Connexion #17
Rien ne s'est déroulé comme je l'avais souhaité. J'ai eu un très gros problème. Tout d'abord, j'ai dû cesser d'écrire parce que Jin venait de s'écrouler sur le fauteuil. De sommeil ? Mon œil, Jin est un « farouche guerrier Chinois », comme dit Sawyer, jamais il ne s'endormirait devant un étranger, qui plus est une fille. Qui double plus est : moi. Et vu la grimace qui déformait ses traits, je n'avais aucun doute : sa blessure n'était évidemment pas anodine. Et combinée avec plusieurs doses d'alcool... Bref. Jin ou pas Jin, j'ai explosé :
- Là ! J'en étais sûre ! Qu'est-ce que je fais, maintenant, hein ?! Qu'est-ce que je fais ? Je me fiche de tes histoires, là... là... j'appelle le SAMU !
- Non ! a péniblement éructé l'Asiatique. Non !
Il a posé l'index à l'emplacement de sa marque. Le tatouage.
- Quoi ? Mais quoi, le P ?! ai-je râlé en sentant mon cœur faire des bonds douloureux dans ma poitrine. Tu fais...
Jin a relevé la tête et m'a assassinée du regard. J'ai ravalé le dernier mot, qui aurait très bien pu être le tout dernier, à la réflexion et ai secoué la tête :
- Jin, je suis désolée, mais tu peux mourir, tu es vi... tu as un certain âge, tu as bu de l'alcool fort et tu as perdu du sang. Tu risques de mourir si...
- Ove...
Le Chinois a toussé violemment, deux fois. Il a gémit et s'est contraint à ne plus tousser en se cramponnant aux accoudoirs du fauteuil. De la bave sanglante a coulé sur son menton. J'ai eu une réaction hyper mature.
- J'ai fondu en larmes.
C'est à cet instant que Jin m'a abattu la main sur l'épaule. Je dis « abattu », parce que vous avez toujours l'impression que l'Asiatique veut vous luxer une articulation quand il vous attrape.
- Gamine, a-t-il grincé. Ove est dehors. Il voulait te parler ce soir.
- Et c'est censé me rassurer ?! ai-je glapi.
- Gamine ! Va le chercher. Il est... comme moi.
À nouveau, il a posé le majeur sur l'emplacement de son tatouage. Une quinte de toux contre laquelle il ne pouvait pas lutter l'a repris et il a postillonné du sang. Je n'ai pas cherché à comprendre, même s'il aurait tout de même été plus simple que je contacte le SAMU. Plus simple pour tout le monde et moins dangereux pour moi.
Je suis sortie de la maison. Il n'y avait personne dans la petite cour, alors j'ai tenté d'aller voir dans la rue. Mon quartier est à peine éclairé et c'est déjà assez flippant d'y marcher en temps normal, de nuit. Mais alors quand un Viking furieux et cinglé veut votre mort traîne dans le coin... Ove n'a vraiment pas mis longtemps à se manifester : j'ai fermé le portail et ai aussitôt senti une main se poser sur ma bouche et une torsion au niveau du bras droit. J'aurais aimé avoir le cran de le mordre et de lui jeter un cinglant « Tu ne peux pas dire bonjour, comme tout le monde », mais entre la menace Aryenne et le Chinois moribond, ma répartie et mon courage déjà limités étaient au point zéro. Ove m'a sifflé :
- Tiens-toi tranquille, toi et moi, faut qu'on discute... Et soit dit en passant, j'te croyais pas aussi débile.
Moi non plus, à vrai dire. Le pire, c'est que je ne pouvais pas lui expliquer la situation : il m'empêchait de parler. En plus de m'être mise dans la mouise jusqu'au cou, j'avais laissé un blessé grave dans le salon. Pour peu que mes parents rentrent et que Jin soit tombé dans le coma, je ne vous raconte pas l'affaire :
1 : la fille disparue sans laisser de trace
2 : un mec inconnu dans le canapé
3 : qui sent l'alcool à plein nez
4 : qui pisse le sang
5 : dans le coma
Même Pedro Almodovar n'aurait pas pensé à ce genre de scénario !
Dans un effort surhumain, j'ai essayé de me dégager, mais mon agresseur en a profité pour renforcer la clef de bras. Là, Jin(1) a eu une chance folle : la main d'Ove a glissé alors qu'il tentait de me maintenir. J'ai eu le temps de placer un :
- Jin va mourir !
... avant que les doigts du Scandinave ne reviennent enserrer ma mâchoire comme un étau. Il a quand même dû entendre ce que j'ai dit puisqu'il m'a permis de répondre à cette question :
- Qu'est-ce que tu viens de dire ?! Fais gaffe, si tu te mets à gueuler, je te tabasse jusqu'à c'que tes potes te surnomment « Bogdanovna ».
- Jin est dans la salle à manger. Il est blessé, il a besoin de soins urgents ! ai-je rétorqué sans respirer.
- Jävla !
Sans plus se préoccuper de ma petite personne, le grand Nordique s'est rué dans la maison. Là, j'ai joué comme une pro. Un peu comme lorsque j'étais rentrée une heure plus tôt. Au lieu de fuir et de rejoindre la maison de ma meilleure amie, deux cent mètres plus loin, j'ai emboîté le pas à Ove. Peut-être que je me sentais un brin responsable. Le Viking était déjà au chevet de Jin, furieux :
- C'est toi la conne qui lui a servi ça ?! a-t-il craché en manquant m'éborgner lorsqu'il a tendu le verre à scotch.
- Il me l'a demandé, tu... tu le connais...
- S'il crève tu seras responsable, tu m'entends, p'tite... p'tite idiote ? Responsable !
J'ai répondu en rougissant et en baissant le nez, parce qu'il n'avait pas tort. Je ne savais pas ce qu'il y avait de pire : me dire que j'étais effectivement responsable – et à quel point, je ne saurais pas le dire, surtout après la filature d'Orléans – ou entendre une sorte de réjouissance dans la voix du Scandinave. Mais je ne pouvais que répondre en un murmure :
- Oui, Ove.
- Oh, et puis vire ta gueule d'ici ! Monte dans ta chambre, t'as déjà assez fait de conneries comme ça ! Vire, j'te dis !
J'ai obtempéré, bien à contrecœur. Je suis retournée dans la cuisine. Passées dix petites minutes, j'ai perçu le claquement de la porte d'entrée. Je m'y suis précipitée pour tourner le verrou, priant pour que mes parents reviennent plus tôt que prévu et puis je suis allée me coucher. Ça ne veut surtout pas dire que j'ai dormi paisiblement, loin de là.
*
(1) Et moi. Jin et moi. NdN.
*
Alors ? Est-ce que ça vous a plu ?
N'hésitez pas à laisser votre avis, hmm ? Ne soyez pas si timides !
Et pour votre gouverne, mon micro-onde a explosé ce soir. Avec de la fumée, du feu et tout. Joie et bonheur sur ma maison.
Pour la scène suivante, attention pour les anciens lecteurs : c'est de l'inédit donc pas de spoilers ! ^^
Merci de suivre ! ;-)
Sea
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