It could be love (2)
Dans les trois jours qui ont suivi – on est la veille de mon entraînement et j'ai dû couper mon récit de temps en temps – j'ai pu être l'heureuse observatrice de la cohabitation parents/Oncles. Mon père s'entend cordialement avec eux, quoiqu'il ait l'air de se méfier de Raven. Il m'a l'air de beaucoup apprécier Jo. Ma mère est plus distante. Parfois, elle les regarde en plissant les paupières, longuement, l'air pensif. Elle a du mal avec Ove, mais aussi et surtout avec Sawyer. Ah, et Saburo fait son lèche-bottes.
Pour ce qui est des Oncles, ils se reposent. Je dors bel et bien avec Ove le soir, mais vu qu'il se comporte comme d'habitude, je n'ai pas de mal à être moi-même. Jo et Sawyer sont obligés de nous engueuler quinze fois par nuit pour qu'on arrête de se disputer. Sawyer a dû oublier l'idée du fil de Louis XVI : Ove a déclaré qu'il se barrait s'il devait porter ça. Ça a failli dégénérer lorsque Jin a fait remarquer qu'une tradition de son pays était de relier de futurs mariés par un filin rouge. Raven a laissé échapper un soupir ravi à cette anecdote. Merci Raven pour le soutien.
En parlant de Jin, il continue ses petites manigances minables ! Je vous explique. Vu qu'il fait chaud, j'ai repris l'habitude de me mettre en short et débardeur, et j'ai effectivement beaucoup de cicatrices et de blessures pas encore guéries sur le corps – notamment la vilaine, sur le bras, qui est toujours bandée, ordre de Nuka. J'ai surpris le vieux Chinois en me réveillant, un après-midi, assis sur une chaise près de mon lit, alors que je faisais la sieste dans ma chambre. Précisons que j'étais en sous-vêtements.
— Que... Jin ! Tu m'as fait peur !
— Je ne voulais pas.
Gros silence. J'ai discrètement ramené un drap sur moi, gênée.
— Euh... Jin... Tu veux quelque chose ?
Il m'a désignée du doigt :
— Ça te fait beaucoup souffrir ?
— Hmm ? Oh, les blessures ? Non, plus trop. Je ne prends même plus de doliprane.
— Et la blessure par balle ?
Qu'il s'intéresse à mon état de santé m'a inquiétée plus qu'autre chose. Pas son genre.
— Nuka insiste pour que je garde un bandage propre dessus, je la rouvre tout le temps, sans faire attention.
Il a laissé filer un silence, et puis j'ai senti l'homme s'écrouler psychologiquement :
— Mei me manque.
Il avait dit ça sans l'ombre d'un sanglot, sans trembler, sans même contracter les muscles de ses mains, et pourtant je savais qu'il était dévasté.
C'est drôle, ça, d'ailleurs : vous l'auriez deviné, vous, il y a un an, que Jin et moi finirions par être aussi proches ? Bon en même temps j'étais loin de me douter de tout le délire qui approchait, à l'époque...
— Jin, ça va aller...
— Je sais. Ça finit toujours par « aller », a-t-il fait en mettant ses doigts en guillemets. Immanquablement...
— Si tu crois que je suis respon...
— Non, non, gamine, je ne t'accuse pas. Je ne suis pas Sawyer, ni Jonah. Je n'estime pas tous les sacrifices que tu fais pour nous comme des dus. Nous sommes des ordures à la base. Et nous ne faisons qu'empirer en acceptant de te voir te débattre à notre place.
J'ai ri nerveusement :
— Arrête, Jin, tu sais très bien que vous êtes mes... Enfin... je veux dire... même si vous vous en fichez, je vous considère comme des amis. Vous êtes importants, pour moi, et pas seulement à cause du fait que vous me protégez !
— Moi, tu crois que je suis ton ami ? a grincé le vieux Chinois.
— Non, non, non, non, non, me suis-je précipitamment reprise. Pas dans ce sens-là ! Je voulais dire que moi, j'étais votre amie. Votre alliée, si tu préfères.
— Tu es folle, tu ne sais pas qui nous sommes.
— Okay, vous êtes de vieux salopards qui acceptent sans se rebeller de materner une petite idiote en espérant qu'il se passe un jour quelque chose. Je trouve que vous êtes au-dessus de la moyenne morale mondiale, à l'heure actuelle.
Jin a fait un petit son avec sa gorge – un rire ? Des recherches sont en cours – et a grogné :
— Tu retourneras voir Mei, quand tout ça sera fini ?
J'ai ressenti un pincement au cœur :
— Promis, Yeye.
Il m'a foudroyée du regard mais n'a rien dit. Il a juste fini par me narguer d'un :
— Ove déteint vraiment sur toi, gamine. Rien à ajouter à la petite conversation que nous avions eue à son sujet ?
J'ai bondi, sentant mes joues s'embraser violemment :
— Quoi ?! Où ?! Comment ça ?! Jamais nous n'avons...
Il a pincé les lèvres, satisfait, et s'est remis sur pied :
— Ne te tourmente pas, je ne dirai rien à Jonah.
— Que... quoi Jonah ?! Comment ça, « Jonah » ?
Il est sorti de la chambre. Je me suis drapée dans la couverture et j'ai ouvert en grand la porte qui se refermait lentement sur lui pour lui hurler :
— Il ne s'est jamais rien passé entre ce sale blond et moi ! Et je préfère mourir plutôt que... Oh...
Bien sûr, Ove se trouvait derrière la porte. Et Jin s'était volatilisé, sinon ça ne serait pas drôle. J'ai rougi de plus belle, gênée. Le Scandinave a haussé un sourcil, mais n'a ni souri ni fait de commentaire douteux. Juste un :
— C'est moi, le « sale blond » ? C'est comme ça qu'tu parles de moi dans mon dos ?
J'ai conscience d'être restée silencieuse un long moment, tentant de retrouver mes moyens. Je savais que mes paroles l'avaient blessé, vu son regard. Un peu le même regard que lorsque je l'avais traité de tous les noms à cause des magouilles de Oliver – et à cause de ma propre bêtise.
Je me suis demandé si je ne devais pas jouer la carte de l'humour, mais je me suis dit qu'il était trop fatigué – à cause de moi – pour plaisanter avec ses nerfs.
— Ove, je suis désolée, vraiment, je te demande pardon. Je... j'étais avec Jin, là, et il faisait des allusions douteuses concernant nos relations. Alors je voulais que les choses soient claires pour lui, tu le connais....Si j'avais juste dit « Tu te trompes, je ne suis pas amoureuse de Ove », il ne l'aurait pas cru. Enfin, tu comprends, c'est compliqué, il essaie toujours de former des couples, c'est une vraie commère, il n'arrête pas de me harceler pour savoir si je suis... si je t'...
Non. Non. NON. Ne bafouille pas à ce moment ! Surtout pas ! Et Ove qui me regardait toujours me dépêtrer dans mes excuses, sans rien dire...
— ...si j'ai des sentiments pour toi. Alors je...
— Et c'était une raison pour m'insulter comme ça dans mon dos.
J'ai paniqué. Complètement. Je me suis mise à parler de plus en plus fort.
— Ove ! Ça fait des années qu'on se connaît ! On s'est toujours détestés, non ?! Le « folklore Ove-p'tite conne » ! C'est vrai, avec tes... tes obligations, on se côtoie beaucoup plus et la situation est grave, donc on n'est plus à s'envoyer des piques et se battre à chaque seconde. Mais si je me mets à t'appeler « Ove » avec le sourire, tout le monde va croire que je... que j'ai des sentiments pour toi !
— Et alors ?
Mais qu'il m'énervait... J'étouffais à moitié :
— ET ALORS J'AI PAS LE DROIT !
Et là j'ai compris mon erreur. Je devais être rouge pivoine, mais on pouvait mettre ça sur le compte de la fureur. Je me suis rapidement rattrapée :
— Et en plus ça serait débile, parce que c'est faux.
— Okay.
Je l'ai regardé. Il était toujours silencieux. J'ai enfoncé le pouce et l'index dans les orbites, comme Jin le fait parfois.
— Oh, pitié, Ove, arrête, c'est insupportable.
— Moi c'est « la chieuse ».
— Hein ? ai-je hoqueté.
— Quand je daube sur toi dans ton dos parc'que tu m'énerves ou parce que Jo vient me tanner au sujet d'nos relations conjugales, j't'appelle « la chieuse ».
— Je... Tu l'as fait exprès ? Pourquoi tu as fait ça ?!
— Parce que j'adore te voir sortir de tes gonds, t'es méga sexy quand ça a... AOUCH !
Chassé-croisé : ma mère et Jonah, qui avaient été ameutés par mes hurlements, avaient rampé comme des sioux derrière le pauvre Scandinave. Ils se sont mis à lui crier dessus en même temps. Je lui ai fait un grand sourire, lui ai soufflé un baiser et me suis esquivée vers la salle de bains, tandis qu'il faisait face avec vigueur. De ce que ma mère, Ove et le géant vociféraient, je n'ai perçu que des bribes : « Trop jeune » ; « Vicieux » ; « Dégénéré » ; « Paranoïaques » ; « Nerfs » ; « Putain de ceinture de chasteté » et « Naïve ». Je profite de cet espace d'expression personnelle libre et privé pour remercier Jin. Tu ne l'emporteras pas au paradis, espèce de requin, même s'il est désormais avéré dans toute la maison que je ne suis pas amoureuse de Ove.
Ah, oui, autre chose drôle : mon père est un fana de bridge, il se réunit une fois par semaine pour y jouer avec des amis. Il a proposé à mes Oncles de l'accompagner pour quelques parties en soirée – ma mère déteste ça. Raven est très fort, bien sûr, et Saburo, pour s'intégrer, a admis qu'il connaissait les règles. Jin a forcé Ove à jouer, pour me venger, m'a-t-il semblé. Ça s'est soldé par une variante très épicée du flegmatique jeu de bridge. Tout le monde dans la salle à manger a bondi sur son fauteuil lorsque a retenti un puissant :
— ENCULÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ !
Suivi d'un :
— Hem hem. Veuillez me pardonner : je signifiais en des termes qui me sont propres que je m'é-cra-sais, très cher Raven.
Ove me fait vraiment beaucoup rire, parfois.
Je vous laisse. L'entraînement commence demain, et je n'aurais plus qu'une demi-heure de libre par jour. J'appréhende un peu, quoique je connaisse bien Sawyer...
Souhaitez-moi bonne chance !
*
Punaise, je devais poster hier mais j'ai été accueillie dès mon réveil par une FORMIDABLE migraine opthalmique (les vrais savent ^^) et ça m'a pris jusqu'au soir pour réussir à tolérer la lumière du jour (donc j'ai dû terminer les ajouts / corrections du tome 4 de Vampire Consultant jusqu'à 1 heures du mat...). Pour ceux qui souffrent de migraines : je vous rassure, j'en ai assez rarement en comparaison avec les personnes qui en souffrent plus régulièrement (quelle horreur), mais quand j'en ai une, ça rigole pas, surtout que les traitements de nouvelle génération me réussissent beaucoup moins que les plus anciens... J'arrive à manger aujourd'hui, donc bon, let's say it's a win! Mais je sens bien que mon corps est crevé donc j'essaie de ne pas m'user trop avant la reprise de la semaine ^^ !
En tout cas merci pour votre lecture !
Sea
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