Chapitre 9




Bien qu'elle faisait tout son possible pour se laver rapidement, les gestes de Freya étaient maladroits et tremblants. Elle n'avait de cesse de vérifier le dos du viking derrière les voiles pour guetter le moindre de ses mouvements.

Pourtant, elle était si bien dans ce bain chaud qu'elle aurait pu y rester toute la journée.

Le temps pressait et plus encore. Elle devinait dans les furtifs mouvements d'épaules du Jarl qu'il s'impatientait.

- Vous n'êtes pas forcé de rester ici, osa-t-elle lui dire en glissant ses doigts dans ses cheveux pour retirer les nœuds.

- Je ne me force jamais à rien, déclara sa grosse voix sombre. Si je décide de rester là c'est que je le désire.

La bouche sèche, Freya sentit son cœur presque cesser de battre quand elle vit son ombre se retourner.

Soudain le voile fut soulevé pour mieux retomber silencieusement sur le sol et elle se retrouva en face de lui.

Il était si grand qu'elle avait l'impression que le tonneau s'était brisé d'un étage pour s'enfoncer dans le sol. Au lieu de baisser les yeux elle les souleva pour guetter les lueurs dans son regard et découvrit que lui aussi fixait ses yeux. Seules ses épaules nues dépassaient de l'eau tiède et les feuilles avec lesquelles elle s'était frottée cachaient sa nudité.

- De plus je dois dire que c'est amusant de t'entendre te débattre avec toi-même.

Il posa ses mains abîmées sur le rebord du tonneau sans jamais lâcher son regard.

- Je me dépêche, se justifia-t-elle en ayant l'impression que l'eau devenait gelée.

- De quoi as-tu peur esclave ? Que je te mordre ?

- Bien pire, répondit la jeune femme en baissant les yeux.

- Tu as raison de me craindre, mais sache que si j'avais voulu abuser de ton corps ça serait déjà fait depuis longtemps.

Cette précision émise avec cette voix de gorge menaçante lui glaça le sang au lieu de la rassurer.

- Dis-moi quand tu es prête que je te passe ta robe, ajouta-t-il en se retournant mais sans replacer le voile.

Freya plongea sa tête dans l'eau pour en finir avec ses cheveux longs et quitta le bain en vitesse. Elle faillit glisser sur le sol mais se rattrapa de justesse. Il lui passa la robe et attendit qu'elle soit vêtue pour se retourner.

Le sang soudainement très chaud elle le suivit dans la pièce principale, les cheveux encore mouillés.

Tout en cet homme était une source de mystères qu'elle cherchait en vain à décrypter. Il pouvait tout aussi bien être diabolique que fermé et distant.

- Ce soir tu m'accompagneras dans la salle commune, j'ai une victoire à fêter.

Cette information lui serra la gorge d'angoisse car cela signifiait s'exposer aux autres femmes qui ne lui avaient témoignées aucune bienveillance depuis son arrivée.

Elle savait que sa position d'esclave ne lui permettait en rien d'exiger quoi que ce soit de ces femmes, mais elle aurait au moins espéré que les autres esclaves lui témoignent du soutien.

- Est-ce nécessaire de vous accompagner ?

- Je ne te donne pas le choix.

Freya se retint de justesse et préféra ne pas insister.

- Termine tes tâches et ensuite je viendrai te chercher.

Il claqua la porte assez violemment et la laissa seule dans la demeure.

Freya se leva pour rejoindre la fenêtre afin de le regarder partir et décela dans sa démarche qu'il était pris d'une fulgurante colère. Son désir de le comprendre l'empêchait presque de ressentir cette peur qu'elle avait au ventre.

Arkin avait-il menti sur les viking où était-ce cet homme qui n'agissait pas comme il le devait avec elle ?

Freya poussa un profond soupir en se collant contre le mur et ferma les yeux heureuse de connaître un instant de solitude qui étrangement disparu quand les pas lourds du viking furent remplacés par le crépitement des bûches.

Elle se sentait seule et sans boussole. Étroitement serrée dans sa robe qui lui coupait le souffle elle décida de s'allonger près du feu et en oublia ses tâches. Ce qu'elle voulait c'est seulement rêver au bonheur qui lui avait été arraché avant même de le connaître.

Elle resta allongée assez longtemps pour se rendre compte qu'elle n'avait pas obéi aux ordres, mais était-ce volontaire de sa part ?

Freya connaissait la réponse.

Avec difficulté elle se releva pour commencer les tâches, mais la porte de la maison s'ouvrit sur lui et au fond d'elle, Freya voulait presque qu'il la punisse pour ne pas avoir obéi.

Le viking balaya la pièce d'un regard énigmatique et courba son index pour qu'elle se lève.

- Viens, je suis attendu, se contenta de dire le Jarl.

Avait-il remarqué qu'elle ne s'était pas occupé du linge ou faisait-il semblant de ne pas l'avoir vu posé salement à côté de la grande table.

Freya se mordit l'intérieur de la joue presque à sang, puis s'exécuta en le suivant.

Se rendre dans cette salle prévue pour célébrer la victoire du Jarl lui donnait de crampes à l'estomac car elle ne savait pas ce qui l'attendait.

Une petite voix lui murmurait de ne pas s'en faire mais au moment de passer les portes de la grande demeure qui ressemblait fortement à un château, Freya sentit ses mains trembler.

Elle voulut le supplier de reconsidérer sa présence, mais n'en avait pas le droit. Avec beaucoup de mal, elle tenta d'ignorer les regards de concupiscences que certains vikings portèrent à son égard et eut le reflex de se rapprocher de son maître.

Sa grande main se pressa sur son bras pour l'entraîner en direction du grand couloir et sans jamais cesser de garder les yeux baissés, Freya tendit l'oreille vers cette musique jouée par une lyre.

Au moment de passer les portes de la salle, le bruit de la harpe cessa brusquement et elle comprit que ce silence solennelle était destiné au Jarl.

Freya garda les yeux baissés en tentant de deviner ce qui se passait alors que les chuchotements remontaient jusqu'à elle plus précisément comme un frisson dans son dos.

Le plus insupportable c'est que le viking ne semblait pas presser d'avancer jusqu'au dais.

- Installe-toi ici, et ne bouge pas, ordonna-t-il en lâchant son bras.

La musique recommença et elle en fut soulagée. Enfin elle se risqua à lever les yeux et vit son maître qui siégeait sur un trône qui donnait sur l'ensemble de la salle. Il avait une allure si puissante que son aura autoritaire se propageait partout autour de lui.

Elle se tenait sur la marche, à côté de sa jambe puissante qui frappait le sol frénétiquement et pas au rythme de la musique. Un autre homme se tenait à ses côtés, observant la fête qui se déroulait en l'honneur du Jarl.

Freya déporta son regard sur la droite et fut accablée de regards mauvais et méprisants.

- Essaye de ne pas faire trop attention aux femmes vikings, lança une voix derrière elle.

Il s'agissait d'une femme rousse aux boucles désordonnées et qui arborait un sourire rassurant.

C'était pour ainsi dire le premier comportement bienveillant à son égard depuis sa captivité.

- Je me nomme Érra, et toi c'est Freya ?

- Oui, murmura-t-elle en prenant le soin de ne pas parler trop fort de peur que le viking l'entende.

Heureusement ce dernier parlait avec l'homme sur sa gauche et ne semblait pas se soucier d'elle.

- Toi aussi tu es une esclave ?

- Non, je suis la femme d'Einar, répondit-elle en pointant du menton l'homme avait qui le Jarl discutait.

- Alors tu ne devrais pas rester assise ici, ce n'est pas ta place. Tu ne devrais pas me parler. Je vais avoir des ennuis.

- Einar me laisse parler avec qui je le désire et si ça ne plaisait pas au Jarl, il se serait déjà manifesté.

Freya se pinça les lèvres en regardant la botte du viking qui continuait de frapper le sol.

- Tu as peur, je peux le comprendre, lança Érra en la regardant l'air peiné pour elle.

- Je voudrais tant rentrer dans mon village.

- Malheureusement je crains que ça ne soit pas possible.

Bien sûr elle le savait au fond d'elle, mais l'espoir l'empêchait de mourir de l'intérieur. Elle risqua un regard en direction des femmes agglutinées près d'une grande table et crut mourir quand la femme bien habillée la fusilla du regard.

- Essaye de ne pas faire attention à Holga, lui dit Érra d'une voix agacée.

- Qui est-ce ? ne put s'empêcher de demander Freya en tirant nerveusement sur ses doigts.

- Holga dirige les femmes, elle a une réputation assez...compliquée dirais-je, expliqua la rouquine en étirant une grimace. Holga a pratiquement séduit tous les vikings présents ce soir et un seul l'a rejeté.

Ce n'était pas difficile de savoir lequel, songea Freya.

- Il ne veut pas d'elle alors elle veut me le faire payer n'est-ce pas ?

Érra leva discrètement le regard en direction du Jarl avant de déclarer :

- Personne sur ces terres ne s'attendait à ce que le Jarl prenne une captive. Il n'a jamais fait ça.

- Il pensait que j'étais la femme de son ennemi.

- C'est aussi ce que nous avons pensé avant que tu tombes malade. Quand il a compris son erreur il a tout fait pour te soigner.

Bien que cette information lui fit battre le cœur, Freya resta de marbre.

- Holga espérait et espère toujours devenir la femme du Jarl. Ta beauté la fait craindre, même si tu es une esclave, tu n'en demeure pas moins un danger, une rivale, poursuivit Érra. Si tu as des ennuis avec elle, rapproche-toi d'Estrid. C'est une guerrière qui ne porte pas Holga dans son cœur.

Elle désigna discrètement une femme au visage très beau mais dur au fond de la salle.

- Merci pour tes précieux conseils, murmura-t-elle tristement.

Une main toucha son épaule puis sa main. Freya sursauta en baissant instinctivement les yeux. Érra s'échappa derrière les trônes et la laissa seule avec son maître.

- Tu es faim esclave ?

Harak serra la main de la jeune femme et trouva sa paume très froide. Érra avait eu beau s'échapper de l'autre côté du dais, Harak n'avait pas perdu une seule miette de leur conversation.

- Non, je vous remercie.

Il pressa son pouce sur son poignet et sentit son pouls battre à vive allure. Agacé, il la regarda en pressant ses lèvres dures de façon à taire l'ordre qu'il voulait lui donner.

- Tu as l'air soucieux plus qu'en colère, nota Einar.

Harak relâcha son poignet avec humeur et évitant le regard intrigué de son ami.

- Je dirais les deux.

- C'est ta première esclave, ça viendra avec le temps.

- Je n'arrive pas à la traiter comme tel.

- Je dirais que tu l'as traite à ta façon et je dois dire que j'approuve. Il vaut mieux que ça que la mort.

Harak ne put s'empêcher de la regarder, assise sur la marche, les yeux baissés, jouant avec ses mains envahie par cette terrible impression désagréable que même lui ressentait.

- Elle est divinement belle Harak, tu as beaucoup de chance, lança Einar en invitant Érra à prendre place sur ses genoux. Tu dois sans doute ressentir cette sensation intense t'envahir chaque fois que tu sais qu'elle t'appartient.

Bien pire, songea-t-il en apercevant Evander entrer dans la salle.

Harak termina son ale et se leva pour le rejoindre.

- Alors ? As-tu des informations à me donner.

- Il est a l'est, Edmund Calister a trouvé refuge dans un village avec ces derniers hommes encore en vie. Il sait que c'est toi qui l'a attaqué.

Harak étira un sourire cruel.

- Parfait. Est-ce que les villageois t'ont offert d'autres informations ?

- Il veut te proposer une rançon.

- Pour quelle raison ? S'étonna Harak en levant un sourcil. Pour son château ?

Evander donna un coup de menton derrière son épaule.

- Non pour la fille.

Le viking perdit son sourire diabolique et se rembrunit violemment.

- Il veut récupérer la fille, et il pense qu'elle s'est enfuie avec nous pour échapper à leur mariage. Il la considère comme une ennemie qu'il doit punir en allant jusqu'au bout de son exigence.

Comment pouvait-il encore douter après cela ? Songea-t-il alors que la colère grondait en lui.

Calister lui-même venait de confirmer qu'il s'agissait d'un mariage forcée et il accusait désormais la jeune villageoise de trahison.

- Merci Evander, parvint-il à lui dire la gorge serrée de fureur.

Il se retourna pour appuyer son regard sur la fille et cette sensation puissante dont Einar lui avait parlé se mit à grandir de plus en plus jusqu'à atteindre son apogée...

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