Jour 26 - Cadeaux

Lorsque le repas se termina et qu'il fut l'heure pour tous d'aller se coucher, Veectoria s'installa sur le lit de la chambre de Kate, attendant qu'elle ait fini de prendre sa douche.

Dans quelques heures, elle allait devoir la quitter. Elle avait prévu de partir pendant que la maison serait endormie. Effacer les mémoires était plus facile quand les humains dormaient... Mais elle voulait laisser le choix à Kate de garder ou non ses souvenirs. C'était la moindre des choses.

Quand l'humaine sortit de sa salle de bain, elle se séchait les cheveux avec une serviette, confortablement vêtue d'un peignoir.

À la tête que tirait Veectoria, elle sut que la conversation était arrivée. Dommage. Elle escomptait l'avoir près d'elle encore à son réveil.

– C'est le grand jour, lui annonça la Lutine, avec une expression bizarre, celui où je pars vers de nouvelles aventures...

Kate s'assit à ses côtés.

– Tu ne veux pas attendre ce soir ?

La Lutine secoua la tête.

– J'ai promis à Lubeen d'aller le voir avant de partir, donc...

– Mais ça va te prendre la journée...

– Oh, pas avec la Magie, t'inquiètes... je passe le voir et je repars sur la route. Comme c'était prévu.

Kate maudissait les transports magiques, quels qu'ils soient. Ne pouvaient-ils pas être hors service aujourd'hui ?

– Je voulais juste te demander si... si tu voulais que j'efface ta mémoire ou pas. Je vais le faire avec les autres, mais... je me suis dit que tu avais peut-être envie de garder les tiens.

Elle lui montra l'album qu'elle avait reçu en cadeau.

– J'apprécierais, oui... tu dois vraiment le faire ?

– C'est la règle... je fais une entorse pour toi, on dirait.

Elles se regardaient avec des expressions tristes et résignées.

– Je devrais... faire mes affaires.

Kate hocha la tête, tandis que Veectoria rassemblait ses affaires, pour les glisser dans son sac à dos.

– Il est magique, avoua-t-elle, je peux mettre une maison entière dedans, si ce n'est plus...

– Oh, parfait... pas de soucis de place pour tes cadeaux, alors.

Elle secoua la tête, incapable de parler à cause de la boule qu'elle avait dans la gorge. Si seulement les adieux n'étaient pas aussi déchirants !



Une fois son sac fait, Veectoria se tournait vers Kate avec une expression grave, qui surprit l'humaine. La Lutine notait qu'elles avaient toutes les deux les larmes aux yeux.

– Si tu as quelque chose à me dire, c'est maintenant ou jamais, estima-t-elle dans un souffle troublé, après ça... je ne serais plus là. Je ne reviendrais jamais.

Kate l'étudia un long moment sans savoir quoi dire. Elle sentait bien qu'elle était très sérieuse et qu'elle attendait, visiblement, quelque chose de sa part. « bon vent » ? « Joyeux Noël » ? « Reste avec moi pour toujours » ?

Comme le silence était gênant et que Veectoria supportait mal la pression, elle avoua :

– Jeanne m'a tout avoué... à propos de tes parents qui pensent qu'on est en couple et... sur le fait que tu voudrais que je reste auprès de toi et Alice.

Elle n'avait pas l'air très sûre d'elle, ce que Kate trouverait irrésistible, si elle n'avait pas l'impression de vivre son plus beau rêve et son pire cauchemar à la fois.

– Je lui ai dit que j'étais juste comme... ton employée ou je ne sais quoi... mais... il est évident que je ne suis pas juste la nounou de ta fille.

Elle désigna l'album photo, qui pouvait témoigner, si on l'observait différemment, qu'elle avait une tout autre place que la simple fille au pair de Kate.

– Alors, inspira la Lutine, je répète : est-ce que tu as quelque chose à me dire avant que je disparaisse pour toujours ?

Kate la regardait un long moment, ne sachant pas quoi répondre. Oui ? Non ? Pourquoi pas ? Quel jour on était ? comment s'appelait-elle ? Dans les différents scénarii qu'elle s'était imaginés depuis lors, il n'y en avait aucun qu'elle avait vraiment pris au sérieux... celui où sa sœur se mêlait encore de sa vie personnelle n'avait même pas été envisagé.

– Tu sais, je... reprit Veectoria, la voix troublée, je... je ne me suis jamais sentie aussi bien que chez toi. C'est sincère. J'ai visité des dizaines et des dizaines de foyers, avec des tas de parents et d'enfants... parfois, c'était un joyeux bordel chaleureux, d'autres fois c'était plus calme, plus formel... je me suis toujours intégrée, j'ai toujours respecté les règles établies, les endroits où j'allais et les gens que je rencontrais.

Elle prit un instant, avant d'enchaîner :

– Avec toi, c'est pareil. On avait un accord, je vais le respecter. Parce que je mets un point d'honneur à respecter les règles établies avec les familles.

Elle déglutit, avant de s'effondrer :

– Mais avec toi, ça va vraiment être le plus difficile ! Je n'ai pas envie de partir, de me séparer de toi et d'Alice... je me sens bien chez toi avec vous deux. C'était comme si j'étais à ma place, que vous m'acceptiez telle que je suis, comme un membre à part entière de votre foyer. De votre famille. Je n'ai jamais ressenti ça pour personne.

Des larmes dévalaient ses joues, pour atterrir sur son pull ou sur le parquet.

– Alors c'est vraiment le bon moment pour me dire quelque chose, si tu as un truc à me dire !

Elles s'étudièrent du regard un long moment, avant que Kate n'essuie ses yeux :

– Je voudrais... que tu restes auprès de moi et Alice, et qu'on ne définisse aucune limite de temps. Je ne veux pas que tu sois simplement la nounou de ma fille ou ma colocataire magique... je voudrais... je voudrais qu'on soit plus que ça.

Le silence s'installa, tandis que Veectoria s'asseyait sur le lit à nouveau. Kate prit sa main dans la sienne, pour se confier :

– Quand le père d'Alice m'a quitté, j'étais dévastée. J'étais à deux doigts de tout laisser tomber. Mais j'avais un espoir de la taille d'un petit pois qui comptait sur moi, donc... pas le choix, je devais avancer.

Elle inspira profondément :

– Depuis ce jour-là, j'ai laissé de côté les affaires de cœur. Plus un homme ou une femme ne m'a troublé. Ma fille et ma carrière me suffisaient amplement. Je n'avais pas l'impression qu'il manquait quoi que ce soit dans ma vie. Sincèrement.

Leurs regards s'accrochèrent alors :

– Quand tu as débarqué dans notre petite vie, j'étais... résolue à ce que tu partes au plus vite. Sans vouloir être méchante ou autre, juste...

– J'étais dans ton intimité...

Kate hocha la tête :

– Je me suis juré qu'on ne me reprendrait plus à laisser quelqu'un s'y installer.

– Désolée...

– Non, ne t'en fais pas... avec le temps, j'ai bien dû admettre que c'était agréable que tu sois là. Et pas simplement parce que tu t'occupes d'Alice... aussi parce que... ta présence est agréable. Je ne sais pas comment je vais faire sans toi – je crois que je suis un peu dans le déni de ton départ pour le moment.

Elles échangèrent un rire, malgré leurs yeux humides.

– Mais je me dis que... si tu te sens bien chez moi, et que je me sens bien que tu sois là... peut-être que quelques semaines ou mois de plus nous feraient du bien. Je suis sûre qu'Alice sera ravie – au moins autant que moi...

La Lutine renifla.

– C'est vraiment ce que tu veux ? Que je reste auprès de toi ?

Kate hocha la tête :

– Je me dis qu'on peut se donner quelque temps pour voir où ça nous mène et... si un jour tu ressens le besoin de prendre le large, tu le prendras. Ça te paraît un bon deal ?

Veectoria hocha doucement la tête :

– On a fini le premier alors... rien ne m'empêche d'en faire un second avec toi...

– Bonne nouvelle, alors, sourit l'humaine.

Veectoria caressa doucement sa joue avec sa main, son regard sombre se perdant sur les lèvres de Kate. Elle s'approcha doucement d'elle, avant de se stopper à mi-chemin...

Kate, qui avait compris qu'elle comptait l'embrasser, fit l'autre moitié du chemin, avec plus de passion et de précipitation que la Lutine...

Leurs lèvres se scellèrent dans l'ambiance tamisée de leur chambre, alors que le silence régnait et que la neige tombait doucement dehors. Leurs cœurs battaient rapidement sous le coup de l'émotion, et le temps se suspendit pendant un moment, tandis que leurs langues entraient en contact.

Assez naturellement, Veectoria s'allongea, laissant tout le loisir à Kate de prendre ses aises sur elle, tout en continuant le ballet sensuel de leurs langues...



Quand celui-ci prit fin, elles échangèrent un rire complice, avant de se serrer dans les bras l'une de l'autre, durant un long moment. Le moment avait un goût d'éternité et une saveur particulièrement addictive...

Malheureusement, tout bon moment avait sa fin. Surtout que Kate était fatiguée par cette longue journée, riche en émotion.

– Je devrais dormir un peu, estima-t-elle, tu promets de ne pas partir ?

– Promis, juré, rit Veectoria en levant une main et en passant l'autre sur son cœur, je peux même rester dans cette chambre.

– Et dans ce lit ?

La Lutine se releva, pour déposer un baiser sur ses lèvres :

– Si tu me donnes la télécommande de la TV, je crois que je peux essayer.

Avec un sourire, Kate souleva un coussin pour lui présenter le Saint Graal. L'humaine bâilla quand elle passa dans la salle de bain pour enfiler sa chemise de nuit en satin préférée, avant de s'installer sous les draps.

Veectoria en avait profité pour se mettre en pyjama – un ensemble gris en coton, avec un haut en pilou rose pastel qui allait avec sa paire de chaussons de la même couleur. Elle rejoignit Kate sous les couvertures, zappant les chaînes de la TV pour trouver un programme à son goût.

– Bonne nuit, bâilla Kate, avant de déposer un baiser sur sa joue.

Elle s'installa dans les bras de sa Lutine, qui était ravie d'avoir son humaine contre elle. Lubeen avait raison ; il n'y avait pas meilleure sensation au monde !

– Fais de beaux rêves, lui répondit Veectoria en embrassant son front.

Elle lui répondit par un petit bruit caractéristique d'un humain en train de partir au pays des songes. La Lutine arborait un doux sourire en abandonnant la télécommande.

Elle s'empara de son smartphone et pianota dessus quelques instants ; « je ne pourrais pas venir tout à l'heure, mais on se verra bientôt à Londres ;) », adressé à son cousin. Elle n'attendit pas de réponse et se mit en position pour suivre le film qui allait commencer.

Tout l'or et toute la Magie du monde ne pourraient jamais valoir le prix de ce moment précisément... Elle en était intimement persuadée.



✨🐰✨🐰✨

Et voilà, c'était le dernier chapitre :D

N'hésitez pas à me laisser votre avis sur cette histoire ~

L'épilogue suit !!

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