Get ready

"In fact it was a little bit frightening

But they fought with expert timing"

Carl Douglas

JOURNAL N°9

Je ne vous raconte pas l'ambiance : après un demi tour du monde, un combat contre un démon en compagnie d'une bande de nonnes et juste après avoir tiré une conclusion dramatique en ce qui concernait la trahison de Sawyer, j'ai dû gérer la rencontre entre mes Oncles et mes parents. Alors que, dans ma tête, j'avais toujours le devoir de garder ces deux mondes à distance l'un de l'autre.

Au final, je me suis aperçue que mes gardes du corps s'étaient très bien intégrés au sein de mon noyau familial. Peut-être un peu trop, d'ailleurs – c'en était presque étrange, à dire vrai, quand j'ai débarqué en compagnie de Ove dans notre maison de vacances. On s'est rassemblés tous ensemble autour de la grande table du salon pour dîner, après les grandes effusions de joie des retrouvailles, débutant le repas par quelques plaisanteries et des commentaires sur mon année scolaire. Comme s'il n'y avait rien de plus urgent...

— Et elle a eu son Bac ! s'est exclamé mon père en sablant le champagne.

— Elle a aussi massacré un démon et quelques mafieux, a chuchoté Ove dans mon oreille, ce qui lui a valu un coup de coude de Jo.

— Mention « Très Bien » ! a souligné ce dernier.

— On a travaillé dur, a grogné Sawyer.

— Et vingt en maths, bravo, ma fille ! a souri ma mère.

— Merci beaucoup, a répondu Sawyer en me souriant d'un air moqueur.

— Qu'est-ce que ça signifie ? l'a aussitôt foudroyé l'intéressée.

— Renata, tout ce que je dis n'est pas forcément une agression personnelle ciselée... Tu es vraiment trop susceptible.

— Vous ne prenez pas de champagne pour célébrer la réussite de ma fille, Jonah ? s'est insurgé mon père.

— Guyem, je ne bois jamais d'alcool...

— Ah, oui ! Oh, je vous demande de m'excuser : j'oublie toujours. Alors, racontez-nous, nous n'avons rien eu le droit de savoir jusqu'ici ! Où étiez-vous tout ce temps ?

— J'ai le droit ? ai-je demandé à Sawyer, qui a hoché la tête en signe d'assentiment. Bon, en premier, suite à mon coup de fil, nous sommes allés à Stockholm, avec Ove. Saburo nous a... euh... rejoints là-bas : je ne le connaissais pas encore, on ne s'est rencontrés que récemment, en Suède, donc. Après être rentrés à Paris, nous nous sommes quasiment tous réunis chez Raven. Là, il y a eu un grave incendie et Raven et moi avons été enlevés par la mafia. Raven est parvenu à s'échapper mais moi non.

— Eh bien, bonjour le garde du corps, a persiflé ma mère.

— Pour être tout à fait exact, a sifflé le jeune Russe, votre fille m'a soumis à un chantage abject qui ne m'a laissé d'autre choix que de sortir seul du véhicule.

— Abject, abject... c'est vite dit !

— Dois-je te rappeler que tu as menacé de me tirer dans les fesses ?

— Ah, si, maintenant que tu le dis, ça me revient ! Bref : c'est dans la voiture des mafieux que...

— Ne dis pas son nom ! m'a soudain interrompue Sawyer en agitant la main, manquant renverser son verre d'eau.

— ... que monsieur... disons... monsieur Wu m'a tiré dans le bras.

Mes parents ont froncé les sourcils, tendus, mais j'ai cru déceler dans leur regard, à ce moment précis, comme un voile. Je ne sais pas. C'était étrange. Enfin, j'ai été la seule à le remarquer, je pense, et ça n'a pas duré longtemps.

— J'ai été droguée – il m'a injecté un produit, je ne sais pas quoi – et je me suis donc réveillée chez monsieur Wu. C'est là que j'ai été... vous savez...

Ma bouche est devenue sèche comme du papier et ma gorge s'est enrouée. J'ai poussé un gros soupir et j'ai tenté de reprendre, mais Sawyer m'a devancée.

— Torturée, a-t-il lâché.

Pour lui, mon récit devait plus tenir du rapport formel qu'autre chose. Mais à ce mot, « torturée » mes parents et quelques Oncles se sont brutalement crispés. Sous leurs regards furibonds, l'Irlandais a haussé les épaules.

— Ne tirez pas sur le messager, a-t-il soufflé.

— Oui. Appelons un chat un chat... a appuyé Nuka.

— Oui, voilà, j'ai été torturée. Pas très longtemps, hein ! Ne vous inquiétez pas.

— Si. Si, la puce, m'a coupée Jo. C'était très long pour une fillette non entraînée.

Ma mère a pris une grande inspiration, comme si elle s'apprêtait à agonir le géant de reproches pour une raison qui m'était inconnue, mais j'ai pris les devants. Ce n'était pas le moment de se disputer.

— Bon, peu importe. Après tout ça, je me suis évanouie et lorsque j'ai repris connaissance, j'étais dans une camionnette. J'en suis tombée volontairement mais je me trouvais en plein désert et en pleine nuit. Je me suis à nouveau évanouie et ensuite je me suis retrouvée mystérieusement à Las Vegas, avec des vieilles fringues qui n'étaient pas à moi, et un portable qui affichait un numéro : celui de Jin. La suite, vous la connaissez.

— À présent, m'a pratiquement coupée Sawyer, votre fille va devoir subir un entraînement intensif, vous le savez.

Mes parents ont hoché la tête d'une façon si grave que ça me paraissait presque cérémonieux. Sawyer avait dû leur servir un de ces mensonges gratinés sur le dessus et blindés à l'intérieur dont il a le secret : il avait dû préparer ce mensonge avec une finesse d'artiste.

— En conséquence, je souhaite qu'elle se repose pour les trois jours à venir et qu'elle bénéficie de tout le confort possible. Gamine, tes parents sont d'accord avec les termes du contrat. Il faut que tu saches de ton côté que l'entraînement auquel je vais devoir te soumettre est extrêmement rude, surtout pour une enfant de ton âge. Quoi que je dise, quoi que je fasse, ni tes parents, ni tes autres gardes du corps ne pourront ni ne devront agir contre moi. Entendu ?

— Entendu, ai-je acquiescé avec toute l'apréhension que ce type de discours me donnait.

— Tu vas douiller, p'tite peste ! a ricané Ove en me dévissant le crâne.

Je lui ai donné une tape sur la main. Il m'a donné une taloche.

— Hey ! Depuis quand tu rends les coups, toi ?! s'est-il insurgé.

— Ah, ça suffit ! a menacé ma mère. Ou je vous mets dehors !

— Cause toujours, la vieille.

— Guyem ! Dis quelque chose !

— Ove, a claqué Sawyer. Je veux du calme. À ton sujet, d'ailleurs, j'ai pris une décision.

J'ai pu voir le Scandinave froncer les sourcils. L'Irlandais a fait durer le suspense. Quel vicieux. Malgré la gravité de la situation, il se délecte toujours autant de ses petits effets de Deus ex machina.

— Tu dois rester auprès de la gamine. Quoi qu'il en...

— Mais pu...

— Quoi qu'il t'en coûte, a corrigé Sawyer en durcissant le ton. Les menaces qui pèsent sur elle sont nombreuses – trop nombreuses – et tu es le seul qui soit profondément lié à elle. Même si Jonah et moi seront aussi à proximité désormais, vous devrez tout de même dormir dans le lit double de la grande chambre. Tous les deux. Ensemble.

— Quoi ?! ai-je grincé.

— Et merde ! a renchérit Ove dont les joues avaient rosi d'un coup. On m'a rien d'mandé !

— Vous ne dites rien ? me suis-je insurgée, aussi furieuse que stupéfaite, devant l'absence de réaction de mes parents.

— Ta sécurité passe avant tout.

— Avant tout.

A nouveau, l'expression lointaine et vague, dans leur regard, me surprit. Sawyer leur avait fait quelque chose. Je suis sûre qu'il est capable de les droguer. Je crois qu'il y a une cérémonie vaudou qui permet de zombifier les gens avec une drogue spéciale. Jo s'y connaît, comme il est d'origine nigériane : le vaudou, c'est dérivé de la religion de son peuple. Après, mes parents ne me font pas trop penser à des zombies, tout de même. Mais je demanderai à Jonah, discrètement.

— Silence, Ove, a sifflé l'Irlandais, c'est une situation trop dangereuse.

— Sawyer, je ne suis absolument pas d'accord ! me suis-je insurgée, furieuse. Je ne sais pas si tu réalises mais ce que tu demandes est horriblement gênant et...

Le rouquin a agité la main sans me regarder, comme s'il chassait une mouche. Je le HAIS.

— Et il serait préférable que vous attachiez un petit fil entre vos chevilles, au cas où, ajouta-t-il avec un petit sourire narquois. Un peu comme le roi Louis XVI lorsque...

— Sawyer, tu exagères. Franchement, a grondé Jo.

Je n'en ai pas entendu davantage : je devais être rouge comme une tomate. Je ne contrôlais plus mes sentiments envers Ove et j'en avais bien conscience. Mais je m'étais fait la promesse de ne jamais rien laisser paraître, et voilà que ce débile de Sawyer proposait de me faire dormir collée au Suédois... Je me suis levée brutalement, repoussant la chaise sur laquelle j'étais assise. En évitant de croiser le regard de ceux qui m'entouraient, j'ai marmonné :

— Désolée, je... je dois aller... faire... un truc.

Little One... Sawyer, tu es une idiote !

— Gamine !

— La puce, reviens !

J'ai tourné les talons, entendant Boyd suggérer :

— En fait, c'est parce que c'est l'été, je pense. Il fait trop chaud pour dormir à deux.

*

Merci pour votre lecture ! Enfin, on revient un peu à la normale (enfin, façon de parler...) : j'espère que vous allez bien et comme c'est l'été au moment où je publie ces lignes, j'espère que vous vous hydratez bien ;-)

A très vite pour la suite !

Sea

https://youtu.be/Ejdx6_hYTiY

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