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La surprise passée, Anna se remit à parler. Beaucoup. Elle avait de nombreuses questions à me poser. Il ne semblait pas problématique, à ses yeux, que je ne sois pas visible. Sa sœur me voyait et m'entendait, c'était bien assez pour elle. Apparemment. Elsa devint son interface entre nous. Anna voulut savoir depuis quand j'avais perdu la mémoire, ce dont je me souvenais. Si j'étais vraiment un esprit, bien sûr, ce à quoi je n'ai pas pu répondre. Elle voulut également savoir pourquoi j'étais pieds nus et si je connaissais les trolls. Je pense qu'elle m'aurait encore posé mille questions si la Reine n'était pas intervenue.
— Laisse-le un peu tranquille, fit-elle calmement et je la remerciai d'une grimace de soulagement.
— Et pourquoi vous vivez dans le château ? continua-t-elle malgré tout.
La réponse à cette question semblait également intéresser Elsa, puisqu'elle me regarda et attendait manifestement que je réponde.
— C'est la Lune qui m'a guidé jusqu'ici, répondis-je alors naturellement. C'est elle aussi qui m'a appris mon nom.
— Tu peux parler avec la Lune ? s'extasia Elsa en ouvrant de grands yeux.
— Il peut quoi ? reprit sa sœur.
Un sourire naquit sur mes lèvres. J'imaginai sans peine l'effet que pouvait avoir cette déclaration. Encore plus sortant de la bouche d'un garçon invisible. Je leur expliquai alors mon histoire. Ma très courte histoire, car ma mémoire ne remontait pas plus loin que ces quelques jours passés que je leur avais déjà racontés.
— C'est forcément un esprit, chuchota Anna, oubliant que j'étais juste à côté d'elle. Il n'y a que les esprits et les fous qui peuvent converser avec la Lune. Et les fous ne sont pas invisibles, ajouta-t-elle. Je ne crois pas, en tout cas.
Elsa, qui me voyait parfaitement et comprenait que j'avais tout entendu, m'adressa un clin d'œil et c'est probablement à ce moment que je me dis pour la première fois que j'aimais cette fille.
— Je ne suis pas fou, acquiesçai-je pour la forme.
— Toi non, confirma la Reine. Mais je suis la seule à te voir, je devrais donc m'inquiéter, je pense.
— Vous savez que vous n'êtes pas drôles, tous les deux, à discuter sans moi ? lança alors Anna, boudeuse. Finissons cette conversation en chemin, ajouta-t-elle. J'ai froid à présent.
Elsa me proposa de les suivre à Arendelle. Ce n'était pas bien loin, selon elle. Surtout pour moi qui pouvais voler. Je n'aurais qu'à les suivre sur leurs chevaux. Mais je déclinai l'invitation. J'étais un danger pour son village. Tout du moins pour les habitants du palais.
— Comment ça ? demanda la Reine. En quoi pourrais-tu être dangereux ?
— Je ne contrôle pas mon pouvoir, avouai-je en baissant les yeux sur le sol gelé.
Elle ne répondit rien et je relevai la tête.
— La dernière fois que je me suis endormi près d'un village, j'ai failli tuer tout le monde, ajoutai-je.
A ce moment, quelque chose brilla dans les yeux bleus de la Reine. Je n'ai pas su ce que c'était et je ne le saurai probablement jamais. Mais son attitude changea. Elle fit un pas vers moi, lentement, sans un mot. Elle a ensuite planté son regard dans le mien et sembla y chercher quelque chose. Je ne sus quoi faire, alors je restai là, planté comme un demeuré. Du givre commença à se répandre sous mes pieds et je réalisai, par la même occasion, qu'il avait stoppé pendant toute notre conversation. Elsa le remarqua et fit un pas en arrière. Elle n'avait pas peur, du moins n'en donnait-elle pas l'impression. Je crois qu'elle comprit avant moi que c'était sa proximité qui déclenchait cette réaction. En effet, lorsqu'elle recula encore un peu, la progression de la nouvelle couche de glace s'arrêta et mon cœur ralentit, alors que je n'avais même pas remarqué qu'il s'était emballé.
— Au moins comme ça, commença Anna en me sortant de mes pensées, je sais où vous êtes, Jack Frost, esprit de l'hiver.
Elsa sourit de nouveau. J'avais clairement dessiné une cible givrée autour de moi. Ce devait être un spectacle intéressant pour quelqu'un qui ne pouvait me voir, pensais-je.
— J'ai eu le même problème, annonça alors Elsa sans rebondir sur la remarque de sa sœur. Je ne contrôlais pas mon pouvoir, non plus. C'est ainsi que je suis venue ici me réfugier. Me libérer de cette crainte de faire du mal aux autres. Me délivrer de mes chaînes intérieures.
Elle parlait avec une voix douce et je sentais qu'elle ne me racontait pas d'histoire. Qu'elle avait effectivement vécu le même calvaire que moi. J'étais touché au plus profond de mon être, sans même savoir pourquoi. Comme si un lien s'était tissé entre nous à cet instant précis. Mes mains se mirent à trembler, imperceptiblement.
— Je pense que si la Lune t'a conduit ici, ce n'est pas pour que tu te caches dans ce palais de glace, comme j'ai voulu le faire.
Elle se rapprocha de nouveau. Mon cœur s'emballa de nouveau. Le givre se répandit de nouveau. Et une larme coula de mon œil. Elsa tendit une main hésitante vers moi et essuya ma joue. Sa main était froide. Cette fois, je le sentais distinctement. Mais elle était douce également. Comme un flocon tout juste créé. Sa main glissa ensuite sur mon épaule et s'y arrêta.
— C'est ma sœur qui m'a montré comment contrôler mon don, grâce à l'amour. (Ce mot déclencha un frisson le long de ma colonne) Je pense que nous pourrons t'aider à contrôler ton pouvoir également, ajouta-t-elle alors que les yeux d'Anna s'arrondissaient de surprise.
— Dis, Elsa ? Ton esprit de l'hiver, il a les cheveux blancs, une cape marron couverte de neige et un bâton bizarre ?
La Reine ôta sa main de mon épaule alors que ma corolle de givre continuait sa progression. Elle se tourna ensuite vers sa petite sœur.
— Oui, pourquoi ?
— Parce que je le vois, répondit-elle simplement. Il vient d'apparaître... comme ça, sous ta main. Hop !
Je tournai à mon tour les yeux vers elle et elle me fit un petit signe de la main. Je lui rendis son coucou.
— Salut, Jack Frost ! fit-elle en agitant la main.
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Et de 4 !
Ça vous plait ?
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