Connexion #33

De retour à la maison ! Ouf ! J'ai eu une frayeur bleue. Ove ne s'est peut-être pas calmé tant que ça, en fait. Moi qui pensait que ça s'était réglé depuis l'accident de Jin...

En fait, en rentrant de nos vacances chez les R¤¤¤¤¤, on s'était arrêtés à une station service pour se dégourdir les jambes1. Pendant que mes parents sirotaient un café à l'intérieur, j'ai préféré rester dans la voiture, tranquille à écouter de la musique et à lire un bouquin pour mon cours de Français.

J'avais vaguement entendu une voiture dont les enceintes balançaient un son ultra-puissant se rapprocher. Elle est venue se garer à droite de la nôtre, donc forcément, le son m'a un peu dérangée. Mais dans ce cas-là, la première chose que l'on apprend dans un lycée en zone mouvementée, c'est de faire comme si l'importun n'existait pas. Oui, je suis scolarisée dans le public et en Z.E.P., pour ceux que ça intéresse. Mes parents sont pour l'égalité des chances, mais j'avoue qu'aller dans une école à la Poudlard m'aurait quand même mieux plu que mon lycée à la peinture effritée et aux toilettes qui sentent le cannabis au pneu.

Bon, en ce qui concerne notre nouveau voisin de parking, ce qui m'a titillée, c'est que la chanson que le trublion avait mise ressemblait à Get it up2. Le titre préféré de Ove.

« Gentlemen...

Scr*wing in moderation

(Scr*wing is such a booore),

None o'my time is wasted,

I do that sh*t on tour ! »

Là, j'ai identifié clairement la délicate mélodie qu'égrenait la sono de la voiture d'à côté. J'ai marmonné un vague et distingué : « Connard, tu vas l'arrêter ta merde ? » tout à fait dans le ton de la bande-son. J'ai espéré que le conducteur se déchirait les tympans et qu'il souffrirait le martyre lorsqu'il serait plus vieux. Lorsque Little Jimmy U. a entamé le couplet parlé, le gérant de la station-service a émergé de sa boutique.

Il a tapoté sur la portière et le conducteur a ouvert la vitre. Les basses ont déraciné les quatre peupliers rachitiques qui se battaient en duel aux alentours. Je tentais désespérément de finir mon livre, donc je n'ai pas observé plus que ça les deux personnes. Le volume a à peine été baissé.

— Euh... Monsieur, excusez-moi, mais... euh... je crois que votre voiture n'est pas insonorisée.

Visiblement, il a fait ses études dans mon lycée. Little Jimmy U. a complaisamment baissé la voix pour céder la place à un second chanteur :

— Tu veux quoi ?!

Même sans l'avoir dévisagé, je l'ai reconnu. À coup sûr, c'était Ove. J'ai tout de même vérifié, histoire de ne pas se faire de fausse peur, et oui, il était là, au volant de ce que mon arrière grand-mère Abu appelle une caisse à branleurs. C'était une voiture rouge décapotable. Sur les ailes, on pouvait observer trois idéogrammes chinois.

— Euh... veuillez m'excuser...

Limite « Excusez-moi de vous demander pardon. »

— Votre véhicule ne me semble pas très bien insonorisé, alors, en fait, voilà, il se peut que cela contrarie les usagers de l'aire de repos et...

— Je suis pas un usager de l'aire de repos peut-être ?

— Euh...

— Bah ouais. Et j't'assure que ça me contrarie pas du tout. Pour l'instant, c'est plutôt toi qui m'emmerdes.

— Peut-être, mais vous n'êtes pas le seul usager de l'aire de repos...

Ove a ôté ses lunettes noires. Je vous conseille de vous reporter à l'appellation que mon arrière grand-mère aurait donnée à la voiture, quelques lignes plus haut, pour vous faire une idée pour les lunettes. Le Viking a ouvert le toit décapotable pour émerger de la voiture sans prendre la peine d'ouvrir la portière.

— Et alors ? a-t-il demandé d'une voix volontairement traînante. Ça t'dérange ? Eh !

Il s'est penché à ma hauteur. Je ne pensais pas qu'il aurait le culot de faire ça à dix mètres de mes parents. J'ai essayé de l'ignorer, mais la Clio, elle, n'est vraiment pas bien insonorisée.

— Eh ! Oh ! La p'tite brune, là ! T'es morte ?

J'ai fini par lever la tête. Par la même occasion, j'ai remarqué que mes parents sortaient d'un pas vif de la station service.

— Non, je ne suis pas morte.

— Ouais, tu lis, c'est la même chose. Bon, alors tu vas répondre à ma question : ça t'dérange que j'écoute du M.S.I. peina... ?

— Laisse ma fille tranquille !

Ah, confrontation ''Papa vs. Ove''. Mon père a donné une tape sur l'épaule du Viking afin que ce dernier s'éloigne de la Clio. Je m'attendais à une riposte, mais elle n'a pas eu lieu. Au contraire.

— Oh, c'est votre fille ? Je suis désolé.

Il a sauté à l'intérieur de la décapotable et a lancé un puissant :

— Qu'est-ce que vous vous êtes dit quand vous l'avez vue sortir ? « Merde, mais qu'est-ce qui m'a pris, y'a neuf mois ?! »

Il a démarré en trombe, manquant de renverser le gérant. Ce dernier s'est répandu en excuses, proposant à mes deux géniteurs le remboursement de leurs consommations, mais il ont dit que ce n'était pas grave.

— Ne vous tracassez pas ! Il n'y a pas mort d'homme.

Phrase culte de ma mère. N'empêche que l'attitude de mes parents aurait provoqué chez Jin une attaque cardiaque. Une fois sur l'autoroute, mon paternel m'a bombardé de questions :

— Il ne t'a rien fait de mal ? Qu'est-ce qu'il t'a dit ? Tu le connaissais ? Tu l'as déjà vu ? Tu penses qu'il avait bu ?

Et maman de renchérir :

— Ne t'inquiète pas, ma chérie, ça arrive de rencontrer des gens comme ça. C'est rare, mais ça arrive.

Je dois être la fille la plus guignarde de la planète, dans ce cas-là.

— Je sais, maman. Il n'y a pas de problème.

Ils m'ont regardée avec un sourire.

On est arrivés au milieu de l'après-midi et comme un soleil radieux éclairait le ciel, j'ai décidé de buller sur une chaise longue dans le jardin. Mais bien évidemment, il n'a pas tardé à pointer son vilain museau. Je n'aime pas trop ça, qu'un Oncle vienne me voir quand je suis dans le jardin, parce qu'on pourrait nous voir très facilement depuis les fenêtres des chambres. Il s'est assis juste à côté du transat.

— Alors, p'tite peste, ça t'a plu, ce matin ?

Je n'ai pas répondu, tentant toujours de venir à bout de mon bouquin. Ove, impatienté, a donné une tape sous le livre qui m'a échappé des mains.

— T'arrête avec tes morceaux de papier... T'es chiante !

— Merci, pour la station-service. Tu as réussi à faire très fort.

— Y'a pas de quoi.

J'ai voulu me lever pour partir, mais il m'a retenue :

— Hé, ça va, c'était pour rire ! J'ai rien cassé, en plus !

— Encore heureux.

Il y a eu un temps d'accalmie durant lequel personne n'a rien dit.

— Ove, dis... Tu sais... Je... je pense qu'on devrait faire la paix pour ce qu'il s'est passé le jour où mon cousin était là.

Voilà, ça, c'est dit.

— Tu veux dire la fois où j'me suis fait tabasser par Nuka, Jo et Jin à cause de toi ?

— Ove ! Tu exagères, là ! Premièrement tu ne t'es pas fait tabasser et ensuite, tu étais à deux doigts de me casser un bras, je ne sais pas si tu te souviens.

— Et je sais pas si TU te souviens, mais tu m'as fracassé une lampe sur le crâne. Nuka a dû me faire sept points de suture !

— C'est pas vrai, fais voir.

Je me suis sentie brusquement mal. J'avais trop chaud et j'ai senti mes mains devenir moites. C'était possible, ça ? Je ne pouvais pas lui avoir fait mal à ce point là... si ? Il a écarté ses cheveux au dessus de la tempe gauche et effectivement, on pouvait voir une plaie recousue. Le fil bleu marine tenait encore les bords de la blessure. Ça m'a fait bizarre. Il y a eu comme une pluie de graviers qui m'a alourdi le ventre et j'ai senti mes joues s'embraser. J'avais vraiment honte de moi. Le Scandinave a ricané :

— Alors, la terreur, t'as vu ? Tu peux mettre ta main, pour être sûre que c'est pas du faux...

J'ai glissé les doigts dans sa chevelure pour palper la cicatrice. Je crois que c'est la première fois que je l'ai touché sans aucune intention de meurtre. Je vous ai déjà dit qu'il est blond platine ? Comme il n'est pas très soigné, il a les cheveux un peu long, mais je crois qu'ils étaient plus doux que le pelage d'un chaton ! J'étais à deux doigts de lui demander quel après-shampooing il utilisait, mais j'avais horriblement honte. Trop pour tenter de faire la moindre blague. Je n'ai pu que bredouiller, réussissant à peine à retrouver ma voix :

— Mais... mais... je... c'est... c'est moi qui t'ai fait ça ?

— Un peu qu'c'est toi ! Nuka a dit que je suis passé à ça de la commotion cérébrale.

— N'importe quoi.

— Tu veux que je t'écrase une lampe sur la tête pour qu'on vérifie ?

D'accord, c'est de ma faute s'il a des points de suture – ceci dit, il a pu se battre avec Jin ou n'importe qui d'autre entre temps et me dire qu'il me devait sa plaie juste pour me faire culpabiliser. Mais là, il abuse un peu lorsqu'il parle de la commotion cérébrale. Je n'ai pas insisté sur le dernier point, j'étais encore trop penaude. Le nez baissé, j'ai admis :

— C'est vrai que c'est parti en vrille, la dernière fois, je suis... je suis désolée pour ça.

Vite, avant qu'il n'ait le temps de m'enfoncer, j'ai enchaîné en l'affrontant du regard :

— Mais tu n'aurais pas dû menacer mon petit cousin.

— Ça va, tu me connais, j'touche pas aux morpions.

— Justement, permets-moi d'en douter.

— J'trouve que pour cinq points de suture, tes excuses sont un poil légère. En plus, Nuka, il a pas fait dans la dentelle, c'est moi qui te le dis... J'ai eu super mal.

— Eh bien je retire mes excuses, alors, si elles ne te conviennent pas ! Et si tu veux tout savoir : tu l'as mérité ! On ne touche pas à ma famille !

— Ah ouais, Vito Corleone ? Et pourquoi tu t'excuses à Raven d'un truc pas important et à moi que dalle ?

J'en ai marre, hein. Je ne sais pas qui m'a trahie, mais il le paiera3.

— C'est mon problème.

— Tu veux que j't'en recolle une pour t'apprendre à parler poliment aux adultes ?

— Tu m'emmerdes, là, Ove. Aïe !

— J't'ai dit de bien me parler ! Ah, t'as un appel.

Pour le « T'as un appel », il avait adopté la voix de Cristina Cordula dans Les Reines du Shopping4.

— Ove ! Mon portable, punaise ! Rends-le moi !

— Mais mais mais, c'est tout tactiiiiiiile, ma chérie ! a-t-il gloussé en gardant la voix de Cristina. Oh là là ! Je décroche ? Je décroche pas ?

— Ove, merde, dépêche-toi !

— Ah, ma ché-rie, ce n'est pas très bien d'employer un tel vocabulaire, fais-moi penser à te brosser les dents avec du savon. Comment ça marche, cette bouse ?!

Vous vous en doutez : la dernière phrase était en V.O.

— Ove ! Rends-le moi ! Je vais perdre l'appel !

— Ma chérie, pour qui tu me prends, enfin ? Ah-ha ? C'est de... ? « Appel Masqué » ? Magnifaïque ! Mais ça doit pas être facile à porter tous les jours.

Je me suis levée et ai désespérément tenté de lui soutirer le téléphone cellulaire. Vous vous en doutez, il m'en a empêché, tenant l'objet à bout de bras au-dessus de sa tête. Sachant que je suis très petite et que lui est très grand...

— Ove, espèce de crétin, rends-moi ça ! Je vais te tuer !

— Ah-ah-ah, ma chérie, si tu continues à me parler sur ce ton, je risque de sé-vir !

— OVE !

— J'ai le doigt posé sur la touche « Refuser appel entrant », ma chérie !

— Tu m'agaces ! Rah !

Le Scandinave, avec un petit rire narquois, a fini par me céder le téléphone. Rageuse, j'ai décroché5.

— Allô ?

— Alors, tu t'amuses bien ?

J'étais incapable de reconnaître cette voix. C'était celle d'un homme. Je vous avoue qu'elle ne m'a pas mise à l'aise.

— Excusez-moi, qui demandez-vous ?

— Mais toi, ma chérie, je voulais juste savoir comment tu allais, si ce cher Ove ne t'ennuyait pas trop...

— Qui êtes-vous ?!

— Tu le sauras bien assez tôt. Passe le bonjour à Ove de ma part.

— Vous me voyez ?

Je me suis mise à tourner sur moi-même, cherchant du regard l'endroit où pouvait être caché mon mystérieux interlocuteur.

— À bientôt...

Le déclic de l'appareil m'a laissée aussi pâle qu'un linge.

— Alors, qui c'était, c't'admirateur secret ? T'en tires, une tronche, dis ! Ça va ?

— Oui, je... je dois y aller.

— Hé, p'tite conne, qui c'était ? m'a retenue le Viking.

— Quelqu'un... je... une erreur, je crois... Et lâche-moi, fous-moi la paix ! ai-je explosé.

Il m'a laissée regagner la maison.

Je ne ne sais pas ce que je dois faire. Je vais en parler à Jo. Dès que je le verrai. J'espère que ce n'est pas à cause des Oncles, cet appel. Ça me fait vraiment flipper en tous cas.

*

1 - Ça, d'ailleurs, je n'ai jamais compris. Je suis capable de rester des heures en voiture sans devoir en sortir, du moment que j'ai un bon livre sur les genoux. C'est pas en altitude qu'on peut avoir des problèmes ? NdN

2 - Titre du groupe Mindless Self Indulgence. Paroles sous copyright. Tous droits réservés. Et NON, Canahait, je ne traduirai PAS les paroles obscènes de ce que tu oses nommer musique. Note du Traducteur.

3 - Je sais que c'est Boyd, mais comme je l'aime vraiment bien, je pense que je ne me vengerai pas. Je verrai. NdN.

4 - Émission très culturelle dictant aux femmes leur ligne vestimentaire. NdT.

5 - En vrai, je ne décroche jamais aux appels masqués. Là, c'était juste parce qu'il y avait Ove. NdN

*

Hello !

J'espère que ce chapitre vous a plu : j'ai changé deux-trois petites choses, mais ça ne dépote pas autant que les inédits, je vous le concède !

J'espère que ça vous a plu ???

Merci 1000 fois pour vos reviews et vos étoiles qui font vibrer mon téléphone de bonheur :-D

Bonne journée !

Sea

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