Chapitre 6 : Attaque elfique

Ce matin, en se réveillant, Spica n'avait qu'une seule envie.
Celle de rejoindre Machanaël !
Ce dernier s'occupait comme il voulait. Il tentait de faire des essais de vol avec ses ailes brûlées noires de suie, pour pouvoir s'entraîner réellement ensuite, il faisait des croquis et des poèmes...
Spica et lui s'étaient découvert une passion commune pour tout domaine artistique. Cela ajoutait une similarité de plus à leur liste déjà longue.

Spica allait sortir de chez elle quand Altaïr débarqua sur son pas de porte, essoufflé, les habits salis de poussière et saignant légèrement au niveau de la tempe. Il haleta tout en disant à son amie :
-Spica...Nous demandons les forces des cinq Polyvalentes immédiatement et rendez-vous sur le front. Nous faisons face à une attaque du peuple des Elfes.
-Quoi ? Encore ? s'exclama la jeune Ondine. Ils tentent encore de nous envahir ? Il y a trois mois, lors de leur dernière attaque, ne leur avons-nous pas offert généreusement une leçon sur comment battre en retraite ?
Altaïr apprécia cette touche d'humour dans la phrase de Spica et acquiesça avec un air grave :
-Oui, ils attaquent. Va chercher Ada. C'est la seule qui manque à l'appel. Il faut qu'elle prenne ses responsabilités de Polyvalente en main ! Instruis-la !
Spica lança un regard noir à son ami d'enfance.
-Tu sais ce que tu me demandes de faire, n'est-ce pas ?
-Pardon mais je n'ai pas le choix.
-Tu sembles pourtant y prendre un malin plaisir, je me trompe ? fit Spica avec un ton glacial qu'elle n'employaient normalement qu'avec Ada.
-Peut-être, concéda le prince avec un souriren coin. Mais fais vite, je te prie ! Arcturus, Viris et Jiya se battent tout en essayant de protéger Dhaça qui s'est déjà pris un sale coup...J'y vais. Va chercher Ada et rejoins-nous.
-Bien, finit par conclure Spica.

Voici une des nombreuses obligations des Polyvalentes.
Défendre seules, avec en général l'aide bienvenue de la famille royale, Ondia de toutes les invasions extérieures.
Elle grinça des dents avant de s'élancer avec une souplesse et un élan presque félins en bas de sa maison. Elle partit directement à l'habitation d'Ada avec une vitesse peu commune.
Cela dit, tout compte fait, en tant que Polyvalente, cela était parfaitement normal.

Spica faillit lui arracher la tête quand elle vit en arrivant que celle-ci ne s'était même pas encore habillée. Elle se baladait, dans sa tenue de nuit, c'est-à-dire complètement nue, dans sa maison en chantonnant pour passer le temps.
La plus jeune des Polyvalente entra en claquant la porte avec fracas, faisant sursauter et sauter au plafond l'Ondine insouciante.

-Ada ! hurla Spica. Qu'est-ce que tu fais dans cette tenue à cette heure-là ?
-Je crois que quelqu'un a toqué à la porte, fit ironiquement Ada en faisant mine d'ignorer Spica. Je croyais que les Polyvalentes bénéficiaient du privilège de ne pas se lever à la même heure que tout le monde.
Spica sentit la rage bouillonner avant de monter en elle. La jeune Ondine parla avec toute la rogne qui se trouvait en elle pourtant sans élever ne serait-ce qu'une seule fois la voix :
-Ada ! Ce n'est aucunement le moment de faire de l'humour ! Cesse d'être aussi insouciante, nous sommes dans une situation des plus critiques ! Les Elfes attaquent et en tant que Polyvalentes, nous devons aller aider les princes et les autres Polyvalentes à les battre !
-Pardon ? Moi ? Me battre ? Jamais dans la vie. J'emmène Milde et Cabille avec moi, dans ce cas.
Spica serra les dents, fronça ses sourcils et plissa ses yeux.
-Tu ne sais donc rien faire toute seule à part te moquer et ridiuliser les autres ? Es-tu incapable à ce point ? Dans ce cas, je ne comprends pas comment une infirme mentale comme toi, aussi fermée et étriquée d'esprit, a pu devenir une Polyvalente, en y ajoutant ses résultats aussi médiocres !
Ada soutint le regard en feu de Spica. Cette dernière ne tint plus. Elle avança à grandes foulées jusqu'à son interlocutrice et lui fit enfiler de force un peignoir qui pendait à un cintre dans le coin de la pièce.
-Spica ! s'écria Ada, scandalisée.
-Maintenant, tu vas me faire le plaisir de te bouger les fesses, pour rester dans des termes polis, et aller sur le front immédiatement ! Je ne suis pas venue ici pour rigoler, pour te servir de divertissement personnel ou pour t'affronter une énième fois dans des interminables disputes orales qui ne servent et ne serviront jamais à rien !

Ada, presque paralysée devant le flot de paroles que venait de lui cracher à la figure Spica, se dirigea vers la sortie. Milde et Cabille, ces deux pimbêches, attendait dehors car, en tant que voisines, elles avaient entendu le boucan que Spica avait provoqué en arrivant, telle une tornade ravageant tout sur son passage.
Spica la suivit et l'entendit ordonner à ces deux idiotes de la suivre sur le front.
-Vous allez mourir, les prévint Spica. Vous n'avez aucune expérience du terrain.
Puis elle ajouta tout bas avec un sourire de sadique fourbe à moitié nerveux :
-Quoique, bien qu'à présent Polyvalente, Ada non plus, ne sait rien du combat dans la vie réelle...

Elles arrivèrent sur le champ de bataille. Il restait environ deux centaines d'Elfes qui tiraient des flèches enflammés sur la cité d'Ondia ou qui s'affairaient avec les Ondins qui les attaquaient.
-Ada, va ! ordonna Spica.
La jeune Ondine préféra récurer ses longs ongles et repousser ses cuticules en arrière plutôt que de prêter attention au combat qui faisait rage juste sous ses yeux.
Avec une colère sans limite que seule une incroyable maîtrise de soi réussissait à ne serait-ce qu'atténuer un peu, Spica attrapa au vol et à mains nues une flèche tirée par un Elfe juste avant qu'elle ne touche Ada en pleine poitrine.
La jeune Ondine, emplie d'une intense rage, brisa le projectile entre ses doigts fins sans aucun effort et se tourna vers Ada, derrière elle, avec un regard d'une noirceur absolue et une expression absolument terrifiante qui réussit à figer de peur Milde et Cabille.
-Ada...commença l'Ondine enragée. Je ne prendrai pas en charge la responsabilité ni ne ressentirai aucun remord, aucune peine ni aucun regret si dans le pire des cas, il t'arrivait malheur.
Ada fixa Spica dans ses yeux sombres de colère avec un regard à la fois apeuré, choqué et interrogateur. La plus jeune des Polyvalentes poursuivit, de manière exagérément provocante, avec un sourire horriblement narquois :
-Le pire des malheurs serait tout de même ta mort, n'est-ce pas ?
Puis avec une hargne sans limite, Spica hurla avant de se précipiter dans le champ de bataille sans hésiter :
-Maintenant bats-toi pour Ondia ! Tu as l'obligation en tant que Polyvalente de te battre pour ton peuple et ton royaume ! Montre-moi que tu mérites ton titre de Polyvalente !

Spica laissa Ada à ses pensées en se jetant dans la mêlée. Elle utilisait sa technique favorite qu'elle avait apprise lors de son apprentissage pendant son enfance.
Elle pouvait tuer comme assommer et Spica s'en moquait. Depuis qu'elle était Polyvalente, elle avait eu tout le temps de s'habituer aux morts et aux meurtres.
Surtout qu'ayant été élevée avec les deux princes à qui on apprenait qu'un sacrifice ou deux, petits ou grands, pouvaient sauver leur peuple tout entier, elle n'avait pas vraiment de peine à faire face à la mort des autres.
Sauf ceux pour qui elle éprouvait des sentiments, comme sa famille ou les deux princes Arcturus et Altaïr.

Ada se retrouva soudainement assise. Cabille l'avait poussée pour qu'elle ne prenne pas une flèche en pleine figure.
-Tu...commença-t-elle, encore secouée.
Puis l'Ondine s'énerva.
-J'y crois pas ! Ne te mêle pas de ce combat ! C'est le mien !
Ada se releva d'un bond avec une expression enragée. Elle agrippa avec force le col de la tenue de Cabille en hurlant :
-Tu te crois où ? Et pour qui tu te prends pour m'empêcher de me battre comme ça ?

Spica vit et entendit la scène. Elle songea qu'Ada était vraiment une pourriture jusqu'à la moëlle. Cabille venait de la sauver d'une mort certaine et tout ce qu'Ada trouvait à faire, c'était de lui hurler dessus en disant de ne pas se mêler de ça. Alors que c'est elle qui les avait emmenées sur le front et c'est également elle qui ne faisait absolument rien pour Ondia actuellement.

Cabille repoussa la main d'Ada avec son poignet suite à un geste un peu brusque.
-Je t'ai sauvée, tu pourrais te montrer un peu plus reconnaissante au lieu de me crier dessus. Je n'ai rien fait de mal.
Ada sentit la colère monter dans ses joues, accompagnée de la honte et l'humiliation combinées.
-Laisse-moi ! Je sais me battre ! Je suis une Polyvalente, toi pas ! Je ne mérite pas d'être humiliée ainsi !
L'Ondine s'avança et commença à se battre. Elle utilisait des techniques simples et plus ou moins efficaces mais n'avait aucune motivation dans ses yeux. Cabille la contemplait de loin. Elle ne savait pas ce qui lui avait pris de répondre à Ada de cette façon, car elle allait en ressentir les conséquences. Mais elle resterait campée sur sa position. Elle l'avait sauvée et n'avait pas mal agi.
Malgré tout, Ada était ainsi faite. S'énervant au moindre détail qui ne lui plaisait pas, elle était capable de piquer des crises incroyables et démesurées par rapport à sa taille moyenne.

Soudain, Altaïr hurla :
-Ada ! Attention !

Ce fut trop tard...

Une flèche rapide siffla dans l'air. L'impact inévitable. Un flot de sang jaillit. Un corps tomba au sol, inerte.

-Cabille ! hurla Ada dont le cri se prolongea en plainte.

Spica contempla la scène de loin. Il ne restait presque plus d'Elfes et les derniers étaient en train de battre en retraite une fois de plus, poursuivis par Viris et Jiya, pleines d'adrénaline et de rage.
Ada pleurait sur le corps de Cabille, désormais immobile à jamais.
La vie s'était échappée de cette chair maintenant dénuée de tout mouvement.
Spica s'approcha.

-Non ! cria Ada. Recule ! Espèce de monstre ! Tu as tué Cabille !
Spica s'apprêtait à répondre séchement, comme à son habitude, mais une personne inattendue intervint de manière très musclée :
-Non, Ada ! C'est ta immense bêtise, ta fierté mal placée, ton orgueil infini et ta vantardise inégalée qui ont tué Cabille ! Réfléchis-y ! Ne crois pas que Spica soit la tueuse et essaie d'adopter un point de vue objectif sur cette situation ! Pense à Cabille, fais-lui honneur !
Ada tremblait de surprise devant ces vérités qui venaient de lui tomber dessus de la même façon délicate qu'une masse de deux tonnes.
-Milde, tu...
-Je ne dirai rien de plus. Je serai là pour te soutenir face à cette situation mais pense à moi, pense à Cabille ! Réfléchis et pose-toi des questions ! Les bonnes questions !
Puis, l'Ondine ajouta avec un ton beaucoup plus doux :
-Cabille, repose en paix...
Puis Milde tourna les talons pour rentrer chez elle, encore traumatisée par la mort de son amie. Spica aperçut quand elle se retourna des larmes perler au coin de ses yeux. Elle compatissait.
La jeune Polyvalente s'approcha du corps démuni de toute vie de feu Cabille et retira la flèche qui se trouvait en plein dans le cœur de l'Ondine. C'est cela qui l'avait tuée sur le coup. Elle ferma ensuite les yeux de la défunte avec un geste lent et respectueux avant de dire avec calme et douceur :
-Cabille...Puisse ton esprit aller où il le voudra et que ton âme repose en paix...

Puis Spica se redressa, foudroya Ada, encore sous le choc, du regard, se retourna puis salua d'un mouvement de tête Arcturus et Altaïr qui revenaient du front, saignant d'un peu partout, et rentra chez elle avec une expression de rage, d'énervement et de colère mêlés.

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