Connexion #43

Je SAIS que ça va faire deux semaines que je n'ai pas écrit une miette de ce qu'il s'est passé. En fait, mettons juste que j'ai eu une grosse baisse de régime et que je n'ai pas trop eu la tête à écrire. Une sale histoire. Je n'ai pas trop envie d'en parler, j'espère que vous comprendrez ?

Sinon, pour vous mettre juste trente secondes au courant, je crois bien que Ove s'est fait briefer par Jo, Saw ou Boyd, parce qu'il m'a rendu visite quelques jours après le match. Il m'a dit qu'on « remettait ça à plus tard » pour le pari parce qu'il devait s'absenter pendant un moment. Il a quand même insisté pour que j'accepte de reporter la semaine d'esclavage. J'ai trouvé ça très courtois de sa part, même si j'imagine qu'il a dû beaucoup râler avant d'accepter ça. Il m'a aussi passé une petite carte mémoire avec des chansons dessus. Ça me fait mal de l'admettre, mais c'était plutôt sympa de sa part, même s'il me l'a balancée dans la tête après quelques mots doux échangés. Bref.

J'ai aussi reçu la visite de Sawyer, puis, plus tard, de Raven. Je dois dire que, si Sawyer a été un peu lourdingue1, ce cher Ravy s'est montré particulièrement... psychologue. Il s'est ramené avec un maxi-pack de M&M's, mon antidépresseur favori et s'est allongé sur le lit en prenant toute la place. Oui, ça veut dire qu'il m'a littéralement écrasée contre le mur.

— T'as grossi.

— Quant à toi, tu as encore maigri. Mange ces cochonneries.

Raven, il est pire que ma mère. Il n'y a rien de plus diététique que les M&M's assaisonnés de coca. Non ?

— Qu'est-ce que tu écoutais, avant que j'arrive ?

Il a attrapé l'un de mes écouteurs infra et se l'est glissé dans le creux de l'oreille. J'étais en train de me passer des mp3 de métal que Ove m'avait donnés.

— Lordi ? Toi qui écoutes Lordi ? Tssss. On aura tout vu. C'est Ove qui t'a prêté l'album, j'imagine.

— Mmm.

— Il m'a dit qu'il avait repoussé ta semaine de servitude, c'est aimable de sa part, n'est-ce pas ?

— Mmm.

— Tu ne manges pas les M&M's ?

Il a tendu la main vers le paquet et l'a ouvert consciencieusement, en suivant bien les pointillés. Encore une fois, je n'ai pas pu m'empêcher de faire la comparaison entre lui et Boyd. Ils se détestent cordialement, c'est vrai. Mais quelles différences... Et pas que physiques ! Pour l'anecdote, l'Américain aurait déchiré le sachet avec les dents, quitte à en renverser par terre. Bref, on s'en fout.

— Tiens, regarde. Jaune... Vert... Rouge... Lituanie !

Là, je me suis dit qu'il devait y avoir eu une inversion de personnalités. Je me suis aussi dit que je ne voulais pour rien au monde ressembler à Raven.

— C'est nul, lui ai-je dit. C'est pas drôle.

— Ce n'est pas sensé être drôle, petite idiote. C'est sensé être instructif. Puisque tu vas te goinfrer de ces choses anti-gastronomiques, autant retenir des notions intéressantes. Oh ! Je me rappelle qu'avec mon...

Inouï. Un éclair fulgurant a déchiré l'atmosphère de la pièce de part en part. Raven a changé de physionomie d'un seul coup lorsqu'il a semblé se remémorer ce souvenir agréable dont il voulait me faire part. Son regard est parti au loin, s'est perdu. Lorsqu'il est revenu, j'ai été frappée de la manière dont il s'était assombri. Il n'avait pas dû se remémorer que de bonnes choses. J'ai tenu à lui rendre un service, comme il en fait l'effort avec moi. J'ai changé de sujet :

— Je te trouve vraiment bizarre, ces temps-ci, Raven...

— Ah.

— Oui, tu... je peux avoir un M&M's ? Merci. Tu es plus... plus aimable. Moins asocial.

— Je te remercie.

— C'est pas ça que j'ai voulu dire, attends que je reformule ; d'habitude, tu ne me parles jamais, mettons que tu fais comme si je n'existais pas, et là, c'est la deuxième fois que tu fais quelque chose de gentil pour moi.

— ...

— En fait, ça me fait plutôt plaisir...

Je dois avouer que je me sentais mal à l'aise. Tous ces compliments en une seule minute alors que, usuellement, on s'observait avec mépris. Et lui qui regardait ailleurs. Qui ne répondait pas... J'ai conclu avec un maximum de maladresse :

— Merci, Raven. Merci d'être là quand j'en ai besoin.

— Ne te sens pas obligée de dire ça. Je me fiche de ce que les gens pensent de moi.

— Ceux qui disent ça sont la plupart du temps ceux qui se préoccupent le plus du regard des autres.

J'ai encore pioché des M&M's. Il m'a imitée, malgré le fait qu'il considère ces friandises comme impropres à la consommation. Au final, il s'est endormi. À vrai dire, je ne sais pas si le coup de la gentillesse était une feinte pour que je le laisse prendre mon lit ; en songeant à la fois où il m'avait emmenée au McDonald's, je n'ai rien dit.

Je pensais ce que je lui ai dit. En fait, plus le temps passe et plus je me rends compte du gouffre qui nous sépare. Je ne sais rien de lui et jamais je n'aurais imaginé qu'il puisse avoir un côté humain. Je me sens un peu bête, résultat des courses : j'aimerais qu'on soit plus proches, mais il met trop de barrières entre nous.

J'ai dit au début que Sawyer avait été lourdingue. En fait, j'ai été dure, il n'a pas été si lourd que ça. Même si je le trouve un peu killjoy2, il était là aussi. Présent, quoi. Il m'a aidée à réviser un gros D.S. de physique/chimie. Là, il a dit quelque chose de très surprenant, venant d'un homme comme lui :

— Écoute-moi : tu travailles trop. D'accord, il faut bosser dur si tu veux réussir, mais il ne faut pas non plus te détruire la santé avec ! Tu ne fais pas assez attention à toi. Tiens, d'ailleurs, je suis sûr que, même si tu ne travaillais pas, tu aurais de très bons résultats. Ils travaillent comment tes amis ?

Je l'ai regardé comme s'il lui était poussé un orteil dans les narines, parce qu'il est le premier à dire que je ne travaille jamais assez, et puis je lui ai répondu que si je me basais sur l'élève bêta, j'étais assez mal barrée pour réussir dans la vie, et que de toutes les manières, ça me changeait les idées. Je croyais que c'était ce que qu'il voulait entendre, mais il a soupiré avec l'air qui veut dire « petite inconséquente ». C'est ça qui a dû m'énerver.

*

1 - Non, sans rire, ce type a le quotient émotionnel d'une palourde... NdN

2 - Rabat-joie. Boyd l'appelle toujours comme ça dans son dos quand Saw fait des remarques désobligeantes. NdN

*
Voilà une autre publication de l'histoire de Canahait.
Ah et j'oubliais de vous rappeler, pour le bien de notre équipe : n'hésitez pas à visiter la page Amazon de Season Canahait. Elle sera contente de voir que vous avez sacrifié une glace pistache-framboise pour lui acheter un de ses livres. En tout cas, j'aurais plus de chances d'être rémunéré si vous le faites !

Kääntäjä Umhumushi, traducteur

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