Connexion #25
Je viens de passer une demi-journée entière avec quatre de mes Oncles ! Sawyer a pu venir, finalement, mais il ne nous a rejoints qu'à deux heures au cinéma. C'était sympa comme tout, Saw ne m'a même pas reparlé de l'Affaire du Carnet. Boyd ne m'en voulait plus non plus, puisque c'est lui qui est descendu de la voiture de Jin pour m'ouvrir la porte quand ils sont passés me chercher. C'était Jin qui conduisait, parce que c'était SA voiture.
Jin et les voitures, c'est toute une histoire. Ce type est radin comme un pou, mais dès qu'il s'agit de bagnoles, vous ne pouvez plus le retenir. Et celle qu'il conduisait aujourd'hui devait valoir plusieurs millions. Si ça se trouve, c'était même un prototype pas encore sur le marché ! C'était une voiture de dingue, noire, lustrée avec toutes les vitres teintées. Le genre de truc vers lequel même la petite mémé du quartier qui râle tout le temps contre le progrès tourne la tête en ouvrant les yeux grands comme des soucoupes. Et vous n'avez pas IDÉE de ce à quoi ressemble l'intérieur. Imaginez-vous un paquebot grand luxe modèle réduit. Voilà, vous pouvez désormais vous faire une idée de la splendeur de l'intérieur de cette voiture. Ça ne m'aurait qu'à peine étonnée que le véhicule s'envole dans les airs... Après m'être enquise de l'absence de Saw, j'ai immédiatement remercié Jin :
— C'est vraiment très gentil de ta part de m'emmener au cinéma, je n'arrive pas à croire que tu aies fait ça !
Ça venait du cœur. Jin l'a bien sûr mal pris. Il a grondé :
— Ah ouais ? Et pourquoi ? Tu penses que je suis radin, c'est ça ?
Glups. Boyd, à côté de moi, s'est tendu et m'a flanqué un coup de coude dans les côtes.
— Non, non, absolument pas ! Je me suis juste dit que tu n'avais pas beaucoup de temps d'habitude. Alors que tu te libères un après-midi complet rien que pour moi, franchement, ça me fait très plaisir.
— M'ouais...
Jin a gardé le silence. Ouf. J'ai tenté le changement de conversation le plus banal qui soit :
— Cette voiture est extraordinaire ! Je n'en ai jamais vu de pareille.
Alors là, cas suraigu de schizophrénie ou je ne m'y connais pas. Jin s'est reculé dans son fauteuil et a caressé le volant en cuir à l'instar d'un macho italien1.
— Ça, c'est ma petite dernière. Maybach 62. Tu aimes ?
— J'adore, elle est sublime...
— Bien sûr, qu'elle est sublime ! Et je te vais te faire remarquer que c'est un modèle... amélioré.
— Oui, j'ai vu tous les accessoires, c'est vraiment... super ! James Bond en aurait été vert de jalousie !
— Je ne parlais pas des accessoires, gamine.
Son ton s'est fait limite agressif. Je me suis calée dans le fauteuil – qui était terriblement confortable, j'aurais pu m'endormir en cinq seconde si la voix de Jin n'avait éveillé en moi l'instinct de survie – un silence gênant s'est installé, et on est arrivés sur la tangentielle.
Là, j'ai compris que mes notions sur les véhicules automobiles devaient être révisées. Nous sommes passés en cinq secondes de cent à deux cents kilomètres/heure. Je me suis agrippée à Boyd. Ce dernier, ainsi que Nuka, étaient blasés. Ils regardaient le paysage. Du moins ils essayaient. Lorsque j'ai à peu près recouvré mes esprits, j'ai demandé à Jin, bien calée dans mon siège :
— Euh... Jin ?
— Qu'est-ce que tu veux encore...
— Euh... Je... tu conduis très bien, hein, il n'y a aucun doute là-dessus... mais... tu... tu n'as pas peur de... d'alerter tous les policiers à vingt kilomètres à la ronde ?
— Ils ne vont pas assez vite, m'a simplement rétorqué le Chinois en me jetant un coup d'œil dans le rétroviseur.
À sa réponse, mon visage a dû prendre un tic spectaculaire, parce qu'il a daigné me donner une explication plus... disons plus rassurante :
— Tu t'y connais en plaques minéralogiques ?
— Pas du tout.
— Bon. Ma voiture porte une plaque qui la rend intouchable.
Aussitôt, mon imagination s'est emballée : invisibilité ? Bouclier avec champ de force ?
— L'immatriculation de la voiture rend le véhicule et son conducteur intouchables, a précisé Nuka. J'ai faim.
Son ventre a émis un gargouillement terrible.
— Merci, j'avais compris, ai-je répondu sur le ton le plus détaché possible, c'est un peu comme les voitures gouvernementales, celles avec ''Corps Diplomatique'' dessus, Jin ?
Il y a eu un court instant de silence pendant lequel il m'a semblé que le temps s'est arrêté. Nuka a tourné la tête vers l'Asiatique. Celui-ci a mis un peu de temps avant de confirmer :
— Ouais, voilà.
— Ça veut dire que tu peux transporter de la drogue et des armes, personnes ne pourra t'arrêter ?
— Exactement. Perspicace.
Un grincement dans sa voix ne m'a pas plu. Et s'il faisait TOUJOURS partie de ce gang, là ? Pas que je n'y croie pas, mais il est quand même vieux. Il en faisait partie quand il était jeune, voilà tout.
Boyd a détourné la conversation (il est très fort pour tout ce qui est détournement). Il m'a lancé un petit sourire :
— Tu crois que les ministres français transportent du crack dans leur coffres de voiture ?
— Et les ministres américains, alors ?
Nous sommes arrivés à Orléans en un quart d'heure. Oubliez le jet supersonique, achetez une Maybach 62 avec un Chinois.
Et oui : nous n'avons pas fait un remake de Starsky & Hutch avec les forces de l'ordre.
Je pensais que nous allions prendre deux nems et trois chips à la crevette dans le petit resto chinois à cent mètres de Place d'Arc. Selon moi, c'était l'unique restaurant chinois de tout Orléans, pour la simple et bonne raison que c'était le seul que je connaissais. Il s'est juste avéré que Jin venait à Orléans plus souvent que moi.
Bref, il s'est garé dans une rue animée. Je ne savais pas non plus qu'il y avait un petit quartier chinois dans Orléans. Nous étions juste devant une enseigne où l'on pouvait voir un tigre se battant avec un dragon. Là, j'ai eu une frousse bleue. Quatre hommes en costume de karaté ont déboulé de la porte en dessous de l'enseigne et ont foncé droit sur la Maybach. Sachant que je m'étais monté la tête pendant tout le trajet avec d'abracadabrantes histoires de mafia thaïe, pas étonnant que ma réaction aie été quelque peu exubérante. J'ai hurlé :
— Jin ! Jin ! Qu'est-ce qu'on fait ?! Qu'est-ce qu'on fait ?!
Les quatre hommes en kimono se sont postés devant chaque portière et les ont ouvertes en simultané. Jin a haussé un sourcil :
— On sort et on va manger, il me semble.
Il n'a même pas dit merci au garçon qui lui a ouvert la porte.
Jin a adressé trois mots secs à son portier qui regardait ses chaussures. Le portier s'est incliné, est monté dans la Maybach et a démarré. Le vieux Chinois, sans plus parler, nous a offert de le précéder dans ce qui s'avéra être le restaurant.
Un restaurant. Brrrrref. Hem. Voilà. Je m'attendais à un gentil machin où la serveuse te fait des grands sourires et te dit le prix avec un accent tout à fait pittoresque.
Niveau pittoresque, ça a bien commencé : on était dans une sorte de brasserie aux couleurs rouges et noires. Une musique douce passait en boucle et une lumière tamisée baignait l'établissement. Je crois que presque toutes les tables étaient occupées. C'étaient en majorité des hommes. Les rares femmes clientes me semblaient être les épouses des hommes qui discutaient. Il n'y avait pas un seul européen. J'ai repéré quatre serveuses, toutes vêtues d'une espèce de kimono très moulant. Leur vêtement était raccourci, mais je pense que c'était parce qu'il faisait très chaud, et parce que c'est plus pratique pour servir. Leur maquillage me faisait penser à celui des geisha. Les murs étaient couverts d'armes, du simple shuriken au sabre à deux mains ouvragé, ainsi que de calligraphies. On pouvait remarquer, près du bar, un immense aquarium dans lequel évoluaient différents poissons aux couleurs bariolées. Un jardin zen miniature trônait au beau milieu de la pièce.
Et mettons que ce n'est pas l'endroit où ma mère aurait aimé me trouver.
Nous sommes entrés dans l'ordre suivant : Boyd, moi, Nuka. Tous les clients, le patron y compris, ont fait une drôle de tête en nous voyant arriver. Il y a eu un silence oppressant. J'ignore si mes deux Oncles ont ressenti la même chose que moi, mais je crois que nous avons été analysés comme de parfaits gêneurs. Des touristes qui se permettent d'entrer dans des endroits où ils ne sont pas censés entrer, quoi. Le patron a froncé les sourcils – d'ailleurs, il m'a rappelé Jin – et a ouvert la bouche. Il n'allait sans doute pas dire quelque chose de gentil. Trois nouveaux hommes en kimono noir sont apparus comme par enchantement. Avec Nuka et Boyd, j'ai fait un pas en arrière. Ça a senti trrrès mauvais quelques instants durant. Mais que faisait Jin ?! Ce dernier a finalement pénétré dans le restaurant.
Là, il s'est passé quelque chose de bizarre, je ne sais pas si vous l'avez expérimenté avant. Le silence s'est approfondi. Pour vous donner une légère idée : un prof apostrophe un élève parce qu'il a commis un impair, la classe se tait. Ça, c'est le silence. Et là, paf, l'élève en question se permet de répondre à l'enseignant. De là, on obtient le silence approfondi.
Le silence, donc, s'est approfondi. Le gérant de l'établissement a fait un signe et les espèces de karatékas se sont volatilisés. Jin s'est approché du comptoir et a salué le patron en Chinois2. Les serveuses ont repris leur ballet silencieux entre les tables, et les clients ont continué leurs discussions. Je vais vous faire une confidence : ces brutaux changements d'ambiance étaient malsains. Jin, d'un pas vif qui ne lui était pas habituel, s'est dirigé vers une porte écarlate sur laquelle étaient gravés le dragon et le tigre. Le gérant s'est incliné devant nous en nous invitant à le suivre :
— Si vous voulez bien vous donner la peine...
*
1 - L'auteur n'est en aucun cas responsable des clichés employés par ses personnages. NdA
2 - Enfin je crois ; c'était pas de l'Espagnol, en tout cas
*
Voilà (enfin !) la suite !
J'avoue que je prends du retard, comme personne ne commente ^^"
J'ai une bonne idée pour Guess 4, au fait !
N'hésitez pas à liker la page Facebook de L'Escorte pour plus d'informations, et aussi de partager cette fic autour de vous !!!
Bon week-end,
Sea
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