Jour 4 : Patinage
Kate s'était décidée à faire une chose qu'elle n'avait plus eu l'occasion de faire depuis quelques temps... aller courir. Elle avait ses habitudes dans un parc non loin de chez elle, mais depuis qu'Alice ne tenait plus dans une poussette, elle ne courrait plus le dimanche matin. C'était son activité « entre midi et deux » lorsqu'elle avait le temps et qu'elle n'allait pas déjeuner avec un client.
Heureusement, Veectoria était là pour garder sa fille. Pendant que la mère courrait, la fille et sa gardienne profiteraient des infrastructures pour enfant. La fraîcheur de l'air fit frissonner la Lutine, qui se protégea le visage dans sa veste-Bonnet. Elle avait bien fait d'équiper Alice avec un bonnet et des gants.
Elles se séparèrent à l'entrée du parc. Kate partit en trottinant vers un endroit, tandis que les deux autres se dirigeaient vers un autre. « Je vous retrouve quand j'ai fini », avait dit la mère.
Veectoria se laissa guider par Alice, qui savait exactement où aller, pour trouver des camarades avec qui jouer. Veectoria prit place sur un banc, l'observant de loin. Elle avait pris un livre dans la bibliothèque, histoire de ne pas trop s'ennuyer. Alice s'était fait des copains et ne se concentrait pas du tout sur sa nounou.
Une heure plus tard, Kate retrouva Veectoria sur son banc, interrompant sa lecture. Alice jouait à chat avec des camarades, ce qui monopolisait toute son attention. La mère tendait un café à emporter à la Lutine, qui accueillit le breuvage avec soulagement. Un peu de poussière Magique discrètement saupoudrée dans le breuvage et la Lutine put en boire une gorgée.
– Il y a une petite cabane avec de quoi boire et manger un peu plus loin, je me disais qu'Alice aurait faim après toute cette agitation.
– C'est une bonne idée ! Merci pour le café !
– Mais de rien... j'imagine que ça ne doit pas être évident de rester collée sur un banc pendant des heures.
Veectoria but une gorgée du café latte caramel chantilly et poudre de cacao, tandis que Kate attaquait son americano.
– Tu ne l'as jamais fait ? demanda la Lutine, rester assise sur un banc pendant que ta fille joue ?
Kate fit un non de la tête :
– Je n'ai jamais pris le temps de le faire... d'habitude, ce sont ses nounous qui s'en chargent – je les paie pour ça. La dernière fois qu'on est allées au parc, Alice et moi, j'ai passé l'heure au téléphone avec le bureau.
– Oh, je vois...
– Tu penses que je suis une mauvaise mère, c'est ça ? Que je n'ai pas le temps pour ma fille parce que je le veux bien.
– Je ne pense pas ça, non, sourit Veectoria, je sais que les humains vivent à cent à l'heure – j'ai investi assez de foyers pour ça, crois-moi ! Et puis, tu es seule pour t'occuper d'elle.
Enfin, si on faisait abstraction des nounous, de la maîtresse d'école, ainsi que la femme de ménage, ses tontons, qui faisaient en sorte qu'Alice grandisse dans un environnement sain et sécurisé.
– Ça ne doit pas être facile avec un travail prenant, ajouta la Lutine.
– La balance pro-privée n'est pas idéale, admit Kate, mais, je... j'en ai bavé pour en arriver là, tu sais. Je suis tombée enceinte d'Alice quand j'étais en dernière année – j'ai passé mes examens quand j'étais presque à terme, par une chaleur étouffante, je ne recommande à personne !
– J'imagine !
– Puis j'ai été embauchée peu après sa naissance. J'aurais préféré profiter de mon petit bébé, mais... on avait besoin d'argent. Je n'avais presque pas d'argent de côté – heureusement que mon père était là.
– Ça a dû être difficile, effectivement... mais Alice à l'air épanouie.
Elles observèrent la concernée, qui était à présent le chat, courir après d'autres enfants pour les toucher. Le silence reprit ses droits quelques instants.
– Parfois, je me dis qu'on s'est séparées trop vite, se confia la mère, sans quitter sa fille du regard. Je n'avais pas vraiment le choix, mais... peut-être que je l'ai confiée trop tôt à une nounou et que c'est pour cela qu'elle est aussi invivable avec elles ces derniers temps.
– Comme tu l'as dit, tu n'avais pas vraiment le choix... et puis, elle n'est pas aussi invivable que ça. Elle est même très agréable.
– Je vais mettre une croix sur le calendrier, c'est bien la première fois qu'on me dit ça ! rit Kate, mais je pense qu'elle est différente avec toi parce qu'elle sent qu'il y a quelque chose de différent chez toi, comme elle a dû le sentir avec Lubeen. Avec lui aussi, elle est sage... c'est lui qu'il faut surveiller.
Elles échangèrent un rire, avant qu'Alice ne revienne vers elle pour embrasser sa mère. Elle était essoufflée et échevelée, mais elle avait un grand sourire. Elle avait bu un peu d'eau, avant qu'elles ne se mettent en route pour faire un petit tour à la cabane. Alice avait pris une crêpe et un chocolat chaud, tandis que Veectoria et sa mère reprenaient un café.
– Oh, Maman ! Cria Alice, désignant ce qui se tenait devant elle, on peut ? On peut ?
Elle sautait sur place, tout excitée, ce qui fit sourire sa mère. Elle avait à peine eu le temps de lui répondre par la positive qu'elle filait devant le petit cabanon pour demander au vendeur si elle pouvait monter sur la glace.
Veectoria étudia la patinoire temporaire avec un drôle d'air. Un air pas très rassuré. Heureusement que Kate n'avait pas prévu de l'embarquer sur la glace... du moins, avant qu'elle ne lui agrippe le bras pour l'entraîner devant le vendeur.
– Aller, viens, ça va être sympa !
Elle avait pris trois paires de patins avant que Veectoria n'ait le temps de lui dire qu'elle ne tenait pas à monter sur la glace... elle se retrouva, patins aux pieds, à devoir se lancer. Alice tenait debout toute seule – ou presque – ce que Veectoria estimait déjà bien mieux que sa prestation à venir.
Kate l'encouragea en lui tendant sa main :
– Je te tiens, ne t'en fais pas.
Comme Veectoria n'avait pas le choix, elle mit un patin sur la glace, se tenant fermement à la rambarde, avant de mettre le second. Elle poussa un soupir, cramponnée à la rambarde comme elle l'aurait été à une bouée en plein naufrage.
– Aller viens, Veeck ! lança Alice, qui passa non loin d'elle, bien plus à l'aise sur ses patins.
– Fais attention, tu vas...
Elle ne finis pas sa phrase et qu'Alice tombait justement sur la glace. Veectoria était à deux doigts de se lancer pour la relever, mais elle songea qu'elle ne parcourrait qu'un mètre maximum – et en glissant sur le ventre, pour ne rien arranger...
Heureusement, la petite fille se releva avec un grand sourire et continua à patiner, un peu plus sagement qu'avant, peut-être.
– Ne t'en fais pas, on va souvent à la patinoire, toutes les deux, lui confia Kate, elle a presque su patiner avant de savoir marcher !
– Ah... ce n'est pas le cas de tout le monde sur cette glace...
Kate avait ri. Un beau rire chaleureux et réconfortant, comme un feu de cheminée en plein hiver... mais Veectoria n'avait pas eu le temps d'en profiter ; Kate lui tendait les mains.
– Tu ne veux quand même pas que je lâche la rambarde ? s'outra la Lutine.
– Aller, je te tiens, tu as juste à rester en équilibre.
– Et comment je fais ça ?
Comme Veectoria était aventureuse – et que la mère comme la fille l'encouragèrent d'une même voix – elle tendit ses mains pour attraper celles de Kate. Elle n'était pas du tout rassurée, mais se laissa mener. Elle progressait doucement, à la recherche de l'équilibre, une grimace peu assurée sur le visage.
– Tu vois, ce n'est pas si difficile, l'encouragea Kate.
– Quand est-ce que je retrouve la terre ferme, se lamenta la Lutine. Comment tu fais pour ne pas tomber, à la fin ?!
– J'ai fait du patinage artistique jusqu'à ce que je vienne à Londres pour mes études... j'en faisais plusieurs fois par semaine, en plus des concours – donc heureusement que je tiens sur mes patins !
– Ah, effectivement... ça doit aider...
Comme Veectoria changeait peu à peu de couleur, Kate la ramena sur la terre ferme, au plus grand soulagement de la Lutine.
– On a bien mérité un chocolat chaud, estima la mère.
– Oh, mais tu ne veux plus patiner ?
– Bien... je ne vais pas te laisser seule sur le bord.
– T'inquiètes pas, je vous regarde ! Profites-en pour patiner avec Alice.
Comme Kate estimait l'idée bien, elle rejoignit sa petite tête blonde sur la glace. Elle patinait avec quelques enfants, qui étaient bien moins assurés qu'elle sur ses patins.
Pendant une petite heure, elles avaient patiné sans se soucier de ce qu'il se passait autour. Alice apprenait quelques mouvements, sa mère semblait ravie et flattée de servir de coach. Veectoria les observait avec un sourire, poussait un gasp à chaque fois qu'Alice tombait... mais elle se relevait à chaque fois comme si de rien n'était.
Quand elles quittèrent la glace, les deux semblaient sur un petit nuage, ravies de leur séance de patinage.
– Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas pris le temps d'aller à la patinoire, expliqua Kate, une fois ses baskets aux pieds.
Pendant qu'Alice regardait les gens patiner, Kate et Veectoria s'étaient installées à une table, après avoir commandé deux cafés dans le petit cabanon.
– Plus jamais je ne fais un truc pareil, dit la Lutine, c'est impossible de tenir debout sur ces trucs !
– C'est une question d'entraînement, passées quelques séances, tu te sentiras plus à l'aise !
– Ah, parce qu'on a prévu d'y retourner...
– Ça faisait longtemps que je n'avais pas emmené Alice patiner, avoua Kate, c'était notre activité du samedi, avant que... J'ai une tonne de boulot qui m'empêche d'avoir mon samedi matin.
Veectoria semblait concernée.
– Ça ne doit pas être facile d'avoir autant de travail.
– Je sais, soupira-t-elle, j'en fais trop et ce n'est pas bon... mais je n'ai pas trop le choix. Un de nos associés nous a lâchés et c'est mon domaine de compétence... ça fait des mois que j'essaye d'avoir quelqu'un pour m'aider, mais je ne dois pas insister assez fort.
– Oh, je vois. J'espère que ça s'arrangera. C'est dommage que je ne puisse pas t'aider avec la Magie, sinon je l'aurais fait !
– Je n'en doute pas – merci – mais malheureusement, la Magie ne peut rien pour faire mon travail à ma place... j'aurais bien voulu.
Alice vint boire une gorgée de son soda, avant de repartir sur le bord de la patinoire avec la canette.
– La prochaine fois qu'elle me rend chèvre, je la lâcherais à la patinoire, ça à l'air passionnant.
– On dirait ! Tu n'as jamais pensé à l'inscrire à un club ? Ou des cours, avec d'autres enfants ?
Kate hocha la tête :
– J'ai essayé, mais... je n'avais pas le temps de l'y emmener et de la rechercher, donc ce sont ses nounous qui l'emmenaient. Ce n'était pas évident pour elle, elle n'aimait pas du tout.
– Peut-être que si tu l'emmenais, elle préférerait.
– Comment ça ?
– Alice n'est pas une gamine compliquée à comprendre, tu sais, rit Veectoria. Ce qu'elle veut, c'est que sa Maman passe du temps avec elle... comme c'est le cas, ce matin. Si elle rend chèvre ses nounous, c'est pour te faire passer un message...
Kate écarquilla les yeux, surprise, avant de regarder sa fille, qui observait toujours les patineurs.
– Oh... je n'avais jamais pensé à ça...
– Si elle est sympa avec Lubeen et moi, ce n'est pas parce qu'on est des Lutins... c'est parce qu'elle sait qu'on passe du temps avec toi, qu'on te connaît et que tu nous fais confiance.
– Mais j'ai aussi confiance en ces nounous !
– Peut-être, mais nous, on est comme des amis, plus que des employés, tu comprends ?
Kate médita ses paroles un long moment. Elle se rendait compte qu'elle avait peut-être raison... peut-être qu'elle n'accordait pas assez de temps et d'attention à sa fille, que celle-ci n'avait pas d'autres moyens de communiquer son mal-être qu'en rendant ses gardiennes chèvres.
Quand Alice était venue s'installer, elle avait fait un câlin à sa mère, puis à Veectoria, avant que les trois ne se mettent en route pour l'appartement. Alice expliquait à la Lutine comment tenir sur ses patins, la prochaine fois – c'est maman qui m'a tout expliqué, je suis sûre que ça va marcher pour toi !
Kate marchait quelques mètres derrière, observant les deux avec un sourire et une expression douce. Alice avait adopté Veectoria, on dirait. Ce qui lui faisait chaud au cœur.
Soudainement, et malgré la perfection de ce moment, elle se demanda comment cela se passerait pour Alice quand Veectoria allait partir. Elle finirait bien par le faire, retrouver son envie de bouger, comme elle l'avait eue avant son arrivée dans leurs vies... Alice n'en était pas consciente, et ça pourrait lui briser le cœur d'ici peu.
✨🐰✨🐰✨
Jour 4 terminé !
À demain pour la suite 🐰
Haydn
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