Connexion #39

Yeeeah ! Super week-end de quatre jours et demi ! Ça fait du bien ! Hier, je suis allée me promener en forêt avec mes parents et là, je rentre du cinéma, on est allées voir Anges et Démons. J'ai trouvé que c'était vraiment un bon film... En plus, j'étais avec trois amies avec lesquelles je m'entends super bien. Je leur ai faussé compagnie une heure avant de prendre mon bus, parce que Jin m'avait demandé de passer à un restaurant chinois pour lui prendre un « paquet ». Ce n'était pas le même resto que celui dans lequel nous étions allés la dernière fois. Il est beaucoup plus soft. Si je me souviens bien, il s'appelle Mei. J'ai regardé, ça veut dire « Joli » en Chinois !

Le truc le plus marrant, c'est que le restaurateur s'appelle Jin1. Mais son homonyme m'a juré ses grands dieux qu'il n'avait rien à voir avec sa famille. Qu'il n'était pas le seul Asiatique au monde à s'appeler Jin, d'ailleurs, c'est vrai que dans la série Lost le Coréen s'appelle Jin. Passons. Le Jin du restaurant est parti chercher le paquet au fond de sa boutique et me l'a donné dans un sachet en plastique sans m'adresser ni regard, ni parole. Charmant. Je vais finir par avoir de gros a priori sur les Chinois, si ça continue. Lorsque je suis sortie dans la rue, je n'ai pas fait plus attention que ça aux gens qui m'entouraient. J'étais un peu dans mes pensées. Et c'est pour ça que, lorsqu'un type m'a attrapée par le cou en sifflant : « File-moi ton sac où j'te saigne ! », j'ai littéralement percé les tympans de tous ceux qui m'entouraient à deux cents mètres à la ronde. Le type en question s'est vite décalé pour s'exclamer – je ne suis pas sûre d'avoir bien compris tous les mots :

Var dina föräldrar syskon2 ! Mais t'es con ou quoi, d'gueuler comme ça ?! Tu m'as tué les oreilles !

— Et toi, alors ? Ça va pas la tête de sauter sur les gens, comme ça, en pleine rue ?!

— Ce n'est rien, messieurs-dames ! Que voulez-vous ? Deux amoureux qui se retrouvent après deux ans de douloureuse absence ! Les retrouvailles... c'est la France ! Vive la France ! Vive la...

— Boyd, la ferme !

Ove et moi avons craché ces paroles en même temps. Synchro. Les badauds ont fini par reprendre leurs activités tout en nous jetant des coups d'œil rébarbatifs.

— Qu'est-ce que vous faites là ? Vous n'étiez pas sensés aller à New York avec Jin et Saw ?

— On est rentrés plus tôt que prévu, Young Thing.

— Oh ! Arrête de parler Anglais, Boyd ! Tu peux pas savoir, à quel point il est chiant lorsqu'on visite un pays anglophone ! m'a confié le Scandinave en roulant de grands yeux. Et que j'me la joue produit du terroir en parlant plus vite que la vitesse du son, en s'esclaffant comme un beauf avec mes congénères...

— C'est vrai que tu as la mauvaise habitude de dénigrer ceux qui parlent peu Anglais, Boydie.

Je ne sais pas pourquoi exactement j'ai dit ça. Soit c'est parce que j'ai envie que Ove et moi nous entendions mieux – pire des cas –, soit parce que je voulais embêter Boyd – meilleur des cas.

— N'empêche, Boyd, que tu prends sérieusement le melon dès que tu dois parler anglais.

— Ignares.

Boyd est parti la tête haute, droit devant... il marche vite, quand il veut. Nous l'avons suivi. Ove marchait encore plus vite, à cause de ses grandes jambes, donc il l'a rattrapé avant moi. J'étais à dix mètres derrière eux lorsque j'ai vu qu'une de mes amies me barrait le passage. C'était moins une. Je lui ai rapidement expliqué que j'étais allée faire des achats dans une boutique pas loin, et que j'étais en retard pour mon bus. Je me suis dépêchée de m'éloigner, zigzaguant entre les étals des brocanteurs.

— Tu la connaissais ? s'est enquis Boyd qui avait l'air de ne pas se souvenir de notre différend.

— Oui, je viens de voir un film au cinéma avec elle.

Värsta brud, a alors marmonné le Viking. Elle est libre ?

— Pas pour toi, espèce de pervers.

— Oooooh, me dis pas que ça la brancherait pas, un plan c...

— Non, ça ne la brancherait pas du tout. Tu l'oublies. Tout de suite.

— T'es jalouse que j't'aie jamais fait de proposition ?

Il avait son sourire à la con genre « aha-j'ai-raison-touché-coulé ».

— Tu es trop moche. Et de toutes les manières, cette fille, si tu veux tout savoir, elle est plus jeune que moi.

— Sans déconner ?! Elle a l'air plus mûre, en tout cas. Plus grande, plus sexy, plus chau...

— T'es pas son genre, oublie-la, je te dis.

— Tu es lourdingue, Ove. Je l'ai bien dit ?

Il n'y a pas longtemps, j'ai dit à Boyd qu'il était « lourdingue », depuis, il est fou de ce mot. Il a du mal à le prononcer.

— Attends, Boyd ! Me dis pas qu'elle te brancherait pas un peu !

— J'ai trois ans de moins que toi, Ove, c'est différent.

— Ah ! Non ! Boyd ! Tu ne vas pas t'y mettre ! Déjà qu'avec l'autre cachet d'aspirine lubrique j'ai du mal, alors si en plus Georges Bush Deux s'y met...

— C'est pour riiiigooooleeer, p'tite conne !

— Lââââche ma têêête !

Je déteste quand il fait ça ; vous savez : quand on vous frotte énergiquement le dessus du crâne avec le poing. On a continué à remonter la rue commerçante sans parler. Ils étaient à un pas derrière moi et j'étais sûre qu'ils étaient en train de préparer une nouvelle bêtise. Je suis entrée dans le centre commercial, et ils n'ont pas faibli l'allure.

— Mais tu veux pas nous passer son numéro ? Juste pour voir si y'a moyen...

— Tu fais chier, Ove !

— Eh ! Fais gaffe, hein ! Allez, pour te faire pardonner, file son numéro.

— Vous êtes exténuants ! Punaise !

Je me suis engouffrée dans un magasin. J'étais presque sûre qu'ils n'y resteraient pas. J'ai eu à moitié raison. Ove est sorti à reculons, les joues roses.

— Boyd ! Reviens ! a-t-il grincé entre ses dents.

Ce dernier a regardé les divers soutien-gorges, boxers, strings, bikinis et autres mini-nuisettes exposés sur des mannequins, a haussé les épaules et est resté à côté de moi.

— Je te préviens que je vais les essayer si vous ne partez pas.

— C'est rien, on a tout notre temps, hein Ove ? Tu nous montreras, pour qu'on puisse te donner notre avis.

Lui, en tandem avec le Scandinave, il devient pire qu'un môme de trois ans. Ils s'entendent de mieux en mieux et c'est catastrophique pour moi.

— Boyd, tu n'as pas le droit d'être là.

Oui, c'était faux, mais j'étais désespérée. Finalement, j'ai eu la réaction la plus débile de l'année, toutes catégories confondues :

— Oveeeee ! Ne me dis pas que tu as peur d'entrer dans une boutique de lingerie féminine ? Allez, je vais essayer des articles, tu me diras ce que tu en penseras.

Ça, à la base, c'était du gros, GROS bluff pour qu'il s'éloigne.

Ove regardait ailleurs, mais je sais qu'il était furieux. Boyd, lui, s'est tout de suite enthousiasmé :

— Excellente idée ! Tu devrais porter des dessous un peu plus hawt, tu ne penses pas ? Ça, par exemple... Et puis aussi that. Et pourquoi pas ça ?

Un à un, il a décroché des soutien-gorges tous plus ''sexy'' les uns que les autres. Il me les a posés entre les bras tout en me poussant vers les cabines d'essayage.

— Vas-y. Appelle-moi lorsque tu auras mis le premier, que je te dise ce que j'en pense.

Bon, deux choses, avant que vous ne croyiez que Boyd et moi entretenons des relations peu anodines :

(1) on se connaît depuis un bail, donc OUI, il m'a déjà vue en sous-vêtements, et ça ne gène ni l'un ni l'autre

(2) il adore le shopping, donc il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il adore aussi que les autres adorent – si vous m'avez suivi, bravo –, il trouve ça naturel d'essayer les trucs les plus improbables

(3) c'est quelqu'un de très ouvert, il ne s'embarrasse jamais, à l'inverse de Saw, de Jo et, jusque là, de Ove

Donc j'ai été prise à mon propre piège et ai dû enfiler divers soutien-gorges. Et si vous croyez que le Scandinave est resté prude jusqu'au bout, détrompez-vous. Boyd a tellement insisté pour qu'il entre qu'il a fini par s'incruster. Et lorsque j'ai appelé l'androgyne au second essai, c'est bel et bien le Viking que j'ai eu en face de moi. J'ai tout de suite rabattu le rideau sur l'article essayé :

— Qu'est-ce que tu fous là ?! Je croyais que la vierge effarouchée refusait de rentrer !

— Tu peux me montrer à nouveau c'que tu portais, là ?

Il avait une mimique méprisante imprimée au fer rouge sur le visage, en plus de la rougeur persistante, je le précise tout de même !

— Non, espèce de gros per...

— Parce que si j'ai vu c'que j'ai vu, j't'annonce tout de suite que tu es dans un état catastrophique.

— Pardon ?

— Même une vieille rachitique de cent dix ans complètement anémiée n'a pas une poitrine aussi petite !

Il avait quasiment crié. Heureusement qu'on était les seuls au niveau des cabines... Hilare, il a appelé Boyd, tandis que je me dépêchais de me rhabiller : j'avais compris l'étendue de ma bêtise.

— Boyd, c'est impossible, rassure-moi.

— Quoi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— Non mais t'as vu la taille de sa poitrine ?! C'est antinomique de « énorme » ! Putaaaaaain !

— Toi, tu parles bien seulement quand tu sors une connerie. Pauvre crétin.

— Ooooooooh, t'es vexée ? Elle est vexée !

Je suis sortie à grands pas, encore une fois.

— Au revoir, madame, notre petite sœur reviendra lorsqu'elle aura assez de matière !

— Ove, tu exagères un peu, a fait remarquer Boyd.

J'étais furieuse. Et plus ma fureur augmentait, plus Ove se moquait de moi, et bien entendu : plus il riait et plus Boyd se mordait les lèvres pour ne pas l'imiter.

— Eh ! Spécialement pour toi, on va inventer la taille ''40-A''. Ta poitrine est limite concave, là ! J'ai jamais vu quelque chose d'aussi marrant !

— Et moi, j'ai jamais vu quelque chose d'aussi con que quelqu'un qui ne parvient pas à entrer dans une boutique de lingerie alors qu'il met une couverture plastifiée sur chacun de ses numéros de PlayBoy. Plus tu en dis, moins tu en fais, c'est ça qui m'énerve !

— Bah 'vaut mieux que j'me retienne, sinon tu terminerais avec les phalanges désossées à chacune de nos rencontres.

J'ai arrêté de lui répondre et il a fini par se calmer. Je pensais que je pourrais être tranquille dans le bus, mais il s'est mis à côté de moi.

— Ove, j'aimerais bien lire, s'il te plaît.

— Bon, pour reparler de ta copine pulpeuse, là...

— Ove, tu me gonfles sérieusement...

— C'est ton portable, ça ? Ohooooo...

— Quand est-ce que tu l'as pris ?! Rends-moi ça !

Il a brandi le téléphone loin au-dessus de sa tête : j'ai déjà dit que j'étais très petite, on ne va pas revenir là-dessus.

— Si tu me laisses regarder, promis que j'te lâche avec cette nana.

J'ai poussé un grand soupir, mais ai cédé. Vous auriez fait la même chose à ma place. Au bout d'une minute ou deux, il s'est exclamé :

— Wooooooo ! Mais c'est pas l'beau gosse de ta classe, lui, là ? Celui pour qui t'en pince ? Ho, ho, ho, attends, on va s'marrer !

— NON ! Ove, ne fais pas ça !

— Oh, allez, juste pour déconner un poil, t'es pas d'accord ?

— Non, c'est plus drôle, là ! Lâche-ça ! Ove ! Ah ! Ça sonne ! Laisse-moi rép...

— Allôôô ?

Si, si, il a décroché.

— Comment ça, qui je suis ? Mais l'employé des pompes funèbres, mon pauvre garçon ! Le portable était sur une de nos clientes – Dieu ait son âme –, on l'a gardé en tant que contri...

— Passe-le moi, Ove.

— Ça va, ça va...

— Allô ? Excusez-moi, vous venez d'avoir une conversation avec l'unique spécimen ayant survécu à une ablation du cortex cérébral.

— Tu as beaucoup d'humour, dis-moi...

J'ai instantanément reconnu sa voix. C'était le type qui m'avait contactée en anonyme lors des dernières vacances. Vous savez, quand Ove avait aussi piqué mon téléphone... J'ai agi alors comme Jo me l'avait recommandé :

— Monsieur, je n'ai aucune envie de perdre du temps à vous écouter, alors soyez bref ou bien je raccroche.

— Aucun souci, mon poussin. Tu es au courant pour la marque que tes sept amis portent sur le bras ? Ils n'ont jamais voulu te dire quoi que ce soit dessus, n'est-ce pas ?

Je n'ai pas répondu.

— Ton silence me laisse penser que j'ai capté ton attention. Alors écoute-moi : ce tatouage n'est pas anodin. Tu sais pourquoi ? Tu veux savoir pourquoi ?

À cet instant, j'ai senti mes entrailles se nouer. Un sentiment de dégoût m'est monté aux lèvres. Mais j'ai répondu.

— Oui.

— Parfait, si tu veux le savoir, va...

Un mouvement brusque sur ma gauche m'a fait sursauter. Ove venait de m'arracher le portable.

— Fous-lui la paix, connard, où j'm'occupe personnellement d'ton cas.

Il a raccroché.

Partagée entre la reconnaissance et la frustration, j'ai marmonné :

— Mêle-toi de ce qui te regarde.

— Mais il me semble que ça m'regardait, justement. Qu'est-ce qu'il t'a proposé, c'coup-ci ? C'est ça qui t'intéresse ?

Il a alors remonté la manche de sa chemise jusqu'à l'épaule. Le P, anguleux, pas plus grand qu'une phalange de mon auriculaire, luisait sur sa peau blanche.

— Y'a qu'une seule chose qu'tu dois savoir à ce sujet, p'tite peste, c'est qu'il vaut mieux pas qu'ça s'retrouve sur ta peau.

*

1 - C'était marqué sur l'étiquette épinglée sur son veston. NdA

2 - Phrase injurieuse assez mal retranscrite par l'auteur et qui suggère que la narratrice aurait des soucis mentaux dus à une probable consanguinité. NdT qui aimerait que l'on cesse de le déranger dans son travail.

*

Alooooors ? Est-ce que ça vous plaît ? Ou pas ? J'aime bien Dark Ove, personnellement. Et la scène de la lingerie est l'une de mes préférées ^^

J'ai encore une question pour cette histoire d'Amazon : le "papier" semble être privilégié parmi vous, mais en ce qui concerne l'ebook, quel prix pensez-vous raisonnable pour un roman d'environ 500 pages, écrit en police 10 (pour donner une idée) ? Surtout pour un auto-édité ?

Sinon : merci encore mille milliards de fois pour vos reviews, vos messages d'amour fou et vos votes étoilés :-D

Bonne aprèm et bon week-end à tous et à toutes !

Sea

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