Chapitre 17 : Insoluble casse-tête
Spica se demandait comment elle allait résoudre cet énième problème, cette énigme qui paraissait tant insoluble...
En fait, Machanaël ne lui apportait que problème sur problème !
Cette fournaise ambulante était une source de soucis inépuisable.
Mais cela était égal à la jeune femme. Elle voulait aider son ami, c'est tout ce qu'elle souhaitait.
Pour la solution que lui avait donnée ce Phatiel, si elle s'avérait être juste, elle devrait aller dans le monde des humains ailleurs qu'aux environs de sa source attribuée. Et elle ne pouvait pas se permettre de faire un aussi long trajet en une seule journée de travail et surtout pas sans élever les soupçons de Machanaël. Elle devait se résoudre à faire quelque chose qu'elle aurait préféré ne jamais avoir à faire...
Le jour de son congé hebdomadaire, elle alla voir ses amis les princes, comme chaque semaine depuis des décennies.
-Bonjour, Spica ! Fidèle à ton habitude ! l'accueillit Arcturus.
-Tout baigne ? lui fit Altaïr avec un sourire montrant toutes ses dents blanches.
-C'est le cas de le dire...fit Spica, les dents serrées en imaginant la suite des événements, et les réactions et conséquences de cette dernière.
Ils commencèrent leur bavardage et Spica ne laissa rien paraître, répondant régulièrenent et poliment à ses amis mais elle sentait bien que son esprit était totalement ailleurs.
Ce dernier pensait à autre chose, Machanaël ne le quittait pas et n'en avait nullement l'intention...
Quand soudain, avec une bouffée de courage et de motivation, elle leur demanda :
-Est-ce que l'amie d'enfance que je suis pour vous peut vous demander un service ?
Arcturus et Altaïr eurent un air étonné mais acquiescèrent avec lenteur, appréhendant un peu ce qui allait suivre.
-Une fois, pourrais-je simplement visiter une autre source ? Une inoccupée, pas encore attribuée par exemple. Je n'ai nullement envie d'enfreindre nos lois comme Ada.
-Pourquoi donc ? fit Arcturus avec un air un peu plus sérieux.
Spica avait réfléchi à quelques arguments pour paraître plus crédible aux yeux des jeunes princes, qu'elle prononça avec une hésitation interne :
-J'adore ma source attribuée mais j'ai envie de voir juste une fois une autre. La plupart des Ondins changent deux à quatre fois de sources au cours de leur vie et cela m'intéresserait de simplement voir un autre décor.
Arcturus leva un sourcil dubitatif mais Altaïr, avec sa nature enjouée, lui dit avec un grand sourire :
-Toi aussi, tu as envie de voir du pays ? Moi non plus, je n'ai jamais vu une autre source que la mienne, qui est très bien, je l'avoue.
Spica eut une mine surpise. Elle ne s'attendait pas à ce qu'un autre Ondin ressente la même chose qu'elle mais c'était compréhensif de la part d'un prince enfermé dans un palais en permanence ou presque.
-Spica, tu veux bien qu'on échange de source juste un jour ?
Après quelques petites recherches sur les sources personnelles de la famille royale, la jeune Ondine savait que la source d'Arcturus ou du roi l'aurait mieux arrangée pour une question de distance, mais celle de la reine ou d'Altaïr convenait bien également.
Elle n'était pas réellement en position de faire la fine bouche dans une situation pareille, aussi délicate à traiter que le fait d'aller dans une source qui ne lui était pas attribuée.
Arcturus foudroya son cadet du regard.
-Es-tu fou ? D'accord pour une source inoccupée, cela ne viole aucunement nos lois, mais pas ta propre source personnelle, tout de même ! Ce serait un grave crime !
Altaïr regarda son frère avec un air presque dédaigneux.
-Que tu es coincé ! dit-il avec un sourcil levé et un ton agacé. Si on s'arrange, c'est bon ! On dispose de tous droits sur notre source attribuée, si j'autorise Spica à aller dans la mienne et qu'elle, m'autorise à aller dans la sienne, il n'y absolument aucun problème ! De plus, tu devrais le savoir vu que tu as lu toutes les lois concernant les sources attribuées pour la dégradation d'Ada.
Arcturus fit une moue dubitative.
Altaïr vint alors le titiller un peu, comme il aimait bien le faire, avec son indécrottable caractère provocateur :
-Tu n'oserais pas dénoncer ton frère cadet et ta meilleure amie pour une faute qui n'en est pas vraiment une, non ?
La patience et la fierté d'Arcturus furent piquées au vif. Il s'enpressa de rétorquer :
-Non ! Mais simplement, je trouve cette manière de faire...De quoi la qualifier sans être vexant ? Ridicule, grotesque et inutile.
-Inutile ? répéta Altaïr avec une mine de surprise mêlée à de l'agacement léger.
-C'est stupide ! lâcha l'aîné du trio. Pourquoi voir autre chose quand on est satisfait de ce que l'on a ?
Altaïr leva les yeux au ciel en lâchant un profond soupir.
-Tu es vraiment vieux jeu, fit l'Ondin avec une main sur le front. Voir autre chose, sortir de ses habtiudes quotidiennes ! Voyager ! Pourquoi crois-tu que les humains dépensent des liasses de billets pour aller juste voir autre chose que le jardin de leur maison, s'ils sont déjà assez chanceux pour avoir un jardin ?
Devant l'expression toujours sceptique et dubitative de son frère, Altaïr dévoila alors sous le coup de l'énervement quelque chose d'un peu gênant, étant les deux en présence de Spica :
-Je sais que tu es à cheval sur tes petites manies et tes habitudes répétitives ! D'ailleurs, tu es plus fidèle à elles qu'elles ne le sont à toi ! Je te jure, tu vas aux toilettes chaque jour aux mêmes heures à la seconde près et si quelque chose chamboule ou perturbe cet horaire, tu piques une crise qui pourrait faire rougir un gamin de trois ans !
Spica mit sa main devant sa bouche pour s'empêcher de rire trop explicitement.
Elle ne connaissait bizarrement pas ce détail amusant...Elle allait lui le ressortir, c'était sûr !
Avec elle, peu de chances qu'elle oublie une information concernant une personne à qui elle tenait émotionnellement parlant. Parfois, elle se transformait en vrai agent de renseignements !
Ce qui faisait peur à la majorité de son entourage, d'ailleurs...
Cette anecdote allait poursuivre le prince durant longtemps, dans ce trio.
Arcturus fit un petit bruit de désaccord agacé avec sa langue avant de dire :
-C'est un coup bas, ça, Altaïr ! Devant Spica, en plus !
Le cadet regarda son aîné avec un air exagérément surpris et théâtralement joué.
-Parce que tu voudrais que je rajoute encore à quelle heure dans la journée tu satisfais quel besoin exactement ? Je ne te savais pas aussi révélateur sur ta vie privée, cher frère !
-Ça va ! s'écria Arcturus, énervé, sentant une rougeur mêlant gêne et rage lui monter aux joues. Je ne dirai rien. Mais seulement un jour de travail ! Uniquement une fois !
-Super ! firent Altaïr et Spica en se souriant mutuellement, se tapant les mains paume contre paume en signe de joie et de victoire.
Spica était heureuse que tout ait marché aussi bien et que, par hasard, Altaïr ressente pile les émotions qu'il lui fallait pour mener son plan à bien. Ou disons, une partie de son plan. Surtout qu'il visait tout de même à empêcher la transformation de Machanaël en démon, ce n'était pas n'importe quelle tâche facilement réalisable.
La façon d'appliquer la solution que lui avait soufflée le Séraphin Phatiel était globalement simple dans son entière réalisation mais disons qu'une partie dans ce tout était un peu plus compliquée que le reste, déjà difficile mais qui ressemblait à une promenade de santé par rapport à cette dernière étape...
Altaïr et Spica fixèrent alors une date qui allaient au deux.
Dans deux jours, chacun irait dans la source de l'autre. Altaïr connaissait l'horaire des pauses de l'Ondine en charge des transferts et se faufilerait entre deux temps de travail de cette dernière pour accéder au Portail Aquatique.
Quant à Spica, elle viendrait dans le jardin royal qui comportait une partie fermée dans laquelle il y avait un autre Portail Aquatique, privé pour les membres de la famille royale et dont presque personne ne connaissait l'existence. La porte cachée entre les feuilles vertes d'un arbre dont les branches étaient tombantes un peu de la même manière que les saules pleureurs dans le monde des humains était presque invisible mais Spica saurait la retrouver.
Elle n'était pas stupide.
L'Ondine rejoignit Machanaël dans l'après-midi à sa source.
-Salut, Spica ! fit-il pour l'accueillir.
Elle lui sourit en retour.
Les arbres les entourant semblaient remplis de bienveillance et d'affection vis-à-vis de ce duo improbable et dont la relation était tenue secrète.
L'Ondine alla s'asseoir aux côtés de son jeune ami.
Ils commencèrent à discuter quand elle lui demanda soudain :
-Parle-moi un peu des anges, Machanaël...
Il fut surpris.
-Pourquoi ?
L'Ondine se justifia, bien qu'elle ne révèle pas tout :
-Tu as parlé de Methusiel, l'autre jour, de ta promotion, et dans mes lectures je suis tombée sur plusieurs noms d'anges qui m'ont interpellée et je me demandais s'ils existaient vraiment.
Machanaël sourit.
-Je n'aime pas trop parler de tout cela mais avec toi, je veux bien.
Il marqua un temps d'arrêt avant de dire :
-De quoi veux-tu que je te parle ?
Spica fut un peu prise au dépourvu, s'attendant à ce qu'il commence tout de suite.
-Methusiel. Ou non, ta promotion !
Machanaël prit son souffle et commença alors une longue explication dont Spica buvait chaque mot :
-En ce qui concerne la promotion, ce n'en est pas une comme chez vous, où vous gagnez un ou plusieurs rangs. Pour nous, c'est plutôt une réussite. J'ai eu pendant longtemps des cours de théories variées, d'études diverses...Rien de bien concret. Un peu comme quand tu apprends une loi en mathématiques que tu comprends mais que tu n'arrives pas à mettre en pratique ensuite dans un exercice. Puis à partir de notre promotion, c'est-à-dire tout simplement l'accession au rang qui nous était prédestiné dès la naissance et pour lequel nous avons suivi des cours spécifiques, nous pouvons avoir des missions sur le terrain. Veiller sur un ou plusieurs humains, sur une nation entière. Tout cela varie en fonction de notre rang, ou plus exactement appelé chez nous chœur, au nombre de neuf, divisés en trois triades qui englobent chacune trois chœurs. Les Séraphins comme moi sont au sommet des chœurs, le neuvième, et des triades. Nous sommes Ses anges les plus proches. Nous sommes un peu ses Polyvalents, si j'ose dire cela avec un langage d'Ondin !
L'ange déchu lâcha un petit rire avant de terminer :
-Du moins, moi, j'étais une sorte de Polyvalent. Et j'étais même parfois, bien que cela était extrêmement rare, un confident. Mais je ne connais pas bien le rôle d'un Séraphin classique, je n'ai jamais cherché à le savoir avec mes, disons, collègues Séraphins car je ne ne suis pas vraiment social...J'aimais parfois m'isoler. En fait, plutôt souvent. Il me faisait confiance et je suis parti...Voilà pourquoi les anges qui me poursuivent me détestent autant pour la majorité. La plupart m'enviait un peu, bien que cela soit un péché capital, et je me suis montré un peu ingrat en m'en allant ainsi, c'est vrai.
Machanaël baissa les yeux vers le sol de racines d'arbres et poursuivit :
-Quant à Methusiel, il est l'ange de la victoire. Pour lui, ça a dû être une vraie défaite de m'avoir laissé m'échapper, volontairement ou non. Je pense que ça devait être sa première défaite depuis qu'il a reçu le titre d'ange de la victoire. Il est étonnant qu'on ne l'ait pas envoyé à mes trousses vu son taux de réussite dans les missions sur le terrain...
Spica pensa alors à Methusiel qu'elle avait rencontré l'autre jour. Elle se demandait si le fait qu'il ait accepté sa proposition était le début de sa victoire dans la mission de reprendre l'Esprit Divin Angélique ou alors une défaite quant au fait d'avoir battu ou non Machanaël dans une confrontation sans merci.
Ce dernier leva les yeux vers Spica en l'interrogeant du regard puis en disant :
-Alors ? Tu avais des noms à me dire ?
-Oui...murmura doucement Spica, n'aimant pas mentir.
Elle n'avait pas dit la vérité en parlant de la provenance de ces noms mais elle ne pouvait pas encore révéler à son ami qu'elle avait croisé tout un groupe d'anges prêts à l'égorger et qu'elle leur avait proposé un accord, un compromis.
-Un des seuls dont je me souviens est Phatiel, si je ne me trompe pas...fit-elle en faisant semblant de réfléchir, faisant appel à sa mémoire.
-Phatiel ? fit Machanaël en riant. Le frère cadet d'Orel ? Ils forment le duo des anges de la miséricorde. Tous deux sont extrêmement cléments envers n'importe qui, même si la personne dont ils parlent a commis des choses horribles. Je n'ai jamais vu plus miséricordieux qu'eux. Dans notre tribunal, ils ont souvent un rôle important et leur mot à dire. On les écoute souvent et tout le monde a du respect pour eux, même moi qui suis un ange un peu hors normes !
Ce dernier partit dans un autre rire, un peu plus amusé en évoquant les souvenirs concernant ces deux anges.
Spica songea alors au plus profond d'elle-même :
-Tu ne sais pas, du moins pas encore, que Phatiel, ange de la miséricorde, t'a sans doute sauvé la vie et accordé un temps de répit...Pour le moment.
Elle comprenait maintenant pourquoi Methusiel était aussi énervé et hargneux envers le Séraphin déchu et pourquoi Phatiel lui avait paru aussi sympathique et lui avait accordé ce bénéfice de temps.
-Regarde...fit Machanaël en mettant sa main, paume vers le ciel et doigts détendus et écartés, au niveau du milieu de son torse fin.
Spica fixa la main de son ami, intriguée.
Quand soudain, de petites flammes oscillant entre le rouge et le orange apparurent au centre de la paume de l'ange.
L'Ondine poussa une exclamation de surprise avant d'observer ce petit brasier avec un regard mêlant intérêt profond et fascination démesurée.
Machanaël coupa ensuite cette capacité puis posa sa main sur les racines de l'arbre sur lesquelles il avait posé son postérieur.
Des bourgeons apparurent de nulle part puis fleurirent avec soudaineté et une vitesse presque magique.
Spica fut enchantée.
-Comment fais-tu ? demanda-t-elle, émerveillée comme une enfant découvrant pour la première fois les feux d'artifice.
-Les anges les plus hauts gradés dans leur chœur maîtrisent les éléments. Il y a encore le vent, l'eau et la terre. Mais maheureusement, je n'ai que la nature et le feu, ma déchéance a un peu déréglé tout cela...Mais cela devrait revenir dans un moment, tout comme ces deux-là sont revenus. Par contre, pour l'eau, je ne suis pas du tout à ton niveau !
Machanaël sourit avant d'ajouter un détail paraissant presque évident :
-Les Séraphins ont d'ailleurs une grande prédisposition pour maîtriser le feu, au vu de leur température corporelle élevée...
Spica sourit et lui déclara :
-C'est génial, comme pouvoir !
Les lèvres de l'ange s'étirèrent à leurs extrémités, lui souriant en retour.
Puis soudain, l'Ondine pensa à quelque chose qui ne l'avait pas percutée avant.
-Dis-moi, Machanaël...
-Oui ?
-Methusiel est l'ange de la victoire, Phatiel et Orel les anges de la miséricorde...Mais, et toi ?
Le Séraphin eut un large sourire et un rire lui monta dans la gorge.
-Tu vas rire...
Puis après un court arrêt, il déclara :
-L'ange de la plainte.
L'Ondine le regarda presque interloquée. Machanaël détourna le regard pour rire devant son air surpris improbablement drôle.
Mal lui en prit...
Spica lui sauta presque dessus pour lui faire un long câlin !
Machanaël lâcha un magnifique cri de la Banshee, du petit nom que lui avait donné la jeune Ondine.
Quand elle lâcha enfin l'ange dégoulinant presque d'une sueur de stress également due à sa chaleur corporelle haute combinée à celle de sa jeune amie, elle lui adressa un petit sourire innocent en disant :
-Je confirme, l'ange de la plainte !
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