Jour 16 - Bougies

16 décembre

* * *

Après avoir passé la journée à visiter la ville, Lubeen était mort de froid et de fatigue. Il n'avait pas l'habitude du bruit et des gens qui allaient et venaient de partout, tout comme il n'avait pas l'habitude de marcher autant... Puis, il avait également peur de perdre Keir – il semblait si facile de se retrouver seul au milieu de la ville !

Le brun gardait un œil sur lui en permanence, comme s'il surveillait un enfant... Mais cela n'empêchait pas le Lutin de le chercher régulièrement, avec son regard ou avec sa main. Finalement, Keir avait réglé le problème en lui prenant la main dès qu'il y avait un peu de monde.

Au diable sa gêne et les regards qu'on posait sur eux. Lubeen ne se rendait pas compte de ce que cela voulait dire, ça le rassurait, c'était tout ce qui importait !

– Ah ! Enfin rentrés ! S'exclama Lubeen, une fois la porte franchie.

Il eut à peine le temps de métamorphoser sa veste en t-shirt que Ruddy en bondissait. Le renne s'étirait en poussant un râle, avant de se dégourdir les pattes un peu plus loin.

– C'était vraiment bien, enchaîna-t-il en se tournant vers Keir, merci de m'avoir emmené faire un tour !

– Mais de rien... Ça m'a fait du bien aussi.

Keir referma la porte derrière lui, puis débarrassa Lubeen de son bonnet, laissant ses oreilles pointues reprendre l'air. Elles étaient un peu rougies, mais rien de bien alarmant. Il sourit lorsque le Lutin les agita pour les dégourdir un peu.

– Je vais faire du chocolat chaud, lança le blond, plus qu'enjoué. Tu as encore les biscuits qu'on a achetés ?

– Tu veux dire, ceux que j'ai mangés sur le chemin sans que tu ne le remarques ?

Lubeen lui tira la langue, amusé, avant de disparaitre dans la cuisine. Keir expira. Il se sentait vraiment bien, en cet instant... Heureux, chaud à l'intérieur. Rien ne pourrait obscurcir ce sentiment, il en était persuadé !

La journée s'était plus que bien déroulée, rien n'aurait pu être mieux. Et il comptait bien la finir avec sur la même note. Ce week-end n'était pas le plus reposant, mais c'était sans doute le plus revigorant de tous.

Et il le devait à Lubeen, même s'il refusait de l'avouer oralement. Sans lui, il n'aurait pas mis les pieds dehors, et même si ç'avait été le cas, ce n'aurait certainement pas été pour jouer les guides touristiques... Le Lutin ne connaissait pas grand-chose aux humains, encore moins à la ville de Londres, aussi s'en était-il donné à cœur joie pour tout lui montrer. Et l'enthousiasme du blond lui réchauffait le cœur.

– Ehm, je crois que tu devrais venir, balbutia Lubeen.

Lorsqu'il débarqua dans la cuisine, c'était pour y découvrir une sorte de mélasse chocolat qui commençait à prendre vie et à s'étaler partout sur le sol, poussant des râles en faisant éclater des bulles peu ragoûtantes. L'humain affichait sa perplexité en l'interrogeant du regard :

– J'ai été un peu... Distrait ? Tenta le Lutin. C'est à cause du dessin animé que j'ai vu hier...

– J'avais reconnu, soupira le brun, essaye de le faire disparaitre ou... Je ne sais pas ce que tu fais d'habitude.

Lubeen ne savait pas non plus si cela portait un nom particulier – un Lutin ne s'embarrassait pas d'expliquer les phénomènes magiques, il les utilisait et puis c'était tout – toujours était-il qu'en un claquement de doigts, la morve gluante géante de chocolat s'évapora.

– J'espère pour lui que tu n'as pas heurté ses sentiments – si tenté qu'il ait eu des sentiments...

– Oh, ne me fais pas plus culpabiliser ! J'ai toutes ses choses humaines en tête qui vont et viennes, c'est perturbant !

– Si tu te concentrais un minimum, ça n'arriverait pas...

Lubeen s'apprêtait à répliquer, mais il ne trouva rien à dire. Il était vrai qu'on lui reprochait souvent son manque d'attention et de concentration... Ce qui s'avérait dangereux lorsqu'il oubliait les règles élémentaires de sécurité.

– Je vais m'en charger, annonça Keir, brandissant une casserole, c'est une des rares choses que je sais faire en cuisine.

– Mais... Et notre contrat alors ? Tu ne vas pas me remettre à la porte, hein ?

Keir sourit, joueur, ce qui fit rougir les oreilles du blond vivement :

– Mais non, je te taquine ! Lança l'humain en ricanant. Est-ce que tu penses réussir à te concentrer suffisamment pour faire apparaître un gâteau ?

– Euh... Oui, je crois. Quel genre de gâteau ? Des biscuits ? Un cake ? Une pièce montée ? Oh, tu préfères sans doute un fondant ou des muffins ?

– Celui que tu veux, au goût que tu préfères...

Keir repensa furtivement aux grenouilles rôties que Lubeen lui avait demandées peu après son arrivée et se ravisa :

– Non, en fait, nature ! Ce sera parfait, du nature.

– Ehm, si tu veux... Mais pour quoi faire ? Il est bientôt l'heure du dîner et...

Keir délaissa son lait sur le feu une seconde pour lui lancer un drôle de regard. Lubeen le comprenait par « tu devrais le savoir pourtant », mais il avait beau chercher, il ne trouvait pas la réponse.

– C'est mon anniversaire, aujourd'hui, avoua l'humain, ça doit surement être écrit dans mon dossier, tu ne crois pas ?

– Ah ! Sans doute ! Mais nous, on ne s'occupe pas des anniversaires, quand bien même tu serais né le jour J ! Joyeux anniversaire, Keir !

Le Lutin l'encercla de ses bras, collant sa joue contre son dos. Malgré lui, les joues du brun s'empourprèrent. Et son estomac se réchauffa – comme tout son être, d'ailleurs.

– Oh, je vais te faire apparaître un cadeau ! Lança subitement le Lutin, enthousiaste.

– Eh, tu es sûr de ton coup ? Parce que je ne voudrais pas que...

Le regard que lui lança le blond l'encouragea à ne pas finir sa phrase. Ce qu'il fit en l'enrobant dans un grand sourire faux au possible.

Lubeen se concentra et, par un miracle digne du temps de Noël, un paquet apparut sur la table. L'emballage était relativement sobre – pour une création de Lubeen, tout du moins – et plutôt bien fait. Même le petit noeud avait l'air solide.

– Et bien, mes félicitations, souffla Keir avec soulagement, pas d'accident ou de mort...

– Ha-Ha ! Très drôle ! Vraiment ! Tiens, ouvre-le à la place de médire !

Keir se laissa tenter, puis avec délicatesse – on n'était jamais assez prudent avec Lubeen – ouvrit le petit paquet. Il s'attendait à quelque chose d'artisanal, du fait-main qui partit la patte artistique de son Lutin... pas du tout à ce que cela soit une belle montre d'une marque de luxe célèbre. Un modèle hors de prix qui lui plaisait, mais qu'il ne s'offrirait jamais...

– Oh, Lubeen, souffla-t-il, incompréhensif, comment tu as fait pour... C'est une contrefaçon ?

– Non, une authentique, sourit le Lutin. J'ai mis le nez dans mon dossier, comme tu me l'as conseillé et il se trouve qu'il y a un budget conséquent alloué à ma mission, alors...

Sans doute parce qu'il était censé l'approcher avec douceur, se faisant passer pour un humain lambda, sans lui dévoiler qui il était et l'objet de sa mission.

– Je me suis dit que c'était bête de ne pas l'utiliser, alors je suis allé t'acheter une montre, quand j'ai vu que c'était bientôt ton anniversaire.

– Donc, tu le savais ?

Lubeen semblait soudainement plus que mal à l'aise :

– Ça m'était sorti de la tête, avoua-t-il, pas très fier de lui. Mais j'y avais encore pensé il y a quelques jours, je te le jure !

Cela suffisait à Keir, qui souriait, en le prenant dans ses bras tout en le remerciant.

– Comment tu as su que c'était ce modèle-là qui me plaisait ? Je n'en ai parlé à personne.

– Oh, je ne t'ai pas dit ? Les Lutins peuvent déterminer quel est le véritable souhait d'un humain ou d'un animal rien qu'en le regardant. On appelle ça notre sixième sens – peut-être que les humains appellent ça différemment ?

Keir l'éloigna un peu de lui, soudainement alerté :

– Quel genre de souhait tu peux déterminer, exactement ?

– Eh bien, tous, à peu près... Mais on se cantonne aux présents, étant donné que c'est notre rôle auprès de Santa. Vous les humains, vous pensez qu'on fabrique les jouets à la main ou avec des machines, mais... En réalité, c'est de la Magie.

Keir plissa les paupières, méfiant, à la recherche de quelque chose de très précis ; déterminer si Lubeen savait. Avec cette histoire de sixième sens qui lui permettait de lire en lui comme dans un livre ouvert, le brun avait la sensation d'être mis à nu. Et il détestait ça.

Que Lubeen soit capable de déterminer qu'il voulait très précisément cette montre était une bonne chose. Qu'il détermine ce qu'il ressentait vis-à-vis de lui, en cet instant, n'en était pas du tout une.

Mais comment penser qu'avec cette expression joviale et ses traits innocents, il serait capable de le faire ? Surtout, de cacher sa propre réaction. Lubeen était trop expressif et émotif pour cela, définitivement.

– Pratique, conclut l'humain, toujours un peu méfiant. Et si tu te chargeais du gâteau ?

Lubeen hocha la tête. Comme ce à quoi ils s'attendaient tous les deux, le gâteau d'anniversaire au chocolat était aussi approximatif et extravagant que tout ce que Lubeen avait un jour fait apparaître. Le glaçage rose bonbon vif coulait un peu, de même que le « joyeux anniversaire Keir » écrit en vert pomme pailletté était écrit en avec des fautes d'orthographe... Puis, il manquait les bougies.

– Je préfère ne pas tenter de les faire apparaître, s'excusa Lubeen.

– Je dois en avoir quelques-unes dans un tiroir.

Quelques minutes plus tard, Keir plantait quelques bougies dans le gâteau. Il se surprit à les trouver trop classiques, avec leur blancheur, avant de se raviser – Lubeen commençait à avoir une sale influence sur son sens de l'esthétique !

Avec douceur, Lubeen pinça les mèches avec ses doigts, qui, une fois relâchées, brulaient d'une petite flamme tranquille. Au total, il y avait vingt-huit bougies sur le gâteau. Lubeen trouvait que c'était peu, comparé à ses deux cent cinquante-quatre bougies – correspondant à son âge de Lutin – mais il garda son commentaire pour lui. Après tout, ce n'était pas lui qui se chargeait des anniversaires.

Keir n'attendit pas longtemps avant de souffler ses bougies. Juste le temps de faire un vœu. Il espérait sincèrement qu'il se réaliserait, c'était sans doute la première fois de sa vie où il le voulait autant.

Lubeen applaudissait avec son grand sourire – et Keir le trouvait irrésistible – jusqu'à ce qu'une odeur de brulé parvienne à leurs narines.

– Le lait ! s'exclama Keir, se précipitant vers la casserole débordante pour la retirer du feu

Il jura un nombre incalculable de fois. Cependant, cela fit bien ricaner Lubeen – c'était bien la peine de lui dire d'être plus attentif et moins distrait si c'était pour ne pas suivre ses propres conseils.

– Aucun commentaire, lui ordonna Keir.

– Je n'ai rien dit.

– Mais tu le penses tellement fort !

Le lutin sourit de toutes ses dents pointues trop blanches, satisfait – et aussi un brin moqueur.

* * *

Tel est prit le Keir qui croyait prendre -- ou quelque chose comme ça XD

Enfin voilà, c'est pas très "Noël" aujourd'hui x_x perso je pense "anniversaire" quand on me parle de bougies, alors... Bref.

Sinon je me suis réveillée et le jardin était tout enneigé ❄ ⛄❄ ça aurait été drôle que le mot neige sorte aujourd'hui XD

(Crédit : Rawpixel)

Sur ce, je vous dis à demain pour le dix-septième jour \o/

Haydn

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