

✨🐰✨🐰✨

Jour 8 terminé !

A demain pour la suiiiiiite !

Haydn

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