Connexion #44
Hier, visiblement, j'ai juste écrit ce qu'il s'était passé pendant ces deux dernières semaines. Je ne vous ai absolument pas entretenu du fait que Ove était revenu à la charge avec son stupide pari. Il y a deux jours, j'ai reçu un SMS d'un opérateur inconnu.
« Hey ! Cest bon ? T en état de devenir mon esclave pndnt 1 week, là ? Jarrive 2m1 ! B-) »
II s'est pointé au moment où je concluais au sujet de Saw. Il était d'humeur joyeuse. Déjà ça partait mal.
— Alors, p'tite peste ! Oulà ! C'est un bordel dans ta chambre ! On n'arrive plus à mettre un pied d'vant l'autre !
— Bonjour, Ove, oui je vais très bien, et toi ? Oh ! Des fleurs ! Comme c'est gentil. Il ne fallait pas...
— T'es juste dégoûtée d'avoir perdu ton pari.
— Je suis juste dégoûtée de te revoir.
— Pfff... débile. Bon ! Par quoi on commence ! Tes parents rentrent à quelle heure ? Ta mère est à Orléans, donc ça, c'est okay. Et ton père ?
— Il arrive dans deux minutes.
— Ouais, c'est ça. Avec un peu de chance pour toi, sa réunion se termine dans moins de deux heures...
Il a penché la tête sur le côté et m'a adressé un sourire mielleux.
— ... mais j'en doute !
Il est de mon devoir de vous prévenir : une angoisse diffuse est remontée le long de mon dos. Je n'aimais pas trop me trouver seule en sa compagnie.
— Bon, par quoi on commence ? T'aurais pas des idées marrantes ?
— Je te préviens que si c'est en-dessous de la ceinture, je le dis à Jonah.
— Me fais pas gerber, s'il te plaît. Ah, je sais...
Il y a eu une étincelle désagréable qui est passée dans ses yeux.
— Ça y est, j'ai soupiré, je le sens bien, ce coup-là, encore...
— Bon, alors primo tu vas la boucler, merci. En ma présence, tu ne parleras que si je t'y autorise.
Pour ceux qui me connaissent, vous savez que ne pas monopoliser le temps de parole est pour moi un supplice. Mais un pari est un pari, et je n'avais pas spécialement envie de revivre la même chose qu'après notre bagarre dans la chambre. J'ai hoché la tête en lui adressant une légère grimace.
— Aaaaah. Ça fait du bien. Bon, alors deuxio, tu vas me faire couler un bon bain. Tu vois, le truc avec une bonne musique d'ambiance, des sels de bain, des bougies parfumées, de la mousse ras-la-gueule... Tu m'apporteras un fantastique cocktail et tu me laisseras seul. Ce sera tout pour aujourd'hui.
— Et si mes pa...
— Tttt ! a-t-il fait en m'écrasant l'index sur la bouche. Tu la fermes ! Allez. Magne-toi, maintenant, parce qu'il est déjà tard !
J'ai obtempéré. À regret. Honnêtement, je crois que j'ai vraiment fait du bon boulot : les stores de la salle de bains fermés ; trois bougies, lumière éteinte, bien sûr ; le lecteur de CD prêt à fonctionner ; la baignoire remplie d'eau chaude avec vingt bons centimètres de mousse. En prime, j'avais préparé deux boules effervescentes sur le rebord, vous savez : les machins granuleux qui se mettent à faire des bulles odorantes lorsqu'on les plonge dans l'eau.
Je suis allée chercher ce débile dans ma chambre. Comme d'habitude, il était allongé sur le lit en train de pianoter sur mon ordinateur. J'ai indiqué par gestes que tout était prêt. Il m'a suivie. Arrivé dans la salle de bains, je l'ai entendu pousser un petit grognement de satisfaction.
— Hem. Esclave ?
— Qu'est-ce que tu veux, encore ?!
— Bon, déjà tu vas me vouvoyer, parce que là, le tu, ça n'allait pas du tout...
— Que...
— Et puis ensuite je veux que tu m'appelles Maître.
Je n'ai rien répondu. J'étais sensée parler le moins possible, n'est-ce pas ?
— Vas-y. Dis-moi Maître.
J'ai cru que j'allais m'étrangler. Ça a l'air facile, comme ça. Mais imaginez-vous en train de dire Maître à votre pire ennemi. Ouais, pas si simple. Je me suis pourtant forcée :
— Bien, Maître.
— Oh oui ! C'est bon. Dis-le encore.
— La température de votre bain vous convient-elle Maître ?
— Punaise, c'est jouissif. J'te fais chier, hein ? Bon, tu m'enlèves les vêtements du haut et tu peux sor...
— Il y a quelqu'un ?
La merde.
La grosse merde.
L'énorme merde
La MONSTRUEUSE merde.
We are in deeeeeeeep sh*t, comme dirait Boyd.
Mon père.
En bas des escaliers.
Ove.
Dans la salle de bains.
Moi.
Dans la même salle de bains.
La même salle de bains avec une ambiance des plus louches.
La baignoire remplie.
Ove et moi avons échangé un regard. Il avait l'air de s'éclater comme jamais.
— Esclave, je t'ordonne de trouver une solution dans les trois prochaines secondes.
Mon père commençait à monter les escaliers. Je n'avais jamais connu situation plus embarrassante. Plus horrible. Pour vous situer les choses, mon père a un tempérament méditerranéen résurgent lorsque ça concerne sa fille et un garçon.
En cinquième vitesse, j'ai poussé le verrou de la salle de bains et ai commencé à me déshabiller – à situation désespérée, solution désespérée.
— Je suis en haut, papa, je prends un bain.
Ove a ouvert de grands yeux en voyant ce que je prévoyais de faire. Il a sifflé très vite :
— Ah ! Non ! Non ! Tu me fais pas ce coup-là, hein ?
— Maître, tu fais pas chier !
— J'ai besoin de quelque chose dans la salle de bains, tu veux bien me le donner ?
— Oui, oui, papa, attends, je prends une serviette.
Ce disant, j'ai chuchoté à l'adresse du Scandinave :
— Mets-toi dans le bain, maître !
— Quoi ?!
— Sous la mousse ! Vite !
— Mais je vais être mouillé ! Je suis encore tout habillé !
— Ferme-la et plonge !
Bon gré mal gré, le Viking s'est glissé sous la mousse.
Mon père a à nouveau toqué :
— Ça va ? Ne glisse pas, surtout !
— Tout va bien, j'avais du mal à attraper la serviette !
Je me suis enroulée dans la serviette.
— Tes mains ! Mouille tes putains de mains !
Parfois, on dirait que Ove a un cerveau.
— J'arrive, papa ! Ove ! Fous ta tête sous l'eau !
— J'vais m'noyer ! T'es folle !
— Non, au contraire.
— Eh ! Ça veut dire quoi, ça ?
Il n'a pas eu le temps de demander plus d'explications, j'avais ouvert la porte.
— Oulà ! Il fait sombre, ici !
— J'ai eu une journée pourrie, je me délasse un petit peu.
Moins naturel tu meurs. J'ai rapidement jeté un coup d'œil vers la baignoire. On ne distinguait rien. Ouf.
— Tu as besoin de quelque chose, si j'ai bien compris ?
— Oui, je voudrais le Sopalin, s'il te plaît, il n'y en a plus au sous-sol et j'ai cassé une bouteille de jus d'orange.
— Ah, okay... tiens, voilà le rouleau.
— Merci. Bon bain !
Pffou ! Je n'avais jamais eu aussi peur de ma vie ! Ove a percé la surface de l'eau en soufflant comme un phoque.
— Yooooooo ! J'ai cru qu'j'allais mourir ! Et je suis trempé !
— À la base, c'était pas ce que tu voulais ?
— Oh, ça va, fais pas l'innocente, et j'tai d'jà dit d'm'appeler...
— ... Maître, c'est bon, je sais. Bon, alors, Maître, voulez-vous quitter vos habits avant de... Ouh ! C'que t'es sexy !
Il venait de se relever complètement, tout couvert de mousse, les vêtements ruisselants, les bras ballants. Il avait un air hilarant. J'ai commencé à rire. C'était à moitié nerveux, je pense, vu la frayeur que mon père venait de me causer.
— Ouhouhou ! Ah ! Non, Ove ! Tu vas tout tremper ! Non ! Ne sors pas ! Non !
— Ta gueule, et reste pas en soutifs, ça m'file des frissons.
— Mais tu mouilles tout ! C'est qui qui vais devoir tout nettoyer ?!
— C'est toi l'esclave ! Sur ce j'me casse, hein ? On remet ça à demain ? Tu termines vachement tôt, demain, encore, non ?
— Non ! SORS PAS ! C'est du parquet dehors, je vais devoir tout cirer ! Merde !
Sans quitter ses habits, il est sorti. Il a fichu des mares un peu partout – ce dont j'ai dû m'accuser, c'est pas juste – et n'a pas croisé mon paternel.
Cette après-midi, il est revenu. Cette fois, tout s'est bien passé. On ne s'est pas trop pris la tête. Qui plus est, l'absence de mes parents était certifiée. Nuka est passé après le bain du Maître. On a parlé de la grippe A. Il parie sur une pandémie qui va endeuiller l'Amérique Latine et l'Afrique, et il prétend qu'elle menacera également la France, mais en de moindres proportions. Nuka a des tendances très pessimistes.
— Je pense qu'il faudra que tu portes un masque, pour éviter d'être contaminée. Surtout si tu as un professeur mexicain.
— Honnêtement, Nuka, tu penses que ça sert à quelque chose de se surprotéger comme ça ? J'ai déjà eu de la fièvre, on en fera pas un drame !
— Et si tu meurs ?
— Un jour ou l'au...
— Et si tu transmets le virus à ta mère et qu'elle meurt ?
— Mais qu'est-ce qu'il a de si dangereux ce virus ?!
Raaaaaaaaaah ! La question-piège ! Et le voilà parti sur un exposé au sujet des diverses grippes qui déciment la planète et sur la « Pandéconomie »... Impossible de l'arrêter.
*
Est-ce que ça vous plaît ? Je crois que pour ce qui est du pari... nous n'avons encore rien vu ;-)
Merci miiiiille fois pour votre lecture, vos conseils, vos gentilles reviews, vos votes... Vous êtes toujours aussi géniaux (voire même plus !).
Je vous dis à très vite !
Sea
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