La stupeur prenant le pas sur la douleur, je ne sentais pas le goût du sang dans ma bouche, la morsure que mes dents avaient imprimée sur ma joue ou la brûlure de ses doigts persistant sur mon visage. Mais j'avais peur. Et j'ai commencé à croire que c'était de ma faute.

Une semaine avant, il avait déposé ma lettre de démission pour moi, car il disait m'avoir suivie et m'avoir vue trop proche de l'un de mes collègues. Et j'avais beaucoup trop parlé avec lui. Et j'avais apparemment un peu trop ri à sa blague.

Ce soir là, en rentrant, j'avais eu le droit au pire sermon de toute ma vie. Moi qui pensais que ça ne pouvait pas empirer, je m'étais trompée. Ce jour là j'ai cru mourir sur place. J'étais dans un coin de la pièce, essayant de me fondre dans le mur. Il était presque sur moi, vociférait en postillonnant, un bras brandi en l'air. Et je ne voulais pas croiser son regard. Surtout pas.Alors j'ai commencé à devoir rester dans l'appartement toute la journée, comme il me l'avait dit. Et je n'osais pas lui désobéir.

Je passais ma journée à nettoyer, ranger la pile de magazines sur la table du salon, pour que les livres soient tous alignés, placer toutes les bouteilles de shampoing à l'envers, mettre toutes les pommes à l'endroit dans la corbeille à fruits ... Tout pour ne pas avoir à subir sa colère quand il rentrait le soir. Mais il trouvait toujours quelque chose. Et ses crises de nerf étaient de plus en plus violentes.