Connexion #70

Je suis rentrée d'Orléans vers quatre heures de l'après-midi. Qu'est-ce qu'on s'est amusées ! Avec les filles, on a réussi à se faire maquiller gratuitement chez Séphora. Comme d'habitude, R¤¤¤¤¤ est tombée amoureuse des quatre serveurs du McDo et d'une dizaine d'inconnus dans le tram... Elle est pas possible avec les garçon, cette fille.

Mes parents n'étaient pas encore rentrés. Pourtant j'ai entendu une salve de rires à l'étage. De grands rires qui partaient du fond des tripes. Dans ma chambre, sur mon ordinateur, j'ai trouvé Boyd et Nuka en train de regarder des vidéos sur Youtube.

— Eh bien ! Vous vous amusez ?

En essuyant une larme de rire, l'Américain s'est tourné vers moi et m'a fait signe d'avancer tandis que le médecin chargeait une séquence. Ce dernier avait encore les épaules qui tressautaient. Ils m'ont d'abord montré deux ou trois personnes qui pétaient un câble à leur travail – et c'est vrai que c'était hilarant. On se tordait par terre comme trois crétins. Boyd était à deux doigts de la suffocation. Au final, il a réussi à demander à Nuka :

— Montre-lui celle avec l'Allemande qui pique un fou-rire.

— Avec Maxi Biewer ?

— Oui, je crois.

Il était impossible de conserver son calme devant la présentatrice météo. J'ai aussi eu droit au « chien schizophrène » : en fait, l'animal essaie de se gratter l'oreille, mais il croit que sa patte est celle d'un autre chien, donc il essaie de se défendre en mordant sa patte. Et puis Jin est arrivé.

— Dites-donc, vous êtes discrets...

— Jin, viens voir...

— Non, petite, je dois travailler.

Le Chinois qui était entré dans la maison aussi silencieusement qu'une brise d'été a pris place sur mon bureau, sans demander, évidemment, avec un ordinateur. Il a mis un casque avec micro et a ouvert un logiciel qui ressemblait à Skype. Ce qui m'a semblé étrange était qu'il avait occulté la webcam. Il a entamé une discussion avec un interlocuteur que l'on ne voyait pas plus. Nuka a lancé un :

— On descend, Jin.

L'autre ne nous a pas répondu. Je n'étais pas ravie de laisser le champ libre à l'Asiatique, parce que c'est ma chambre, quoi, zut... mais Nuka a insisté.

Une fois dans la cuisine, Docteur House s'est servi une tablette de chocolat au riz – sans partager, ça, ça m'énerve ! – et a fermé la porte. Boyd avait l'air particulièrement émoustillé :

— C'est ce que je pense, yeah ?

— Oui, a répondu Nuka en affichant un sourire mystérieux. Il ne parlait pas chinois. Il s'exprimait en thaï. Je ne comprends pas un traître mot de ce qu'il peut dire, mais...

— ... mais ça veut dire qu'on a une chance de découvrir des choses à son sujet.

— Exactement.

Nuka et Boyd me semblent obsédés par la vie de Jin. Moi ? Psss, non, pas du tout !

— Mais c'est dingue, ça les gars ! Vous pensez qu'il a toujours affaire à United B¤¤¤¤¤ ? Dément ! Il faut qu'on remonte pour essayer de comprendre ce qu'il dit, vite !

— Chuuut ! Parle moins fort, Pretty Young Thing ! m'a réprimandée Boyd. Imagine qu'il t'entende ?

Nous avons aussitôt rapproché nos têtes pour pouvoir discuter à voix basse.

— Il faut trouver un plan, on ne peut pas laisser échapper une occasion comme celle-là, a souri Nuka de toutes ses dents de squale.

— Vous allez le faire boire ?

— Non, gamine, ce n'est pas possible. La meilleure chose à faire...

Nous n'avons jamais su quelle aurait été la meilleure chose à faire. Et pour cause : Jin en personne venait d'ouvrir la porte à la volée :

— Je sors, je serai rentré sous peu.

D'un air distrait, nous avons tous hoché la tête. Une fois que la porte a été claquée, Boyd a bondi :

— Guys, he didn't have his computer1 !

   

Trois fusées. Nous nous sommes rués à l'étage. Et là, sur mon bureau, trônait le Graal. Sans oublier de fermer la porte, Boyd, au lieu de se dépêcher de cracker l'objet, s'est calmement dirigé vers mon ordinateur. 

— Boyd, qu'est-ce que tu...

Sans répondre, il a lancé un morceau de métal hard-core particulièrement puissant. Il a ensuite placé un mouchoir sur le micro de l'ordinateur de Jin. L'Américain, aux gestes aussi précis et calmes que ceux d'un chirurgien, s'est assis sur la chaise et a commencé à s'attaquer au problème. Nuka a posé une main sur son épaule et une autre sur la mienne.

— Shit, that's Chinese stuff2...

— Je te l'avais dit, Boyd, a marmonné le médecin.

Aucun de nous trois ne savait déchiffrer les idéogrammes qui nommaient chaque dossier sur l'écran.

— Attendez, il y a autre chose que je peux faire, a murmuré Boyd.

Il a bougonné en anglais et a ouvert Mozilla Firefox. Après une manipulation de quelques secondes, les idéogrammes indéchiffrables se sont métamorphosés en lettres du merveilleux alphabet latin. 

— Tu peux faire la même chose pour les dossiers, Boyd ? a interrogé Nuka.

— Non, seulement pour Firefox. On va jeter un coup d'œil à l'historique...

Bien entendu, l'historique avait été effacé. Nuka a prévenu :

— Prends garde, Boyd, si Jin revient et qu'il nous trouve là... On termine découpés en morceaux dans des sacs poubelles !

— Où coulés dans du béton dans les fondations d'un immeuble, a renchéri le jeune homme qui bidouillait la machine à une vitesse folle.

— Arrêtez les gars, ai-je tenté de modérer. Jin ne fait plus partie de ce gang bizarre.

— Ah oui ? Alors ça, qu'est-ce que c'est ? a demandé l'Américain d'un ton où perçait le triomphe.

Il était devant une vidéo datée du mois passé. Elle était contenue dans un e-mail que Boyd avait réussi à dénicher en avant ses recherches sur les mails les plus lourds. L'arrêt sur image montrait un type ligoté sur une chaise, avec un bandeau sur les yeux et du papier craft sur la bouche.

— Oh, merde.

— J'en étais sûr ! s'est exclamé Nuka. Sûr, sûr, sûr !

Il était surexcité. Donnant une petite tape sur la tête de Boyd, il l'a enjoint à lancer la vidéo. De mon côté, je n'étais pas dans mon assiette. Il se pouvait que ce soit un canular, ou l'extrait d'un film, ou même une affaire réelle qui datait et à laquelle Jin n'avait pris aucune part... et pourtant...

— Les gars, je ne préfère pas voir ça.

— Bah pourquoi ? s'est étonné Boyd en mettant sur pause pour laisser le document se charger.

— Ça ne nous concerne pas et...

— Tu flippes que Jin soit au courant qu'on ait vu ça ?

— Je ne plaisante pas Boyd, j'ai vraiment peur. Je ne préfère pas savoir des choses... ce genre de choses.

— Killjoy. tu es comme Sawyer.

— Je peux savoir ce que tu comptes faire si tu apprends que ce type s'est fait enlever par Jin et qu'il n'est toujours pas libre ?! Demander à Jin de le libérer ?

— Je peux savoir ce que tu comptes faire, Young Thing, si tu restes dans le doute au sujet de Jin ? Si ça se trouve, tu le soupçonneras éternellement de kidnapping alors qu'il n'y est pour rien...

— Très bien, regardez ça, mais moi, je veux rien savoir.

— Tant pis...

Docteur House a pris les devants et a cliqué sur Play. La qualité était mauvaise. C'était une vidéo amateur. Voilà tout ce que j'ai pu voir. Un moteur a vrombi dans la rue. Boyd et Nuka se sont crispés.

— C'est Jin ! Boyd ! Vite, remets tout en place.

Troublé cette fois par le stress, l'Américain a perdu du temps dans ses manipulations. Jin est entré dans la chambre au moment où nous lancions sur mon ordinateur la vidéo où une mamie s'énerve contre une décapotable et déclenche l'airbag. Le Chinois s'est rassis au bureau tandis que nous éclations d'un rire sitcomique. Un frisson glacial m'a parcouru l'échine lorsque j'ai entendu sa voix grondeuse s'élever :

— Est-ce que je peux savoir...

Nuka s'est mordu les lèvres, et je crois bien que Boyd a prononcé une brève prière. Mais qu'est-ce que cette andouille avait bien pu oublier ?! Je me suis demandée si j'aurais le temps de sortir, mais le Chinois s'est levé.

— DITES...

Si la situation n'avait pas été si dramatique, je crois qu'elle aurait pu être drôle. Nous avons lentement tourné la tête en simultané parfait, le même air ingénu peint sur les traits. Notre potentiel futur meurtrier – le « coulés dans du béton » m'a résonné dans les oreilles – plissait les yeux, les réduisant à l'état de véritables fentes :

— Auriez-vous l'amabilité de me dire ce que c'est que ça ?

Il a soulevé le micro autour duquel Boyd avait noué un mouchoir. Il y a eu un instant de flottement terrible. Nuka a alors effectué une jolie pirouette :

— Ah ! Haha ! Mais oui, c'est vrai, Boyd, tu ne te souviens pas ?

— Hein ?

Très pertinent.

— Mais siiii ! Tu as dit que n'importe qui pouvait nous entendre à travers ce micro ! Il ne voulait pas que quelqu'un entende nos discussions, a-t-il argumenté en se tournant vers Jin qui semblait sceptique. Nous n'étions pas certains que tu aies éteint le logiciel de communication...

— Et qu'est-ce que ces discussions avaient de si privé ?

Nouveau moment de solitude intense. Boyd allait tenter un truc mais je l'ai devancé, pensant avoir trouvé l'idée du siècle.

— Gynécologie !

— Je te demande pardon ? a sursauté l'Asiatique.

Mes deux compères se sont tournés vers moi, une grimace sur le visage. J'ai joué la carte de la gène :

— Eh bien, oui... Tu comprends... J'ai posé deux-trois questions à Nuka au sujet de...

— C'est bon, ça va, n'en dis pas plus, j'ai compris, ça ira, tais-toi. Reprends ton mouchoir, Boyd.

Il a repris place devant son ordinateur, nous devant le notre.

— Gynécologie ?! a sifflé Nuka.

*

Je n'aime tellement pas ce passage que j'ai été (et je risque encore d'être) à deux doigts de le couper !!!
Enfin, ça montrait quelques détails intéressants, mais qui pouvaient être passés sous silence (pas comme d'AUTRES détails qui passent complètement inaperçus mais... qui auront une importance cruciale dans l'intrigue 😉😉).
Sur ce, je vous laisse !
Encore merci pour vos lectures, vos votes, vos reviews ! J'espère vivement que la suite vous plaira et que vous allez tous bien :-D
Sea

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top