Interlogue : By the pool
Ove plongeait dans la piscine pour la cinquième fois en dix minutes. Peu après la réalisation de la petite « surprise » que Jin, Boyd et lui avaient pris un plaisir infini à préparer – aller à l'encontre de l'autorité de Sawyer restait un grand privilège dans l'esprit de ces trois-là –, le Scandinave n'avait pas tardé à remuer dans le lit, se lever aller fouiller dans la commode pour en tirer un bermuda et une serviette éponge propre. Un « Tt-tt-tt » était monté du lit où Sawyer dormait mais Ove avait juste levé les yeux au ciel.
Et depuis une dizaine de minutes, le jeune homme nageait deux longueurs à fond de train, sortait d'un bond du bassin, sautait au-dessus du muret de pierre à pieds joints et réalisait une trentaine de pompes avant de reprendre cette série à une vitesse endiablée. Il semblait dans un état de concentration intense et ce fut la raison pour laquelle il glissa et tomba en arrière, les yeux écarquillés par la surprise, lorsqu'au sortir de la piscine il tomba nez à nez avec Boyd. Ce dernier était en pantalon de pyjama et avait l'air perdu.
— Dude, tu m'as pas entendu ? Désolé je t'appelais mais tu devais avoir la tête sous l'eau.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? grogna le Suédois en saisissant la main tendue de l'Américain. Excuse-moi, ma vieille, désolé, je voulais pas mal te parler. Je voulais juste me vider la tête.
— Mais ça s'est mal passé avec Tina ? Elle a pas aimé le message ?
Boyd avait l'air d'un petit garçon que l'on prive d'un voyage dans son parc d'attraction favori.
— Non, t'inquiète, je pense qu'elle a adoré. J'l'entendais même sourire.
— Saw n'a rien dit ?
— Non. Je l'ai réveillé en venant ici.
— Alors pourquoi t'es venu ici.
— Pour me changer les idées, j't'ai dit.
— De quoi ? Tu es pas content d'avoir fait plaisir à Tina ? Tu étais le premier à vouloir le faire !
— C'est pas ça, mec. Tu comprends pas.
— Ben tu me dis, comme ça je comprends. C'est à cause de Sawyer ? Tu trouves l'entraînement trop dur.
— Non, c'est... 'fin si, ça aussi, mais...
— Mais quoi ?
Ove piaffa un moment, se balançant d'une jambe sur l'autre avant de croiser les bras et de baisser la tête vers les dalles humides. Il se passa la main dans les cheveux, les coiffants en arrière, et se mordit les lèvres :
— Écoute, c'est pas bien grave.
— Pourtant ça a l'air de plus en plus grave, là, dude.
— C'est moi qui suis con, Boyd.
— Et moi je suis ton ami, Ove.
Cette simple phrase sembla décider le Scandinave à s'expliquer.
— Voilà : tu promets de... ? C'est...
— Vas-y.
Ove s'assit sur la margelle et son ami roula son pyjama jusqu'aux cuisses pour pouvoir tremper ses mollets.
— Bon, écoute : je sais pas pourquoi j'ai fait ça, mais quand j'ai mis l'écouteur à Tina, j'ai... j'ai gardé... ben... j'ai gardé la main sur elle, voilà. Tu vois, c'est rien, c'est...
— Tu as gardé la main sur elle, c'est-à-dire ? interrogea aussitôt l'Américain sur un ton suspicieux, ses yeux se rétrécissant. Sur son épaule, quoi. Pour pas qu'elle bouge, hein ? Pour pas réveiller Sawyer ?
— Non, pas tout à fait. Plutôt dans... euh... plutôt dans son cou, quoi.
— Tu crois qu'elle s'en est rendu compte ?
— Non, non. Elle ne s'est pas aperçue qu'un mec venait de poser la main sur elle.
— Et pourquoi tu nages dans la piscine, alors ?
— Parce que je... bon, écoute Boyd, je dois franchement te faire un dessin ?
— Je comprends pas, Ove, tu...
— Comment peut-on être aussi stupide !
La voix, sifflante et perclue de colère, était montée des chaises longues qui étaient installées sous l'abri, près du bar.
— Raven ! sursauta l'Américain. Tu étais là tout ce temps ?!
— Cet imbécile avait l'esprit tellement ailleurs qu'il ne m'a même pas remarqué, c'est te dire.
La silhouette fine du Russe sortit lentement de la pénombre. Éclairé en contre-plongée par les LED du bassin, son visage semblait étrangement fermé. Boyd se leva, les yeux écarquillés :
— Tu as mal quelque part, Raven ? Tu n'as pas l'air bien.
— Rapp, est-ce que je peux savoir ce qui te donne le droit...
— Hep, hep, hep, Daredevil, j'me permets pas d'familiarités avec toi, alors t'en fais de même.
Ove était resté assis à la margelle et il n'avait pas du tout apprécié le ton et l'air menaçant que Raven avait pris.
— Tu as bu quelque chose, Raven ? s'enquit l'Américain en voulant toucher le bras du Slave.
Ce dernier se dégagea et esquissa même l'ombre d'un mouvement pour repousser le jeune blond. Un air stupéfait se peignit sur les traits de Boyd et ses yeux bleus devinrent humides.
— Mais, je...
— Oh, épargne-moi tes jérémiades. C'est entre lui et moi.
— Mais qu'est-ce qu'il a fait ?
— Il sait très bien ce qu'il a fait !
— Ove, qu'est-ce que tu as fait ?!
— J'ai rien fait ! Je suis là justement parce que j'ai rien fait, pour une fois, et j'ai déjà dit cinquante mille fois que j'avais l'intention de rien faire !
— Tu me dégoûtes, chargea à nouveau Raven en avançant encore vers le Suédois. Quand je pense que nous te faisons confiance...
— Mais Raven, Ove n'a rien fait de mal !
— Bien sûr que si !
— Quoi, alors ? What... qu'est-ce qu'il a fait ?!
— Orlov m'en veut parce que je suis venu me refroidir la tête.
— ... te refroidir la tête parce qu'elle était pleine d'obscénités !
— Justement ! Plus t'en parles, plus j'y pense !
Devant un jury, Ove aurait sans aucun doute plaidé coupable d'incitation au meurtre. Il l'avait fait exprès, certes, mais ne s'attendait sans doute pas à une réaction pareille : Raven leva le poing et frappa le Scandinave en plein dans la mâchoire, faisant basculer celui-ci dans la piscine. Boyd lâcha un jappement de surprise, fit un geste pour aider le Suédois à sortir de l'eau mais à nouveau le Russe lança un coup – de pied, cette fois – en direction de Ove, l'atteignant au front. Le Viking décida de plonger au fond du bassin, laissant une traînée sombre sur son sillage, prit appui sur le lino et jaillit comme un bouchon de champagne, bras en avant. Il put saisir Raven par les genoux et l'entraîna avec lui, jurant comme un charretier.
—Boyd ! Boyd, mais qu'est-ce qu'ils font ?! Qu'est-ce qui leur prend ?!
—Pretty Young Thing! Tu ne devrais pas être debout mais je suis très content de te voir !
— Mais ils vont se tuer !
Tina était arrivée en courant, pantalon de pyjama à l'envers, ses cheveux à la garçonne en pétard. Elle s'était levée en constatant que la chaleur sur sa marque ne se calmait pas et en réalisant que Ove ne se décidait pas à faire demi-tour. De loin, illuminés par les LED de la piscine, elle avait repéré les trois Proscrits et avait sprinté quand elle avait compris que les choses allaient tourner au vinaigre. L'eau fraîche n'avait pas refroidi les ardeurs belliqueuses des deux hommes : un peu de sang rouge les suivait dans leurs mouvements.
— Merde ! On se dépêche, si Sawyer me chope ici, il m'exécute ! Tu prends Raven, je prends Ove.
— Tu veux pas l'inverse, plutôt ? Raven me fait peur, tu sais...
— Ne fais pas ta chochotte !
En quelques minutes, les deux combattants étaient chacun à une extrémité du bassin.
— Ove, sérieusement ?!
— J'suis désolé. J'ai déconné.
Tina surveillait Raven du coin de l'œil : assis sur la margelle, il se faisait examiner bon gré mal gré par l'Américain. Le visage de Ove était déjà déformé : un hématome lui fermait l'œil gauche. La Française secoua la tête et, les lèvres pincées, palpa les bosses du Suédois.
— Aïe !
— Ne bouge pas, tu es blessé.
— J'ai dit que j'étais désolé, t'es pas obligée d'me faire mal...
— Tu fais l'imbécile, Ove. Je sais que c'est lui qui t'a attaqué, tu n'as fait que te défendre.
Le Viking haussa les épaules mais il ne put s'empêcher de sourire :
— Eh ben, ça change des jours où je me prenais une droite parce que Oliver te montait la tête contre moi...
Anthinéa rougit jusqu'aux oreilles et figea ses gestes.
— Tu sais très bien que je m'en veux encore, Ove. Et n'en rajoute pas, tu n'étais pas tout blanc dans ton comportement à l'époque.
La Française s'accroupit pour tremper le bas de son t-shirt dans l'eau encore agitée de la piscine.
— Penche-toi vers moi, je vais essayer d'arranger ça.
— Mais r'tire pas ton pyjama, t'a pas d'soutif !
— Je ne le retire pas, crétin ! C'est pour ça que je te dis de te pencher vers moi ! Ferme les yeux si tu n'es pas content !
— Tu serais presque mignonne si t'étais pas si chiante...
— De rien. Bon, est-ce que tu sais pourquoi Raven t'a attaqué ?
— Il est fatigué, laisse. Je l'ai provo...
— S'il a fait une bêtise, il peut assumer. Tu n'es pas obligé d'assumer les conneries de tout le monde, que ça soit les miennes ou les siennes.
Un sourire traversa les traits du Scandinave qui grimaça aussitôt sous la douleur que cette contraction engendrait. Un regard lancé par-dessus la tête de la jeune fille sembla contrarier le Proscrit :
— Et merde...
Tina fit volte-face juste à temps pour voir Raven s'effondrer en sanglots dans les bras de Boyd. Ce dernier eut une seconde de latence, les bras raides, avant de consoler avec maladresse le Russe.
— Faut qu'on y aille, je vais m'excuser.
— Ce n'est pas la peine de t'excuser si tu n'as rien fait de mal, Ove.
Mais arrivés à quelques pas du jeune brun, ce dernier fonça dans les bras de Ove en pleurant comme un enfant.
— Je te demande pardon !
Ce qui se traduisit par un borborygme plus proche d'un « Jtedmandepdon ! » mais le Suédois fut assez grand seigneur pour accepter tout de même les excuses.
— Câlin commun ! lança Boyd en attrapant Tina au passage.
*
Jonah se tourna sur lui-même plusieurs fois avant de réaliser qu'il avait été réveillé par un bruit qui venait de la salle de bains. Il eut un sursaut mais la voix de Sawyer, rendue caverneuse par la fatigue, tomba de la couchette supérieure :
— Rendors-toi, ces macaques viennent de rentrer de la piscine.
— Ne me dis pas que la gosse est avec eux ?! Je...
— Laisse... elle est allée régler leurs concours de testostérone ou que sais-je. Ils sont en train de soigner Ove et Raven.
— Raven ?
— Raven a voulu se battre avec Ove.
Jonah posa un avant-bras sur son visage et soupira profondément :
— Ils vont finir par me tuer.
— Si seulement c'était aussi simple, grinça l'Irlandais en lâchant un petit rire.
Bosede gloussa également et secoua la tête :
— Tu ne vas pas aller ramener la petite au lit par la peau du dos ?
— Hmm... non. Elle a beaucoup attendu avant d'aller voir ce qu'il se trâmait. Et si j'ai bien tout saisi, elle a très bien géré la situation. Pour une fois.
— Tu es dûr.
— Non, c'est un compliment.
— Jin s'est levé. Écoute-le, je crois qu'il va essayer de voir s'il y a quelque chose d'intéressant.
— De croustillant, tu veux dire ?
— J'oubliais qu'il t'a converti aux Real Housewives de Beverly Hills, soupira Jonah.
— Tu devrais t'y mettre. Ça détend.
— Tu devrais avoir honte.
— Ah, en parlant de cancans, Jin vient d'envoyer une photo sur le groupe Messenger. Haha !
— Fais voir ? réclama Jo en tendant le bras vers la couchette supérieure.
— Non, tu vas t'énerver.
— Je vais allumer mon téléphone, ça reviendra au même.
— Bon, d'accord, mais tu ne t'énerves pas, Bosede ?
— Oui, oui...
Jonah attrapa le smartphone et l'écran éclaira son expression scandalisée, faisant pouffer Sawyer. C'était une paparazzade dont seul Jin avait le secret, présentant Ove en bermuda, assis contre la margelle de la baignoire, et Tina vêtue seulement de panties et d'un t-shirt détrempé et tâché.
— Jo, tu as promis.
— Vous êtes tous aussi stupides les uns que les autres, se renfrogna le Yoruba.
Quelques minutes plus tard, les deux hommes simulaient un sommeil tout à fait crédible – Saw émit un léger ronflement pour paraître plus sincère – lorsque Ove et Tina retournèrent dans leurs pénates à quelques minutes d'intervalles.
*
Bon sang, j'avais adoré écrire cet interlogue (il ne faisait pas partie de l'édition originale, qui ne contenait pas les interlogues), même si j'ai dû faire gaffe à certains passages, comme la série L'Escorte (contrairement à Get Away !) est PG-13....... Mais j'avoue que je pense qu'un POV-Ove était quasi obligé, même dans cette série, ça le rend plus vivant.
N'hésitez pas à laisser un commentaire / une étoile si ça vous plaît !
Merci !
Sea
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