Connexion #45

J-3 avant la libération ! Hier, on était mercredi et il n'y avait personne à la maison. Ove en a bien sûr profité pour m'occuper une bonne partie de l'après-midi.

— Hé ! Esclave ! Ça va ? J't'ai manqué ? Bon, alors j'ai un p'tit service à te d'mander... En fait non, j'vais te donner un ordre. Tu vois la bagnole qu'est garée dehors ?

— Hmm...

— Bah tu vas préparer tes p'tites mimines pour aller m'la nettoyer de fond en comble ! Et j'te préviens : pas UNE SEULE rayure, t'as pigé ?

— Non mais ça va pas bien la tête, Ov...

Il m'a enserré le cou avec son bras et a collé son visage diaphane contre le mien. Avec un sourire carnassier, il m'a susurré :

— Écoute-moi attentiv'ment, p'tite conne : j'suis pas ton pote, okay ? T'as contracté une dette de jeu envers moi, alors tu la paies, c'est clair dans ta p'tite caboche ? Faut t'apprendre la vie, j'ai l'impression... Tu sais, m'a-t-il dit d'un ton docte en me relâchant, que je suis plutôt sympa comme mec. Y'en a pas mal qui t'auraient déjà coupé les oreilles tellement ton comportement est exaspérant. Sur ce, j'te souhaite bien du plaisir, et j'te conseille d'avoir fini avant que ton daron n'revienne...

— Ove, attends ! J'ai des dev...

— Moi c'est pas Ove, c'est Maître et je t'ordonne de rayer l'expression « devoir scolaire » de ton dictionnaire, p'tite peste. J'reviendrais vérifier qu'le travail est fait correctement !

J'ai voulu marmonner une insulte dans ma barbe. Comme il n'était pas sûr d'avoir bien entendu, il m'a fait une prise de catch jusqu'à ce que je me mette à hurler :

— Connard ! Connard ! J'ai dit « connard » !

— J'préfère ça !

Il m'a laissée en disant que si j'y mettais un peu du mien, je pourrais prononcer son prénom correctement et aussi trouver des injures plus percutantes. Il est bête.

Et bien sûr, j'ai dû m'y mettre. J'avais de la chance, il faisait beau. La voiture était la même décapotable rouge dans laquelle je l'avais vu la dernière fois. L'extérieur n'était pas nickel, mais je n'ai pas trop galéré, il m'a suffi d'utiliser le jet d'eau. L'intérieur, en revanche... Vous ne pouvez pas vous imaginer le souk qui régnait là-dedans. Je suis carrément tombée sur des objets qu'il m'est toujours impossible d'identifier. J'ai rempli un sac-poubelle de vingt litres avec les cochonneries que j'ai découvertes. Sans compter le sac de l'aspirateur, plein à craquer.

Soit dit en passant, si la voiture doit être un joujou de marque, je ne crois pas qu'elle appartienne à Ove. Elle doit être à Jin, parce que j'ai trouvé les papiers de la voiture sous le siège, et tout était rédigé en chinois, il n'y avait même pas de version anglaise.

J'ai détesté faire ça. Il n'y a rien de plus chiant que de perdre son temps pour quelqu'un qu'on n'aime pas et ce sans l'avoir décidé. Alors j'ai pris ma petite revanche. Je me suis permise de placer un échantillon de fromage derrière la grille du climatiseur, qui n'était pas très dure à démonter.

— OOOV... euh non, flûte, c'est vrai... MAAAAAÎÎÎTRE ? C'est bon, j'ai fini !

J'ai été déçue ! Il a à peine vérifié mon travail – avarement gratifié d'un « M'ouais... ». Le Scandinave m'a prévenue qu'il passerait demain un peu plus tard et il est parti.

Sur la table de la cuisine, j'ai découvert une feuille sur laquelle des mots avaient été griffonnés d'une main agressive :

« Merci beaucoup pr la part de fromage. Je sais pas encore où tu l'as planquée mais je pense que tu mettras + de temps que moi pour en découvrir la cachette XP. À 2m1. »

J'en étais sûre. Il m'avait captée. Là, j'étais mal : si je comprenais bien l'essence trouble du message, Ove m'avait joué un tour tout à fait PENDABLE en plaçant un bout de camembert coulant quelque part dans la maison. Je me suis mise à chercher partout : les armoires des parents, le four, le canapé, la cheminée, le piano, la bibliothèque, la salle de bains... rien. Je flippais légèrement, parce que je me disais que si les parents découvraient un large morceau de fromage odorant dans leurs chaussettes, il n'y aurait pas que les chaussettes qui sentiraient mauvais. J'ai entendu la sonnerie du téléphone. C'était un privé. J'ai quand même décroché, même si je ne réponds pas aux appels privés', parce que ce sont souvent des démarcheurs téléphoniques ou des enquiquineurs professionnels. Ou les deux

— Allô ?

Jävla fan ! Sale conne ! Peste ! HORA ! Ça pue la mort ! Dis-moi où t'as mis cette saloperie où j'reviens pour t'étouffer avec, p'tite conne ! T'as pas honte de faire des gamineries pareilles ?!

— Je te signale que tu as cinq ans de plus que moi, eh ! Le plus en retard, mentalement, c'est toi !

— Bordel, j'te jure que j'reviens pour te massacrer ! Hora ! a-t-il répété. Et qui t'a dit mon âge, d'abord ?

Je n'ai pas répondu, parce que je ne suis pas censée le savoir.

— Bon, écoute, on fait un compromis : tu me dis où t'as mis la chose et je te dis où moi je l'ai mis.

— Ahaha, non, hors de question ! J'te connais trop bien !

— Moi aussi, Maître, je te connais. Je sais que tu es capable de faire trois cent kilomètres rien que pour donner une baffe à quelqu'un qui t'a joué un sale tour, alors je te promets que je serais honnête avec toi.

— Non ! J'reviens, j'te tabasse jusqu'à c'que t'aies avoué et...

— C'est pas un bon plan, ça, Jo est à la maison dans un quart d'heure !

— Mon œil ! Comment qu'tu bluffes comme une merde ! J'me fais une bouffe avec Jo et Boyd ce soir ! Si j'reviens, ça s'ra pas pour des prunes, j'te préviens !

— Allez ! Donne-moi un indice et je t'en donne un !

— Joue pas avec moi ! Tu sais que j'aime pas rigoler longtemps avec toi !

Il était surtout furieux de s'être trouvé gros Jean comme devant.

— Fais pas ton gamin, Ove !

— Maître, et je fais pas mon...

— Bon, tu me donnes un indice, je te donne l'emplacement et tu me donnes un deuxième indice.

J'ai entendu un léger silence. J'ai prié durant ce laps de temps. Parce que s'il décidait de faire demi-tour, ça risquait de chauffer sévèrement.

— Okay. Mon premier indice c'est : pieds.

— Quoi ? Pieds ? Non mais c'est quoi cet indice à deux francs soixante, là ?!

— L'emplacement, p'tite conne, j'ai pas qu'ça à foutre !

— D'accord, ai-je fulminé, d'accord. L'emplacement exact, c'est une voiture décapotable rouge avec des idéogrammes chinois sur les ailes ! Voilà !

Un tantinet emportée, j'ai raccroché. Au même moment, une voiture a freiné devant la maison. Par bonheur, il s'agissait de ma mère. Elle rentrait plus tôt que mon paternel, aujourd'hui, ce qui était assez rare. Assez en tout cas pour que Ove ne s'aventure pas dans la maison. J'ai collé ma mère jusqu'au bout – elle a trouvé étrange que je tienne à vérifier dans le coffre à chaussures s'il n'y avait pas « quelque chose ». J'ai eu une petite appréhension au moment de me coucher, j'ai vérifié sous le lit, dans l'armoire, et j'ai verrouillé ma porte. Le souvenir de sa colère après la baston inter-Oncles reste encore cuisant dans ma mémoire.

Je me suis couchée et ai étendu mes pieds. Je n'y ai pas cru tout de suite.

Ça doit être la chose la plus basse, la plus vile, la plus IGNOBLE que l'on puisse faire à quelqu'un. J'en avais plein les orteils. Et il n'avait pas lésiné... loin de là ! Il ne s'était pas gêné pour l'étaler ! Quel gros nul. Furieuse, j'ai ouvert la porte, tenant les draps d'une main. Quand on a passé une journée exténuante, la dernière chose dont on a envie est de nettoyer intégralement sa parure de lit avant de dormir. Une fois ces démarches effectuées, je me suis à nouveau allongée dans le lit. Cette fois, il n'y aurait pas de mauvaise surprise. J'ai éteint la lumière.

Et c'est là que j'ai compris mon erreur. J'ai perçu un glissement sur le parquet, puis une lourde masse s'est écrasée de tout son poids sur moi, faisait craquer les jointures du meuble. J'étais sur le dos, ce qui fait que j'ai eu le souffle coupé. Il a dû sauter pour être aussi lourd !

— Rrraaaah ! Mais c'que t'es énoooooooorme ! T'as mangé des briques où quoi ?! ai-je éructé sans qu'il se déplace pour autant. Maître, j'étouffe ! Maî... OVE !

— Tu m'dis où t'as mis cette saloperie de merde de fromage et j'te fous la paix pour cette nuit parce que j'suis crevé.

Amis lecteurs, j'étais crevée aussi :

— Derrière la grille de climatisation... AH ! Non !

— Ça t'apprendra à m'faire chier comme tu l'as fait. Tu vas regretter ça, demain. J'te prépare un truc dont t'as pas idée ! J'te laisse !

Et il est sorti.

Ce débile venait de me pincer le cou, alors qu'il sait que je déteste ça

Bref, tout ça pour vous dire qu'on est jeudi, qu'il est six heures du matin, et que je me demande bien ce que ce crétin va encore pouvoir inventer !

*

Hello !

Toujours un bug penible qui m'empêche de répondre à tout le monde !!! Grrrrr ! Tout se passe bien pour moi : je suis en vie !

Préparez-vous au pire : la vengeance de Ove pourrait se retourner contre lui...

Merci encore pour tout,

Sea

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