~3~ Cécilia & Josh
Cécilia et Josh se promènent sur la jetée. Le silence nocturne les enveloppe. La douce mélodie des vagues qui se retirent avant de s'échouer sur le sable fin se fait entendre dans le lointain. Quelques oiseaux lâchent parfois un cri strident, mais les jumeaux n'y prêtent pas attention.
Ils aiment entendre le bruit des vagues, le cri des mouettes et voir ce bleu qui s'étend à perte de vue et bien plus loin encore. Ils aiment ressentir, sous leurs pieds nus, la chaleur du sable brûlé par les rayons de la journée. Ils aiment sentir le vent jouer avec leurs cheveux, caresser leur visage et apporter ce parfum iodé caractéristique de la mer.
Par-dessus tout, ils aiment se trouver sur la plage à la nuit tombée. Parce qu'ils aiment assister au coucher du soleil sur les flots sombres, où le ciel flamboie dans des teintes orange et rouges, où la chaleur de la journée laisse une atmosphère apaisante, où le soleil se reflète sur la mer, où la quiétude des lieux les apaise tout deux. Il n'y a, pour eux, aucun spectacle plus beau.
Chaussures à la main, ils s'engagent sur la plage et s'assoient près des vagues. L'astre lumineux disparaît à l'horizon devant leurs pupilles écarquillées qui semblent vouloir dévorer le paysage tout entier. La perle de jour jette ses derniers rayons avant d'être happée par l'horizon. La température chute de quelques degrés, arrachant un frisson à Cécilia. Josh, moins frileux que sa jumelle, se défait de sa veste et la passe sur les épaules de sa comparse de toujours, qui le remercie d'un sourire.
Là, assis dans le sable, les vagues leur léchant les pointes de pieds, ils savourent ces quelques instants presque magiques. Les réverbères s'allument derrière eux et jettent des reflets jaunâtres sur le sable, la mer et la route. Une étoile filante traverse la voûte céleste ; Josh et Cécilia s'empressent de faire un vœu. Des nuages s'amoncellent au loin, cachant les étoiles. Une voiture passe, et tout deux n'entendent plus que le crissement du pneu sur le béton et le léger vrombissement du moteur qui percent le silence nocturne.
La mer devient plus houleuse. Cécilia fronce les sourcils et échange un regard confus avec son frère. Les vagues grossissent et grondent de plus en plus puissamment, alors que l'écume s'approche très près d'eux. Cécilia se relève précipitamment lorsqu'une vague particulièrement massive enfle à l'horizon dans un bruit tonitruant qui se rapproche de celui d'un orage qui gronde. Des dizaines de chevaux semblent percuter le sol de leurs sabots ferrés dans une cadence régulière. Le martèlement se fait plus violent, tonnant aux oreilles des jumeaux.
Une grimace déforme le visage de Cécilia alors qu'elle bat en retraite. Elle fuit la plage, où la titanesque vague ne va pas tarder à s'abattre. Les pieds nus de la jeune fille s'enfoncent dans le sable et la font trébucher. Le cœur galopant dans sa poitrine, elle ne se retourne qu'une seule fois, pour vérifier que son jumeau la suive. Mais la plage est vierge de sa présence.
Le cœur de Cécilia loupe un battement et sa foulée ralentit. Un cri étranglé franchit ses lèvres lorsque son regard percute la silhouette de Josh, encore debout face à la mer. Que fait-il ? Son regard confus oscille entre la route bétonnée devant elle, derrière la digue, là où elle sera plus en sécurité, et son frère, immobile. Elle ne peut pas l'abandonner.
Sa bouche se déforme dans un sourire acide, amère de faire demi-tour pour son frère. Son instinct de survie lui hurle de courir dans le sens inverse, mais son coeur et son courage la mènent vers Josh. Son regard confus se porte sur l'immense vague qui allait les emporter, cherchant la raison de l'immobilité de son frère. Ce qu'elle voit lui décroche la mâchoire.
Ses jambes la ramènent d'elles-mêmes près de la mer, attirées par les apparitions. Le coeur battant, Cécilia se tourne vers son frère, en quête de soutien ; serait-ce un rêve ? Josh observe l'étendue d'eau, les yeux grands ouverts comme pour savourer chaque instant du spectacle qui se déroule devant lui, et ne fait pas attention à sa sœur qui le regarde avec insistance. Ses pupilles reflètent l'étrange apparition que leur offre la mer. Il semble stupéfié.
Les réverbères s'éteignent brusquement, plongeant le monde marin dans l'obscurité. Les prunelles des jumeaux s'habituent rapidement à la demi-pénombre nocturne et bientôt, il leur est de nouveau possible d'observer la mer, où la lune ronde se reflète.
D'étranges silhouettes se dessinent dans les flots, modelant la vague pour créer leur corps. Elles ressemblent curieusement à des chevaux. La vague roule jusque sur la plage, où elle s'échoue. Quatre étalons glissent avec l'eau avant de s'arrêter, sabots dans l'écume.
Le plus haut hennit doucement. La lune argenté éclaire sa robe d'un brun doré. Leurs crins d'un harmonieux mélange de vert et de bleu turquoise rappellent étrangement des algues. Leur longue crinière sarcelle cascade sur leur robuste encolure. Les chevaux trépignent et piaffent. Leurs sabots dans la même teinte que leurs crins claquent sur l'eau et éclaboussent les alentours.
Cécilia les détaille, complètement ébahie. Discrètement, son index et son pouce droit se retrouvent sur son avant-bras gauche et elle pince sa peau pour vérifier qu'elle ne rêve pas. Elle n'a jamais su si cette technique fonctionnait ; peut-être est-elle toujours dans un rêve, malgré les élancements douloureux qui blanchissent sa peau sous ses doigts. Les iris clairs de la jeune fille détaillent les animaux.
A partir de leur poitrail, des écailles viennent se mélanger au poil. Et au niveau de leur croupe, là où, sur de vrais chevaux terrestres se trouveraient deux pattes, Cécilia contemple une longue queue squameuse qui s'accorde parfaitement avec leurs crins. Les rayons lunaires jouent avec les écailles et les teintent d'argentée. Le cheval le plus imposant, celui que la jeune fille a catégorisé de mâle dominant, hennit de nouveau, secouant sa crinière.
Un mugissement semble faire pétiller la mer aux côtés des mammifères. De petites bulles d'air éclatent à la surface de l'eau salée en écho à ce puissant cri sourd. La surface se crève brusquement sur un nouvel individu ; un lion. Un lion des mers.
Cécilia se pétrifie. Son cœur tambourine si fort dans sa poitrine qu'elle a peur qu'il ne fuit. Elle réduit sa respiration au souffle le plus inaudible.
A l'instar des chevaux, une longue queue sarcelle s'étend à la place de deux postérieurs. Sa crinière, qui lui dessine comme un collier autour de son imposante tête de félin, se compose d'une couleur dorée qui fait écho à la teinte de son pelage et de poils sarcelle rappelant sa queue de poisson. Elle ondule au rythme des mouvements de l'animal.
– Un Lioncampe, chuchote Josh à sa droite.
Cécilia pivote vers son frère, les yeux ronds ; où a-t-il appris ce mot ? C'est elle, la littéraire dans la famille. Celle qui a toujours tout lu dans des livres. Mais elle n'a jamais – ou du moins elle ne se souvient pas – lu la description d'un tel animal.
Le félin observe Josh de ses iris framboise. Alors, elle observe avec terreur son frère s'avancer, comme hypnotisé. Malgré ses multiples tentatives de le retenir, qui se caractérisent par son nom chuchoté, il continue de s'approcher du dangereux félin. Celui-ci rugit et secoue sa crinière si bien fournie, glaçant le sang de Cécilia.
Josh donne l'impression d'être en transe et de ne pas être responsable de ses mouvements, attiré par la bête comme par un aimant. Il tend sa main et vient caresser le mufle du lion. Cécilia ferme les yeux, trop effrayée pour assister à la mort de son frère. Car c'est ce qu'elle pense qu'il va arriver ; le jeune homme est à portée des crocs de la créature. Pourtant, après quelques instants où aucun terrible cri n'explose à ses tympans, elle rouvre les yeux. Le félin se contente d'incliner la tête, l'invitant à monter. Cécilia, impuissante, observe Josh enfourcher l'animal.
Sa jumelle n'a pas le temps de le mettre en garde, de le prévenir, que son frère a déjà disparu dans les flots. La jeune fille laisse échapper un cri étranglé et elle s'avance subitement. Elle n'a pas le choix, elle doit le rejoindre. Elle s'avance vers le cheval le plus proche, qui disparaît sans crier gare. La jeune fille, déçue et peinée, s'avance avec plus de précautions vers le second cheval, qui l'observe de ses yeux pourpres.
Elle esquisse quelques pas, s'approchant prudemment de l'animal qui piaffe, mais ne fuit pas. Alors qu'un sourire se dessine sur les lèvres de Cécilia, il fuit et rejoint le premier équidé, brisant le peu d'espoir que Cécilia avait encore. Les chevaux lui filent entre les doigts les uns après les autres. Persévérante, elle s'approche du dernier animal, bien plus petit que les autres. Elle espère que sa stature ne leur fera pas défaut. Elle doit retrouver son frère.
Elle s'avance, avec des pas encore plus petits que les précédents, malgré l'angoisse sur son cœur qui la pousse à se dépêcher. Elle ne veut pas risquer de gâcher sa dernière chance. Une lueur d'espoir illumine son cœur alors que le cheval ne fuit pas. Plus étonnant encore, c'est lui qui couvre les derniers centimètres.
Ses doux naseaux effleurent le bout des doigts de la jeune fille. Elle sent sa respiration chaude sur sa paume. Un sourire éclaire son visage et elle vient se placer prudemment sur le flanc de l'hippocampe. Il ne bouge pas tandis qu'elle l'enfourche. Ses doigts pâles viennent se mêler aux crins bleutés de sa monture. Celle-ci effectue un demi-tour et glisse dans l'eau.
Cécilia la laisse la guider vers un lieu dont elle ignore les coutumes, ou même les représentants.
Un lieu pas si onirique qu'il n'y paraît.
~ J'espère que cela vous plaît. On se retrouve samedi prochain, même heure, pour le chapitre suivant ! ~
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