Jour 18 - Lettres
18 décembre
* * *
Lubeen suivait Keir dans les bureaux de l'agence, détaillant l'endroit comme s'il n'y avait jamais mis les pieds. En réalité, c'était surtout l'attitude de son humain qui l'impressionnait... Dès qu'ils avaient franchi la porte de l'ascenseur, une aura intense d'autorité se dégageait de lui. Une sorte de chose qui imposait le respect.
Le bureau de Keir était à l'image de son appartement ; moderne, design, high-tech et... loin d'être rangé.
La veille, Lubeen avait promis à Keir de ne pas utiliser ses pouvoirs ou d'en parler, de faire la moindre référence à son espèce. Il était un humain normal ici. Sinon, il le renvoyait à l'appartement illico presto... Et le Lutin avait une mission bien spéciale à remplir avant le déjeuner.
– T'es bien silencieux, constata Keir en allumant son ordinateur.
– Tu m'as dit de rester discret, non ?
– J'ai dit « évite de te faire remarquer »... Détends-toi un peu, tout va bien. Tiens-toi à ce qu'on a dit : tu es un ami en visite à Londres quelque temps.
– Et je vis en Irlande, dans un village près de Portree, avec mes parents, qui travaillent dans un restaurant, termina le blond. Même si mon père ne sait pas cuisiner, dans la vraie vie, ajouta-t-il, boudeur.
– Et bien il fera le service ! J'ai une réunion dans une heure, je dois avancer, d'accord ?
– Oui, oui. Qu'est-ce que je peux faire pour t'aider ? Ou, au moins, passer le temps ?
Keir sortit des feuilles et des crayons d'un tiroir et les lui présenta.
– Les Lutins dessinent ?
– Bien sûr ! Qui met au point les jouets, à ton avis ? On a aussi des designers et des créatifs – et ils trouvent tous que mon sens du style est vraiment lamentable.
« Ah, vraiment, je ne comprends pas du tout pourquoi » songea Keir, amusé.
– Et toi aussi, hein, l'accusa le blond.
– C'est, disons, coloré et très personnel, comme style.
Lubeen lui tira la langue, un brin boudeur, avant de s'emparer d'un crayon :
– Tu veux que je te dessine quoi ?
– Euh, je ne sais pas... Je travaille sur une campagne de pub pour une montre de luxe, mais c'est peut-être un peu conceptuel. Eh, pourquoi tu ne dessinerais pas le Pôle ? Comme ça je verrais comment c'est.
Le blond hocha la tête, enthousiaste, puis se mit à frénétiquement griffonner sur ses feuilles. Keir l'observa une seconde, avant de retourner à ses fichiers. La journée serait longue. Et la présence de Lubeen ne le tranquillisait pas vraiment.
Midi sonna. Lubeen lança un regard à la salle de réunion dans laquelle Keir travaillait avec une dizaine d'autres personnes. Visiblement, ils n'auraient pas fini avant un moment... Le brun lui avait dit qu'ils iraient déjeuner avec quelques collègues et qu'il lui présenterait la femme à laquelle il devait faire un cadeau.
Mais, s'ils n'allaient pas déjeuner... Lubeen ne saurait pas qui elle était, ce qu'elle voulait, et ne remplirait pas sa mission de Père Noël. Son humain trouvait qu'il prenait ce rôle trop à cœur, cependant Lubeen voulait vraiment être à la hauteur. Il était bien placé pour savoir à quel point c'était difficile d'être Père Noël... Et il refusait de décevoir qui que ce soit.
– Qu'est-ce que je dois faire ? Marmonna-t-il.
Des gens partaient du bureau en petits groupes, sans doute pour aller déjeuner, mais la salle de réunion restait désespérément pleine. Le Lutin maugréa. Si au moins Keir lui avait indiqué quelle personne il devait surveiller ! Mais l'humain était malin et n'avait rien dit.
Les minutes s'écoulèrent, tandis que le blond s'agitait, ne sachant ce qu'il devait faire... Jusqu'à ce que l'on frappe à la porte vitrée du bureau. Une femme, la quarantaine, blonde, avec un beau sourire inspirant confiance.
– Tu es Lubeen, c'est ça ? Lui demanda-t-elle en ouvrant la porte. Keir m'a demandé de t'emmener déjeuner, ils sont très occupés avec leur grosse campagne de pub.
Le Lutin pencha la tête sur le côté, interloqué. Keir lui avait interdit de sortir du bureau sans lui. Mais, d'un autre côté, cette femme n'avait rien de dangereux ou menaçant. Elle semblait même très gentille. Elle lui faisait un peu penser à sa propre mère, qui lui manquait de plus en plus.
– D'accord, sourit-il en enfilant sa veste.
– Qu'est-ce que tu aimes manger ?
Une question piège, songea le Lutin. Keir lui avait fait apprendre des réponses à donner en cas de question dangereuse pour sa couverture d'humain normal... Qu'avait-il dit déjà, au sujet des repas ? Les jeunes humains aimaient manger des choses en particulier – mais quoi ? Ah, Keir le lui avait dit, pourtant !
– J'aime, euh... Les légumes ! Oui, c'est ça !
La femme l'étudia avec une drôle d'expression. Ce n'était pas tous les jours qu'un jeune homme lui disait aimer les légumes... Pour autant, elle n'ajouta rien. Keir lui avait dit qu'il vivait à la campagne en Irlande et qu'il venait pour la première fois dans une grande ville – ce qui, en soi, n'était pas un gros mensonge.
Keir travaillait dans son bureau quand Lubeen revint de son déjeuner. Merry était vraiment une personne sympathique, joviale, qui l'avait mis à l'aise... Mais le Lutin était tout de même rester sur ses gardes pour ne pas laisser sortir d'informations sur sa nature et ses pouvoirs. Il avait bien mangé et son sourire témoignait de sa bonne humeur.
Elle l'avait longuement félicité et remercié pour les chaussettes. Ses cinq enfants avaient été ravis d'en avoir une paire chacun. Et cela avait touché le blond au point qu'il en ait les larmes aux yeux... Pour la première fois de sa vie, il était touché dans le bon sens. Parce qu'on le félicitait.
– Tu as l'air de bonne humeur, constata Keir, avalant un sandwich devant son ordinateur. Je suis désolé, la réunion s'est éternisée...
– Oh, ça va... J'ai bien mangé. Mais tu devais me présenter la personne à qui je dois faire un cadeau et...
– C'est Merry, Lubeen, souffla Keir.
– Oh. Donc j'ai rempli ma mission ! Mais je ne sais pas ce que je dois lui offrir pour autant.
– Je croyais que tu pouvais sentir ce dont les gens avaient besoin ?
– Oui, mais... parfois, ils ne pensent pas à eux, mais aux autres. Et je ne suis pas un spécialiste de l'interprétation du sixième sens non plus.
Keir lui accorda le point. Il trouvait sa bouille soucieuse et concentrée adorable. On pouvait lui reprocher ses maladresses et son manque de tact et de subtilité, mais pas son manque d'investissement et d'engagement. Quelque part, Keir admirait sa ténacité.
– Je crois qu'elle a trois enfants, lança-t-il.
– Cinq, corrigea le blond, pensif. Ils sont cinq. Mais je ne vois pas le rapport.
– Bien... J'imagine qu'elle doit penser à eux.
– Je le sais bien ! C'est pour ça que je n'arrive pas à lire ce qu'elle désire !
Keir hocha la tête avec un sourire mystérieux, ce qui laissait le blond perplexe. Comment trouver le cadeau idéal sans son sixième sens ? C'était impossible ! Jamais il ne serait un bon Père Noël pour Merry et ça l'agaçait... Pourquoi ne pouvait-il pas réussir au moins ça ?
– Je vais rentrer à la maison, dit-il soudainement, Ruddy doit se sentir seul.
– Euh, oui, si tu veux... Tu te souviens du chemin qu'on a pris ?
– Pour qui tu me prends ?
– Tu m'appelles quand tu es rentré, OK ? Juste pour être sûr qu'il ne t'est rien arrivé...
Lubeen hocha la tête en récupérant les clefs de l'appartement – Keir ne voulait pas qu'il utilise la Magie hors de l'appartement, y compris sur le palier de celui-ci. Après un dernier salut souriant, Lubeen quitta son bureau. Keir l'observa à travers les parois vitrées pendant un long moment...
Lubeen passa devant le bureau de Merry pour lui dire au revoir et la remercier – encore une fois – pour le déjeuner... Lorsqu'il remarqua un tas d'enveloppes couvertes de dessins d'enfants.
– Qu'est-ce que c'est ? Demanda-t-il.
– Oh, les lettres de mes enfants pour le Père Noël, sourit-elle, je dois absolument les poster aujourd'hui... Mais je ne pense pas avoir le temps...
– Ah, pourquoi ça ?
Elle désigna une pile de dossiers sur son bureau. Lubeen la trouvait haute.
– Ehm, je vais rentrer chez Keir, je pense que je peux les poster, si tu veux ? J'ai déjà travaillé au service courrier du...
Il se stoppa avant de finir sa phrase et changea la fin de celle-ci :
– De ma ville !
Merry l'étudia avec un sourire :
– Il faut absolument que ça parte aujourd'hui, c'est très important pour eux, donc ça l'est pour moi !
– Et ça l'est pour moi aussi !
Si elle savait à quel point, songea Lubeen. Quand il travaillait au Service des Courriers, il avait eu le temps d'apprécier la valeur de ses morceaux de papier sur lesquels les enfants s'exprimaient, que ce soit à travers des mots ou des dessins... Grâce au sixième sens, les Lutins étaient capable de ressentir l'état d'esprit de l'enfant lorsqu'il l'avait faite. Et Lubeen adorait ça... Même s'il n'était pas très productif et s'était trompé plusieurs fois.
Lubeen était à peine rentré qu'il s'installa sur la table basse du salon, étudiant le tas de lettres qu'il devait poster. Être un Lutin lui donnait l'avantage de pouvoir les envoyer directement au Pôle sans passer par les humains... Ce qui était appréciable.
Curieux de nature, il les ouvrit et les lut, avec un petit sourire amusé – et un peu nostalgique, aussi.
Il ne savait pas vraiment ce qu'étaient toutes ses choses que les enfants demandaient – mais au Pôle on le saurait sans doute. Il nota précautionneusement tous leurs désirs sur un morceau de papier, espérant que Keir pourrait lui dire s'il pouvait y trouver quelque chose qui ferait plaisir à Mary.
Une fois cela fait, il referma les lettres avec un sceau spécial que seuls les Lutins pouvaient utiliser et détecter. Il passa sa main sur le tas de lettres, qui s'envolèrent dans un tourbillon d'air, avant de disparaître dans un petit portail lumineux, au milieu du plafond...
Lubeen observa cela, satisfait, jusqu'à ce que le téléphone ne se mette à sonner. Keir voulait s'assurer qu'il était bien arrivé, en un seul morceau, sans avoir usé de Magie... Et surtout, sans avoir causé la moindre catastrophe.
* * *
Bon il était temps qu'il sorte celui-ci ! Ça aurait été chaud qu'il sorte le 23 ou le 24 XD
Bon j'espère que le sort me sera favorable pour continuer et finir cette partie avec Merry !
(Crédit 📷 : angiegago)
✨ À demain ✨
Haydn
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