Human
— Tina, nous devons parler.
— Maman, si c'est Papa qui t'envoie pour savoir...
— Non, mais ça concerne bien Ove.
Oh-vé. Elle avait prononcé son nom Oh-vé. Ça m'a fait drôle, parce que je l'avais déjà entendu dire « Ô-veuh », mais je ne l'ai pas reprise.
— Mais je ne suis pas amoureu...
— Ce n'est pas la question, Tina, m'a reprise ma mère. Ou plutôt ça pourrait l'être, mais pas tout de suite.
J'ai levé un sourcil, intriguée par ce discours. Ma mère et sa formation lettres anciennes... Parfois elle parle comme une Pythie.
— Ove est malheureux, m'a-t-elle déclaré.
— Oui, j'ai remarqué. Il est stressé parce que...
— Non. Je n'ai pas dit « stressé. J'ai dit « malheureux ». Il porte un fardeau trop lourd pour lui. Je ne sais pas encore si tu l'aimes, cariño, mais tu dois comprendre une chose : même si cela n'excuse pas son attitude parfois immature envers toi ou envers certains d'entre nous, il souffre et il s'en cache. Ton père et moi en avons discuté : nous avons essayé de comparer les différentes attitudes de ces hommes envers toi.
Là, j'ai commencé à me sentir mal à l'aise. Mais ma mère, même si elle devait sentir ce malaise grandissant, a continué sans s'en émouvoir :
— Saburo est un peu réservé, mis à l'écart, mais je ne crois pas qu'il te veuille du mal. Les autres te protègent et t'aiment, chacun à leur échelle et à leur manière – même s'il est indéniable que Sawyer a été très rude avec toi ces derniers temps. Ton père t'a expliqué que Sawyer souffrait de t'entraîner et c'est la vérité, mais il faut que tu saches...
Elle a levé la main pour m'interrompre : j'allais intervenir au sujet de Sawyer.
— Mais il faut que tu saches, Tina, que Ove – bien que je n'apprécie nullement son attitude générale – tient à toi comme à la prunelle de ses yeux.
— Ça, c'est une impression. Tu dis ça parce que c'est le seul Proscrit qui ait toujours le pouvoir de me pro...
— Non. Non, ma chérie.
Ma mère fronçait les sourcils et plissait les lèvres. La compbinaison des deux n'est jamais bon signe.
— Anthinéa, écoute-moi. Ove a souffert pendant ton entraînement. Il a souffert nerveusement. Physiquement. Plus encore lorsque Sawyer t'a... t'a... frappée de façon si violente.
Ma mère a perdu ses couleurs. Être le témoin impuissant des exactions de l'Irlandais, le voir me passer à tabac sans que personne ne puisse intervenir l'avait ébranlée. Ce qui est tout à fait compréhensible (1).
— Quels que soient les sentiments que tu éprouves pour lui, et quelles que soient les barrières qui se dressent entre vous, je crois au moins savoir que tu as de l'amitié pour ce garçon.
J'ai rougi. Bon. De l'amitié. Je pouvais au moins admettre de l'amitié.
— Oui, maman.
— Après tout ce qu'il a sacrifié pour t'aider et te sauver, tu dois au moins essayer de surmonter sa mauvaise humeur et de briser sa coquille pour l'aider. Je sais que ce n'est pas facile, crois-moi, mais ne te laisse pas repousser trop facilement. Insiste un peu. Il va t'envoyer sur les roses à tous les coups, mais il fait ça uniquement pour te protéger.
— Mais il ne veut pas qu'on l'aide.
— Anthinéa Aveterco.
J'ai grogné :
— Quoi...
— Il s'effondre tous les soirs dans votre chambre, depuis le début de ton entraînement. J'en ai parlé avec son ami Boyd et personne d'autre n'est au courant, mais il fond en larmes lorsqu'il se retrouve seul.
Malgré le choc de cette révélation – Ove en dépression nerveuse ? Oui, oui, bien sûr... –, je n'ai pu m'empêcher de soupirer :
— Je n'y peux pas grand...
— Ah ! Mais ce n'est pas possible ! s'est exclamé ma mère. Mais il n'y en a pas un pour rattraper l'autre ! Hâte-toi d'aller le consoler ! Il est tout seul dans votre chambre ! Allez, allez ! Bon sang de bonsoir !
En soupirant, j'ai dû me rendre jusque devant la porte de la chambre. J'ai hésité avant de frapper. Ma mère était retournée au salon, et personne n'en aurait jamais rien su si j'avais fait demi-tour à cet instant précis. Seulement, après tout ce que j'avais vécu, j'aurais eu honte de partir la queue entre les jambes.
Je suis entrée. Pour ceux que ça intéresse, je suis entrée sans frapper. Ove était assis sur le lit double, dans la pénombre. Sa voix, agressive, est montée jusqu'à moi :
— Boyd, écoute, j'vais pas être correct c'coup-ci ! Casse-toi, j't'ai d'jà dit que...
— Ce... ce n'est pas Boyd... C'est moi.
— Et tu crois qu'j'ai plus envie d'te voir que Boyd ?
Sa voix était caustique, pleine de colère. Il me faisait peur lorsqu'il était comme ça, et même si désormais je me sentais de taille à lutter contre lui, j'ai à nouveau failli tourner les talons. Cependant, j'ai fermé la porte derrière moi.
— J'ai dit « casse-toi » ! C'est pas assez clair ?!
Malgré l'obscurité, j'ai vu ses yeux luire. Croyez-moi, à ce moment précis, Ove faisait peur. Je me suis souvenue de la terreur qu'il m'inspirait avant que quelques événements ne finissent par nous rapprocher. Malgré tout, j'ai avancé, jusqu'à pouvoir m'asseoir près de lui.
— Tu cherches vraiment la...
— Ove, j'aimerais pouvoir faire quelque chose pour toi.
C'était bête comme phrase, mais ça a tout désamorcé. Le Scandinave a détourné le regard et s'est courbé, enfonçant les coudes sur ses cuisses. Il a posé son visage entre ses mains.
— Tu devrais pas être là... a-t-il murmuré. Va-t-en...
Ne sachant trop que faire, j'ai fini par entourer ses épaules d'un bras. Ça a rouvert quelques plaies, mais l'état du Viking était trop alarmant à mes yeux pour que je puisse m'en plaindre.
— Non, va-t-en... a-t-il répété sans faire un geste pour se dégager. Tu...
J'aurais préféré ne pas entendre le lourd sanglot qui lui a coupé la parole. Il a inspiré profondément, comme pour se calmer, puis j'ai senti ses épaules soubresauter.
— Ove, je...
J'ai vu le Suédois secouer la tête. Il sanglotait en silence, mais l'espèce de désespoir qui émanait de lui m'a réellement prise à la gorge. Il ne pleurait pas comme lorsqu'il était parti rendre hommage à son frère, près de Stockholm. Ce n'était pas des larmes de soulagement, loin de là. Je me suis rapprochée de lui et a posé ma tête contre la sienne.
— Je peux faire quelque chose ? ai-je murmuré, affligée.
À nouveau, il a secoué la tête. Il n'arrivait même pas à parler, c'était vraiment terrible. D'une main j'ai commencé à lui caresser les cheveux, espérant le calmer.
— J'aimerais pouvoir t'aider... ai-je ajouté en sentant des larmes s'immiscer dans ma gorge.
Il a à nouveau secoué la tête, puis a reniflé et a chuchoté :
— T'y peux rien...
Je me suis suis mordu les lèvres pour ne pas craquer et, sans se redresser, Ove a enfoui son visage contre mon épaule et a passé ses bras autour de moi.
— Je veux juste... a-t-il dit.
Il a une fois de plus secoué la tête, sanglotant toujours.
— Serre-moi... Serre-moi fort...
La suite est toute simple : j'ai serré le Scandinave contre moi aussi fort que je le pouvais, et il a fini par se calmer. Lorsque j'ai compris qu'il allait cesser de pleurer, j'ai doucement déclaré :
— Ove, je sais que tu n'aimes pas ça, mais je te donne l'ordre de t'apaiser et de te coucher pour dormir cette nuit. Je te donne l'ordre de dormir sans te soucier de ce qui peut bien m'arriver.
— Espèce de...
Il a bien été forcé d'obéir. Quant à moi, j'ai rejoint les autres sur la pointe des pieds.
*
(1) Pour ma part j'avoue que l'entraînement m'a petit à petit infligé une désensibilisation émotionnelle, ce qui est un constat très désagréable, veuillez me croire, NdN.
*
Vous avez VU mes vidéos sur Insta ??? Elles déchirent tout non ?????
Merci pour votre lecture !
Et à très très vite <3
Sea
PS : n'hésitez pas à parler de mes séries à votre bibliothécaire :-D
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